Article 56 (Articles L. 212-4 et L. 213-2 du code de l'environnement, article 83 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques et article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales) - Coopération intercommunale dans le domaine de l'eau
Commentaire : cet article tend à développer la dimension intercommunale dans la gestion de l'eau à l'échelon local.
I. Le droit en vigueur
A - Les établissements publics territoriaux de bassin
Sous l'impulsion de l'Union européenne, notre pays s'est fixé des objectifs ambitieux en matière de gestion des cours d'eau : 100 % des masses d'eau en très bon état à terme, en passant de 70 % aujourd'hui à moins d'un tiers de dérogation en 2015 et moins de 10 % en 2021.
La réalisation de ces objectifs passe par une concertation et une action poussées au plan local, en vue de la restauration et de l'entretien des cours d'eau, des zones humides et des réservoirs biologiques nécessaires au maintien de la biodiversité des milieux aquatiques et à la préservation du bon état des eaux.
Au niveau du sous-bassin hydrographique, l'intercommunalité paraît être l'échelle la plus pertinente pour ces enjeux locaux, tant pour la définition des documents programmatiques -les SAGE- que pour la mise en oeuvre coordonnée des mesures en découlant.
Or, le droit actuel , qui interdit à une collectivité de porter des études et des travaux sur un territoire sur lequel elle n'a pas de maîtrise des compétences, ne permet pas de telles actions. Il s'oppose en effet à ce qu'une intercommunalité porteuse des SAGE élaborés par les commissions locales de l'eau soit maître d'ouvrage . De leur côté, ces commissions, qui n'ont pas de personnalité juridique, ne peuvent être maîtres d'ouvrage des études nécessaires pour l'élaboration des SAGE et doivent demander aux collectivités de l'être à leur place.
Certes, les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), qui ont vu leur rôle reconnu par la loi du 10 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels, constituent les structures idoines pour la gestion de l'eau au niveau local . Ils disposent en effet des compétences nécessaires pour agir dans trois domaines :
- l' hydraulique , au moyen d'interventions dans la gestion des étiages ou la production d'eau potable ;
- l' environnement , avec des actions en faveur des poissons migrateurs ou de l'entretien des berges. L'article L. 213-12 du code de l'environnement leur reconnaît ainsi une mission de prévention des inondations, de gestion équilibrée de la ressource en eau et de gestion des zones humides ;
- le développement local , à travers des opérations en faveur du patrimoine naturel et culturel.
Constitués par les communes et leurs groupements sous forme d'établissements publics, ils interviennent dans un périmètre fixé par le préfet de bassin, qui a souvent une dimension interdépartementale, interrégionale, voire internationale. Véritables acteurs de l'aménagement du territoire, ils jouent en quelque sorte un rôle de « chefs de file » des collectivités situées sur le bassin ou sur le sous-bassin.
Cependant, si ces EPTB se sont progressivement développés, ils sont loin de couvrir toutes les zones pertinentes puisque 16 périmètres ont à ce jour été reconnus par arrêté préfectoral. D'autre part, le droit positif ne leur reconnaît pas compétence pour élaborer des SDAGE , ce qui pourrait s'avérer utile en l'absence d'intercommunalité dont l'aire d'intervention recouvre le périmètre d'un schéma.
B - La gestion globale des effluents urbains
Le service public de l'eau en France relève des communes et de leurs groupements, qui peuvent l'assurer soit directement -en régie-, soit indirectement -par délégation de service public-. Il comprend deux types de services publics locaux :
- le service de distribution (captage, traitement, distribution de l'eau potable et gestion de la clientèle) ;
- le service d' assainissement , qui peut être collectif ou individuel (collecte, dépollution, rejet des eaux usées, gestion de la clientèle et des raccordements).
L'établissement des réseaux d'assainissement d'une agglomération doit permettre l'évacuation correcte des eaux urbaines polluées -eaux usées et pluviales- afin d'éviter toute pollution des sols, d'empêcher la submersion des zones urbanisées et d'éviter la stagnation de ces eaux particulièrement dans les points bas de l'agglomération. Il existe deux types de réseaux :
- les réseaux unitaires reçoivent, en mélange, les eaux usées, les eaux pluviales et des produits de curage des égouts, mélange aussi appelé RUTP (rejets urbains de temps de pluie). C'est celui qui équipe la plupart des centres villes ;
- les réseaux séparatifs : un collecteur est dévolu au transport des eaux usées, un autre est dévolu aux eaux de ruissellement issues des eaux pluviales. Ces ouvrages sont plus récents.
Au-delà de certaines spécificités techniques et de différences statutaires -service public administratif (SPA) pour les eaux pluviales et service public industriel et commercial (SPIC) pour les eaux usées-, le service des eaux pluviales et le service d'assainissement se trouvent tous deux confrontés à des problèmes similaires de conformité de branchements et de capacités de transfert d'effluents et de traitement de dépollution avant leur rejet dans le milieu naturel.
Or, la séparation de la gestion de ces deux types de réseaux engendre une stratification et un morcellement des compétences préjudiciables à une approche globale et intégrée de l'hydraulique urbain, laquelle est indispensable en vue d'une meilleure maîtrise des inondations et protection des milieux récepteurs.
