EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - CRÉDIT À LA
CONSOMMATION
Ce titre contient l'ensemble des dispositions du projet de loi modifiant le régime juridique applicable aux crédits à la consommation , actuellement codifiées au chapitres I er et III du titre I er du livre III du code de la consommation, ainsi qu'un article rédactionnel (article 1 er B) et un autre (article 13) modifiant les dispositions applicables aux intermédiaires de crédit.
CHAPITRE IER - DÉFINITIONS ET CHAMP D'APPLICATION
A l'article initial unique de ce chapitre, qui définit les principales notions utilisées en droit du crédit à la consommation et délimite le champ couvert par ce droit, votre commission en a ajouté deux autres :
- un article 1 er A qui prépare la réforme du calcul du taux de l'usure applicable aux crédits à la consommation ;
- un article 1 er B de portée rédactionnelle.
Article 1er A (article L. 313-3 du code de la consommation) - Refonte des catégories de prêts à la consommation pour la détermination des seuils de l'usure
Commentaire : cet article réforme le calcul des taux de l'usure applicables aux prêts à la consommation en procédant à une refonte des catégories concernées sur le seul critère du montant des prêts. Le Gouvernement, qui devra fixer les seuils retenus par voie réglementaire, est autorisé à prendre des mesures transitoires pour la mise en oeuvre de cette réforme, ainsi qu'en cas de variation exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit. L'article prévoit en outre la remise au Parlement et au Gouvernement, par un comité ad hoc , d'une étude périodique analysant, notamment au regard du mode de fixation des taux de l'usure, le niveau et l'évolution des taux d'intérêt des crédits aux particuliers.
La France fait partie des pays ayant fait le choix de plafonner les taux d'intérêt 172 ( * ) . Ce taux maximal prend le nom de « taux de l'usure ».
Du moins pour les particuliers 173 ( * ) , le seuil de l'usure semble le résultat d'un compromis socio-économique tendant à ce que :
- les taux-plafonds soient assez élevés pour permettre aux emprunteurs offrant des garanties réduites d' accéder néanmoins au crédit , le prêteur étant rétribué à hauteur du risque 174 ( * ) encouru (pas de rationnement du crédit) ;
- les taux-plafonds soient suffisamment bas pour que les banques , faute de pouvoir se rétribuer à hauteur de risques élevés, ne prêtent pas aux emprunteurs les plus fragiles , dont la précarité se trouverait encore accentuée par un volume accru d'intérêts à rembourser.
Aujourd'hui, ce compromis ne paraît plus équilibré, ce qui appelle l'attention croisée du législateur et du gouvernement , dont la prudence doit être redoublée dans un contexte de crise : si le besoin de protection s'accroît avec les risques de surendettement, la consommation des ménages, dans son ensemble, doit être soutenue en préservant le meilleur accès possible au crédit (voir exposé général).
I. Le droit en vigueur
Les modalités actuelles de détermination des seuils de l'usure ne semblent plus aboutir à une situation satisfaisante pour les prêts à la consommation 175 ( * ) : les prêts personnels amortissables font l'objet d'un rationnement évident tandis que certains crédits renouvelables sont consentis à des taux qui apparaissent élevés .
Dans une telle situation, le législateur se doit d'intervenir, mais aussi de mesurer la portée de son intervention, sachant qu'il est « essentiel que les impacts d'une éventuelle réforme soient mesurés et analysés sereinement avant qu'une décision soit prise en concertation avec les professionnels » 176 ( * ) , Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ayant par ailleurs demandé conjointement à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires sociales un rapport sur l'usure, remis le 27 mai 2009 à la commission spéciale, soit un jour avant la date limite de dépôt de ses amendements .
A. Une détermination endogène du taux de l'usure
La règle de détermination des taux de l'usure en France consiste à appliquer une majoration du tiers aux taux effectifs moyens 177 ( * ) observés au cours du trimestre précédent pour six catégories de prêts aux particuliers.
SEUILS DE L'USURE (TU) ET TAUX EFFECTIFS MOYENS
(TEM)
PRATIQUÉS PAR LES ÉTABLISSEMENTS DE
CRÉDIT
4 ème trimestre 2008 |
1 er trimestre 2009 |
|||
J.O. du 31.12.08 |
J.O. des 28 et 31.03.08 |
|||
Taux effectif moyen (au 4T2008) |
Taux de l'usure au 1/1/09 |
Taux effectif moyen (au 1T2009) |
Taux de l'usure au 1/4/09 |
|
Prêts de trésorerie |
||||
Prêts d'un montant inférieur ou égal à 1.524 € |
15,99 % |
21,32 % |
16,02 % |
21,36 % |
Découverts en compte, prêts permanents et financement d'achats ou de VAT 178 ( * ) d'un montant supérieur à 1.524 € et prêts viagers hypothécaires |
15,83 % |
21,11 % |
15,69 % |
20,92 % |
Prêts personnels et autres prêts
|
7,44 % |
9,92 % |
7,53 % |
10,04 % |
Prêts immobiliers |
||||
Prêts à taux fixe |
5,85 % |
7,80 % |
5,87 % |
7,83 % |
Prêts à taux variable |
5,85 % |
7,80 % |
5,95 % |
7,93 % |
Prêts-relais |
5,79 % |
7,72 % |
6,04 % |
8,05 % |
Source : Sénat, service des études économiques, et Banque de France
Ce mécanisme, mis en place au commencement des années quatre-vingt dix 179 ( * ) , dénote une certaine confiance dans les mécanismes du marché pour déterminer, au regard des pratiques moyennes, ce que peut être une pratique abusive, lesquelles, sous la pression de la concurrence, sont présumées ne pouvoir se généraliser.
Le taux usuraire pourrait ainsi être défini comme « un taux hors marché, c'est-à-dire tout taux excédant la rémunération des risques assumés par les prêteurs dans la frange risquée du marché » 180 ( * ) .
Mais il apparaît que les taux de l'usure, ainsi déterminés de façon endogène , ne sont pas sans incidence sur les taux moyen pratiqués le trimestre en cours, et donc sur les taux de l'usure du trimestre suivant, créant une dynamique propre (qu'on pourrait qualifier d' itérative ).
B. Une mécanique en partie dévoyée
Pour les prêts supérieurs à 1.524 euros , la divergence croissante des taux de l'usure en fonction de la formule de prêt constitue une évolution préoccupante .
Par ailleurs, certains taux apparaissent intrinsèquement élevés , même si cette approche doit être nuancée au regard des montants prêtés lorsqu'ils sont faibles.
Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que la couverture des risques présente un coût et que l'on ne saurait donc peser sur les taux d'intérêts sans accroître les phénomènes d'exclusion du crédit. Si le taux plafond descend, toutes choses égales par ailleurs, le coût du risque se trouve contraint et la frange la plus risquée de la clientèle est alors vouée à l'exclusion. Réciproquement, toute hausse du plafond aboutit renforcer l'accès au crédit, mais alors « aucune estimation réellement fiable ne permet [aujourd'hui] d'apprécier l'ampleur de l'éviction du crédit à la consommation » 181 ( * ) .
1. Une dynamique de « spécialisation du risque » par type de crédit devenue préjudiciable aux consommateurs
Au-delà de seuil de 1.524 euros, l'écart entre les taux de l'usure pour les prêts personnels (10 %) et les facilités permanentes (21 %) paraît très important (11 points) . Cet écart s'est considérablement creusé au cours des dernières années, sachant qu'il gravitait autour de 3 points au milieu des années quatre-vingt-dix. Les deux graphes suivants montrent ainsi que :
- depuis 1994, l'écart entre les taux de l'usure en vigueur concernant, d'une part, les prêts personnels d'un montant supérieur à 1.524 euros et, d'autre part, les deux autres catégories de prêts , est allé croissant (premier graphe) ;
- depuis 1999, l'écart ( « spread » ) entre les taux moyen des trois catégories de prêt à la consommation et les conditions du refinancement bancaire (Euribor à trois mois 182 ( * ) ) a évolué de façon fortement différenciée (second graphe).
