Article 26 (article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986) - Autorisation et réglementation du placement de produit

Le présent article tend à introduire un article 14-1 dans la loi du 30 septembre 1986 afin de prévoir que le CSA fixera les conditions dans lesquelles les programmes des services de communication audiovisuelle peuvent comporter du placement de produit.

I - Le droit existant


• Le placement de produit en droit interne

Il n'existe aujourd'hui pas de règles législatives relatives au placement de produit. Nombreuses sont au demeurant les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques de fiction au cours desquelles sont visualisés des produits, des services ou des marques. Le décret n° 92-280 modifié n'aborde pas en tant que telle la question de la présence de marques -traditionnellement qualifiée de « placement de produit »- au sein d'oeuvres de fiction ou d'animation.

Toutefois, le CSA veille à ce que cette présence ne revête pas un caractère promotionnel, sous peine de relever de la publicité clandestine interdite à l'article 9 du décret n° 92-280 modifié, tout en distinguant les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

S'agissant des premières, la position constante du CSA, conforme à l'approche des instances communautaires, est de ne pas intervenir auprès de l'éditeur d'un service de télévision qui programmerait une oeuvre cinématographique comportant un placement de produit trop insistant, quand bien même ce diffuseur aurait contribué au financement de l'oeuvre, notamment en tant que producteur, dans la mesure où un film a prioritairement vocation à être exploité en salle. Le Conseil estime en revanche que le placement de produit doit être encadré lorsqu'il intervient dans des oeuvres audiovisuelles en ce qu'elles sont destinées à être programmées exclusivement à la télévision, peu importe qu'elles aient été préfinancées par le diffuseur ou acquises une fois réalisées. Il appartient en particulier aux éditeurs de services de télévision de veiller à ce que les oeuvres qu'ils programment soient exemptes de toute mise en valeur visuelle ou verbale excessive d'un bien, d'un service ou d'une marque, que les produits utilisés s'insèrent naturellement dans le scénario et que leur exposition est justifiée, sous peine de quoi le placement de produits relèverait de la publicité clandestine et à ce titre serait passible de sanctions.

Selon le CSA, « les éditeurs de services de télévision doivent a fortiori s'abstenir de diffuser des fictions dont le scénario est influencé par un produit ou un service ou se déroulant au sein d'une entreprise identifiée ou identifiable ».

Partant, le CSA fait bien fait prévaloir le critère de la proéminence indue préconisé par la Commission européenne dans sa communication interprétative de la directive « Télévision sans frontières » adoptée en avril 2004.

En conclusion, lorsqu'elle trouve sa justification dans les exigences de l'oeuvre, la présence de marques est parfaitement admise et ne nécessite notamment par l'usage du "floutage". En revanche, doit être proscrite toute mise en valeur indue d'un produit ou d'un service, en ce qu'elle serait de nature à abuser les téléspectateurs et à abroger le principe de la nécessaire séparation de l'espace publicitaire du reste du programme.

TF1 a été mise en demeure en octobre 1996 de se conformer aux dispositions de l'article 9 du décret du 27 mars 1992 à la suite de la diffusion d'un épisode de la série Alerte à Malibu au cours duquel avait été présentée avec complaisance une nouvelle marque de soda qui faisait concomitamment l'objet d'un lancement sur le marché français.

Le Conseil est intervenu auprès de France 2 en 1998 après la diffusion par la chaîne d'un épisode de la série Nestor Burma laissant apparaître de façon complaisante et répétée la une du quotidien France Soir.

M6 a été rappelée à l'ordre en avril 2002 en raison de la diffusion sur son antenne d'une vidéo musique du groupe Modjo dans laquelle était longuement visualisée sous différents angles une paire de baskets, dont la marque était aisément identifiable.

Le Conseil a fermement mis en garde TF1 suite à la diffusion en octobre 2004 d'un épisode de la série Commissaire Valence dans lequel il avait relevé une proéminence indue de produits de la marque Peugeot et notamment d'un véhicule Peugeot 407, mis en valeur tant visuellement que verbalement.

