Rapport n° 143 (2008-2009) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 décembre 2008
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. LES GRANDS ENJEUX DE LA LOI
PÉNITENTIAIRE
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II. L'EXIGENCE D'UNE RÉFORME
AMBITIEUSE
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A. UN PROJET DE LOI EN DEMI-TEINTE
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B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION :
DONNER TOUTE SA PORTÉE À LA LOI PÉNITENTIAIRE
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1. Parfaire la réforme des alternatives
à l'incarcération
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2. Clarifier le cadre d'action du service public
pénitentiaire
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3. Améliorer le statut des
personnels
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4. Lutter contre l'oisiveté en prison et
renforcer l'offre de travail
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5. Renforcer les droits et les garanties reconnus
aux détenus
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6. Réaffirmer le principe de
l'encellulement individuel
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1. Parfaire la réforme des alternatives
à l'incarcération
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A. UN PROJET DE LOI EN DEMI-TEINTE
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I. LES GRANDS ENJEUX DE LA LOI
PÉNITENTIAIRE
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EXAMEN DES ARTICLES
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TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE
PUBLIC PÉNITENTIAIRE ETÀ LA CONDITION DE LA PERSONNE
DÉTENUE
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Article premier Missions du service public
pénitentiaire
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Article 2 Organisation du service public
pénitentiaire
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Article additionnel après l'article 2
Contrôle du Contrôleur général des lieux de privation
de liberté sur les établissements pénitentiaires
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Article additionnel après l'article 2
Conseil d'évaluation de l'établissement
pénitentiaire
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Article additionnel après l'article 2
Délégués du Médiateur
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Article additionnel après l'article 2
Évaluation du taux de récidive par établissements pour
peines
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Article additionnel après l'article 2
Participation des collectivités territoriales et des associations aux
instances d'évaluation et de suivi en matière
pénitentiaire
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Article 3 Transfert de compétence à
titre expérimental aux régions en matière de
formation
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Article premier Missions du service public
pénitentiaire
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CHAPITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AUX PERSONNELS
PÉNITENTIAIRES ET À LA RÉSERVE CIVILE
PÉNITENTIAIRE
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SECTION 1 Des conditions d'exercice des missions
des personnels pénitentiaires
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Article 4 Code de déontologie et
prestation de serment
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Articles additionnels après l'article 4
Personnels de surveillance et personnels d'insertion et de probation
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Article additionnel après l'article 4
Droits d'expression et de manifestation
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Article additionnel après l'article 4
Obligation de formation initiale et continue
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Article 5 Extension du champ de la protection
fonctionnelle de l'Etat aux concubins et partenaires de PACS des personnels
pénitentiaires
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SECTION 2 De la réserve civile
pénitentiaire
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Articles 6, 7, 8 et 9 Création d'une
réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires
retraités
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SECTION 1 Des conditions d'exercice des missions
des personnels pénitentiaires
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CHAPITRE III DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS
DES DÉTENUS
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SECTION 1 Dispositions
générales
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Article 10 Encadrement des restrictions dont les
droits des détenus peuvent faire l'objet
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Article additionnel après l'article 10
Information du détenu sur ses droits et devoirs
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Article 11 Liberté de communication des
détenus avec leurs avocats
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Article additionnel après l'article 11
Liberté de conscience et de culte
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SECTION ADDITIONNELLE APRÈS LA SECTION 1
De l'obligation d'activité
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Article additionnel après l'article 11
Obligation d'activité
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Article additionnel après l'article 11
Consultation des détenus sur leurs activités
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SECTION 2 Des droits civiques et sociaux
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Article 12 Domiciliation auprès de
l'établissement pénitentiaire
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Article additionnel après l'article 12
Domiciliation en vue de l'accès aux droits sociaux
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Article 13 Aide en nature pour les détenus
les plus démunis
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Article 14 Acte d'engagement - Insertion par
l'activité économique
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Article additionnel après l'article 14
Priorité donnée aux productions des établissements
pénitentiaires au sein des marchés publics
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SECTION 3 De la vie privée et familiale et
des relations avec l'extérieur
