Article 27 (article 15 de la loi du 30 septembre 1986) - Extension aux SMAd des règles relatives à la protection des mineurs et au respect de la dignité de la personne

Cet article tend à modifier l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 afin d'étendre les dispositions relatives à la protection des mineurs et à l'interdiction à la haine aux SMAd.

I - Le droit existant

Le récent rapport de notre collègue David Assouline (Soc - Paris), sur les rapports entre les nouveaux médias et la jeunesse, adopté à l'unanimité par la commission des affaires culturelles du Sénat a décrit le régime juridique de la protection des mineurs sur les supports audiovisuels. Il a notamment rappelé qu'il reposait sur trois principes :

- la liberté de communication audiovisuelle : il n'existe pas de censure a priori mais un contrôle a posteriori assorti de sanctions ;

- la régulation mise en oeuvre par une autorité indépendante chargée d'assurer la protection des mineurs : une classification et des horaires de programmation ont été définis par le CSA ;

- et la responsabilité des éditeurs dans leur programmation et la mise en oeuvre du dispositif défini par le CSA (il a par exemple mis en oeuvre un comité de visionnage qui formule des recommandations de catégories de diffusion, de coupes, d'horaires de programmation).

Ainsi le système de signalétique mis en place pour la télévision combine un mécanisme d'autorégulation avec l'intervention d'une autorité de régulation, le CSA. Chargé de veiller « à la protection de l'enfance et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle » (article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000), le CSA a mis en place une signalétique jeunesse, qui se manifeste par la présence en bas de l'écran à droite, d'un pictogramme représentant des chiffres en transparent sur une pastille blanche, accompagné des mentions « déconseillé aux moins de 10 ans », « déconseillé aux moins de 12 ans », « déconseillé au moins de 16 ans » ou encore « interdit aux moins de 18 ans ». Ces pictogrammes et mentions sont apposés par les chaînes qui ont mis en place à cet effet des comités de visionnage, lesquels classent les émissions en fonction de leur degré de violence, d'érotisme et de certains thèmes difficiles à regarder pour les jeunes. En outre, les chaînes doivent respecter les heures de diffusion de ces émissions.

Chaque programme fait l'objet d'un examen spécifique par les chaînes de télévision. Il n'existe pas de critère unique ni automatique pour décider qu'un programme va être diffusé avec un signal ou pas. De grands principes existent cependant.

- Lorsqu'un programme comporte des scènes qui risquent de choquer les plus jeunes ou lorsque le sujet abordé risque de les perturber.

Ils ne peuvent pas être programmés à l'intérieur des émissions pour la jeunesse, mais ils peuvent être diffusés en journée.

- Lorsqu'un programme risque de perturber les repères d'un enfant de moins de 12 ans, notamment parce qu'il recourt de façon systématique et répétée à la violence ou évoque la sexualité adulte.

Ces programmes sont diffusés essentiellement après 22 h, mais peuvent l'être ponctuellement après 20 h 30 (les chaînes cinéma et les chaînes de paiement à la séance étant soumises à un régime différent).

- Lorsqu'un programme risque de perturber les repères des moins de 16 ans, notamment les programmes érotiques ou ceux qui présentent des scènes de violence particulièrement impressionnantes.

Ces programmes sont diffusés après 22 h 30 (les chaînes cinéma et les chaînes de paiement à la séance étant soumises à un régime différent).

- Les films interdits aux moins de 18 ans ainsi que les programmes pornographiques ou de très grande violence, réservés à un public adulte averti et qui peuvent nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des moins de 18 ans.

Seules certaines chaînes accessibles par abonnement, dont des chaînes cinéma et des chaînes de paiement à la séance, sont autorisées à diffuser ces programmes, dans la mesure notamment où elles mettent en place un système de verrouillage de ces programmes permettant d'éviter que des mineurs y aient accès. Ils ne peuvent être diffusés qu'entre minuit et 5 h du matin.

Le CSA effectue un contrôle a posteriori sur l'application de la signalétique et dispose des moyens de concertation (discussion régulière avec les chaînes, publication d'un bilan annuel) et de coercition (le CSA peut demander au Conseil d'État qu'il soit ordonné à la personne responsable de la programmation de l'émission litigieuse d'y mettre fin).

