Article 26
(articles L. 332-5, L. 332-6, L. 332-6-1,
L. 332-9,
L. 332-10 et L. 332-11 du code de la consommation)
- Déroulement de la procédure de rétablissement personnel
avec ou sans liquidation judiciaire
Commentaire : cet article précise le déroulement des procédures de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
I. Le droit en vigueur
La loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 ayant donné à la procédure de rétablissement personnel une nature exclusivement judiciaire, celle-ci se déroule entièrement devant le juge de l'exécution. Néanmoins, à tout moment de la procédure, le juge peut, s'il estime que la situation du débiteur n'est pas irrémédiablement compromise, renvoyer le dossier à la commission 363 ( * ) .
A. L'ouverture de la procédure
En application de l'article L. 332-6, la procédure nécessite la tenue d'une audience d'ouverture à laquelle, dans le délai d'un mois à compter de sa saisine, le juge de l'exécution convoque le débiteur et ses créanciers connus. Peut également participer à cette audience un travailleur social, ce qui peut permettre au juge de l'interroger pour l'éclairer sur la situation sociale du débiteur.
Le juge, après avoir entendu le débiteur et apprécié le caractère irrémédiablement compromis de sa situation ainsi que sa bonne foi, rend alors un jugement prononçant l'ouverture de la procédure qui a pour effet de suspendre les procédures d'exécution diligentées contre le débiteur et portant sur les dettes autres qu'alimentaires. La suspension est acquise jusqu'au jugement clôturant la procédure de rétablissement personnel.
Jusqu'à la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 de simplification du droit, cette audience d'ouverture ne pouvait permettre au juge de prononcer, dans un même jugement à la fois l'ouverture et la clôture de la procédure de la procédure 364 ( * ) . Or, en pratique, cette impossibilité s'est révélée d'une lourdeur très excessive lorsque le débiteur ne dispose manifestement que de biens meublants nécessaires à la vie courante et de biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou lorsque les éléments d'actif de son patrimoine ne sont constitués que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. Dans une telle situation, l'application de la procédure de vérification des créances et la mise en vente des biens du débiteur apparaissent en effet totalement inutiles.
Aussi, depuis cette loi, l'article L. 332-6-1 du code de la consommation permet-il au juge, lorsqu'il constate lors de l'audience d'ouverture que le débiteur est manifestement dans cette situation, d'ouvrir et de clôturer la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif par un même jugement . Le greffe procède alors à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été convoqués à l'audience d'ouverture de former tierce opposition à l'encontre de ce jugement. Les créances dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité sont éteintes.
B. Les opérations de vérification des créances et de liquidation des biens du débiteur
Une fois la décision prise d'ouvrir la procédure, le juge peut désigner un mandataire figurant sur une liste établie par le procureur de la République qui comprend les mandataires judiciaires intervenant dans le cadre des procédures collectives applicables aux entreprises 365 ( * ) , des huissiers de justice 366 ( * ) et des associations tutélaires, familiales ou de consommateurs ou des membres de ces associations.
Le juge peut également faire procéder à une enquête sociale et ordonner un suivi social du débiteur. En outre, nonobstant toute disposition contraire, le juge peut obtenir communication de tout renseignement lui permettant d'apprécier la situation du débiteur et l'évolution possible de celle-ci.
Le mandataire ou, à défaut, le juge procède aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers. Ceux-ci doivent produire leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture. A défaut, ces créances sont éteintes, sauf à ce que soit prononcé par le juge un relevé de forclusion. Le juge statue sur les éventuelles contestations de créances
Le mandataire dresse un bilan de la situation économique et sociale du débiteur, vérifie les créances et évalue les éléments d'actif et de passif du patrimoine du débiteur. A compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure, celui-ci ne peut aliéner ses biens sans l'accord du mandataire ou, à défaut de mandataire désigné, du juge.
Le juge, sur la base de ces éléments, prononce la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur, dont sont exclus les biens insaisissables énumérés à l'article 14 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution (voir l'encadré de la page suivante), ainsi que les biens dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale et les biens non professionnels indispensables à l'exercice de l'activité professionnelle du débiteur.
Le juge désigne alors un liquidateur - qui peut être le mandataire - et prononce la liquidation des biens du débiteur. Celle-ci emporte de plein droit dessaisissement du débiteur de la disposition de ses biens . Ses droits et actions sur son patrimoine personnel sont exercés pendant toute la durée de la liquidation par le liquidateur.
