Article 49 sexies (nouveau) (article 41-5 de la loi du 30 septembre 1986) - Interdiction pour un opérateur de communication électronique d'éditer un service de communication audiovisuelle distribué sur son seul réseau

Cet article, issu d'un amendement présenté par MM. Benoist Apparu (UMP - Marne) et Yves Albarello (UMP - Seine-et-Marne), tend à insérer un article 41-5 dans la loi du 30 septembre 1986 visant à interdire aux opérateurs de communications électroniques de disposer d'un service de communication audiovisuelle exclusif.

I -  Le droit existant

Pendant l'année 2008, un nouvel éditeur de service de télévision est apparu : Orange a lancé Orange Foot pour cinq euros par mois, puis Orange Cinéma Séries, qui comporte cinq chaînes pour douze euros par mois.

L'accès à ces chaînes est :

- d'une part, réservé exclusivement aux abonnés d'Orange,

- et, d'autre part, conditionné à la souscription à un forfait Internet chez Orange.

L'objectif économique d'Orange est donc d'augmenter le nombre de ses abonnés « triple play » (téléphonie, Internet et télévision) en offrant une offre télévisuelle attractive et exclusive.

Afin de réaliser cette ambition, le groupe s'est engagé dans une politique d'acquisition de droits « premium » avec :

- une offre de matchs de football en exclusivité : 200 millions d'euros sont dépensés chaque année pour ces droits, jusqu'en 2012 ;

- une offre cinématographique et audiovisuelle également exclusive grâce à des accords avec les studios Warner, la société Gaumont et la chaîne américaine HBO, et à la production de films (à travers sa société de production Studio 37 et ses investissements dans la création).

II -  Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale

L'article adopté à l'Assemblée nationale vise à mettre fin à cette stratégie économique en interdisant de réserver à ses abonnés Internet l'accès à ses chaînes de télévision.

Dans la mesure où il est pour l'instant très difficile techniquement de permettre à un internaute de bénéficier, d'une part, d'une offre télévisuelle diffusée par un fournisseur d'accès à Internet et, d'autre part, d'une connexion Internet accessible via un autre fournisseur d'accès, la conséquence de cet article serait qu' Orange serait obligée d'offrir ses chaînes, qui pourraient rester payantes, sur l'ensemble des supports .

Il remettrait donc en cause l'ensemble de la stratégie commerciale du groupe.

III -  La position de votre commission

Vos rapporteurs, bien qu'ils reconnaissent l'intérêt du droit de reprise de l'ensemble des chaînes sur l'ensemble des supports, font également le constat que l'exclusivité est un principe structurant de la télévision payante, reconnu comme tel par les autorités de concurrence et le CSA. Elle permet notamment de développer de nouveaux services offrant des fonctionnalités innovantes. Au demeurant, la nécessité de souscrire deux abonnements auprès d'opérateurs distincts pour accéder à l'intégralité de la Ligue 1 de football a longtemps été la norme, les droits étant partagés entre Canal+ et TPS.

Sur le fait qu'il faille être un abonné à Internet pour accéder aux contenus audiovisuels, les éléments suivants peuvent être soulignés :

- sur tous les réseaux ADSL, l'accès aux offres premium nécessite un abonnement triple play , le client devant techniquement bénéficier d'un accès haut débit ;

- sur le câble, cet accès est soumis à la souscription d'un premier niveau d'abonnement ;

- sur le satellite ou en hertzien, les offres premium sont encore liées à des frais d'accès, notamment d'achat ou de location d'un décodeur (alors que cet équipement est amorti en quelques mois), sans que le client bénéficie pour autant des services d'accès à Internet en haut débit et de téléphonie compris dans les forfaits triple play .

- Orange est le seul à proposer des contenus premium « à la carte », sans systématiquement obliger le consommateur à payer à la fois pour le sport et le cinéma.

Enfin, vos rapporteurs sont sensibles au fait qu'Orange ait signé un accord avec les syndicats de producteurs et les sociétés d'auteurs, soumettant le bouquet TV « Orange Cinéma séries » à des obligations d'investissements dans la création audiovisuelle, Orange s'engageant à consacrer au moins 6 % des recettes de son bouquet au financement des oeuvres audiovisuelles patrimoniales.

Alors que le rapport de M. Eric Besson, secrétaire d'État en charge de l'économie numérique, prévoit déjà une saisine du Conseil de la concurrence par le Gouvernement pour examiner si les exclusivités contractées par les fournisseurs d'accès à Internet constituent un problème concurrentiel, vos rapporteurs estiment qu'il convient de ne pas légiférer trop prématurément sur le sujet mais de laisser se prononcer le Conseil de la concurrence, qui consultera les autorités de régulation sectorielles (l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et le Conseil supérieur de l'audiovisuel).

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page