Il ressort ainsi que les établissements de crédit ont « spécialisé » les catégories de prêts en fonction du risque de non remboursement présenté par les clients :
- les prêts personnels se sont progressivement concentrés sur les clientèles à plus faible risque (la pente de la courbe bleue est globalement descendante, donc l'écart entre le taux de refinancement et le taux client a baissé, ce qui laisse présumer une diminution de la prime de risque moyenne) ;
- les prêts permanents se sont progressivement concentrés sur les clientèles à plus forts risques (la pente de la courbe orange est globalement ascendante, donc l'écart entre le taux de refinancement et le taux client s'est accru, ce qui laisse supposer que le risque moyen 183 ( * ) a augmenté).
ÉVOLUTION COMPARÉE DES TAUX DE L'USURE
POUR LES TROIS CATÉGORIES DE PRÊT À LA CONSOMMATION
Source : Sénat, service des études économiques - Données Banque de France
ÉVOLUTION COMPARÉE DES
« SPREADS » ENTRE LES TAUX MOYENS
DES TROIS
CATÉGORIES DE PRÊT À LA CONSOMMATION ET
LES CONDITIONS DU REFINANCEMENT BANCAIRE
Source : Sénat, service des études économiques - Données Banque de France
Cers évolutions différentiées ont été suscitées par le mode de détermination des taux de l'usure qui a permis, pour les prêts renouvelables , d'augmenter progressivement les taux moyens (plus exactement les primes de risque sur ces crédits) à mesures qu'ils se sont « spécialisés » dans les risques élevés et, pour les prêts personnels , de diminuer progressivement les taux moyens ( i.e. les primes de risque sur ces crédits) à mesure qu'ils se sont « spécialisés » dans les risques d'un faible niveau.
Cette mécanique peut être décrite comme celle de l' « échelle de perroquet » :
• concernant les
crédits
renouvelables
, certains établissements de crédit ont
tendance à « coller », pour une part importante de
leur clientèle, au taux de l'usure, car la
concurrence
se fait souvent davantage par la
facilité et la rapidité
d'accès au crédit plutôt que par les prix
(taux
d'intérêts). Ainsi, il est possible de
couvrir des risques
plus importants
par des taux plus élevés (voire de
mutualiser les risques
184
(
*
)
entre clients dont certains présenteraient
des caractéristiques qui les rendraient
« naturellement » éligibles à des taux
supérieurs aux taux de l'usure) tout en
augmentant les marges
(
infra
). Le taux effectif moyen a donc tendance à
s'accroître ainsi que, d'un trimestre à l'autre, les taux de
l'usure successifs. Il est à noter que seuls les
établissements spécialisés
, qui
représentent plus de 80 % de l'encours de prêts
renouvelables, sont concernés par cette spécialisation du risque,
les banques ayant fait le choix de concentrer leur activité sur la
clientèle la plus sûre ;
DISTRIBUTION DES TAUX DES CRÉDITS PERMANENTS SUPÉRIEURS
À 1 524 EUROS, PAR TYPE D'ÉTABLISSEMENT, SPÉCIALISÉ OU GÉNÉRALISTE
Source : Banque de France
NB : en abscisse, figurent les taux effectifs globaux gradués de 0 % à 22,5 %
• un mécanisme inverse se met en place
pour les
prêts personnels
, essentiellement
accordés par les
banques
, où la
concurrence par les taux joue davantage
. La clientèle
est alors sélectionnée par les banques pour présenter le
moins de risques possible, ce qui exerce une pression à la baisse sur
les taux moyen pratiqués et donc sur le taux de l'usure, dont la
diminution entraîne une nouvelle baisse du taux moyen
via
l'exclusion d'une nouvelle frange de la clientèle, et ainsi de suite.
EFFETS DE SPÉCIALISATION SELON LE RISQUE : UN « DARWINISME », PAS UN « DÉTERMINISME » Un effet de spécialisation par le risque n'a pu se produire qu'à partir d'une certaine configuration de départ. En France, les banques sont traditionnellement spécialisées dans le crédit personnel tandis que dès l'origine, les établissements spécialisés ont produit davantage de crédit renouvelable. Comme le coût de la ressource (accès au refinancement) des établissements spécialisés est supérieur, il en est résulté que le taux moyen des crédits renouvelables était légèrement supérieur à celui des prêts personnels. Ensuite, l'effet d'« échelle de perroquet » a pu jouer. Pourtant, toutes choses égales par ailleurs, il semble qu'un prêt renouvelable devrait être moins onéreux qu'un prêt personnel : avec, pour une « génération » de prêts, des frais fixes et un risque croissant rapportés à un encours qui s'amortit rapidement, les prêts personnels sont a priori moins rentables que les prêts renouvelables, dont l'encours s'amortit très lentement tandis que le risque diminue (les risques correspondant aux clients faisant défaut sont provisionnés les premières années, après quoi une « génération » de crédit revolving procure un bénéfice élevé pour de nombreuses années). On peut juger critiquable que le crédit renouvelable s'écarte d'une conception « vertueuse » , à savoir, constituer un instrument ponctuel pour traverser une période financièrement tendue, mais là n'est pas, au fond, le plus grave : un crédit renouvelable ample et bon marché, auquel accèderait une clientèle solvable et à faible risque, serait parfaitement justifiable . Ce contre quoi il faut lutter, c'est bien la spécialisation des risques. |
Ces effets de spécialisation se retrouvent si l'on cherche à établir un profil de revenu par catégorie de prêt : ce sont les personnes disposant des revenus les plus bas qui ont principalement recours aux formules de découverts, prêts permanents et ventes à tempérament (VAT), dont les taux sont en moyenne nettement plus élevés que pour les prêts personnels.
RÉPARTITION DU NOMBRE DE CRÉDITS NOUVEAUX
OU D'AUTORISATIONS
DE DÉCOUVERTS PAR CATÉGORIES DE REVENU DES
EMPRUNTEURS
Emprunteurs dont le revenu est < au revenu médian (*) |
Emprunteurs dont le revenu est > au revenu médian (*) |
Encours total en milliards d'euros (septembre 2008) |
|
Autorisations contractuelles de découvert (**) |
67 % |
33 % |
9 |
Crédits permanents (**) |
46 % |
54 % |
30 |
Financements de VAT |
62 % |
38 % |
21 |
Prêts personnels |
30 % |
70 % |
76 |
(*) Le revenu annuel médian des emprunteurs s'établissait au 4 ème trimestre 2008 à 18.900 euros. (**) Les proportions sont calculées sur la base d'autorisations cependant que l'encours de fin de période correspond à des utilisations effectives.
Source : Banque de France
Compte tenu de ce qui précède, le calcul d'un taux de l'usure sur la base du taux moyen pratiqué pour le crédit renouvelable aboutit à un taux probablement excessif, cette forme de prêt incluant intrinsèquement une prime de risque supérieure aux autres formules 185 ( * ) . Ce problème devient d'autant plus sensible que la crise pourrait conduire une proportion accrue des ménages à recourir au crédit renouvelable pour satisfaire des besoins de base.
En revanche, une majoration du taux moyen cantonnée au tiers pour les crédits personnels interdit aux banques de consentir ce type de prêts à certains ménages néanmoins susceptibles de recourir au crédit renouvelable 186 ( * ) , mais à des taux bien plus élevés que s'ils avaient pu obtenir un crédit affecté avec une prime de risque ajustée à leur situation, la majoration par rapport au taux moyen dût-elle excéder sensiblement 33 %.
Le graphe suivant montre ainsi que les trois-quarts des emprunteurs ayant les revenus les plus bas sont éligibles à des taux moyen relativement homogènes et assez proches du taux de l'usure pour les prêts personnels , ce qui laisse présumer d'un effet de rationnement .
Taux appliqué en %
TAUX EFFECTIF GLOBAL MÉDIAN PAR QUARTILES DE REVENUS DES EMPRUNTEURS POUR LES PRÊTS PERSONNELS D'UN MONTANT SUPÉRIEUR À 1524 EUROS
Note explicative : la courbe rouge décrit le taux appliqué aux 25 % des emprunteurs ayant les revenus les plus bas ( premier quartile ), la courbe verte le taux appliqué aux 25 % des emprunteurs dont les revenus sont supérieurs au premier quartile et inférieurs au revenu médian ( deuxième quartile ), la courbe pointillée jaune le taux appliqué aux 25 % des emprunteurs dont les revenus sont supérieurs au revenu médian mais inférieurs à ceux des 25 % des emprunteurs ayant les plus forts revenus ( troisième quartile ), le taux appliqué à ces derniers ( dernier quartile ) étant décrit par la courbe pointillée bleue .
