II. L'ENCADREMENT DES SERVICES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DEMEURE INSUFFISANT DANS LE DROIT EUROPÉEN

La notion de service public n'a pas exactement le même sens au niveau communautaire qu'en droit français, mais ses objectifs essentiels peuvent être assurés dans le cadre des services d'intérêt général.

En France, le service public se définit traditionnellement par deux aspects principaux :

- il poursuit une mission d'intérêt général ;

- il est assuré soit par une personne publique, soit par une personne privée sous le contrôle de la personne publique.

Les services publics sont soit « administratifs » et relèvent de la justice administrative, soit « industriels et commerciaux » et sont soumis en partie aux tribunaux civils.

Enfin, c'est essentiellement par la jurisprudence et par la doctrine, et non par la loi, que s'est formée la notion de service public à la fin du 19 e siècle et au cours du 20 e siècle.

Le droit européen reconnaît pour sa part la catégorie des services d'intérêt général (SIG) qui sont des services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général et qu'elles soumettent à des obligations spécifiques de service public.

Parmi ceux-ci, la catégorie des services d'intérêt économique général (SIEG) regroupe des services à caractère économique tels que les services postaux, de télécommunication, de transports, ou encore d'approvisionnement en électricité ou en gaz. Cette dernière catégorie a été dégagée avant celle des services d'intérêt général dans les textes européens.

A. DES SERVICES D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL AUX SERVICES NON ÉCONOMIQUES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

Les traités communautaires (traité instituant la Communauté européenne et traité sur l'Union européenne), tels qu'ils résultent de leur dernière modification substantielle en l'an 2000, mentionnent une catégorie particulière de services d'intérêt général, les services d'intérêt économique général (SIEG) .

Les traités et la législation européenne ne définissent pas la notion de SIEG, dont le contenu a été délimité progressivement par la jurisprudence communautaire .

1. Les SIEG dans les traités communautaires

Le traité instituant la Communauté européenne place à l'article 16 les SIEG « parmi les valeurs communes de l'Union ». Il reconnaît le « rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses États membres ». La Commission et les États membres doivent donc veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».

L'article 16 précise toutefois que les actions des autorités publiques en faveur des SIEG doivent être compatibles avec les articles 73, 86 et 87 :

- l'article 73 valide les aides « qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public » ;

- l'article 86 dispose que « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie » ;

- l'article 87, après avoir posé un principe d'incompatibilité avec le marché commun des aides d'Etat qui faussent la concurrence, tempère cette règle en établissant une liste limitative de cas dans lesquels une aide est autorisée ou peut être autorisée.

L'articulation entre la mission d'intérêt général assignée aux SIEG et l'application des règles relatives à la concurrence et au marché intérieur n'est pas suffisamment explicite dans les traités et notamment à l'article 86, qui a fait l'objet de lectures divergentes.

La Charte des droits fondamentaux , adoptée le 7 décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice, reconnaît en son article 36 le rôle des SIEG : « l'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément au traité instituant la Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union ».

Pour mémoire, la Charte des droits fondamentaux n'a pas à l'heure actuelle de valeur juridique opposable. Sa mise en oeuvre effective est soumise à l'achèvement du processus de ratification du traité de Lisbonne, qui déclare que « l'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux (...) laquelle a la même valeur juridique que les traités ».

Enfin l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union , dans sa rédaction résultant du traité de Lisbonne, reprend et modifie les dispositions de l'article 16 du traité CE actuel. Il indique notamment que le Parlement européen et le Conseil peuvent prendre des règlements afin d'établir les principes et de fixer les conditions, notamment économiques et financières, qui permettent aux SIEG d'accomplir leurs missions, sans préjudice de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services.

2. Les services d'intérêt général

Englobant les SIEG, la catégorie des services d'intérêt général (SIG), qu'ils portent sur des activités économiques ou non, n'est pas mentionnée dans les traités en vigueur à l'heure actuelle. Le livre blanc sur les services d'intérêt général 11 ( * ) considère que cette notion « couvre les services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d'intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public ».

La différence entre les SIEG et les SIG non économiques consiste donc dans la nature marchande ou non marchande des activités concernées.

Les conséquences sont importantes : les SIG non économiques ne sont en effet pas soumis aux règles communautaires de concurrence et de marché intérieur.

