C. UN DISPOSITIF D'ÉVALUATION AMBITIEUX, ASSORTI D'UN MÉCANISME DE SANCTION
- Le projet de loi organique initial
Conformément aux nouvelles dispositions de l'article 39, troisième alinéa, de la Constitution, le projet de loi organique fait des documents d'évaluation préalable un élément essentiel de la procédure, soumis à l'appréciation de la première assemblée saisie et au contrôle du Conseil constitutionnel. Ainsi, l'article 6 du projet de loi organique consacre une règle issue de la tradition parlementaire, selon laquelle les projets de loi sont précédés de l'exposé de leurs motifs.
L'article 7 prévoit que des documents rendant compte des travaux d'évaluation préalables au dépôt des projets de loi sont transmis au Parlement avec ces textes. Il s'agit, selon l'exposé des motifs du projet de loi organique, de « mettre en oeuvre l'objectif poursuivi par le pouvoir constituant de maîtrise de l'inflation législative et de qualité du processus normatif ».
L'évaluation préalable devrait comprendre une appréciation de la législation existante, la définition des objectifs poursuivis et l'identification des options possibles en dehors d'une nouvelle réglementation. Elle comporterait par ailleurs une estimation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de la réforme. Sa teneur dépendrait de l'ampleur du projet et de son urgence, ainsi que de son incidence sur les finances publiques.
L'article 8 donne à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie un délai de dix jours suivant le dépôt du projet de loi pour se prononcer sur le respect des règles relatives à l'évaluation préalable.
L'article 9 insère dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel le dispositif relatif aux modalités d'intervention du Conseil, lorsqu'il est saisi d'un désaccord entre l'assemblée intéressée et le gouvernement sur le respect des prescriptions concernant l'évaluation préalable.
L'article 10 définit les catégories de projets de loi qui ne seraient pas soumis à l'obligation d'évaluation préalable : projets de révision constitutionnelle, projets de loi de programmation, projets de loi relatifs aux états de crise, projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, projets de loi de ratification d'ordonnances. Les projets visant à habiliter le gouvernement à prendre des mesures par ordonnances devraient seulement être accompagnés d'éléments d'évaluation succincts, tandis que les projets de loi tendant à autoriser la ratification de traités ou d'accords internationaux seraient assortis de documents précisant les objectifs de ces traités ou accords et évaluant leurs conséquences.
Enfin, l'article 14 du projet de loi organique initial tend à prévoir l'application des dispositions relatives aux études d'impact aux projets de loi qui seraient déposés à compter du 1 er octobre 2009, date de l'ouverture de la prochaine session parlementaire ordinaire.
- Le texte adopté par l'Assemblée nationale
En première lecture, l'Assemblée nationale a substitué à la notion d'évaluation préalable celle d'étude d'impact, et en a développé le contenu (article 7). Les documents rendant compte de cette étude comporteraient donc une estimation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des dispositions envisagées, ainsi qu'une évaluation des coûts et bénéfices financiers attendus et des conséquences pour l'emploi public. Ils comprendraient la liste des textes d'application nécessaires et un calendrier prévisionnel d'évaluation de la législation. Par ailleurs, le contenu de l'étude d'impact ne pourrait être adapté en fonction de l'ampleur et de l'urgence de la réforme proposée.
Les députés ont également précisé que la Conférence des présidents de la première assemblée saisie disposerait d'un délai de huit jours après le dépôt du projet de loi pour constater que l'étude d'impact ne répond pas aux exigences organiques (article 8). Elle ne serait donc pas tenue d'émettre expressément un avis lorsqu'elle juge le contenu de l'étude satisfaisant.
L'Assemblée nationale a précisé le champ des projets de loi qui échapperaient à l'obligation de présentation d'une étude d'impact (article 10). Ainsi, les projets de loi de programmation y seraient soumis, à l'exception de ceux relatifs à la programmation pluriannuelle des finances publiques, de même que les dispositions non exclusives des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Les projets de loi tendant à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnances ou à ratifier des ordonnances devraient être assortis, lors de leurs dépôts, d'une évaluation spécifique.
Les députés ont en outre adopté deux articles additionnels tendant à permettre aux règlements des assemblées :
- de soumettre les amendements du Gouvernement à une étude d'impact communiquée à l'assemblée avant leur discussion en séance publique (article 11 bis) ;
- de déterminer les conditions dans lesquelles des amendements des membres du Parlement ou des amendements de la commission saisie au fond peuvent faire l'objet d'une évaluation préalable (article 11 ter).
Enfin, l'Assemblée nationale a avancé la date d'entrée en vigueur des nouvelles conditions de présentation des projets de loi aux textes déposés à compter du 1 er septembre 2009, afin de permettre au Parlement d'en bénéficier pour les projets de loi qui seront examinés dès le début de la prochaine session (article 14).
- La position de la commission
- Le contenu des études d'impact
Votre commission considère que les études d'impact qui accompagneront le dépôt des projets de loi doivent garantir une meilleure préparation et une meilleure qualité de la législation (article 7). La définition du contenu de l'étude d'impact ne doit donc pas viser une impossible exhaustivité, mais comporter les éléments qui conduiront le Gouvernement à vérifier la nécessité de présenter un projet de loi et à en assurer la cohérence avec le droit européen et l'ordre juridique interne .
Aussi vous propose-t-elle de préciser que les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact dès le début de leur élaboration. Cette étude devrait non seulement recenser les alternatives à l'adoption d'une nouvelle loi, mais présenter les raisons pour lesquelles le Gouvernement a finalement retenu le recours à la législation.
Les documents composant l'étude d'impact devraient en outre exposer l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, son impact sur l'ordre juridique interne et les conditions d'application de ses dispositions dans les départements et collectivités d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Ils présenteraient les principales orientations des textes d'application nécessaires et le délai prévisionnel de leur publication.
Votre commission vous propose par ailleurs de supprimer la référence au calendrier d'évaluation de la législation, car cette évaluation relève avant tout de la compétence du Parlement et ne saurait suivre un programme défini par le Gouvernement.
- Les modalités de contrôle de la présentation des projets de loi
Votre commission vous propose de prévoir qu'en dehors des sessions, le délai de dix jours à compter du dépôt d'un projet de loi, au cours duquel la Conférence des présidents de la première assemblée saisie peut constater que les règles de présentation des projets de loi sont méconnues, est suspendu jusqu'au dixième jour qui précède le début de la session suivante (article 8). La Conférence des présidents sera ainsi en mesure d'exercer un véritable contrôle, y compris sur les études d'impact accompagnant les projets de loi déposés en dehors des périodes de session.
Elle vous suggère en outre d'assurer l'information du président de l'autre assemblée lorsque le Conseil constitutionnel est saisi après un désaccord entre le Gouvernement et la première assemblée saisie du texte, sur l'appréciation du contenu de l'étude d'impact (article 9).
- Le champ d'application des études d'impact
Votre commission vous propose d'inscrire dans la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances et dans le code de la sécurité sociale les règles relatives à l'évaluation préalable des dispositions non exclusives des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (article 10 et article additionnel après l'article 10).
Elle vous présente en outre trois amendements visant à préciser les conditions de présentation des dispositions des projets de loi tendant à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances ou portant sur la ratification d'ordonnances et des projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou d'accords internationaux (article 10).
Enfin, votre commission vous propose de préciser le dispositif permettant aux règlements des assemblées de déterminer les modalités d'évaluation des amendements du Gouvernement (article 11 bis).