3. Les visées : une harmonisation « maximale » et « ciblée » en faveur du marché et des consommateurs
Conformément aux motivations à l'origine de la proposition de la Commission européenne, la directive du 23 avril 2008 poursuit deux objectifs complémentaires :
- d'une part, favoriser le développement d'un marché intérieur européen du crédit à la consommation qui soit « performant » (paragraphe 7 de l'exposé des motifs du texte), ce qui suppose de réduire les obstacles juridiques à l'essor de produits internationaux ;
- d'autre part, garantir à l'ensemble des consommateurs européens « un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts » (paragraphe 9 de l'exposé des motifs), ce qui passe principalement par une information adéquate et complète, en particulier avant la conclusion du contrat de crédit, « pour que le consommateur puisse prendre sa décision en pleine connaissance de cause » (paragraphe 19). Plus largement, la directive vise à promouvoir , tant pour les consommateurs que pour les professionnels du crédit, des « pratiques responsables lors de toutes les phases de la relation de prêt » (paragraphe 26).
La réalisation de l'une et l'autre de ces visées requiert une harmonisation juridique renforcée , entre les Etats membres, « dans un certain nombre de domaines clés » (paragraphe 7 de l'exposé des motifs précité). Aussi, au contraire de la démarche suivie par la directive de 1986, le principe retenu par le législateur communautaire, en 2008, a été celui d'une harmonisation dite « maximale » : la nouvelle directive, qui pour sa part emploie (paragraphe 9 de son exposé des motifs) la formule « harmonisation complète », prévoit expressément (article 22, paragraphe 1) que les Etats membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d'autres dispositions que celles qu'elle établit , quand bien même il s'agirait de dispositions plus favorables aux consommateurs.
Ce principe, toutefois, s'exerce « dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées » (article 22, paragraphe 1), c'est-à-dire dans la limite du champ d'application du texte. En d'autres termes, dans les domaines qui ne sont pas visés par la directive, les Etats membres restent libres de conserver ou d'adopter une législation nationale propre , telle qu'ils l'estiment adaptée aux particularités de leur marché national du crédit et pour autant qu'elle ne contredise pas les règles fixées au niveau communautaire. Cette réserve traduit un compromis institutionnel entre, d'une part, la Commission, tenante d'une harmonisation « maximale » seule à même, selon elle, d'assurer la fluidité souhaitable du marché intérieur, et, d'autre part, le Parlement européen et certains Etats membres, qui auraient souhaité s'en tenir à une harmonisation « minimale » permettant éventuellement aux droits nationaux d'aller plus loin en direction de la protection des consommateurs, sur le modèle de la directive de 1986. Ainsi, dans la recherche d'un consensus, l'harmonisation, quoique « maximale », a été, suivant la terminologie alors consacrée, « ciblée », le champ d'application de la directive se trouvant restreint par rapport à celui que prévoyait la proposition originelle de la Commission 73 ( * ) .
Par ailleurs, il convient de signaler que n'a finalement pas été retenu le système, un moment envisagé, d'une reconnaissance mutuelle des législations sur certains aspects, dans le cadre soit de la liberté d'établissement, soit de la libre prestation de services 74 ( * ) . A cet égard, on doit préciser que la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles consacre (article 3) la règle de l'autonomie de la volonté des parties au contrat et, en l'absence de choix par les parties de la loi applicable, impose (article 4) de retenir celle de l'Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, soit d'ordinaire le pays du prestataire. Par ailleurs, l'article 5 de cette convention interdit au choix des parties d'avoir « pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle [...] si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité ».
* 73 De cette façon, au cours de l'élaboration de la directive, ont été exclues de l'harmonisation communautaire et, partant, laissées à l'initiative des Etats membres les réglementations, notamment, du démarchage, des procédures de recouvrement et de l'éventuel droit de reprise des biens acquis à crédit.
* 74 Suivant ce principe, il aurait été interdit à un Etat membre de s'opposer, au motif du non respect de sa législation, aux activités sur son territoire d'un professionnel du crédit d'un autre Etat membre dès lors que cet opérateur aurait agi conformément au droit de son pays d'origine., Comme l'avaient fait valoir en 2006 les résolutions précitées de l'Assemblée nationale et du Sénat, cette solution aurait immanquablement entraîné de lourdes difficultés en pratique, en conduisant à soumettre un même contrat, d'une clause à l'autre, à des régimes juridiques de nationalités différentes.