CHAPITRE II - PROCÉDURE DE RÉTABLISSEMENT PERSONNEL
Par coordination avec la suppression du chapitre II du titre IV du projet de loi, votre commission spéciale a, à l'initiative de votre rapporteur , transformé le chapitre III du projet de loi, relatif à la procédure de rétablissement personnel, en un chapitre II .
Article 25 (article L. 330-1 du code de la consommation) - Orientation du débiteur vers la procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire
Commentaire : cet article opère une distinction entre deux procédures de rétablissement personnel : l'une, préexistante, avec liquidation judiciaire des biens du débiteur ; l'autre, nouvelle, sans liquidation. Il confère à la commission un pouvoir d'orientation entre ces deux mécanismes procéduraux.
I. Le droit en vigueur
L'apport essentiel de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 en matière de traitement des situations de surendettement a été d'instituer une procédure de rétablissement personnel conduisant à l'effacement total des dettes du débiteur, après mise en oeuvre d'une liquidation judiciaire des biens du débiteur, afin de désintéresser les créanciers.
La procédure de rétablissement personnel constitue une procédure subsidiaire par rapport à la procédure de traitement des situations de surendettement devant la commission de surendettemen t. Elle ne peut en effet intervenir, aux termes de l'article L. 330-1 du code de la consommation, que lorsque la personne en situation de surendettement est dans une situation « irrémédiablement compromise », caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre des mesures de traitement devant la commission .
Inspirée du régime de la faillite civile applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la procédure de rétablissement personnelle est une procédure exclusivement judiciaire . Comme en matière de procédures collectives applicables aux entreprises, elle est ouverte et clôturée par un jugement. Le juge compétent étant le juge de l'exécution.
Outre les exemples offerts par le droit local et le droit des entreprises en difficulté, l'intervention judiciaire a été jugée comme une garantie importante, tant pour les créanciers que pour le débiteur lui-même, compte tenu de l'effacement des dettes et de la vente forcée des biens du débiteur auxquelles conduit cette procédure.
Ces effets expliquent également que la procédure de rétablissement personnel ne puisse être ouverte qu'avec l'accord du débiteur lui-même. Néanmoins, selon les informations communiquées à votre rapporteur, en 2008, la proportion de débiteurs ayant refusé une orientation en procédure de rétablissement personnel a été inférieure à 2 % du total de ceux auxquels une telle orientation a été proposée.
Depuis janvier 2004, date d'entrée en vigueur de la procédure de rétablissement personnel, 121.000 dossiers ont été orientés vers cette procédure , sur un total de 780.000 dossiers. Sur les douze derniers mois, les dossiers traités dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel ont représenté 21 % des dossiers admis au traitement des situations de surendettement .
Dès 2005, le comité de suivi de la loi du 1 er août 2003, présidé par M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, avait estimé que la mise en place de cette procédure judiciaire avait, à elle seule, conduit à une augmentation de plus de 20 % de la charge de travail des juridictions alors même que les effectifs de magistrats et de greffiers n'augmentaient pas dans des proportions comparables. Il en est résulté des délais de traitement judiciaires inconciliables avec la situation particulièrement difficile des débiteurs concernés par cette procédure. En effet, l'audiencement moyen des affaires intervient dans un délai de six mois, mais dans certaines juridictions, ce délai peut atteindre 24 mois...
Ces difficultés ont donné lieu à certaines évolutions ponctuelles du dispositif.
La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a ainsi apporté plusieurs modifications aux dispositifs adoptés en 2003, concrétisant ce faisant plusieurs recommandations émises par le comité d'évaluation présidé par M. Guy Canivet.
Elle a notamment exclu de la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur, outre les biens insaisissables énumérés par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution et les biens non professionnels indispensables à l'exercice de l'activité professionnelle du débiteur 357 ( * ) , les biens dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale 358 ( * ) .
Elle a par ailleurs prévu que le juge peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif dès lors que l'actif du débiteur n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale 359 ( * ) .
De même, la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit a permis au juge de l'exécution, dès l'audience d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel, de procéder par un même jugement à l'ouverture et à la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif 360 ( * ) . Le greffe procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été convoqués à l'audience d'ouverture de former tierce opposition à l'encontre du jugement. Les créances dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité sont éteintes.
Plus récemment, la question s'est même posée de savoir si la nature purement judiciaire de la procédure était véritablement nécessaire, compte tenu de la nature des intérêts en jeu .
La commission sur la répartition des contentieux, présidée par le recteur Serge Guinchard, a ainsi estimé que la procédure de rétablissement personnel comportait une « audience judiciaire inutile » et constituait, en définitive « une procédure complexe, source d'insécurité juridique ».
