Article 13 (article 34-5 de la loi du 30 septembre 1986) - Coordination relative à la reprise de l'ensemble des programmes régionaux de France 3 en mode numérique

L'article 34-5 de la loi du 30 septembre 1986 consacre l'obligation de reprise par les distributeurs de services n'utilisant pas de fréquences assignées par le CSA de l'ensemble des programmes régionaux de France 3 lorsque ces services sont diffusés en mode numérique. Il permet également à ces distributeurs de déroger à cette obligation lorsque les capacités techniques de ces réseaux ne le permettent pas.

Par coordination avec la création à l'article 1 er du présent projet de loi de l'entreprise unique France Télévisions, l'article 13 supprime toute référence à France 3 et vise donc uniquement les programmes locaux de France Télévisions, à l'exception des programmes destinés spécifiquement à l'outre-mer, c'est-à-dire des programmes de RFO.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission spéciale afin de remplacer, par coordination avec la rédaction nouvelle proposée de l'article 1 er du projet de loi, l'expression « programmes locaux » par l'expression « programmes régionaux ».

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 13 bis (nouveau) (article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986) - Mise à disposition obligatoire des chaînes du groupe France Télévisions auprès des distributeurs de services outre-mer

I - Le droit existant

Le I de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 consacre l'obligation pour tout distributeur de services sur le territoire métropolitain de mettre gratuitement à disposition de ses abonnés les chaînes publiques nationales. Le distributeur supporte également l'ensemble des frais liés à cette reprise intégrale.

Dans les collectivités d'outre-mer, cette obligation de reprise, usuellement baptisée must carry , ne vaut toutefois que pour les chaînes de RFO. Celles-ci sont de deux types :

- la chaîne dite « télé pays », propre à chacune des collectivités concernées, qui diffuse des programmes à caractère local et reprend, pour le reste de sa grille, des programmes diffusés par les chaînes publiques et privées nationale ;

- la chaîne dite « Tempo », qui reprend exclusivement des programmes réalisés par les chaînes du groupe France Télévisions. Ces derniers sont majoritairement à composante éducative et culturelle et proviennent pour moitié de France 5.

Ces chaînes ne sont pas diffusées dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Outre les « télés pays » qui les concernent, toutes les collectivités ne reçoivent pas la chaîne Tempo, qui n'est diffusée ni à Mayotte ni à Wallis-et-Futuna. C'est pourquoi le deuxième alinéa du I de l'article 34-2 de la loi précitée prévoit que l'obligation de reprise en outre-mer ne porte, pour chaque collectivité, que sur les services de télévision qui y sont diffusés par voie hertzienne terrestre.

L'obligation de reprise qui pèse sur tous les distributeurs de service se double, pour le groupe France Télévisions, de l'obligation de mettre à la disposition de ces opérateurs les chaînes qu'elle diffuse. Pour utiliser les anglicismes usuels sur ce point, le must carry propre aux chaînes publiques s'accompagne ainsi d'un must deliver à la charge de ces mêmes chaînes, qui en est le corollaire logique. L'article 34-2 précité pose toutefois une limite à cette dernière obligation en autorisant les sociétés nationales de programme concernées à refuser la mise à disposition de leurs services si le fait de figurer dans le bouquet de chaînes concerné est incompatible avec les missions de service public propres à la télévision publique.

Aussi le fait que la loi limite la portée de l'obligation de reprise dans les collectivités d'outre-mer en la faisant porter sur les seules chaînes de RFO diffusées dans la collectivité concernée conduit-il, de fait, à limiter la portée de l'obligation de mise à disposition qui pèse sur le groupe France Télévisions en outre-mer : ce dernier n'est en effet tenu de mettre à disposition des opérateurs concernés que les chaînes de RFO.

France Télévisions n'est donc pas obligée d'accepter la diffusion par les distributeurs de service en outre-mer de l'ensemble des services qu'elle conçoit et programme. A cet égard, il s'agit là d'une simple application du principe général de la liberté du commerce et de l'industrie, une société, même publique, étant libre sauf disposition législative contraire d'accepter ou de refuser de contracter avec qui bon lui semble.