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Article 15 Droit des détenus au maintien
des relations avec leur famille
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Article additionnel après l'article 15
Unités de vie familiale et parloirs familiaux
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Article 16 Accès au
téléphone
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Article 17 Correspondance
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Article 18 Droit à l'image
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Article additionnel après l'article 18
Droit à la confidentialité des documents personnels
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SECTION 4 De l'accès à
l'information
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Article 19 Accès à
l'information
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SECTION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 19
De la sécurité
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Article additionnel après l'article
19 Obligation de garantir La sécurité de la personne
détenue
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SECTION 5 De la santé
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Article 20 Prise en charge des soins par le
service public hospitalier - Restriction des informations susceptibles
d'être communiquées aux proches
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Article 21 Obligation d'un permis de visite
spécifique pour l'accompagnement du détenu dans des conditions de
confidentialité
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Article 22 Autorisation de l'administration
pénitentiaire pour la désignation d'un aidant
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SECTION 6 Des biens
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Article 23 Biens abandonnés par les
détenus à leur libération
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SECTION 7 De la surveillance
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Article 24 Fouilles
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SECTION 8 Des détenus mineurs
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Article 25 Respect des droits fondamentaux
reconnus à l'enfant
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Article 26 Obligation d'une activité
à caractère éducatif pour les mineurs de 16 à 18
ans
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Article 27 Décret en Conseil d'Etat
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SECTION 1 Dispositions
générales
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CHAPITRE IV DISPOSITIONS DIVERSES
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TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AU
PRONONCÉ DES PEINES, AUX ALTERNATIVES À LA DÉTENTION
PROVISOIRE, AUX AMÉNAGEMENTS DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ ET
À LA DÉTENTION
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Article 31 Annonce des modifications du code
pénal
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SECTION 1 Des aménagements de
peines
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Article 32 (art. 132-24 du code
pénal) Affirmation du caractère subsidiaire de l'emprisonnement
ferme et de la nécessité de prévoir son
aménagement
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Article 33 (art. 132-25, 132-26, 132-26-1 et
132-27 du code pénal) Extension des possibilités
d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement correctionnel
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SECTION 2 Du travail d'intérêt
général
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Article additionnel avant l'article 34
(art. 131-8 du code pénal) Extension de l'amplitude horaire du
travail d'intérêt général
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Article 34 (art. 131-22 du code
pénal) Exécution d'un travail d'intérêt
général pendant une assignation à résidence avec
surveillance électronique ou un aménagement de peine
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Article 35 (art. 132-54, 132-55 et 132-57 du
code pénal) Sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail
d'intérêt général
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Article 31 Annonce des modifications du code
pénal
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CHAPITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE
PROCÉDURE PÉNALE
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Article 36 Modification du code de
procédure pénale
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SECTION 1 De l'assignation à
résidence avec surveillance électronique
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Article 37 Assignation à résidence
avec surveillance électronique
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Article 137 du code de procédure
pénale Assignation à résidence avec surveillance
électronique
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Sous-section II De l'assignation à
résidence avec surveillance électronique
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Article 142-5 du code de procédure
pénale Condition et teneur de la mesure
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Article 142-6 du code de procédure
pénale Garanties procédurales
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Article 142-7 du code de procédure
pénale Durée
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Article 142-8 du code de procédure
pénale Déroulement de l'assignation
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Article 142-9 Modification des horaires de
présence au lieu d'assignation
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Article 142-10 Réparation du
préjudice subi
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Article 142-11 Imputation de l'assignation
à résidence sur la peine privative de liberté
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Article 142-12 Recours à l'assignation
à résidence comme alternative à la détention
provisoire
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Article 142-13 Décret d'application
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SECTION 2 Des aménagements de peine
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Sous-section 1 Du prononcé des
aménagements de peine
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Article 38 (art. 707 du code de
procédure pénale) Principe de la nécessité des
aménagement de peine