Source : Banque de France
Cette présomption se trouve corroborée par l'examen de la distribution des taux d'intérêt des prêts personnels, qui montre une forte concentration de prêts au voisinage du taux de l'usure 187 ( * ) .
*
On peut se demander si la règlementation actuelle de l'usure, qui s'accommode d'une différence de taux approchant 11 points et excédant largement 100 % entre crédit personnel et crédit renouvelable, n'aboutit pas à imposer des condition fondamentalement usuraires à des personnes 188 ( * ) ne présentant pas de garanties suffisantes pour obtenir, par exemple, un prêt bancaire personnel au taux de 10 %, mais qui peuvent obtenir sans difficulté des « revolving » à 18 %...
Finalement, certains consommateurs sont dirigés vers telle ou telle catégorie de prêt (personnel ou renouvelable) non pas à raison de leurs besoins ou de leurs désirs, mais à raison des risques qu'ils présentent 189 ( * ) .
Dès lors, il semble indiqué :
• de
mener une politique de l'usure
différenciée
selon le compartiment du crédit aux
particuliers concerné, car les différentes formules correspondent
à des clientèles devenues trop segmentées en fonction des
risques qu'elles présentent pour les prêteurs -
sauf
à
unifier
ces catégorie pour la détermination du
taux de l'usure
;
• en particulier, de
faciliter
l'accès des ménages présentant un risque moyen aux
prêts personnels
en augmentant le taux-plafond s'appliquant
à ces catégories de prêts. Dans cette hypothèse, il
convient de garder à l'esprit que la logique commerciale bancaire de
dérivation de leur clientèle vers les filiales proposant du
crédit renouvelable est puissante.
2. Des taux parfois peu flexibles à la baisse
Si le « calcul économique » du banquier montre aisément que les prêts d'un faible montant sont nécessairement consentis à un taux élevé, le caractère excessif de certains comportements de marge n'en est pas moins décelable.
a) Des taux élevés globalement justifiables pour les « petits » prêts
Un taux de l'usure supérieur à 20 % pour les prêts d'un faible montant, inférieur à 1.524 euros , ne doit pas étonner. En effet, plus le montant emprunté diminue, plus le taux d'intérêt rémunère non pas tant le loyer de l'argent et le coût du risque que les frais fixes qui s'avèrent, en proportion, plus onéreux.
Le rapport « Athling » sur le crédit renouvelable cite l'exemple de l'acquisition d'un bien d'un montant de 600 euros, intégralement financé par un crédit renouvelable en 12 mensualités 190 ( * ) avec un TEG de 20 %. Il ressort que les frais financiers (le coût de l'argent pour la banque) ne représentent que 20 % des intérêts perçus. La marge dégagée après impôts sur les sociétés s'établit à 17,27 euros pour l'année et, au final, le montage s'avérerait déficitaire si le taux d'intérêt était inférieur à 16 %.
TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA DÉCOMPOSITION
DE LA MARGE DÉGAGÉE
POUR UN PRÊT RENOUVELABLE DE 600
EUROS REMBOURSÉ EN 12 MOIS
Postes |
Montant |
||
+ Montant des intérêts payés par le client |
66,96 € |
||
- Frais financiers - Frais de fonctionnement - Coût du risque |
13,39 € 21 € 6 € |
||
- Impôts sur les sociétés |
9,3 € |
||
Marge dégagée après Impôts sur les sociétés |
17,27 € |
Source : rapport « Athling », étude de cas communiquée par un établissement de crédit spécialisé
b) Certains comportements de marge probablement exagérés
La rentabilité du crédit à la consommation est, en France, bien supérieure à celle des crédits au logement, ces derniers faisant figure de « produits d'appel » visant à fidéliser la clientèle : « le marché du crédit à l'habitat français constitue l'un des marchés les plus concentrés mais aussi l'un des plus concurrentiels. En effet, les banques françaises acceptent en général de réduire au minimum les marges sur ces crédits pour attirer et fidéliser la clientèle, tout en développant parallèlement d'autres produits et services variés, plus rémunérateurs » 191 ( * ) .
Certes, la concurrence s'est manifestement accrue ces dernières années pour les prêts personnels. Mais il ne semble pas qu'on puisse en dire autant des prêts renouvelables. D'après le BIPE 192 ( * ) , « en termes de « return on equity » (RoE) , cela se traduit par des performances plus élevées en ce qui concerne le crédit renouvelable que pour les prêts personnels et aussi, compte tenu de la différence dans le montant des capitaux immobilisés, des taux de rendement plus élevés quand la distribution du crédit se fait sans recourir à un réseau que dans le cas d'une distribution utilisant des agences. Dans le premier cas , des RoE supérieurs à 20 % ont été mentionnés par certains de nos interlocuteurs. Il n'est donc pas étonnant de constater l'importance de la contribution de l'activité « crédit à la consommation » au résultat consolidé des groupes dans lesquels cette activité est significativement développée ».
En raison de l'absence de données financières globalisées sur le sujet, il est impossible de quantifier ce diagnostic. Mais l'évolution des taux pratiqués corrobore les observations qui précèdent .
• Pour les
prêts inférieurs
à 1.524 euros
, l'écart entre les taux moyens
pratiqués et les conditions du refinancement bancaire est passé
de 10 points en 2000 à 11 points en 2008 (voir graphe
supra
intitulé
« Evolution comparée des
« spreads » entre les taux moyens des trois
catégories de prêt à la consommation et les conditions du
refinancement bancaire »
).
On ne saurait affirmer, à ce stade, que cette évolution souligne une modification des comportements de marge, car elle peut aussi bien souligner une prise de risque légèrement accrue auprès des emprunteurs ou la baisse du montant moyen réel emprunté (la limite de 1.524 euros connait une érosion monétaire qui ne s'applique pas aux frais fixes). Toutefois, la diminution de l'Euribor à trois mois entre 2001 et 2004 ne s'est pas accompagnée d'une diminution parallèle des taux moyens pratiqués , ce qui montre qu'ils présentent un problème de flexibilité à la baisse, trahissant peut-être un défaut de concurrence. Cependant, la remontée des taux du marché monétaire, à partir de la fin 2005, ne s'est pas accompagnée, réciproquement, d'une hausse équivalente des taux moyens pratiqués : il n'y a donc pas eu ici d'« effet de cliquet » jouant au détriment du consommateur.
• La
situation
est
plus
préoccupante
pour les
crédits renouvelables d'un
montant supérieur à 1.524 euros
, pour lesquels le
resserrement des conditions du marché monétaire, après
2005, a entraîné une hausse sensible des taux moyens
pratiqués, marquant un
« effet de cliquet »
préjudiciable aux consommateurs
.
• Enfin
toutes catégories
confondues
, la
tendance haussière des taux
d'usure
applicables aux crédits à la consommation
au cours des deux derniers trimestres écoulés
se
situe désormais en
complète opposition avec la
détente du loyer de l'argent intervenue depuis l'automne 2008
en lien avec les abaissements successifs des taux directeurs de la Banque
centrale européenne.
Il semble donc que le phénomène de l'« échelle de perroquet » peut se prolonger même lorsque le loyer de l'argent est orienté à la baisse , analyse partagée par la Banque de France qui observe que « cet effet contribue (...) à une certaine inertie des taux débiteurs dans la transmission des inflexions de la politique monétaire et des changements de taux directeurs et des taux de marché ».
Par ailleurs, la distribution des prêts par taux fait apparaître des zones de concentrations successives pour les établissements spécialisés, qui peuvent être ainsi interprétés : les tarifs s'y imposeraient davantage aux consommateurs qu'ils ne feraient l'objet d'une individualisation en fonction des risques dans un contexte concurrentiel 193 ( * ) .
DISTRIBUTION DES TAUX DES CRÉDITS
PERMANENTS
INFÉRIEURS À 1 524 EUROS PAR RAPPORT AU TAUX
DE L'USURE
PAR TYPE D'ÉTABLISSEMENT SPÉCIALISÉ OU
GÉNÉRALISTE
Source : Banque de France
NB : en abscisse, figurent les taux effectifs globaux gradués de 0 % à 22,5 %
C. Le devoir d'intervention du législateur
Conformément aux termes de l'article L. 313-3 du code de la consommation (voir l'encadré page suivante), la loi se borne à prévoir que le taux de l'usure représente quatre tiers du taux moyen pratiqué mais laisse l' autorité administrative libre de déterminer les catégories de prêts concernées et les seuils y afférents 194 ( * ) . Ainsi, ce ne sont pas forcément les pistes d'amélioration les plus novatrices, ou celles dont les effets sont les plus puissants, qui impliquent l'intervention du législateur .