Cette liberté a conduit France Télévisions à ne pas mettre à disposition des distributeurs de service en outre-mer ses services de télévision nationaux. Elle s'y est en effet refusée au motif que cela conduirait ses programmes nationaux à concurrencer, au sein d'une offre payante diffusée par voie de satellite ou via le câble ou l'ADSL, ses propres programmes locaux, diffusés gratuitement par la voie hertzienne terrestre.

De fait, l'offre de télévision publique, que son accès soit gratuit ou payant, est ainsi fort restreinte dans les collectivités d'outre-mer. Cette situation est toutefois transitoire, le déploiement de la TNT outre-mer permettant à terme de proposer une offre aussi riche dans les collectivités territoriales que sur le territoire métropolitain.

II - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a néanmoins estimé que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Si les capacités de diffusion par voie hertzienne analogique limitent de fait le nombre des chaînes publiques qui peuvent être offertes au public par cette voie, il paraît difficilement compréhensible que les opérateurs privés ne puissent proposer au sein de leurs bouquets les mêmes services de télévision publics que ceux qui sont diffusés en métropole.

C'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel prévoyant que la société France Télévisions doit mettre à disposition de tout distributeur de services dans les collectivités d'outre-mer tout ou partie des services de télévision nationaux qu'elle édite.

Si la commission spéciale a émis un avis défavorable, quoique nuancé sur cet amendement, le Gouvernement s'est déclaré favorable à son adoption.

III - La position de votre commission

Votre commission n'ignore pas les inquiétudes qu'a pu susciter cet article additionnel. En permettant dès maintenant la diffusion des chaînes publiques nationales dans les collectivités d'outre-mer par le biais du câble, du satellite ou de l'ADSL, il risque en effet de conduire les services nationaux de France Télévisions à faire concurrence aux chaînes de RFO, dont le contenu est très largement fait de programmes précédemment diffusés sur les chaînes nationales. Par ailleurs, il peut paraître peu satisfaisant de permettre l'accès à une offre publique enrichie via un mode de diffusion payant alors que les chaînes publiques accessibles gratuitement demeurent peu nombreuses.

Malgré ces réserves, votre commission s'est néanmoins déclarée favorable à cet article additionnel dans son principe. Dès lors qu'il est techniquement possible de proposer à nos compatriotes d'outre-mer le même bouquet de chaînes publiques que celui offert sur le territoire métropolitain, il y a lieu de tirer parti de cette possibilité.

Comme l'a souligné le rapport de M. Alain Méar, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les Français ultramarins sont dans une situation particulièrement peu satisfaisante, puisque le paysage audiovisuel en outre-mer est le même que ce qu'il était en 1964 en métropole avec la création d'une deuxième chaîne publique.

Quelle que soit la qualité des programmes diffusés par les « télés pays » et par Tempo, elle ne saurait faire oublier le très faible nombre de chaînes publiques diffusées dans les collectivités d'outre-mer.

Au surplus, votre commission estime que les risques de déstabilisation de RFO suite à l'adoption de cet article additionnel sont faibles. En effet, les offres payantes disponibles outre-mer ont d'ores et déjà une large audience. Ainsi le taux de pénétration des offres satellitaires s'élève-t-il par exemple à 59 % à la Réunion, à 58,6 % aux Antilles, à 49,4 % en Guyane et à 50 % en Nouvelle-Calédonie. 71 ( * ) La concurrence en offre privée et offre payante est donc déjà vive.

Elle l'est d'autant plus que les bouquets payants comprennent le plus souvent les chaînes privées nationales. Or les programmes de celles-ci constituent une part des programmes diffusés par les « télés pays » et par les télévisions privées généralistes de proximité : ainsi, les programmes de TF1 ne représentent-ils que 3,9 % en 2006 des programmes des « télés pays », mais additionnés aux programmes de M6, les programmes des chaînes privées nationales peuvent représenter jusqu'à 70 % des chaînes privées généralistes de proximité.