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Article 39 (art. 708 du code de
procédure pénale) Délai d'exécution des peines
prononcées
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Article 40 (art. 712-6 du code de
procédure pénale) Possibilité de renvoi au tribunal de
l'application des peines des affaires complexes soumises au juge de
l'application des peines
-
Article 41 (art. 712-8 du code de
procédure pénale) Pouvoirs de l'administration
pénitentiaire en matière d'aménagements de peine
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Article 42 (art. 712-19 du code de
procédure pénale) Incarcération provisoire d'un
condamné n'ayant pas respecté les obligations découlant
d'une mesure de surveillance judiciaire
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Article 43 (art. 712-22 et 712-23 du code de
procédure pénale) Relèvement d'une interdiction
professionnelle et dispense d'inscription d'une condamnation au bulletin
n° 2 du casier judicaire
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Article 44 (art. 720-1 et 720-1-1 du code de
procédure pénale) Suspension et fractionnement des peines en
cours d'exécution
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Article 45 (art. 720-5 du code de
procédure pénale) Libération conditionnelle à
l'issue de la période de sûreté
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Article 46 (art. 723, 723-1 et 723-7 du code
de procédure pénale) Octroi par le juge de l'application des
peines de la semi-liberté, du placement à l'extérieur et
du placement sous surveillance électronique
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Article 47 (art. 729 du code de
procédure pénale) Octroi de la libération
conditionnelle
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Sous-section 2 Des procédures
simplifiées d'aménagement des peines
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Article 48 (section VII et VIII,
art. 723-13-1 nouveau à 723-28 du code de procédure
pénale) Procédures simplifiées d'aménagement des
peines
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Section VII Des procédures
simplifiées d'aménagement des peines
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Article 723-14 du code de procédure
pénale Dispositions communes
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Paragraphe 1 Dispositions applicables aux
condamnés libres
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Article 723-15 du code de procédure
pénale Convocation devant le JAP et le SPIP
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Article 723-15-1 nouveau du code de
procédure pénale Aménagement ou conversion de la
peine
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Article 723-15-2 nouveau du code de
procédure pénale Absence d'aménagement ou de conversion de
la peine
-
Article 723-16 du code de procédure
pénale Mise à exécution de la peine par le
ministère public sans attendre la décision du juge de
l'application des peines
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Paragraphe 2 Dispositions applicables aux
condamnés incarcérés
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Article 723-19 du code de procédure
pénale Champ d'application
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Article 723-20 du code de procédure
pénale Saisine du juge de l'application des peines
-
Article 723-21 du code de procédure
pénale Placement sous surveillance électronique des
condamnés dont la durée de détention restant à
subir est inférieure ou égale à quatre mois
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Articles 723-23, 723-24, 723-25, 723-27 et 723-28
du code de procédure pénale Coordinations
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Article additionnel après l'article 48
(art. 723-29 du code de procédure pénale) Maintien de la
compétence du tribunal de l'application des peines pour ordonner une
mesure de surveillance judiciaire
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Article additionnel après l'article 48
(art. 733-3 nouveau du code de procédure pénale) Obligation
de proposer des travaux d'intérêt général
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SECTION 3 Des régimes de
détention
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Article additionnel avant l'article 49
Règlement cadre commun à chaque catégorie
d'établissement pénitentiaire
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Article 49 (art. 715-1 nouveau et 716 du code de
procédure pénale) Possibilité d'un encellulement
individuel ou collectif pour les prévenus
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Article 50 (art. 717 du code de procédure
pénale) Assouplissement des conditions de maintien d'un condamné
en maison d'arrêt
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Article 51 (art. 71- 1 du code de
procédure pénale) Parcours d'exécution de peine -
Différenciation des régimes de détention
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Article 52 (art. 712-2 du code de
procédure pénale) Assouplissement du principe de l'encellulement
individuel pour les condamnés
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Article 53 (art. 726 du code de procédure
pénale) Régime disciplinaire
-
Article additionnel après
l'article 53 Isolement administratif
-
SECTION 4 Dispositions diverses et de
coordination
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Article 54 Coordinations liées à
l'institution de l'assignation à résidence avec surveillance
électronique
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Article 55 (art. 471, 474, 702-1, 710,
712-4, 733-1, 747-2 et 775-1 du code de procédure pénale)
Exécution par provision de la peine de jours-amende et des mesures
d'aménagement de peine - Coordinations - Décisions à juge
unique - Substitution d'une peine de jours-amende au travail
d'intérêt général
-
Article 56 (art. 709-2, 716-5, 719 et 727 du
code de procédure pénale) Dispositions diverses
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Article 57 (art. 804, 844-1 nouveau, 868-2
nouveau, 877, 926-1 nouveau, 934-1 et 934-2 nouveaux du code de
procédure pénale Application dans les collectivités
d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie
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Article 58 Modalités d'application
outre-mer
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Article 59 Moratoire de cinq ans pour
l'application des dispositions relatives à l'encellulement individuel
des détenus