Le liquidateur dispose d'un délai de douze mois pour vendre les biens du débiteur à l'amiable ou, à défaut, organiser une vente forcée.
LES BIENS INSAISISSABLES AU SENS DE L'ARTICLE 14
DE LA LOI N° 91-650
Aux termes de cette disposition, sont insaisissables : - les biens que la loi déclare insaisissables ; - les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ; - les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, si ce n'est, avec la permission du juge et pour la portion qu'il détermine, par les créanciers postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs ; - les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans une certaine limite. Ces biens demeurent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce. Ils ne peuvent être saisis, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la propriété des bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance ; - les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades. Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix. |
En cas de vente forcée, lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant le jugement d'ouverture a été suspendue par l'effet de ce dernier, les actes effectués par le créancier saisissant sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue.
Le liquidateur procède à la répartition du produit des actifs et désintéresse les créanciers suivant le rang des sûretés assortissant leurs créances.
A titre exceptionnel, lorsqu'il estime que la liquidation judiciaire peut être évitée, le juge est néanmoins autorisé à établir, le cas échéant sur proposition du mandataire, un plan de redressement comprenant les mêmes mesures que celles que peut prononcer la commission de surendettement en application de l'article L. 331-7 367 ( * ) .
C. La clôture de la procédure
Une fois que le liquidateur a procédé à la vente des biens du débiteur et a désintéressé ses créanciers avec les sommes obtenues intervient alors la phase de clôture de la procédure, qui intervient par jugement . Deux situations peuvent se présenter.
La première est celle où la réalisation des actifs du débiteur permet de désintéresser l'ensemble des créanciers. Les dettes du débiteur étant payées, la clôture est prononcée par le juge.
La seconde est celle où la vente des actifs s'est révélée insuffisante pour désintéresser l'ensemble des créanciers, lorsque le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou lorsque son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.
Dans ce cas, le juge prononce la clôture pour insuffisance d'actif. La clôture entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, à l'exception de celles dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé. Depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, cet effacement s'applique également à la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.
Le juge peut, dans le jugement d'ouverture, ordonner des mesures de suivi social du débiteu r. Cependant, en pratique, ces mesures ne sont pas prononcées. L'ANJI a fait valoir que faute d'un contenu précis des mesures susceptibles d'être ordonnées, le dispositif était inopérant en pratique. La question de la légitimité du juge de l'exécution à contrôler la bonne exécution de ces mesures a même été posée par le Gouvernement, ce dernier estimant qu'il n'entre pas dans les compétences de ce juge -à la différence, par exemple, du juge aux affaires familiales ou du juge des enfants- d'imposer ce type de mesures et d'en contrôler l'application.
Le débiteur ayant bénéficié de la procédure de rétablissement personnel fait l'objet, à ce titre, d'une inscription au FICP pour une période de huit ans 368 ( * ) .
II. Le texte du Gouvernement
Le texte du Gouvernement met en place des modalités procédurales différentes selon que le rétablissement personnel intervient avec ou sans liquidation judiciaire.
A. Un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire recommandé par la commission de surendettement et rendu exécutoire par le juge
Réécrivant l'article L. 332-5 du code de la consommation, le 1° du texte du Gouvernement donne à la commission de surendettement le pouvoir de recommander une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire .
A l'instar des autres mesures recommandées par la commission en application de l'article L. 337-1-1, cette recommandation n'aura force exécutoire que si le juge l'homologue.
Dans ce cadre, le contrôle du juge portera à la fois sur la régularité et sur le bien fondé de cette mesure. Il lui reviendra donc d'examiner si la situation du débiteur justifie effectivement l'effacement des dettes non professionnelles.
Comme aujourd'hui, cet effacement ne concernera que ses dettes non professionnelles ainsi que celles résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société .
En seront toutefois exclues :
- les dettes alimentaires visées à l'article L. 333-1 et celles résultant d'un prêt sur gage accordé par une caisse de crédit municipal 369 ( * ) ;
- les dettes dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques . Par rapport au droit en vigueur, le champ de la mesure d'effacement est donc élargi, afin d'éviter certains détournements de procédure de la part des créanciers professionnels 370 ( * ) .
L'effacement de dette sera opposable à l'ensemble des créanciers du débiteur dont les créances sont effaçables . Une mesure de publicité, dont le contenu sera précisé par décret, sera faite au profit des créanciers.