D'ores et déjà, le paysage audiovisuel ultramarin est constitué par la juxtaposition de deux types d'offres :

- des offres gratuites publiques et privées reprenant largement des programmes des chaînes nationales publiques et privées ;

- des offres payantes permettant d'accéder directement à ces chaînes nationales publiques et privées.

Cette dualité explique sans doute la forte pénétration des offres payantes, notamment satellitaires, dans les collectivités d'outre-mer. La reprise des chaînes publiques nationales dans les bouquets payants risque sans doute de renforcer cette situation, mais ne créera pas pour autant une configuration inédite dans le paysage audiovisuel ultramarin.

Dès lors, il paraît souhaitable d'offrir la possibilité au téléspectateur d'outre-mer d'accéder aux offres nationales publiques tout autant que privées, à la seule condition que la reprise des chaînes publiques n'occasionne aucun surcoût pour lui.

De fait, l'offre publique gratuite qui s'ajoutera à l'offre privée payante sera plus importante que l'offre publique accessible gratuitement via les ondes hertziennes. Cette situation, peu satisfaisante en elle-même dès lors qu'elle laissera subsister une inégalité entre téléspectateur métropolitain et téléspectateur ultramarin, ne sera toutefois que transitoire : le déploiement de la TNT dans les collectivités d'outre-mer permettra d'apporter une réponse définitive plus satisfaisante.

Mais dans cette attente, rien ne justifie qu'une part au moins des téléspectateurs d'outre-mer puisse accéder à une offre télévisuelle publique plus riche encore que celle qui est proposée sur le territoire métropolitain, puisqu'aux chaines publiques nationales s'ajouteront également les chaines publiques locales, dont la reprise est obligatoire en vertu de la loi.

En conséquence, votre commission a souhaité rester fidèle à l'esprit qui a présidé à l'adoption de cet article additionnel par l'Assemblée nationale.

Dans sa rédaction, toutefois, ce dernier n'est pas encore pleinement satisfaisant. En contraignant France Télévisions à mettre à disposition d'un distributeur de services tout ou partie de ses programmes, il autorise ce dernier à choisir les chaînes dont il entend disposer. Cela n'est pas conforme aux principes qui ont conduit à la consécration d'une obligation de reprise intégrale sur le territoire métropolitain : les chaînes publiques constituent un ensemble, au sein duquel il n'est pas permis aux distributeurs de choisir. Cela ouvrirait la voie à la consécration d'un paysage audiovisuel public à géométrie variable, où chaque distributeur choisirait de retenir les chaînes publiques qui correspondent à la ligne éditoriale du bouquet qu'il propose. Or l'offre de chaînes publiques a une cohérence en elle-même et ne peut être démantelée. En conséquence, il y a lieu d'aligner l'obligation de mise à disposition sur les principes qui fondent l'obligation de reprise et de prévoir qu'elle ne peut être qu'intégrale.

De plus, dans sa rédaction initiale, l'article 13 bis ne prévoyait ni que les chaînes publiques concernées étaient mises gratuitement à la disposition des abonnés du distributeur de service ni que France Télévisions n'avait à supporter aucun coût du fait de cette mise à disposition. Il pouvait ainsi conduire France Télévisions à devoir assumer le coût financier d'une reprise qui pouvait elle-même être facturée aux abonnés en question.

Considérant d'une part, que les chaînes publiques sont par principe d'accès gratuit et, d'autre part, que la reprise des chaînes publiques, en l'état actuel du droit, se fait toujours aux frais du diffuseur concerné, votre commission a donc adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article 13 bis afin de garantir :

- la gratuité de la mise à disposition des abonnés des chaînes publiques, qui devront leur être offertes sans surcoût ;

- la gratuité pour France Télévisions de la reprise de ses services de télévision nationaux ;

- le respect du principe de la reprise intégrale par tout diffuseur de l'ensemble des chaînes de la nouvelle société nationale de programme France Télévisions.

Votre commission vous demande d'adopter l'article 13 bis ainsi modifié.

* 71 Alain Méar, Rapport au nom du CSA sur les modalités de développement de la télévision numérique dans les collectivités d'outre-mer, p. 8.

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