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Article 36 Modification du code de
procédure pénale
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ANNEXES
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ANNEXE 1 GLOSSAIRE DE LA LOI
PÉNITENTIAIRE
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ANNEXE 2 ETUDE D'IMPACT CONCERNANT LE PROJET DE
LOI PÉNITENTIAIRE TRANSMISE AU SENAT LE 7 NOVEMBRE 2008 PAR LE
GOUVERNEMENT
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ANNEXE 3 BILAN D'APPLICATION DES TRENTE MESURES
URGENTES PRÔNÉES PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT
SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION DANS LES ÉTABLISSEMENTS
PÉNITENTIAIRES EN FRANCE (JUIN 2000)
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ANNEXE 4 LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DES
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA CONDITION PÉNITENTIAIRE
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ANNEXE 5 LE MAINTIEN DES LIENS FAMILIAUX DES
DÉTENUS EN EUROPE
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ANNEXE 6 LE TRAVAIL DES DÉTENUS EN
EUROPE
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ANNEXE 7 LES AMÉNAGEMENTS DE PEINES
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ANNEXE 8 LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXE 9 LISTE DES DÉPLACEMENTS DANS LES
ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
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ANNEXE 1 GLOSSAIRE DE LA LOI
PÉNITENTIAIRE
N° 143
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 décembre 2008 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi pénitentiaire ,
Par M. Jean-René LECERF,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
495 (2007-2008) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSIONAprès avoir entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, et M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, la commission s'est réunie le 16 décembre 2008, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, pour examiner, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008). Après avoir visité une quarantaine d'établissements pénitentiaires et procédé à l'audition d'une centaine de personnalités avec plusieurs de ses collègues membres de la commission, le rapporteur a estimé que si le volet du texte consacré aux aménagements de peines suscitait une large adhésion, la partie relative au service public pénitentiaire et aux conditions de détention apparaissait décevante. Il a rappelé qu'avec 63.750 personnes incarcérées, le nombre de détenus n'avait jamais été aussi élevé, le taux d'occupation des maisons d'arrêt dépassant 140 % . Cette situation entraîne une très forte dégradation des conditions de détention et interdit trop souvent à la prison d'assumer sa mission de réinsertion et de contribuer ainsi de manière efficace à la lutte contre la récidive. La réinsertion implique aussi l'apprentissage pendant la détention des règles sociales de base en un lieu où les droits et la sécurité doivent être garantis. Il a constaté que tel n'était pas toujours le cas. A son initiative, la commission des lois a adopté 95 amendements pour donner toute sa portée à la loi pénitentiaire. Les principales modifications proposées s'articulent autour de dix thèmes : 1. Affirmer le principe de l'encellulement individuel pour les personnes détenues et aménager le nouveau moratoire de cinq ans prévu par le projet de loi afin de donner au détenu dans une maison d'arrêt la possibilité de demander son transfert pour obtenir un placement dans une cellule individuelle ; 2. Instituer une obligation d'activité -travail ou formation ou toute autre activité- pour les détenus, avec pour corollaire la possibilité pour les plus démunis d'obtenir en numéraire une partie de l'aide apportée par l'Etat pour éviter qu'ils dépendent d'autres détenus. 3. Reconnaître un droit d'expression aux personnes détenues , sous la forme d'une consultation sur les activités qui leur sont proposées. 4. Limiter les fouilles , en rappelant que le recours aux fouilles intégrales n'est possible que si les autres moyens d'investigation, moins attentatoires à la dignité de la personne (fouille par palpation, contrôle par moyens électroniques), sont insuffisants et en proscrivant les fouilles corporelles internes, sauf impératif exceptionnel. 5. Renforcer les garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires , en prévoyant la présence d'une personne extérieure à l'administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline et en ramenant la durée maximale de placement en cellule disciplinaire à trente jours (contre quarante) en cas de violence contre les personnes pour rapprocher la France de la norme européenne. 6. Exiger de l'administration pénitentiaire qu'elle garantisse la sécurité des personnes détenues , en instituant un régime de responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès en détention survenus du fait d'une agression commise par un détenu. 7. Etendre à tous les détenus le bilan d'évaluation prévu au début de l'incarcération et réservé dans le projet de loi aux seuls condamnés. 8. Favoriser les alternatives à l'incarcération , en développant notamment le travail d'intérêt général grâce à une extension de son amplitude horaire et à l'obligation pour les collectivités territoriales les plus importantes, l'Etat, les autres personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public de proposer des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées. 9. Prévoir une évaluation de chaque établissement au regard de ses résultats en matière de récidive . 10. Améliorer le statut des personnels pénitentiaires , en consacrant leur rôle, en renforçant leurs garanties statutaires, en les soumettant à une obligation de formation initiale et continue, en étendant enfin les missions susceptibles d'être confiées aux réservistes de l'administration pénitentiaire au contrôle de l'exécution des mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice. La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié . |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi, en premier lieu, en première lecture, du projet de loi pénitentiaire. Après l'institution d'un Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007, il faut saluer cette initiative du Gouvernement qui permettra au Parlement de débattre, pour la première fois sous la cinquième République, d'un grand texte fondateur dans le domaine pénitentiaire 1 ( * ) .