Or l'application de ce critère a elle aussi fait l'objet de divergences d'interprétation entre la Communauté et certains États membres. Ainsi la Commission européenne a-t-elle ouvert en 2007 une enquête sur les aides d'État aux coopératives de logement social aux Pays-Bas. La question se posait alors de la qualification de service marchand ou non de ces services, dans la mesure où le logement social a aux Pays-Bas une vocation universelle, à la différence de la France où il est ciblé sur un public limité.

Cette opposition a poussé le gouvernement des Pays-Bas, en accord avec la France et l'Allemagne, à demander l'introduction dans le traité de Lisbonne d'un protocole renforçant le statut des services d'intérêt général :

Le protocole n° 9 du traité de Lisbonne

Article premier

Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général au sens de l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne comprennent notamment :

- le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ;

- la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ;

- un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs.

Article 2

Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général.

Ce protocole ne peut toutefois entrer en vigueur qu'après l'achèvement du processus de ratification du traité.

B. UNE RÉPONSE PARTIELLE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

La Commission européenne n'estime pas nécessaire de proposer un texte général sur les services d'intérêt général. Elle s'est limitée jusqu'à présent à proposer des textes sectoriels ainsi qu'un « paquet » de normes sur les règles de compensation.

1. Une réflexion menée sur plusieurs années

Dans son livre vert de 2003 12 ( * ) , la Commission s'est interrogée sur l'opportunité de proposer une directive-cadre sur les services d'intérêt général. Les consultations qu'elle a conduites l'ont amenée à apporter une réponse négative à cette question dans son livre blanc rendu l'année suivante :

« Les avis exprimés à ce sujet lors de la consultation publique sont restés partagés, certains États membres et le Parlement européen étant sceptiques. En conséquence, il est resté douteux qu'une directive-cadre constitue la meilleure voie à suivre à ce stade. En outre, la consultation n'a pas démontré la valeur ajoutée d'un cadre horizontal par comparaison avec l'approche sectorielle suivie jusqu'à présent. En conséquence, la Commission estime qu'il vaut mieux ne pas présenter de proposition pour l'instant, mais réexaminer la question ultérieurement. »

2. Le paquet « Monti-Kroes » sur les règles de compensation des obligations de service public

L'arrêt « Altmark » 13 ( * ) rendu par la Cour de justice des communautés européennes en 2003, puis le « paquet Monti-Kroes » de novembre 2005 14 ( * ) ont mis en place les éléments d'un cadre juridique pour les aides publiques aux entreprises. La vérification de la légalité de l'acte par lequel une collectivité apporte une aide à un fournisseur de service d'intérêt économique général peut s'apprécier en deux étapes :

• s'agit-il d'une aide d'Etat au sens du traité ?

• si oui, est-elle conforme au traité ?

Sur la première question, il ne s'agit pas d'une aide d'Etat si, comme le précise l'arrêt Altmark :

- l'entreprise a été expressément chargée d'obligations de service public clairement définies ( règle du « mandatement » );

- des paramètres objectifs de calcul de la compensation ont été établis avant son versement.

- cette compensation n'occasionne pas de surcompensation ;

- la mission de service public a été confiée à l'entreprise à l'issue d'une procédure de marché public ou, en l'absence d'une telle procédure, le niveau de la compensation repose sur une analyse des coûts que pourrait réaliser une « entreprise moyenne, bien gérée » .

Sur la deuxième question, le paquet Monti-Kroes précise qu' une aide d'État qui respecte les trois premières conditions posées par l'arrêt Altmark (mandatement, calcul préalable de la compensation et absence de surcompensation) est compatible avec les règles du traité . Le quatrième critère n'est en effet adapté que dans les cas où il existe un marché permettant d'évaluer ce qu'est une « entreprise moyenne, bien gérée », ce qui n'est bien souvent pas le cas dans les secteurs socioculturels où interviennent des opérateurs de proximité.

Les aides d'Etat, même compatibles au regard des traités européens, doivent normalement être notifiées à la Commission. Toutefois, le paquet Monti-Kroes assouplit ce principe en dispensant de notification à la Commission les aides accordées dans certains secteurs ou pour un montant limité (moins de 30 millions d'euros si l'entreprise a un chiffre d'affaires inférieur à 100 millions d'euros).

Les dispositions mentionnées ici relèvent de documents de la Commission, notamment la décision de la Commission du 28 novembre 2005, et n'ont donc pas de caractère législatif.

