3. Développer le microcrédit
Le troisième ajout ouvrant une perspective nouvelle au projet de loi vise, à l' article 18 bis , à favoriser le développement du microcrédit.
Le microcrédit est un prêt à taux réduit accordé aux populations connaissant des difficultés sociales et exclues de l'accès au crédit. Initialement conçu pour financer des projets professionnels, en particulier par l'Association pour le développement de l'initiative économique (ADIE) qui fête cette année son vingtième anniversaire, ce mécanisme a été étendu par la « loi Borloo » du 18 janvier 2005 au financement de projets personnels nécessaires à l'insertion sociale des bénéficiaires. La même loi a par ailleurs cherché à promouvoir le dispositif global en prévoyant un mécanisme de garantie publique des prêts octroyés par les banques, les établissements de crédit et les réseaux associatifs nationaux partenaires, au travers du Fonds de cohésion sociale (FCS), géré par la Caisse des dépôts et doté par l'Etat, pour la période 2005-2009, de 73 millions d'euros (les collectivités territoriales qui le souhaitent pouvant par ailleurs également financer ce fonds).
S'agissant plus précisément du microcrédit personnel, le FCS apporte sa garantie aux établissements bancaires accordant des crédits d'un montant de 300 à 4 000 euros, et jusqu'à 12 000 euros pour les prêts « accidents de la vie », pour une durée habituelle de 48 mois pouvant éventuellement atteindre 60 mois. Cette garantie s'élève jusqu'à 50 % des encours bancaires. Les bénéficiaires de microcrédits personnels bénéficient du concours de réseaux d'accompagnement qualifiés pour toute la durée du prêt.
Or, il apparaît que ce dispositif s'est peu développé. Selon la Caisse des dépôts, 6 000 microcrédits personnels garantis ont été octroyés au 31 décembre 2008, pour un montant total d'environ 13,6 millions d'euros, soit un montant moyen par prêt de 2 280 euros. Pourtant, près de 3,5 millions de personnes sont allocataires de minima sociaux et on estime à 7,5 millions le nombre de celles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Selon le Médiateur de la République, entre 15 et 20 % des citoyens sont concernés par le malendettement en France. C'est dire le décalage qui existe entre les besoins supposés et les résultats de la loi Borloo en la matière.
Selon un diagnostic établi en mars 2008 par l' Agence nouvelle des solidarités actives , les causes de ce manque d'élan du dispositif tiennent notamment, outre la médiocre communication et l'absence de visibilité :
- à la faible rentabilité des prêts octroyés ; ainsi, de nombreux établissements bancaires et de crédit n'ont pas sollicité l'agrément leur permettant de bénéficier de la garantie du fonds, tandis que ceux qui l'ont fait n'ont manifestement engagé cette démarché que par opportunité, pour améliorer leur communication ;
- à l'absence de définition juridique du microcrédit personnel ; cet argument a été notamment souligné lors de son audition par notre ex-collègues Paul Loridant, aujourd'hui secrétaire général de l' Observatoire de la miro-finance de la Banque de France et membre du Comité d'orientation du Fonds de cohésion sociale , auteur d'un rapport à paraître prochainement sur les perspectives de développement du microcrédit social.
C'est pourquoi votre rapporteur a-t-il proposé de modifier l'article 80 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale afin de définir le microcrédit personnel de façon à lui donner un nouvel essor. Selon cette nouvelle définition , qui met l'accent tout à la fois sur l' objet du crédit , la capacité de remboursement des emprunteurs et l' accompagnement social dont ils doivent bénéficier , les prêts garantis par le FCS sont « les prêts destinés à participer au financement des projets d'insertion accordés à des personnes physiques confrontées à des difficultés de financement, dont les capacités de remboursement de ces prêts sont jugées suffisantes par les prêteurs et qui bénéficient d'un accompagnement social. Ces prêts sont accordés dans une perspective d'accès, de maintien ou de retour à un emploi. Ils peuvent également être accordés pour la réalisation de projets d'insertion sociale qui ne sont pas directement liés à un objectif professionnel » .
En outre, et il s'agit d'une innovation importante réclamée par les associations partenaires, telles l' ADIE , CRESUS ou le Secours catholique , auditionnées par votre commission, le fonds pourra désormais également prendre en charge des dépenses d'accompagnement des bénéficiaires liées à la mise en oeuvre des projets financés par les prêts qu'il garantit, ainsi que les frais afférents à l'évaluation de ces opérations.
Cet article, destiné à donner un nouvel élan au microcrédit, a été jugé préférable à une proposition alternative émanant de Mme Nicole Bricq et ses collègues et consistant à accorder un crédit d'impôt aux banques et établissements financiers qui consentent à des personnes physiques dont les ressources sont inférieures à un seuil fixé par décret, sur une durée maximale de dix ans, des « avances remboursables » d'un montant ne pouvant excéder 3 000 euros par foyer fiscal, assorties d'un taux d'intérêt plafonné (par le même décret).
Si la générosité et l'objectif social des auteurs de cette suggestion ne sauraient être mis en doute, force est cependant de constater que leur dispositif est dangereux à bien des égards. Il l'est d'abord pour les finances publiques , même si, bien entendu, leur amendement était techniquement gagé. Il l'est ensuite pour le système financier lui-même : le mécanisme du crédit d'impôt peut susciter en l'espèce des pratiques bancaires assez éloignées du comportement responsable que le projet de loi entend par ailleurs favoriser dès lors que le remboursement par l'emprunteur n'est pas indispensable à l'équilibre économique de l'activité du prêteur. Sans esprit polémique et toutes proportions gardées, naturellement, ce dernier se trouve « protégé » comme pensaient l'être, grâce à la titrisation de leurs créances, les titulaires de subprimes outre-Atlantique : n'étant pas directement impacté par l'éventuelle absence de remboursements, il peut parfaitement se passer de vérifier la solvabilité des emprunteurs à qui il accorderait ce type de crédit . En ce sens, cette proposition était parfaitement contradictoire avec le projet de loi.
Enfin et surtout, celle-ci est dangereuse pour nombre des « bénéficiaires » eux-mêmes . Alors qu'à l'évidence, Mme Nicole Bricq et ses collègues visaient certainement des personnes totalement exclues du crédit, rien dans leur dispositif n'en permet de limiter le bénéfice à cette seule catégorie. Ainsi, quand chacun s'accorde à reconnaître que bien des personnes en situation de surendettement sont victime d'un trop grand nombre de crédits qu'elles ne parviennent pas à rembourser, voilà qu'on leur offrirait la faculté d'alourdir encore leur charge (certes à des taux d'intérêt réduits et sur des durées très longues) par un tirage quasi automatique de 3 000 euros supplémentaires . Le principe de responsabilité poursuivi par le projet de loi ne saurait se satisfaire d'un tel dispositif, au contraire de celui adopté par la commission spéciale qui, grâce à l'accompagnement social qu'il conforte doublement , tend réellement à promouvoir le microcrédit social .