Les nouvelles chaînes de la télévision numérique terrestre se sont aujourd'hui adaptées à ce contrôle qui est reconnu efficace par l'ensemble des acteurs.

Le rapport de M. David Assouline soulignait en outre que s'agissant des SMAd, le retard pris dans l'extension de la législation entraînait des lacunes dans la protection des mineurs.

II - Le texte du projet de loi

Le présent article remédie à ces lacunes en étendant à l'ensemble de la communication audiovisuelle, dont les SMAd, la compétence du CSA en matière de protection des mineurs (deuxième alinéa de l'article). Cette extension est conforme à l'article 3 nonies de la directive SMA qui prévoit que « les États membres prennent les mesures appropriées pour que les services de médias audiovisuels à la demande fournis par des fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence qui pourraient nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à la disposition du public que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement entendre ou voir ces services de médias audiovisuels à la demande ».

Vos rapporteurs se félicitent en outre que l'interdiction des programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs soit étendue aux SMad (deuxième alinéa de l'article modifiant le quatrième alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986).

Par ailleurs, comme pour les services de médias linéaires, le CSA devra veiller à ce que les moyens techniques adaptés pour protéger les mineurs soient mis en oeuvre (troisième alinéa du présent article). Il est clair que les moyens techniques seront différents pour les SMAd, consultables principalement par Internet. Comme le souligne le Conseil dans son avis sur le présent projet de loi, « certaines des approches retenues pour les services de télévision (grille horaire, signalétique permettant aux parents d'être alertés sur le degré de nocivité des programmes pour le jeune public et d'exercer en conséquence un contrôle sur la présence des enfants devant le téléviseur familial) n'apparaissent pas adaptées aux SMAd, dont les programmes sont, en principe, accessibles à toute heure et pour une consommation normalement individuelle ».

III -L'examen par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur tendant à confier au CSA un contrôle sur la publicité placée par l'éditeur sur les sites de partage et d'échanges au sein de communauté d'intérêt, dans le cadre de sa mission de protection des mineurs.

Cet amendement vise ainsi à aller plus loin que la seule réglementation pénale existant aujourd'hui pour protéger les mineurs sur Internet. L'article 227-24 du code pénal prévoit ainsi que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ».

IV - La position de votre commission

Vos rapporteurs estiment que les objectifs poursuivis par l'amendement adopté à l'Assemblée nationale sont extrêmement louables. La réflexion sur la soumission des contenus diffusés sur Internet à une régulation administrative leur semble inéluctable. Ils estiment cependant qu'un tel dispositif devrait être adopté dans un texte plus global relatif aux responsabilités des acteurs de l'Internet.

Ils soulignent, à cet égard, que le 3° (nouveau) de l'article 27 créé par l'Assemblée nationale contient des concepts juridiques flous :

- est tout d'abord utilisée la notion de services consistant à éditer du contenu créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt. Or, ce concept d'édition de contenu n'a pas vraiment d'existence dans le droit de l'Internet, dans lequel sont utilisées les notions de fournisseurs d'accès ou d'hébergeurs. Il n'est donc pas certain que cette rédaction recouvre les activités de sites comme Dailymotion ou Youtube qui ont une activité principale d'hébergement de vidéos et non pas d'édition ;

- en outre, est utilisée la notion d'éditeur de site, qui ne trouve également aucune définition dans notre corpus législatif.

Conscients qu'il existe un débat sur la différenciation entre les activités des hébergeurs et des sites Web 2.0 et que la création d'un droit spécifique relatif à ces sites doit être envisagée, vos rapporteurs considèrent en outre qu'il serait tout à fait opportun qu'une réflexion soit menée sur la soumission de ces sites, et plus généralement d'Internet, à des règles plus strictes en matière de protection des mineurs.

C'est la raison pour laquelle ils ont souhaité présenter un amendement de suppression du 3° de l'article.

- et un amendement visant à demander au Gouvernement un rapport sur la protection de la jeunesse sur les différents supports médiatiques (publications de presse, cinéma, supports vidéo, jeux vidéo) et présentant des propositions de réformes législatives permettant de fusionner les commissions administratives chargées de la protection d'enfance et d'améliorer la régulation du secteur de la communication électronique en la matière. Cet amendement reprend l'une des propositions du rapport précité de M. David Assouline de fusionner les commissions administratives chargées de la protection de l'enfance dans les médias.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

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