3. Le choix d'un encadrement législatif sectoriel des services d'intérêt économique général

Dans sa communication du 20 novembre 2007 sur « les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général » 15 ( * ) , la Commission reconnaît , comme précédemment dans son livre blanc de 2004, le rôle des autorités publiques dans la définition des services d'intérêt général . Elle ajoute qu'« il est dès lors essentiellement de la responsabilité des autorités publiques, au niveau approprié, de décider de la nature et de l'étendue d'un service d'intérêt général ».

Elle reconnaît également la situation particulière des services sociaux d'intérêt général et leur importance « pour la réalisation d'objectifs fondamentaux de l'UE, tels que l'achèvement de la cohésion sociale, économique et territoriale ou un niveau élevé d'emploi, d'inclusion sociale et de croissance économique, de même que leur interconnexion étroite avec les réalités locales ». Elle constate notamment que les autorités publiques et les fournisseurs de service du secteur social ont parfois des difficultés à appliquer les règles de l'Union européenne relatives à ces services.

Elle ne remet toutefois pas en cause la situation actuelle sur deux points importants :

- la distinction entre services économiques et non économiques, considère-t-elle, « ne peut être donnée a priori et nécessite une analyse au cas par cas », en raison de la diversité de ces services et de leur mise en oeuvre d'un État membre à un autre, ainsi que de leur évolution constante. La Commission ne semble ainsi pas remettre en cause le rôle donné à la Cour de justice européenne de distinguer, en pratique, ce qui est « économique » et relève ainsi des règles communautaires, notamment relatives à la concurrence.

- des règles de portée générale ne lui paraissent pas nécessaires. Elle propose de poursuivre sur la voie des textes d'encadrement sectoriels tels que ceux qui couvrent les services de réseau : télécommunications, énergie, transports, services postaux...

La Commission ne formule finalement que des propositions qui peuvent paraître bien timides :

- ouverture d'un site Web d'information interactif 16 ( * ) afin de répondre aux questions que se posent les usagers et les professionnels sur l'application du droit communautaire ;

- poursuite de son approche sectorielle « en proposant, en tant que de besoin, des initiatives sectorielles tenant compte des besoins et situations spécifiques de chaque secteur et reflétant les principes énoncés dans le protocole envisagé ». Parmi ces initiatives figureraient un suivi de la mise en oeuvre de ses propositions antérieures (énergie, transports, communications électroniques, services postaux) ainsi que l'élaboration de propositions nouvelles relatives aux services de santé et aux services sociaux ;

- suivi et évaluation des secteurs déjà couverts par des directives ou des règlements.

4. La stratégie politique de la Commission pour 2009 et l'agenda social 2010-2015

Dans sa stratégie politique pour 2009 , sur laquelle porte la présente proposition de résolution, la Commission annonce des initiatives dans le domaine de la santé publique : mise en oeuvre de la stratégie européenne en matière de santé, adoptée en 2007, sécurité des dispositifs médicaux pour les patients, sécurité alimentaire, santé animale et bien-être animal. Elle ne prévoit pas de texte transversal sur l'ensemble des services d'intérêt général, ni même sur les seuls services sociaux d'intérêt général.

En outre, le 2 juillet 2008, la Commission a présenté un « agenda social renouvelé » 17 ( * ) dans lequel elle annonce de nombreuses initiatives à dimension sociale. Les propositions de niveau législatif demeurent toutefois limitées à des mesures spécifiques :

- une directive visant à améliorer le fonctionnement des comités d'entreprise européens, afin d'assurer un dialogue social effectif en cas d'opérations de restructuration ;

- une directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers ;

- une directive visant à lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle et à mettre en application le principe d'égalité de traitement en dehors du domaine de l'emploi.

L'agenda social s'accompagne d'une proposition relative à l'accord des partenaires sociaux sur la convention du travail maritime de l'OIT et annonce des propositions législatives visant à accroître la conciliation de la vie privée et professionnelle par l'amélioration des dispositions en matière de congé parental, l'introduction de nouvelles formes de congé (congé de paternité ou d'adoption et congé filial) et le renforcement de la protection des femmes enceintes.

Les autres initiatives annoncées sont des projets de recommandations ou de communications sur des sujets tels que l'inclusion active, la sécurité des patients et la qualité des services de santé ou encore l'interopérabilité transfrontalière des dossiers médicaux électroniques.