De manière plus générale, elle a considéré, dans son rapport 361 ( * ) remis en juillet 2008 au garde des Sceaux, ministre de la justice, que la mise en oeuvre de dispositifs de traitement des situations de surendettement « n'entre pas dans les missions fondamentales du juge, dont l'office est de résoudre, par le droit, une situation conflictuelle ou de veiller au respect du droit dans des affaires non contentieuses. De surcroît, les règles de la procédure civile, parce qu'elles reposent sur le débat judiciaire, sont peu adaptées au règlement des dossiers de surendettement, qui comportent un nombre très important de parties, lesquelles se désintéressent bien souvent de la procédure. Enfin, d'un point de vue pratique, les magistrats ne sont pas les intervenants les mieux armés pour élaborer des plans de surendettement, qui nécessitent principalement une bonne maîtrise des logiciels informatiques de simulation d'apurement de dettes. C'est pourquoi les contours de l'intervention du juge doivent faire l'objet d'une nouvelle délimitation. Cela implique de repenser le dispositif actuel dans son ensemble afin, d'une part, de donner une compétence générale à la commission de surendettement et, d'autre part, d'offrir plus de souplesse dans le choix entre les différentes mesures de traitement applicables. »
II. Le texte du Gouvernement
Le texte du Gouvernement, s'inspirant du constat fait par la commission Guinchard, propose de modifier l'article L. 330-1 du code de la consommation afin de consacrer l'existence de deux procédures distinctes de rétablissement personnel.
Le 1° du texte proposé apporte une coordination destinée à prendre en compte la renumérotation des articles du code de la consommation définissant les prérogatives des commissions de surendettement.
Le 2° différencie les conditions du prononcé d'un rétablissement personnel, en se fondant sur l'état du patrimoine du débiteur .
L'existence même d'un rétablissement personnel postule la « situation irrémédiablement compromise » du débiteur, c'est-à-dire le fait que ses ressources et son patrimoine ne lui permettent pas de faire face à ses dettes, même en bénéficiant de mesures de traitement mentionnées aux articles L. 331-7, L. 331-7-1 et L. 331-7-2. Néanmoins, il existe une gradation dans cette situation. Dans certaines hypothèses, le débiteur peut ne disposer que d'un patrimoine mobilier réduit à quelques éléments indispensables à sa vie courante. Dans d'autres, il peut être propriétaire d'autres biens dont la vente permettrait de désintéresser une partie de ses créanciers.
Prenant en compte ces deux situations, le texte du Gouvernement permet à la commission de surendettement :
- lorsque le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des « biens professionnels » indispensables à l'exercice de son activité professionnelle 362 ( * ) , ou lorsque l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, de recommander un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ;
- lorsque le débiteur possède d'autres biens que ceux-ci , de saisir le juge de l'exécution aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire. Cette saisine ne pourra, comme aujourd'hui, intervenir qu' avec l'accord du débiteur . L'intervention du juge dans ce cadre constitue une garantie, dès lors que la procédure aboutit à la vente forcée des biens du débiteur.
Dans la mesure où la décision prise par la commission à cet égard constitue une décision d'orientation du dossier du débiteur, elle pourra faire l'objet d'un recours devant le juge de l'exécution en application de l'article L. 331-3 du code de la consommation.
Le texte proposé par le Gouvernement reprend par ailleurs, en les adaptant, les dispositions actuelles de l'article L. 332-5 en prévoyant qu' à l'occasion des recours en contestation des décisions de la commission en matière d'orientation du dossier ou des mesures qu'elle a recommandées , le juge de l'exécution pourra, avec l'accord du débiteur, décider l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire .
La contestation de décisions de la commission donnant compétence au juge pour examiner l'ensemble de la situation du débiteur, il apparaît logique en effet de lui permettre, s'il constate sa situation irrémédiablement compromise, d'ouvrir à son égard une procédure de rétablissement personnel.
La reprise de l'article L 332-5 n'est toutefois que partielle, puisque cette même disposition offre aujourd'hui la possibilité au débiteur de saisir directement le juge de l'exécution aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement judiciaire si, au terme d'un délai de neuf mois à compter du dépôt de son dossier devant la commission, celle-ci n'a pas décidé de son orientation. Cette absence dans le texte du Gouvernement traduit la volonté de faire de la commission de surendettement le seul et unique organe de la procédure compétent pour décider de l'orientation du dossier, sous le contrôle du juge de l'exécution.
III. Le texte de la commission spéciale
Votre commission spéciale estime que l'institution d'un pouvoir de recommandation au lieu et place d'un pouvoir de saisine du juge aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel constitue une simplification procédurale essentielle.
Elle évite de tenir une audience qui, compte tenu de la situation du débiteur, n'a pas d'utilité avérée, sans pour autant remettre en cause l'exercice d'un contrôle juridictionnel. Cette mesure devrait être de nature à raccourcir de plusieurs mois le délai de prononcé du rétablissement personnel du débiteur.
Dans le texte qu'elle vous soumet, votre commission spéciale a néanmoins apporté, à l'initiative de votre rapporteur , plusieurs modifications au dispositif envisagé par le Gouvernement, tendant à préciser :
- que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ne peut intervenir que si le débiteur ne dispose que de biens non professionnels nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle . Cette formulation permet de maintenir sans changement le droit en vigueur ;
- que le rétablissement personnel avec liquidation judiciaire est exclusivement prononcé dans les cas où le débiteur a d'autres biens que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou lorsque l'actif de son patrimoine n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale ;
- que le juge pourra également décider d'ouvrir d'office une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire lorsqu'il statue dans le cadre de contestations de mesures recommandées par la commission de surendettement .
Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié . |
* 357 Notamment, le véhicule automobile permettant au débiteur de gagner son lieu de travail.
* 358 Article L. 332-8 du code de la consommation.
* 359 Article L. 332-38 du même code.
* 360 Article L. 332-6-1 du même code.
* 361 « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée ».
* 362 Cette notion recouvre, en particulier, le véhicule et l'ordinateur.