2. Les liens familiaux
Les visites de la famille ou des proches sont le moyen pour le détenu de maintenir un lien avec l'extérieur et de le préparer, le moment venu, à retrouver la liberté. Beaucoup de détenus cependant ne reçoivent jamais la moindre visite . Tel est surtout le cas des personnes condamnées à de longues peines, incarcérées dans des maisons centrales souvent éloignées et pour lesquelles les relations avec l'extérieur se sont progressivement distendues. A titre d'exemple, la moitié seulement des personnes détenues à la maison centrale d'Ensisheim, bénéficiaient de visites. Dans ce contexte, il faut saluer le rôle indispensable joué par les visiteurs de prison qui sont, pour nombre de détenus, le seul lien avec l'extérieur.
L'administration pénitentiaire se doit de faciliter le maintien des liens familiaux. Des progrès indéniables ont été réalisés dans ce domaine dans la période récente.
Certes, l'organisation des parloirs est encore loin de donner toute satisfaction : leur durée -1/2 heure- en maison d'arrêt apparaît courte, en particulier pour les personnes condamnées qui ne bénéficient souvent que d'un seul parloir par semaine. L'administration pénitentiaire cherche à ouvrir des journées supplémentaires pour les parloirs dont la durée, par ailleurs, serait allongée.
A titre d'exemple, à la maison d'arrêt de Nanterre, les visites sont désormais possibles sur douze demi-journées au lieu de cinq auparavant. Ainsi, les avocats, en particulier, peuvent accéder aux parloirs six jours sur sept. La mise en place de ce nouveau système a compliqué néanmoins la gestion des flux et suscité certaines insatisfactions liées au temps d'attente pour accéder aux parloirs.
Par ailleurs, les demandes de rendez-vous ont été facilitées par la mise en place de bornes dans une centaine d'établissements. Pour les quelque 80 établissements encore non pourvus, les rendez-vous se prennent par appel téléphonique mais la saturation des lignes entraîne souvent de nombreux délais 28 ( * ) . L'administration envisage actuellement la possibilité de procéder à des réservations par Internet.
Aux termes de démarches compliquées, il arrive que des proches, venus parfois de loin, apprennent, au moment du parloir et sans autre explication, que celui-ci n'aura pas lieu. Les témoignages présentés dans le film A côté montrent, dans ces circonstances, le désarroi et l'inquiétude des familles. Un effort d'information s'impose dans ce domaine.
A l'inverse, l'administration pénitentiaire rappelle que des réservations ne donnent lieu à aucune suite : de ce fait, 20 % des parloirs demeurent inutilisés.
Les parloirs ne permettent pas de répondre à la situation des personnes détenues condamnées à de longues peines et ne bénéficiant pas de permission de sortie ou d'aménagement de peine, le plus souvent incarcérées dans des maisons centrales : les familles doivent en effet parcourir de longues distances pour un rendez-vous dont la durée est très limitée. Ces difficultés expliquent pour partie le relâchement des liens familiaux au fil des années. Elles ont justifié la création en 2003 des premières unités de vie familiale désormais implantées dans sept établissements 29 ( * ) . Les nouvelles prisons du programme 13.200 en seront toutes équipées. Ces unités permettent aux détenus de recevoir les membres de leur famille pour des durées allant de 6 à 72 heures dans le cadre d'un appartement de deux ou trois pièces implanté dans l'enceinte pénitentiaire. L'expérience des cinq années écoulées fait apparaître un bilan très positif :
- la personne détenue n'est plus placée en position d'être visitée par sa famille ou ses proches : elle la reçoit en s'efforçant de l'accueillir dans les meilleures conditions ;
- les personnels pénitentiaires peuvent exercer un rôle plus positif tant vis-à-vis des personnes détenues que de leurs visiteurs où l'attention et le dialogue comptent autant que la stricte surveillance.
Sur un mode plus modeste, les « parloirs familiaux » -salons fermés d'une superficie variant de 12 à 15 m 2 pourvus de sanitaires et d'un mobilier modulable- ont été aménagés dans huit maisons centrales (chacune dotée de trois ou quatre locaux de ce type). La durée -une demi journée- y est plus courte que dans les unités de vie familiale mais cependant moins brève que pour un parloir habituel.
Ces rencontres peuvent requérir des détenus une longue préparation. Lors de la visite de la maison centrale d'Ensisheim, une personne incarcérée a indiqué à votre rapporteur que la première fois qu'un « parloir familial » lui avait été accordé, elle s'était trouvée comme paralysée, dans l'impossibilité d'esquisser le moindre geste. Dans cette maison centrale, les parloirs familiaux sont finalement demandés par un petit nombre de détenus qui peuvent en bénéficier presque toutes les semaines alors qu'initialement, ils ne devaient être attribués à la même personne que deux à trois fois par an.
Cette situation ne saurait être généralisée. A Liancourt, au contraire, une unité de vie familiale peut être obtenue tous les deux mois, même si devant le succès emporté par le dispositif, les délais pourraient s'allonger.
Malgré cette avancée, le maintien des liens familiaux dépend pour une large part de la proximité de l'établissement pénitentiaire avec le lieu où la personne détenue a ses attaches familiales ou sociales. Ce critère devrait être considéré en priorité dans les choix d'affectation, comme le préconise la règle pénitentiaire européenne n° 17-1 : « les détenus doivent être placés aussi près que possible de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale afin de faciliter la communication avec le monde extérieur » et la CNCDH (recommandation n° 23) : « les décisions d'affectation des condamnés doivent prioritairement être édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale -spécialement s'ils ont des enfants- et au regard d'autres éléments de resocialisation comme la formation, l'emploi ou le contenu d'un plan d'exécution de la peine ».
* 28 En avril 2007, 155.235 parloirs avaient été réservés dont 80.194 par borne et 75.041 par téléphone.
* 29 Trois maisons centrales -Rennes, Saint-Martin de Ré et Poissy- et quatre centres de détention -Avignon (Le Pontet), Liancourt, Meaux (Chauconin), Toulon (La Farlède).