C. L'ACTION DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

Le Gouvernement français a montré depuis longtemps son attachement à l'amélioration de l'encadrement communautaire des services d'intérêt général .

En octobre 2007, le ministère des affaires étrangères et européennes déclarait ainsi, en réponse à une question de notre collègue Pierre Bernard-Reymond, que les autorités françaises « considèrent qu'un instrument juridique transversal communautaire pour les SIEG est nécessaire, sans que cela conduise à revenir sur les règles spécifiques de certains secteurs » 18 ( * ) . Il a également soutenu « le principe d'une démarche communautaire sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG) ainsi que l'opportunité d'un cadre législatif spécifique pour de tels services » 19 ( * ) .

La présidence française de l'Union européenne , au second semestre 2008, prenant acte de la difficulté d'obtenir un accord avec nos partenaires de l'Union européenne, n'a pas permis de mettre en oeuvre une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

Elle a toutefois largement mis l'accent sur les services sociaux d'intérêt général :

La présidence française de l'Union européenne et les services sociaux d'intérêt général

Le ministère français du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a organisé, les 28 et 29 octobre 2008, le deuxième forum sur les services sociaux d'intérêt général en Europe , faisant suite au premier forum organisé par la présidence portugaise sur ce sujet. La présidence française de l'Union européenne a alors formulé trois propositions :

- la clarification du cadre juridique applicable ;

- l'élaboration d'un cadre européen pour la qualité des SSIG ;

- l'institutionnalisation d'un forum européen consacré à la SSIG.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a toutefois estimé dans son discours d'ouverture que l'idée d'une directive spécifiquement dédiée aux services sociaux d'intérêt général ne faisait pas consensus aujourd'hui.

Le gouvernement a confié le 31 juillet 2008 à M. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, la charge de constituer un groupe de travail sur la sécurisation juridique des SIEG et plus particulièrement des SSIG 20 ( * ) . Ce groupe de travail a remis son rapport en janvier 2009. Le gouvernement a également remis à la Commission un rapport sur les compensations de services d'intérêt économique général , qui alerte les instances européennes sur les difficultés d'application des règles du paquet Monti-Kroes.

Enfin, pendant la présidence française, le Conseil EPSCO (emploi, politique sociale, santé, consommateurs) des 15 et 16 décembre 2008 a autorisé la transmission à Commission européenne d'une « feuille de route » qui pose des rendez-vous concrets dans les prochaines années pour la promotion des SSIG et la mise en place d'un cadre juridique favorable au développement des SSIG. Le même Conseil a adopté les conclusions opérationnelles du groupe sur les SSIG présidé par M. Bernhard Spiegel (Autriche).

Ces avancées ont marqué une indéniable volonté de faire avancer la cause des services sociaux, même si elles n'ont pas permis de répondre à toutes les interrogations que se posent les acteurs locaux sur les conditions dans lesquelles ils peuvent fournir ces services, ni d'aboutir à l'élaboration d'un outil juridique commun à l'ensemble des services d'intérêt général.

D. UN SUJET SUR LEQUEL LE SÉNAT EST INTERVENU À PLUSIEURS REPRISES

Dans une résolution européenne adoptée le 23 mars 2005 et portant sur la directive « services » 21 ( * ) , le Sénat a appelé la Commission « à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général ».

La délégation pour l'Union européenne (devenue commission des affaires européennes après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008) a formulé par deux fois son souhait que soit donné un cadre juridique, fort et clair, sous forme de directive-cadre, aux services d'intérêt général :

- en mars 2005, lors de l'examen du Livre blanc de la Commission sur les services d'intérêt général 22 ( * ) ;

- en juin 2008, dans le nouveau contexte créé par l'adoption du traité de Lisbonne 23 ( * ) .

Ces deux prises de position ont pris la forme de rapports d'information de Mme Catherine Tasca, faits au nom de la délégation.

E. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES ACTEURS LOCAUX

Si le paquet Monti-Kroes a apporté des précisions utiles et un assouplissement bienvenu aux règles relatives aux aides d'Etat, il n'a pas répondu à toutes les inquiétudes .

Une première raison réside dans la difficulté à appréhender les catégories juridiques introduites par le droit communautaire .