II. Le dispositif du projet de loi
Le présent article tend à renforcer la dimension intercommunale de la gestion de l'eau en appuyant la création et le développement des EPTB (I à III), et en favorisant le passage à une gestion globale des effluents urbains (IV).
Le I et le 1° du II confient aux EPTB l'élaboration et le suivi des SAGE, en l'absence d'une structure de coopération intercommunale dont le périmètre recouvre la totalité de celui du SAGE.
Ils complètent pour ce faire, dans son I, le I de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, posant l'existence et les missions des commissions locales de l'eau. Est ainsi prévu la création, par le préfet, de telles commissions pour l'élaboration, la révision et le suivi de l'application du SAGE. Il est précisé qu'elles peuvent confier l'exécution de certaines de leurs missions -en l'occurrence, la maîtrise d'ouvrage de l'élaboration et du suivi du SAGE- à un EPTB, à une collectivité territoriale ou à leurs groupements.
Le projet de loi propose de préciser que le transfert à l'EPTB a lieu lorsque le SAGE s'intègre dans son périmètre, et non dans celui d'une collectivité territoriale ou d'un de ses groupements . Cette disposition n'est appliquée qu'à compter de 2010, afin de ne pas remettre en cause des décisions déjà prises par des intercommunalités déjà existantes sur proposition des commissions locales de l'eau.
Le 1° du II tire la conséquence du I en incluant, dans les missions des EPTB telles que précisées à l'article L. 213-12 précité, la contribution à l'élaboration et au suivi des SAGE.
Le 2° du II permet aux représentants des collectivités locales au sein des commissions locales de l'eau de prendre l'initiative d'une réflexion sur la coopération intercommunale au sein du sous-bassin hydrographique concerné.
Dans l'article L. 213-12 précité, il confie au préfet coordonnateur de bassin, sur proposition desdits représentants, le soin d'étudier l'opportunité de constituer un EPTB et de leur en rendre compte. Cette mesure doit permettre de susciter la mise en place de ces structures intercommunales là où il serait opportun de les créer.
Le III prévoit le soutien, par les agences de l'eau et dans le cadre de leur IX ème programme, de la création et de l'action des EPTB .
A cette fin, il modifie le I de l'article 83 de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, qui prévoit les orientations prioritaires des programmes pluriannuels des agences de l'eau pour les années 2007 à 2012. Au 2° de ce I, prévoyant actuellement qu'elles sont chargées de contribuer à la réalisation des objectifs des SAGE, il est ajouté qu'elles favorisent dans ce but la création et les actions des EPTB.
La constitution et l'intervention des EPTB se trouve ainsi soutenue, tant par les commissions de l'eau que par les agences de l'eau. Selon le Gouvernement, ces dispositions devraient lancer une ligne directrice claire sur l'organisation à terme d'une intercommunalité par sous-bassin, et générer ainsi une simplification, une meilleure lisibilité et une plus grande sécurité juridique du système local de gestion de l'eau.
Enfin, le IV prévoit la mise en place d'un service unifié de l'assainissement dans les agglomérations .
Afin de garantir une gestion mieux coordonnée et plus harmonieuse de ces deux services, il a semblé en effet intéressant de les unifier au niveau d'intercommunalités de taille intermédiaire : les communautés d'agglomération.
On rappellera que celles-ci peuvent être créées par les communes concernées et le préfet départemental sous trois conditions :
- comporter un minimum de 50.000 habitants et un maximum de 500.000 70 ( * ) ;
- comporter une commune d'au moins 15.000 habitants 71 ( * ) ;
- être géographiquement d'un seul tenant et sans enclave.
L'article L 5216-5 du code général des collectivités territoriales leur reconnaît la possibilité de prendre les compétences assainissement et eau potable parmi les six compétences facultatives leur étant ouvertes. Le présent article du projet de loi complète l'alinéa consacré, en son sein, à la compétence assainissement afin d'y intégrer la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales dans les zones mentionnées aux 3° et 4° de l'article L. 2224-10 du même code, soit :
- les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ;
- les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement.
L' entrée en vigueur de cette disposition est reportée à 2012 afin de permettre aux communautés de délimiter les zones concernées et de préparer la mise en place des services. Il est prévu que chacun d'entre eux gardera sa spécificité statutaire : SPA pour les eaux pluviales et SPIC pour les eaux usées.
III. La position de votre commission
Votre commission souscrit au renforcement du rôle des EPTB prévu par cet article, ainsi qu'à la mise en place d'un service unifié de l'assainissement dans les agglomérations.
Les EPTB constituent en effet souvent l'entité et le périmètre optimaux pour l'élaboration et le suivi des SDAGE, en l'absence d'une structure intercommunale plus adaptée.
Quant à la seconde mesure, elle devrait permettre d'assurer une meilleure cohérence de la définition des travaux et favoriser les actions en amont de récupération ou d'écrêtement des débits des eaux pluviales.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |
* 70 Sauf création avant la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
* 71 Sauf si la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département ou la commune la plus importante du département.