Par ailleurs, ainsi qu'on le verra, si les pistes d'améliorations apparaissent relativement nombreuses , il est souvent difficile d'envisager clairement l'étendue de leurs effets - certaines d'entre elles étant par ailleurs susceptibles de se combiner - sur la structure de l'offre de crédit et les taux d'intérêt pratiqués, surtout dans une vision dynamique 195 ( * ) .
ARTICLE L. 313-3 DU CODE DE LA CONSOMMATION 196 ( * ) « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l'autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier . « Les crédits accordés à l'occasion de ventes à tempérament sont, pour l'application de la présente section, assimilés à des prêts conventionnels et considérés comme usuraires dans les mêmes conditions que les prêts d'argent ayant le même objet. « Les conditions de calcul et de publicité des taux effectifs moyens visés au premier alinéa sont fixées par la voie réglementaire. (...) » |
A cet égard, voici la réponse donné par la Banque de France à une demande de simulation formulée par votre commission spéciale :
« La mise en place de simulations dynamiques est autrement problématique puisqu'elle requiert de faire des hypothèses sur le comportement des banques en matière d'offre de crédit (volume et taux) en réaction à la création de nouvelles catégories. En particulier, s'agissant de la politique de distribution de prêts personnels aux ménages les plus modestes en lieu et place de crédits permanents, les conséquences, sur le volume de crédit disponible, d'un regroupement sur un seul établissement de crédits aujourd'hui répartis généralement entre plusieurs établissements ne peuvent pas être évaluées par la Banque de France, qui ne connaît pas les encours par débiteurs et ne dispose au mieux que des informations individuelles par crédit (par exemple, s'agissant des crédits permanents, sont disponibles les crédits ouverts et non les utilisations).
« De même, l'évolution dans le temps du taux de l'usure dépendra de la tarification des établissements en fonction du risque attaché aux différentes catégories de clientèle et de la déformation des taux moyens qui en résultera. »
Dès lors, le législateur doit-il forcément intervenir aujourd'hui, compte tenu de la complexité des enchaînements en jeu et des problèmes de visibilité qu'engendrerait toute réforme du taux de l'usure ?
Il pourrait légitimement « choisir de ne pas choisir », c'est-à-dire, en l'espèce, de ne pas s'approprier la définition des catégories de prêts en les faisant remonter au niveau législatif, car il risquerait de fixer des normes dans un domaine à la fois très technique et évolutif pour lequel des interventions successives pourraient s'avérer indispensables, alors même que le travail d'expertise ne peut être aujourd'hui considéré comme achevé.
Pour autant, le Parlement demeure parfaitement dans son rôle en précisant au pouvoir règlementaire les principes généraux s'appliquant à son action. Nous verrons qu'il en va ainsi des règles concernant la détermination des catégories de prêts , de telle sorte que le pouvoir règlementaire emprunte la direction jugée bonne par la représentation nationale, dont votre commission spéciale estime qu'elle devrait être la suivante : atténuer une spécialisation du risque par catégorie de prêts (prêts personnels pour les clients présentant un risque faible, crédit renouvelable pour les autres emprunteurs) devenue excessive, notamment en refondant les catégories de prêt sur le seul critère des montants accordés .
II. Le texte de la commission spéciale
L'objectif est clairement identifié : mettre un terme à un mouvement de sélection des risques par catégorie de prêts devenu préoccupant en ce qu'il aboutit à un rationnement des prêts personnels devenue préjudiciable aux consommateurs et autorise des taux comparativement très élevés pour les crédits renouvelables.
Dans cette perspective, il semble que s'imposent, outre une réévaluation « technique » de 1.524 euros à 3.000 euros du seuil monétaire, la fusion, pour la détermination du seuil de l'usure, des différents types de prêts situés au-delà de ce seuil .
Il serait ainsi mis un terme à ce qui semble la principale cause des difficultés rencontrées sur le marché du crédit à la consommation . Mais ce dernier devra, cependant, demeurer sous surveillance .
A. Procéder à une réévaluation de seuil
Le franchissement du seuil de 1.524 euros entraîne des effets puissants en matière de détermination du taux de l'usure. Or, ce seuil correspond à la conversion d'un montant de 10.000 francs 197 ( * ) au moment du passage à l'euro.
En réalité, il n'a pas été revalorisé depuis près de vingt ans , ce qui laisse supposer que, pour une frange importante de prêts personnels dont le montant lui est supérieur, le taux de l'usure pourrait être devenu insuffisant. Il existe, très probablement, un effet de rationnement important pour les prêts personnels de petit montant, mais supérieurs à 1.524 euros 198 ( * ) , puisque le taux de l'usure passe alors de 21 % à 10 %.
D'après la banque de France, son montant pourrait être aisément porté à 3.000 euros , montant au-delà duquel les taux moyens observés se stabilisent pour les prêts personnels.
COURBE DES TAUX EN FONCTION DU
MONTANT :
FINANCEMENT DES VENTES À TEMPÉRAMENT ET
PRÊTS PERSONNELS
|
Source : Banque de France
On pourrait craindre que cette mesure n'ait pour effet d'abaisser le taux de l'usure pour les « petits » prêts, engendrant un effet de rationnement pour ce type de crédit dont les frais fixe représentent une proportion importante de la somme empruntée et dont la rentabilité n'est donc permise qu'à la condition de pouvoir fixer le taux d'intérêt à un niveau relativement élevé 199 ( * ) .
Mais une étude de la Banque de France (voir tableau infra intitulé « Incidences d'une refonte des deux catégorie de prêts à la consommation situées au dessus du seuil, porté de 1.524 euros a 3.000 euros ») montre qu'en conséquence de la mesure, le taux de l'usure ne baisserait que d'un demi-point pour les prêts renouvelables , le risque de rationnement apparaissant, dès lors, très faible.
En revanche, selon la même étude, le taux de l'usure se trouverait rehaussé de 9,5 % à plus de 20 % pour les prêts personnels compris entre 1.524 euros à 3.000 euros. Cela renforcerait considérablement l'accès à ce type de prêt dans cette gamme d'emprunt.
Au total, le rehaussement du seuil de 1.524 euros pour la détermination du taux de l'usure des « petits » prêts constitue aujourd'hui une nécessité dont le constat est largement partagé, que le gouvernement 200 ( * ) compte ainsi mettre en oeuvre par voie règlementaire 201 ( * ) .
B. Ne plus différencier le taux de l'usure selon la nature des prêts
Afin de lutter contre une tendance devenue exagérée à attribuer telle catégorie de prêt en fonction des risques présentés par l'emprunteur, et tout en conservant le principe d'une détermination endogène du taux de l'usure (c'est à dire en référence à la moyenne des taux pratiqués), plusieurs solutions sont envisageables, dont une semble se détacher en raison de son efficacité.
1. L'abaissement uniforme des taux de l'usure : une solution à l'efficacité incertaine
Le « coefficient de l'usure » actuellement fixé à 4/3 pourrait apparaître tout simplement excessif puisqu'il aboutit, sur la base de taux moyens approchant 16 % pour les crédits renouvelables, à des taux de l'usure autorisant des taux supérieurs à 20 %.
Mais une baisse uniforme du taux de l'usure s'appliquerait aussi aux prêts personnels, qui font déjà l'objet d'un rationnement.
a) La baisse du « coefficient de l'usure »
Le Médiateur de la République 202 ( * ) propose de rapporter le taux de l'usure de 4/3 (soit une majoration de 33 %) à 1,20 (majoration de 20 %) du taux effectif moyen, ce qui, aujourd'hui, conduirait à la grille de taux figurant page suivante.