B. Un rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ouvert et prononcé par le juge
Le régime procédural du rétablissement personnel avec liquidation judiciaire reste identique à celui prévu par le droit en vigueur . Le texte du Gouvernement lui apporte toutefois quelques modifications ponctuelles.
Le texte proposé, outre plusieurs mesures de coordination aux articles L. 332-6 et L. 332-6-1, prévoit à l'article L. 332-6 que la suspension des procédures d'exécution contre les biens du débiteur inclut également celle des mesures d'expulsion du logement du débiteur . Cette précision répond à un souci de clarifier l'état du droit en la matière.
Il précise par ailleurs, à l'article L. 332-9, par parallélisme avec la solution adoptée en matière de rétablissement personnel, que seules les dettes dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par des personnes physiques qui se sont portées caution ou sont codébiteurs solidaires échapperont à la mesure d'effacement .
Le texte du Gouvernement complète par ailleurs l'article L. 332-10 relatif aux mesures de redressement que le juge peut, à titre exceptionnel, prononcer au lieu et place du rétablissement personnel du débiteur, par coordination avec la renumérotation des dispositions définissant les pouvoirs des commissions de surendettement 371 ( * ) .
En dernier lieu, il remplace la disposition figurant à l'article L. 332-11 relative à la durée d'inscription au FICP par une disposition aux termes de laquelle les dettes effacées dans le cadre d'un rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire valent régularisation des incidents liés à l'absence de provision sur le compte bancaire sur lequel a été tiré un chèque .
L'article L. 131-73 du code monétaire et financier, combiné avec l'article L. 131-78 du même code, prévoit en effet que le banquier tiré peut refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante, après avoir informé le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision. Ce refus s'accompagne d'une injonction au titulaire du compte de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés.
Le titulaire du compte ne recouvre la faculté d'émettre des chèques qu'à l'issue d'un délai de cinq ans qui court à compter de l'injonction. Il peut néanmoins procéder à une régularisation qui consiste, d'une part, dans le règlement du montant du chèque impayé ou dans la constitution d'une provision suffisante et disponible sur le compte et, d'autre part, dans le paiement d'une pénalité libératoire.
La rédaction proposée par le Gouvernement implique que l'auteur d'un chèque sans provision recouvrira la possibilité d'émettre des chèques du fait même de la clôture du rétablissement personnel, sans avoir à reconstituer la provision ni à payer une pénalité.
III. Le texte de la commission spéciale
Votre commission spéciale soutient fermement la possibilité donnée à la commission de surendettement de recommander un rétablissement personnel sans liquidation, sous le contrôle du juge . Il s'agit d'une simplification procédurale essentielle qui permettra d'assurer une plus grande célérité de prise en charge des cas les plus obérés de surendettement.
Elle a en conséquence repris, dans le texte qu'elle vous soumet, l'essentiel du dispositif retenu par le Gouvernement, en y apportant néanmoins, à l'initiative de votre rapporteur , deux types de modifications :
- d'une part, elle a modifié l'article L. 332-6 du code de la consommation afin de mieux mettre en exergue que le jugement d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel n'interviendra que s'il convient de prononcer la liquidation judiciaire des biens du débiteur ;
- d'autre part, au même article ainsi qu'à l'article L. 332-9, elle a remplacé la possibilité donnée au juge d'ordonner une mesure de suivi social indéterminée par une obligation faite au juge, de l'inviter à solliciter une mesure d'accompagnement social personnalisée , selon un dispositif similaire à celui que votre commission spéciale a prévu lorsque le juge de l'exécution statue sur les contestations des mesures imposées ou recommandées par la commission de surendettement 372 ( * ) .
Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié . |
* 363 Article L. 332-12 du code de la consommation.
* 364 En ce sens, voir l'avis rendu par la Cour de cassation le 24 juin 2005.
* 365 Ces professionnels sont régis par les articles L. 812-1 et suivants du code de commerce.
* 366 Toutefois, ne peuvent être désignés comme mandataires les huissiers ayant antérieurement procédé à des poursuites à l'encontre du débiteur.
* 367 Article L. 332-10 du code de la consommation.
* 368 Article L. 332-11 du code de la consommation.
* 369 Voir l'article L. 333-1-2 nouveau du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'article 22 du projet de loi.
* 370 Voir supra, le commentaire de l'article 23 du projet de loi.
* 371 Voir supra , le commentaire de l'article 23 du projet de loi.
* 372 Voir supra , le commentaire de l'article 24 du projet de loi.