Le Secrétariat général des affaires européennes a souligné devant votre rapporteur que bien des notions de droit communautaire relatives à l'encadrement des aides d'Etat sont présentes depuis longtemps dans le droit français.

Ainsi, l'obligation de mandatement existe-t-elle déjà dans de nombreux secteurs. Pour prendre l'exemple du logement social, des dispositions de nature législative et réglementaire définissent les règles d'attribution de logements, le principe d'un conventionnement global entre l'Etat, les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte. Comme le fait observer le rapport Thierry, les autorités publiques françaises « ont souvent fait du mandatement comme monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir ».

Les acteurs locaux ne se sont pas suffisamment appropriés ces règles et ils doivent faire face à un risque d'insécurité juridique, à tel point que, le 4 juillet 2008, le ministre de l'intérieur avertissait les préfets que « de largement théorique encore à ce jour, le risque contentieux devient désormais de plus en plus prégnant » 24 ( * ) .

Les interrogations sont particulièrement fortes dans le champ des services sociaux d'intérêt général (SSIG), catégorie de services qui répondent notamment aux objectifs de santé, d'éducation, d'aide aux personnes vulnérables, d'insertion économique, de logement social.

Nombreux sont, dans ces secteurs, les acteurs locaux qui s'inquiètent des incertitudes pesant sur leur action. Or, comme l'a montré un récent rapport de la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale sur les services sociaux d'intérêt général 25 ( * ) , ils n'ont bien souvent pas les moyens juridiques et financiers pour s'adapter aux règles fixées au niveau européen et encore mal comprises au niveau national et local, notamment dans le « tiers secteur ».

La réponse apportée par la Commission ne peut être considérée comme satisfaisante . Elle se limite en effet pour le moment au service d'information sur les règles communautaires accessible par Internet. Les avis qu'elle y formule expliquent avec clarté et de manière utile la jurisprudence de la Cour de justice européenne, mais leur absence de valeur juridique opposable réduit fortement leur portée.

* 11 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Livre blanc sur les services d'intérêt général - COM(2004) 374, 12 mai 2004.

* 12 Livre vert sur les services d'intérêt général - COM(2003) 270, 21 mai 2003.

* 13 Arrêt de la Cour dans l'affaire préjudicielle C-280/00, Altmark Trans GmbH, Regierungspräsidium Magdeburg / Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH , 24 juillet 2003.

* 14 Décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l'application des dispositions de l'article 86, paragraphe 2, du traité CE aux aides d'Etat sous forme de compensation de services publics octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général ; encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 des aides d'Etat sous forme de compensation de service public ; directive 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises.

* 15 Communication de la commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, accompagnant la communication intitulée « Un marché unique pour l'Europe du 21e siècle » : Les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général : un nouvel engagement européen - COM(2007) 724 final.

* 16 Ce service est disponible sur le site http://ec.europa.eu/services_general_interest/index_fr.htm .

* 17 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Un agenda social renouvelé : opportunités, accès et solidarité dans l'Europe du XXI e siècle - COM(2008) 412 final, 2 juillet 2008.

* 18 Réponse du ministère des affaires étrangères et européennes à la question écrite n° 01518 de M. Pierre Bernard-Reymond, publiée dans le JO Sénat du 25/10/2007, p. 1920.

* 19 Réponse du ministère délégué aux affaires européennes à la question écrite n° 25587 de M. Jean-Marc Pastor, publiée dans le JO Sénat du 01/03/2007, p. 452.

* 20 Mission relative à la prise en compte des spécificités des SIG dans la transposition de la directive « services » et l'application du droit communautaire des aides d'Etat, présidée par Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales.

* 21 Résolution européenne n° 89 (2004-2005) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, adoptée par le Sénat le 23 mars 2005.

* 22 Rapport d'information n° 257 (2004-2005) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la délégation pour l'Union européenne.

* 23 Rapport d'information n° 376 (2007-2008) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur les services d'intérêt général après le traité de Lisbonne, par Mme Catherine Tasca.

* 24 Circulaire du 4 juillet 2008 relative à l'application par les collectivités territoriales des règles communautaires de concurrence relatives aux aides publiques chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général.

* 25 Les services sociaux d'intérêt général : pour un cadre européen clarifié et respectueux de nos équilibres républicains , rapport n° 1574 de la commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale sur les services sociaux d'intérêt général, 1 er avril 2009.

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