NOUVEAUX TAUX DE L'USURE EN APPLICATION
D'UNE
MAJORATION DE 20 % DU TAUX EFFECTIF MOYEN
Taux effectif moyen (au 1 er trimestre 2009) |
Taux de l'usure au 01/04/09 |
Taux de l'usure selon la proposition du Médiateur de la République |
|
Prêts d'un montant inférieur ou égal à 1.524 € |
16,02 % |
21,36 % |
19,22 % |
Découverts en compte, prêts permanents et financement d'achats ou de VAT 203 ( * ) d'un montant supérieur à 1.524 € et prêts viagers hypothécaires |
15,69 % |
20,92 % |
18,83 % |
Prêts personnels et autres prêts
|
7,53 % |
10,04 % |
9,04 % |
On ne peut garantir qu'une telle mesure emporte, à terme, plus d'avantages que d'inconvénients :
- du côté positif, il se produirait une baisse du taux de l'usure 204 ( * ) , voire du taux moyen, pour les crédits renouvelables. Mais certains des profils auxquels est appliqué un taux compris entre le nouveau taux (120 % du taux moyen) et l'ancien (133 % du taux moyen) seraient exclus du crédit car les prêts renouvelables se recentreraient sur une clientèle présentant des risques inférieurs. Il est possible que d'autres profils, auxquels s'applique un taux compris entre 120 % et 133 % du taux moyen, demeurent éligibles au premier taux si les marges pratiquées le permettent. Quoi qu'il advienne, une pression à la baisse s'exercerait sur le taux moyen.
Cependant, cette baisse s'effectuerait dans une proportion difficile à évaluer car il n'est pas certain que les types de clientèles auxquelles étaient appliqués des taux inférieurs à 120 % du taux moyen voient leur situation inchangée : certains établissements ou groupes d'établissements pourraient adopter un comportement de restauration de marge ou de mutualisation des risques qui entraînerait l'application de taux moyens plus élevés à ces clients, si bien que la dynamique de l'« échelle de perroquet » pourrait s'enclencher à la hausse... Au total, le prêt renouvelable demeurerait probablement un compartiment coûteux.
- surtout, du côté négatif, les prêts personnels feront l'objet d'un rationnement encore plus important, si bien qu'aucune dynamique de « déspécialisation du risque » par type de crédit ne semble susceptible de pouvoir s'enclencher.
b) La mise en place d'une marge d'usure fixe
Un tel dispositif, suggéré par le rapport du BIPE précité 205 ( * ) et préconisé par le président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), consisterait à remplacer un coefficient multiplicateur par l' addition d'une marge fixe aux taux effectifs moyens constatés pour les trois catégories de prêts à la consommation.
Cette réforme semblerait prudente dans la mesure où elle permettrait une évolution mesurée des taux , tout en allant dans la bonne direction pour toutes les catégories (par exemple, avec une marge fixe de 3 points, les prêts permanents et les « petits » prêts seraient limités à 19 % mais les prêts personnels pourraient atteindre 10,5 %). Toutefois, elle n'aboutirait pas de façon certaine à une déspécialisation du risque suffisante, et le système demeurerait exposé à l'enclenchement de la dynamique de l'« échelle de perroquet ».
2. La modulation des taux de l'usure : une solution envisageable
Les deux pistes ici envisagées ici permettraient, dans un premier temps, de réduire sensiblement les écarts de taux, mais cet effet pourrait ne pas s'avérer durable.
a) Avec des coefficients différentiés
Au-delà du seuil de 1.524 euros (le cas échéant rehaussé à 3.000 euros), il serait simultanément envisageable :
- d'augmenter le coefficient déterminant le taux de l'usure pour les prêts personnels (par exemple de 1,33 à 1,5), ce qui permettrait d'atténuer le rationnement dont ils font actuellement l'objet ;
- de revoir à la baisse ce coefficient pour les crédits renouvelables (par exemple de 1,33 à 1,2), ce qui engendrerait, à terme, une diminution du taux de l'usure peut-être un peu plus forte que celle résultant immédiatement de la seule modification du coefficient, car le taux effectif moyen pourrait aussi s'orienter à la baisse.
Au total, une « déspécialisation du risque » pourrait advenir, à condition toutefois que la dynamique de l'« échelle de perroquet », ci-dessus évoquée, ne s'enclenche pas à la hausse pour les prêts renouvelables.
b) Avec des marges d'usure différentiées
Il serait encore envisageable, si l'on juge la solution proposée par le président du CCSF ( supra ) trop « timide », de différentier la marge additive en la portant, par exemple, à 5 points pour les prêts personnels et en la réduisant à 2 points pour les autres catégories.
Ici encore, pourrait advenir une « déspécialisation du risque » plus sensible, mais elle n'exclurait pas davantage un réenclenchement de la dynamique de l'« échelle de perroquet » pour les prêts renouvelables.
En outre, et le court débat résumé ci-dessus en fait la démonstration, on voit bien ce que ce type de solution a d'anachronique en distinguant la décision effective, prise au plan politique, et les réalités économiques. Pourquoi 2 points et pas 3 ? Si 2 points ne conduisent pas aux résultats anticipés, faudra-t-il passer à 2,5 ? Si ces marges sont fixées par la loi, quelle sera la réactivité des pouvoirs publics en cas d'évolution brutale des marchés ? Si elles le sont par voie réglementaire, n'en revient-on pas en dernière analyse à un mode administratif de fixation du coût du crédit ? Pour votre rapporteur, cette modulation ouvre trop de questionnements de principe et pratiques pour pouvoir être retenue.
3. La solution préconisée : l'unification des prêts situés au dessus du seuil
En revanche, il peut être envisagé d' unifier des deux catégories de prêts situées au dessus du seuil , ce dernier étant parallèlement revalorisé de 1.524 euros à 3.000 euros. L'introduction d'un second seuil permettrait en outre de mieux maîtriser la dynamique de la réforme.
a) Déterminer les taux de l'usure en fonction du montant des prêts
Une telle mesure, soutenue par la Banque de France , aboutirait à un taux de l'usure de l'ordre de 15,5 % pour les prêts supérieurs à 3.000 euros. Il en résulterait une évolution a priori vertueuse puisqu'elle aboutirait à rehausser le taux de l'usure d'environ six points pour les prêts personnels , évolution propre à réduire considérablement le rationnement dont ils font l'objet, et à diminuer de plus de cinq points le taux de l'usure pour les crédits renouvelables d'un montant supérieur aux seuils .
Le tableau de la page suivante donne l'estimation, par la Banque de France, de l'évolution des taux de l'usure pour tous les compartiments du crédit à la consommation.
Certes, même si les prêts personnels tirent ici « vers le bas » la moyenne des taux, on ne peut tout à fait exclure qu'une dynamique du type de l'« échelle de perroquet » ne s'enclenche à terme : les établissements de crédit octroyant des prêts renouvelables accentueraient leur tendance à pratiquer des taux plus généralement situés à la limite de l'usure pour préserver leurs marges, ce qui orienterait le taux effectif moyen à la hausse, et donc le taux de l'usure sur la base duquel il est calculé. C'est pourquoi il pourrait sembler a priori prudent de combiner la présente réforme avec un second plafonnement fondé sur une référence externe. Toutefois, une telle option marquerait le retour à une certaine forme de dirigisme économique qui, à la réflexion ne s'impose nullement (voir infra la mise en place d'un double plafonnement).
SITUÉES AU DESSUS DU SEUIL, PORTÉ DE 1.524 EUROS À 3.000 EUROS
Catégories actuelles (*) (**) (1) |
Nouvelles catégories (2) |
Ecart en points (2)-(1) |
||
Crédits = 1.524 €
|
19,89 % |
Crédits = 3.000 € (0 €-1.524 €) |
20,39 % |
+0,50 |
Prêts personnels > 1.524 € |
9,50 % |
+10,89 |
||
Découverts, VAT et crédits permanents > 1.524 € |
20,86 % |
Crédits = 3.000 € (1.524 € - 3.000 €) |
-0,47 |
|
Prêts personnels > 1.524 € |
9,50 % |
Crédits > 3.000 € |
15,49 % |
+5,99 |
Découverts, VAT et crédits permanents > 1.524 € |
20,86 % |
-5,36 |
(*) Données du 2 ème trimestre 2008, avant retraitements des distributions statistiques des taux effectifs globaux utilisés pour le calcul des seuils officiels d'usure.
(**) Chacune des catégories de crédits de montant supérieur à 1.524 euros est ventilée dans les deux nouvelles catégories proposées.