Lors des émissions de plateau, des présentations de marchandises sont courantes, avec par exemple, la présence quotidienne d'artistes venus présenter leur dernier album. Le CSA a donc été amené à préciser la notion de but publicitaire, en indiquant que toute présentation faite dans le but de promouvoir et non d'informer devait être qualifiée de publicité clandestine. A cet effet, le CSA a développé un faisceau d'indices tels que l'absence de pluralité dans la présentation des biens et des services, la complaisance ou le caractère laudateur des commentaires, ou l'indication de coordonnées précises permettant de se procurer les produits présentés.


• Le placement de produit en droit communautaire

Pour l'ensemble des services de médias audiovisuels, la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007, admet, dans plusieurs circonstances, le recours à la technique du placement de produit, définie comme « toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service, ou leur marque, ou à y faire référence, en l'insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre contrepartie » , dans les cas suivants :

- au sein des « oeuvres cinématographiques, films et séries réalisés pour des services de médias audiovisuels, ainsi que pour des programmes sportifs et de divertissement » ;

- ou « dans les cas où il n'y a pas de paiement mais uniquement la fourniture, à titre gratuit, de certains biens ou services, tels que des accessoires de production et des et des lots, en vue de leur inclusion dans un programme.»

Les émissions pour enfants sont expressément exclues de ce nouveau régime.

Les règles applicables à cette technique sont très proches de celles applicables au parrainage :

- interdiction de tels placements pour les produits du tabac, les médicaments et traitements sur ordonnance ;

- absence d'influence sur le contenu du programme ou d'atteinte à la liberté éditoriale ;

- absence d'incitation directe à la location de biens ou de services ;

- absence de mise en avant injustifiée du produit ;

- information du téléspectateur de l'existence de ces placements au début et à la fin de la diffusion ainsi qu'après l'interruption publicitaire.

II - Le texte du projet de loi

Le Gouvernement a adopté un point de vue pragmatique dans le présent article, qui propose :

- d'une part, de légaliser la pratique du placement de produit en l'encadrant ;

- d'autre part, de confier au CSA le soin de définir des règles équilibrées. Vos rapporteurs estiment que cette solution est plus judicieuse qu'un décret qui aurait davantage figé les règles relatives à cette pratique, et les aurait rendues moins légitimes. La direction des médias, interrogée sur ce thème, a souligné « qu'une importante consultation des acteurs devrait être menée sur ce sujet, compte tenu de l'attrait que la généralisation de cette technique peut susciter auprès des producteurs et des réticences qu'elle peut au contraire susciter chez les diffuseurs s'ils n'en tirent aucun bénéfice. C'est la raison pour laquelle il a été proposé de déléguer au CSA un pouvoir réglementaire supplétif en cette matière ».

Le CSA devra notamment :

- dresser la liste des programmes où cette technique peut être admise et de ceux où elle est prohibée, par delà l'exclusion expresse, de la directive, des programmes pour enfants ;

- distinguer la fourniture gratuite de biens et de services dont la valeur est négligeable du placement de produit ;

- et définir ses modalités d'encadrement, sachant que la directive prévoit notamment l'information des téléspectateurs au début et à la fin des programmes, ainsi qu'après les coupures publicitaires.

Le placement de produit sera également possible dans les SMAd.

III - L'examen par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, soulignant les risques du placement de produit a adopté un amendement du rapporteur tendant à préciser les principes de la réglementation de cette pratique.

Reprenant largement les principes fixés par la directive SMA, l'amendement prévoit que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aura pour rôle de veiller à ce que le placement de produit :

- n'influence pas la responsabilité et l'indépendance éditoriale de l'éditeur de services de médias ;

- n'incite pas directement à l'achat ou à la location de produit ou services d'un tiers et ne puisse en particulier comporter des références promotionnelles à ces produits ou services ;

- et ne mette pas en avant de manière injustifiée le produit en question.

Le téléspectateur devra en outre être clairement informé de l'existence d'un placement de produit, notamment grâce à une identification appropriée au début et à la fin des programme, et lorsque le programme reprend après une interruption publicitaire.

Un amendement de M. Frédéric Lefebvre (UMP - Hauts-de-Seine) est en outre venu préciser que les clips musicaux pourront également comporter du placement de produit.

IV - La position de votre commission

Vos rapporteurs considèrent que le placement de produit est une pratique qui doit être soigneusement encadrée et sont pas conséquent tout à fait favorables à la rédaction du présent article, tel que modifié par l'Assemblée nationale.

Votre commission vous demande d'adopter l'article sans modification.

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