Source : Banque de France
Pour sa part, la Banque de France estime que la simplicité de la mesure limite les risques liés à des effets non anticipés, toujours susceptibles de survenir en raison de la difficulté d'appréhender le développement dynamique d'un système dont une variable-clé, le taux de l'usure, est endogène : « C'est en prenant en compte ces incertitudes que la Banque de France préconise la mise en place d'une réglementation simple (rehaussement du seuil de montant et unification des catégories) : celle-ci pourrait favoriser, sans qu'on puisse toutefois le quantifier précisément, le développement des prêts personnels aux ménages les plus modestes, qui ne peuvent y avoir aujourd'hui accès en raison de la contrainte exercée par le niveau du taux de l'usure, aujourd'hui insuffisant pour rémunérer le risque que ces opérations peuvent représenter pour les établissements de crédit ».
Il reste que la mesure , dans une proportion très difficile à évaluer quoique probablement modérée , serait susceptible de diminuer l'accès global au crédit , la hausse attendue de l'encours des crédits amortissables ne gageant probablement pas, au moins dans un premier temps, la baisse prévisible de l'encours des crédits renouvelables.
b) L'intérêt d'introduire un second seuil
La dynamique qui s'enclencherait les premières années ne serait probablement pas celle, haussière, de l'« échelle de perroquet », mais celle d'une spirale à la baisse des taux d'intérêt : la plupart des personnes auxquelles est appliqué un taux compris entre le nouveau taux de l'usure (15,5 %) et l'ancien (près de 21 %) seraient exclues, les prêts renouvelables se recentreraient sur une clientèle présentant des risques inférieurs, exerçant en retour une pression à la baisse sur le taux moyen, etc.
D'après les projections gouvernementales, le taux d'équilibre tendrait alors à s'établir aux environs de 12 %.
Si l'on se réfère à la distribution des prêts concernés (cf. graphe supra intitulé « Distribution des taux des crédits permanents supérieurs à 1.524 euros, par type d'établissement, spécialisé ou généraliste ») il apparaît clairement qu'un tel taux de l'usure mettrait le secteur du crédit renouvelable dans une très grande difficulté, tout en excluant du crédit une frange trop importante de la population.
Sans préjuger de la réalisation de cette spirale déflationniste, la DGTPE 206 ( * ) estime qu'une fixation uniforme du taux de l'usure pour les prêts personnels et les crédits renouvelables à 15 % aboutirait à une diminution de 4,8 % de l'encours des crédits à la consommation, même si ce taux, présenté comme approximatif, apparaît surévalué au regard du dispositif ici précisément envisagé 207 ( * ) .
Quoiqu'il en soit, l'introduction d'un second seuil permettrait, dans une large mesure, de pallier cet inconvénient . Etabli à 6.000 euros, il entraînerait la détermination d'un taux de l'usure (approche statique) de l'ordre de 18 % pour les prêts compris entre 3.000 et 6.000 euros, et proche de 14 % pour les prêts supérieurs à 6.000 euros.
Par ailleurs, ces trois « tranches » présenteraient même une certaine cohérence au regard des grands types de besoins identifiés pour les consommateurs.
MISE EN PLACE D'UN SECOND SEUIL ET BESOINS DES CONSOMMATEURS Certains établissements de crédit estiment que la grille des taux plafonds devrait être calquée sur une nouvelle « clarification » de la gamme des produits de crédit à la consommation qui, selon CETELEM 208 ( * ) , aboutirait à distinguer : - besoins d'investissement (voiture neuve, camping-car, gros travaux d'aménagement...), auxquels le crédit renouvelable ne serait pas adapté ; - besoins d'équipement (voiture d'occasion, cuisine équipée, mobilier, travaux d'amélioration de l'habitat...), pour lesquels l'accès au crédit amortissable devrait être renforcé ; - besoins de consommation (trésorerie, petits équipements ménagers...) d'un faible montant, inférieur à 3.000 euros, pour lesquels le crédit doit être accessible à tous, soit sous la forme de crédit affecté, de prêt personnel ou de crédit renouvelable (achats successifs). Selon CETELEM, une telle présentation de la gamme de produits s'articulerait naturellement avec une grille de l'usure décomposée en trois tranches (donc deux seuils) de montants distincts, fortement corrélées aux besoins identifiés des consommateurs. |
*
Quelle que soit la solution retenue, au terme d'une nécessaire période transitoire (voir infra ), le taux de l'usure s'appliquant aux prêts personnels et aux crédits renouvelables serait le même, ce qui exercerait une pression constant à la déspécialisation de ces catégories de prêts en fonction des risques présentés par les emprunteurs.
Il ne s'agirait pas de s'engager plus avant dans une prescription du nombre et du niveau des seuils, qui exigerait, à tout le moins, une technicité qui n'entre pas dans la compétence d'un Parlement, un dialogue approfondi et constant avec les professionnels intéressés et qui se trouverait, en outre, susceptible de révisions dont on ne comprendrait pas qu'elles encombrent l'ordre du jour.
Le présent article propose donc d' obliger le gouvernement, en décidant que les catégories de prêt à la consommation retenues pour le calcul des taux de l'usure sont exclusivement déterminées sur la base des montants prêtés, à engager, par voie règlementaire 209 ( * ) , une réforme dont les contours sont ainsi tracés.
Cette réforme correspond aux intentions du gouvernement, y compris pour ce qui concerne la fixation de deux seuils, l'un à 3.000 euros, l'autre à 6.000 euros 210 ( * ) .
c) La nécessité d'une période transitoire
Compte tenu des variations de taux attendues, le modèle économique des établissements spécialisés devra donc s'adapter en privilégiant le prêt amortissable aux dépens du prêt renouvelable. Cette évolution ne peut cependant pas être instantanée.
Par ailleurs, d'une façon générale, toute baisse des taux de l'usure s'appliquant aux encours de crédit renouvelable, la plupart des établissements spécialisés apparaissant dans l'impossibilité d'appliquer des taux d'intérêts différents aux « tirages » successifs. Leur calcul économique se trouverait ainsi largement faussé par une diminution brutale du taux de l'usure. Il convient par conséquent de donner du temps aux établissements spécialisés pour renouveler leur encours 211 ( * ) à des conditions de risque compatibles avec des taux plus faibles .
Le présent article prévoit donc d' habiliter le gouvernement à prendre des mesures transitoires, pendant une période maximale de deux ans, pour accompagner la mise en oeuvre de la réforme.
L'ajustement des tarifications et l'adaptation des politiques commerciales s'en trouveraient grandement facilitées. La Banque de France suggère, pour sa part, de s'inspirer des dispositions récemment mises en place pour la fixation des taux de l'épargne réglementée, prévoyant une évolution maximale entre deux périodes de référence.
C. Mettre le marché à l'épreuve
A la faveur de la confiance retrouvée envers les mécanismes du marché, la France a abandonné, au tournant des années quatre-vingt-dix, toute référence externe pour la fixation du taux de l'usure. Convient-il aujourd'hui d'y revenir ? La question a été posée, car la concurrence qui règne dans le secteur bancaire ne semble pas suffire à engendrer une baisse des taux lorsque les conditions du refinancement bancaire s'assouplissent. Mais votre rapporteur, hostile à tout retour d'une économie administrée, pense qu'il existe d'autres voies plus appropriées pour améliorer la concurrence entre les établissements, au profit du consommateur.
1. Sans revenir aux instruments d'un contrôle plus étroit...
Deux types de mécanismes sont envisageables pour contrôler l'évolution du taux de l'usure , en fonction de variables exogènes . Ces systèmes théoriques vont croissants dans le contrôle administratif de la fixation des prix du crédit.
a) Le remplacement d'une référence endogène par un taux de référence
Afin d'éviter, par le jeu de « l'échelle de perroquet », la formation d'un taux de l'usure trop élevé pour les découverts et les crédits permanents, il serait envisageable de substituer aux taux de l'usure un taux-plafond fondé sur une référence externe .
On pourrait ainsi décider que le taux de l'usure est égal à un taux de référence (par exemple : le taux moyen observé au cours du trimestre précédent des OAT 212 ( * ) , de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne [BCE] ou du livret A) majoré d'une marge fixe 213 ( * ) .
Une telle solution aboutirait cependant à rendre le taux de l'usure relativement fort si les taux moyens se trouvent très bas, et relativement faible s'ils sont très hauts, sauf à modifier régulièrement le niveau de la marge, ce qui serait très déstabilisateur pour le marché. Ces inconvénients apparaissent atténués dans l'hypothèse d'un double plafonnement.
b) La mise en place d'un double plafonnement
Suivant la même logique que pour la solution précédente, tout en cherchant à cantonner le taux de l'usure dans une limite raisonnable en cas de baisse sensible des taux d'intérêt moyens pratiqués, un mécanisme de double plafonnement pourrait être institué.
Le taux de l'usure serait soumis à la double contrainte de ne pas dépasser, d'une part, le taux effectif global moyen pratiqué au cours du trimestre augmenté d'un tiers, et, d'autre part, de rester inférieur à un taux de référence (OAT, facilité de prêt marginal de la BCE ou livret A) augmenté d'une marge fixe.
A titre illustratif, ce second taux-plafond pourrait prendre les valeurs conventionnelles suivantes :
TAUX DE L'USURE DES DÉCOUVERTS ET CRÉDITS PERMANENTS
ET TAUX PLAFONDS SIMULÉS
Taux usure = réglementation en vigueur (montant > 1.524 euros) |
2 nd taux plafond = OAT 10 ans + 12 points |
2 nd taux plafond = facilité de prêt marginal de la BCE + 11 points |
2 nd taux plafond = taux du Livret A + 13 points |
|
T4 2008 |
20,72 % |
16,11 % |
16,42 % |
15,00 % |
T1 2009 |
21,11 % |
15,80 % |
15,67 % |
17,00 % |
Source : Banque de France
Mais ce type de mesure ne saurait engendrer, seul, un mouvement de déspécialisation du risque.
Il conviendrait alors, soit de fixer simultanément un plancher concernant le taux de l'usure ne s'appliquant qu'aux prêts personnels, ce qui compliquerait considérablement le fonctionnement et le calibrage du dispositif, soit de moduler la marge fixe par catégorie de prêt, soit de limiter l'application du dispositif aux crédits permanents.
c) L'intervention directe du pouvoir règlementaire
Un degré supplémentaire dans la contrainte pourrait être encore apporté à l'ensemble des dispositifs précédemment envisagés en réservant au pouvoir règlementaire le soin de déterminer la marge fixe ou le coefficient d'usure, librement ou à l'intérieur d'un « couloir ».
Toutefois, ce serait rendre le système de détermination des taux de l'usure définitivement administré, tributaire d'aléas politiques ou, selon les périodes, de la plus ou moins grande sensibilité du Gouvernement aux arguments des représentants de consommateurs ou d'établissements de crédit. Dès lors, les méfaits d'une « suradministration » débouchant sur une instabilité préjudiciable aux anticipations de marché des différents acteurs s'en trouveraient accrus.
2. ...il convient de mettre le marché à l'épreuve de la présente réforme...
L'instauration d'un mécanisme de « double plafond » aboutirait à revenir à la situation qui prévalait jusqu'à la fin des années quatre-vingt, avant que la loi « Neiertz » 214 ( * ) n'y mette un terme 215 ( * ) .
En effet, le taux d'intérêt est le prix de l'argent et à l'époque, la fin du double plafonnement s'inscrivait dans un mouvement de confiance croissant envers les mécanismes du marché, qui conduisait à rejeter toute forme de règlementation des prix.
De fait, le taux de l'usure s'était alors parfois avéré trop faible, ne permettant pas aux prêteurs de couvrir leurs risques ou leurs frais fixes pour les crédits de petits montants (suscitant alors l'intervention du gouvernement pour majorer les taux autorisés à partir de « perceptions forfaitaires » 216 ( * ) ).
Aujourd'hui, la détermination endogène du taux de l'usure, sur la base de la moyenne des pratiques constatées au cours du trimestre précédent, provoque des hausses auto-entretenues du taux de l'usure et des taux moyens pratiqués. Faut-il, pour autant, revenir au même type de mécanisme que celui qui prévalait avant 1990 ?
La refonte des catégories de prêts à laquelle oblige le présent article, ainsi que les mesures du présent projet de loi tendant à renforcer la transparence des prix et par conséquent la concurrence, portent l' espoir qu'à l'avenir, le marché se régulera mieux et reflétera plus étroitement l'évolution des conditions monétaires .
Il peut sembler, par conséquent, prématuré de revenir à un système plus administré , d'autant plus que le recours à une référence externe peut aussi bien s'avérer défavorable au consommateur, notamment en ce qu'il est susceptible d'aboutir à un rationnement du crédit par la fixation d'un taux plafond trop faible.
*
Toutefois, si, dans un premier temps, la fin de la distinction des catégories de prêts à raison de leur nature devrait freiner, voir juguler les effets inflationnistes, nul n'est aujourd'hui en mesure de prévoir, à terme, quelle nouvelle dynamique est susceptible de s'enclencher.
Par ailleurs, les conditions de formation des marges des établissements de crédit demeurent largement inexplorées, ce qui rend particulièrement difficile le diagnostic à porter lorsque les taux moyens pratiqués, et par conséquent les taux de l'usure, s'écartent des conditions de refinancement : dans quelle proportion des clientèles plus risquées sont-elles prises en charge, et dans quelle proportion les marges s'accroissent-elles ?
Il serait essentiel de répondre à ces questions avant d'envisager , si cela s'avérait nécessaire, une nouvelle réforme du droit de l'usure , voire, comme le préconiserait alors votre rapporteur le cas échéant, la suppression de cette législation, à l'instar de l'essentiel des autres pays développés .
Aussi, le présent article prévoit-t-il qu'un comité ad hoc , présidé par le Gouverneur de la Banque de France et comprenant deux parlementaires ainsi que le directeur général du Trésor et de la politique économique, sera chargé de suivre et d'analyser, notamment au regard du mode de fixation des taux de l'usure, le niveau et l'évolution des taux d'intérêt des crédits aux particuliers. Ce comité examinera également les modalités de financement des établissements de crédit et analyse le niveau, l'évolution et les composantes de leurs marges. Il établira un rapport annuel remis au Parlement et au Gouvernement.
3. ...tout en ménageant certains garde-fous
Il serait utile que le Gouvernement puisse intervenir dans le cas d'une variation exceptionnelle des conditions monétaires . En effet, la détermination du taux de l'usure en fonction de la moyenne des pratiques constatées au cours du trimestre précédent entraîne une certaine inertie du taux plafond :
- d'une part, un fort resserrement des conditions monétaires pourrait contraindre les établissements de crédit à réduire fortement leur production, faute de pouvoir rémunérer les risques les plus élevés, en raison de l'inertie à la hausse des taux de l'usure ;
- d'autre part, une détente très rapide des taux permettrait aux établissements de crédit de pratiquer des marges abusives ou à accepter des risques excessifs, en raison de l'inertie à la baisse des taux de l'usure.
C'est pourquoi le présent article autorise le gouvernement à prendre des mesures transitoires dans l'hypothèse d'une variation considérable et inaccoutumé du coût des ressources des établissements de crédit. Ces mesures, mises en oeuvre par le ministre chargé de l'économie, sur proposition motivée du Gouverneur de la Banque de France, ne pourraient excéder huit trimestres consécutifs.
Ce dispositif, qui existe déjà au niveau règlementaire 217 ( * ) , souffre d'un manque de base légale évident, que le présent article vient combler.
Votre commission spéciale a adopté cet article 1 er A (nouveau) ainsi rédigé. |
* 172 L'existence d'un taux plafond est parfois d'origine législative, comme en France, en Belgique ou en Italie, parfois d'origine jurisprudentielle, comme en Allemagne (où les taux plafonds, d'environ 20 %, sont du même ordre que les taux français). Dans le cas le plus général, il n'existe pas de taux plafond, ce qui est notamment le cas des pays scandinaves et anglo-saxons (aux Etats-Unis, quelques Etats ont cependant décidé de fixer un taux de l'usure dans leur ressort géographique).
* 173 La logique qui suit vaut plus pour les particuliers que pour les entreprises , dont il faut davantage encourager la prise de risque. Ainsi, la loi pour l'initiative économique n° 2003-721 du 1 er août 2003 a exclu du champ de la réglementation de l'usure la quasi-totalité des crédits aux sociétés, puis la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 la plupart des crédits consentis aux personnes physiques exerçant une activité marchande. Au final, seuls les découverts en compte accordés à ces deux catégories d'emprunteurs demeurent soumis aux sanctions civiles de l'usure.
* 174 Le coût d'un crédit , c'est-à-dire son taux d'intérêt, comprend le coût de l'argent pour l'établissement prêteur, les frais de dossier et le coût du risque de défaut de l'emprunteur.
* 175 Pour les prêts immobiliers, l'échelle des taux est resserrée et le taux de l'usure situé à un niveau suffisamment faible pour limiter fortement le risque de surendettement, dont les conséquences macroéconomiques et personnelles sont autrement redoutables que pour les prêts à la consommation, en raison de l'importance des montants octroyés.
* 176 Réponse de la Fédération bancaire française à un questionnaire de la commission spéciale.
* 177 Système proche du mécanisme italien, mais différent des systèmes néerlandais ou belge qui se fondent sur une marge nominale ajoutée à un indice de référence.
* 178 Vente à tempérament.
* 179 Voir infra le C. du II.
* 180 La réforme de la législation sur l'usure : un premier bilan, Comité consultatif du comité consultatif du secteur financier, décembre 1992.
* 181 Rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur les modalités de fixation des taux de l'usure, février 2009, remis le 27 mai 2009 à la commission spéciale.
* 182 L'Euribor ( « Euro interbank offered rate » ) à trois mois, qui est le taux moyen auquel se refinancent les banques sur le marché interbancaire à une échéance de trois mois, est considéré comme un indicateur relativement central des conditions du refinancement bancaire.
* 183 Ainsi que très probablement, quoique dans une proportion difficile à évaluer, la marge commerciale - voir infra.
* 184 Hypothèse distinguée par le rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales précité, mais qui n'est pas la plus fréquemment évoquée.
* 185 La différence de prime de risque entre crédit renouvelable et prêt personnel est cependant inférieure à la différence entre les taux moyens pratiqués, les frais de gestion étant plus élevés pour le crédit renouvelable compte tenu de la relative modicité des montants en cause.
* 186 De nombreuses personnes auditionnées par la commission spéciale ont déploré la fréquence de ce type de trajectoire.
* 187 Voir le rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur les modalités de fixation des taux de l'usure, février 2009.
* 188 La catégorie des « near-prime » composée, par exemple, de personnes disposant d'un emploi mais non salariées, connaîtrait ainsi fréquemment cette trajectoire.
* 189 M. Philippe Lemoine, Président de Laser Cofinoga, estime ainsi que 15 % de la population serait « condamnée au crédit renouvelable ».
* 190 Les 11 premières mensualités sont de 55,58 euros et la dernière de 49,50 euros.
* 191 Rapport annuel de la commission bancaire pour l'année 2007.
* 192 « La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre », janvier 2006, rapport réalisé par le BIPE et présenté par M. André Babeau pour le Comité consultatif du secteur financier.
* 193 Selon le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur les modalités de fixation des taux de l'usure (février 2009), « la tarification n'est pas directement liée au niveau de risque des emprunteurs ».
* 194 Actuellement déterminées par un arrêté du 24 août 2006.
* 195 Difficulté essentiellement liée au mode itératif de détermination du seuil du taux de l'usure.
* 196 Cette disposition provient initialement de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, qui a introduit une règle de majoration du quart, portée au tiers par la loi Neiertz du 31 décembre 1989. Auparavant, le décret-loi du 8 août 1935 avait défini ce taux comme « celui qui dépasse de plus de la moitié le taux moyen pratiqué dans les mêmes conditions par des prêteurs de bonne foi pour des opérations de crédit comportant le même risque » . L'application de ce texte imprécis s'était avérée difficile. A noter que le texte de 1966, depuis introduit dans le code de la consommation, a été plusieurs fois modifié, notamment pour exclure la plupart des catégories de prêts destinés aux entreprises de la législation sur l'usure.
* 197 Seuil fixé par un arrêté du 25 juin 1990.
* 198 Le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGAS précité sur les modalités de fixation des taux de l'usure souligne l'impact négatif d'un seuil devenu trop bas :
- pour le microcrédit (le montant médian des prêts amortissables de l'Association pour le développement de l'initiative économique [ADIE] se situe aux alentours de 2.350 euros) ;
- pour les prêts sur gage, qui se voient appliquer les conditions d'usure des prêts personnels, obligeant les établissements de crédit municipaux à pratiquer des taux très élevé en deçà du seuil pour mutualiser les risques.
* 199 Notons ainsi que, sur la base d'un coût de gestion de 80 euros, le taux d'intérêt d'un prêt destiné à l'acquisition d'un bien de 8.000 euros comprend 1 point destiné à couvrir ces frais, mais pas moins de 10 points pour l'acquisition d'un bien de 800 euros.
* 200 Audition par la commission spéciale de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, en date du 27 mai 2009.
* 201 Le seuil est actuellement fixé par l'arrêté du 24 août 2006 fixant les catégories de prêts servant de base à l'application de l'article L. 313-3 du code de la consommation et de l'article L. 313-5-1 du code monétaire et financier, relatifs à l'usure.
* 202 Proposition de réforme 08-R027 en date du 6 janvier 2009, reprise par un amendement de Mme Brigitte Bout examiné lors de la réunion de la commission spéciale, de même qu'un amendement de M. Claude Biwer suggérant pour sa part de fixer le coefficient à 1,10.
* 203 Vente à tempérament.
* 204 Au 2 ème trimestre 2009, le taux de l'usure serait ainsi ramené de 20,92 % à 18,8 %, ce qui demeure intrinsèquement élevé.
* 205 « La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre », janvier 2006, rapport réalisé par le BIPE et présenté par M. André Babeau pour le Comité consultatif du secteur financier.
* 206 Direction générale du Trésor et de la politique économique. Etude annexée au rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales précité.
* 207 L'encours du crédit amortissable progresserait de 5,8 Md€, celui du crédit renouvelable baisserait de 12,5 milliards d'euros, soit un baisse totale de l'encours de 6,7 milliards d'euros. Cette évaluation ne tient cependant pas compte de la réévaluation du seuil de 1.524 euros à 3.000 euros, qui diminuera les effets d'éviction pour les contrats renouvelables et renforcera l'accès au crédit amortissable. En outre, elle se base sur l'hypothèse d'un taux uniforme pour tous les crédits renouvelables, y compris ceux inférieurs à 1.524 euros. La DGTPE ajoute que les estimations réalisées sont fragiles.
* 208 Filiale de BNP-PARIBAS, CETELEM est le principal établissement pour la fourniture de crédit à la consommation en France.
* 209 Le gouvernement devra modifier l'arrêté du 24 août 2006 fixant les catégories de prêts servant de base à l'application de l'article L. 313-3 du code de la consommation.
* 210 Audition par la commission spéciale de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, en date du 27 mai 2009.
* 211 De l'ordre de 27 milliards d'euros fin 2007 (rapport Athling précité).
* 212 Obligations assimilables du trésor.
* 213 Le recours à une référence monétaire telle que le taux de refinancement auprès de la BCE présenterait l'inconvénient de devoir « afficher » une marge très élevée, ces taux étant les plus bas (par exemple, le taux de la facilité s'établit à 2,25 % depuis avril 2009).
* 214 Loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles (article 29).
* 215 L'avant-dernier alinéa de l'article 1 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité précisait alors : « En tout état de cause, est usuraire tout prêt dont le taux effectif global excède, au moment où il est consenti, le double du taux moyen de rendement effectif des obligations émises au cours du semestre précédent (...) ». Par ailleurs, jusqu'à l'intervention de la loi Neiertz, les taux effectifs moyens n'étaient majorés que du quart, et non pas du tiers, pour la détermination du premier plafond.
* 216 En vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article 1 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, le taux plafond pouvait être majoré « pour certaines catégories d'opérations qui, en raison de leur nature, comportent des frais fixes élevés, de perceptions forfaitaires fixées par le ministre de l'économie et des finances après avis du conseil national du crédit ».
* 217 Article D. 313-7 du code de la consommation :
« La Banque de France procède chaque trimestre à une enquête, portant sur les prêts en euros, destinée à collecter auprès des établissements de crédit les données nécessaires au calcul des taux effectifs moyens. Ce calcul est effectué selon une moyenne arithmétique simple des taux effectifs globaux observés. Les prêts dont les taux sont réglementés, administrés ou bonifiés par l'Etat ne sont pas pris en compte. Pour ce qui concerne les entreprises, les prêts ne sont pas pris en compte pour le calcul du taux effectif moyen lorsqu'ils sont supérieurs à des montants définis par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances.
« En cas de variation d'une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit, les taux effectifs moyens observés par la Banque de France peuvent être corrigés pour tenir compte de cette variation. Ces taux sont publiés au plus tard dans les quarante-cinq jours suivant la constatation de cette variation. »