Notre assemblée a marqué une attention constante à la situation des établissements pénitentiaires et aux conditions de détention dans notre pays. En 2000, elle avait contribué, avec l'Assemblée nationale et la commission présidée par M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, à la prise de conscience de la situation déplorable de nos prisons : le titre du rapport issu de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest, aujourd'hui président de votre commission des lois, « les prisons : une humiliation pour la République », a durablement marqué les esprits 2 ( * ) . Bien des constats dressés dans ce document ont conservé toute leur actualité.
Pourtant, paradoxalement, peu d'administrations ont connu, au cours des dernières décennies, des mutations aussi profondes que l'administration pénitentiaire.
Que l'on songe seulement à la situation des prisons au début des années soixante-dix : alors, les surveillants n'adressaient jamais la parole aux personnes détenues, les journaux étaient interdits, l'aumônier, l'instituteur et le médecin étaient les seules personnes extérieures à l'administration pénitentiaire à entrer dans cet univers clos ; l'état des cellules disciplinaires, comme une délégation de votre commission a pu le mesurer lors de la visite de l'un des bâtiments, aujourd'hui fermé, de la maison centrale de Clairvaux, paraissait s'être figé depuis des siècles.
Au cours des dernières décennies, le parc pénitentiaire a été renouvelé à la suite des différents programmes de construction engagés depuis la fin des années 80 et ces nouvelles structures n'ont guère de point commun avec les établissements hérités du XIX ème siècle -dont beaucoup, il est vrai, demeurent en service ; l'effectif des personnels a été augmenté et rajeuni ; la place dévolue à la réinsertion a été renforcée avec la mise en place des services pénitentiaires d'insertion et de probation ; la prison s'est ouverte vers l'extérieur et désormais, des visiteurs de prison aux délégués du Médiateur, de nombreuses associations ou organismes publics interviennent en milieu pénitentiaire. Plus récemment encore, la référence aux règles pénitentiaires européennes, socle de valeurs communes aux pays membres du Conseil de l'Europe, est devenue l'aiguillon de plusieurs améliorations dans les conditions de détention.
Cependant, beaucoup des efforts accomplis ont été freinés voire anéantis par l'augmentation du nombre de détenus et la part croissante au sein de la population pénale de personnes atteintes de troubles mentaux.
Dans ces conditions, la prison assure encore très imparfaitement la réinsertion des personnes détenues. Or la fonction qui lui est donnée de garantir la protection de la société ne peut pas s'entendre uniquement comme la privation de la liberté : l'administration pénitentiaire manque pour partie à sa mission lorsque se produit une récidive.
D'abord, la réinsertion passe, pour des personnes qui ont gravement méconnu la loi, par le respect des règles sociales de base en un lieu où les droits et la sécurité sont garantis. Tel n'est pas toujours le cas. Si l'état du droit a progressé, son application, qui laisse encore une large place à l'appréciation discrétionnaire de l'administration pénitentiaire, peut sensiblement varier d'un établissement à l'autre donnant parfois le sentiment d'un certain arbitraire. Par ailleurs, trop souvent encore, les violences perdurent en détention au bénéfice du droit du plus fort.
Ensuite, une réinsertion réussie dépend aussi de l'exercice, en détention, d'une activité, en particulier d'un emploi, ou de l'apprentissage d'un savoir qui pourrait être mis à profit à l'issue de la libération. Or une large partie de la population pénale reste plongée dans l'oisiveté.
Enfin, les aménagements de peines sont l'un des meilleurs moyens de prévenir la récidive : ils demeurent encore trop limités.
Le projet de loi pénitentiaire soulève de fortes attentes à la mesure de ces grands enjeux. A l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois a souhaité, dans cette perspective, engager une réflexion approfondie, nourrie par de nombreuses visites d'établissements pénitentiaires et l'audition d'une centaine de personnalités.
Au terme de ses travaux, elle a d'abord jugé, au regard de la situation des prisons, que l'adoption de ce texte déposé le 28 juillet 2008 sur le bureau du Sénat ne pouvait être longtemps différée. Elle a décidé, en conséquence, d'examiner le projet de loi pénitentiaire afin de permettre son inscription à l'ordre du jour du Sénat dans les délais les plus rapides.
Elle a constaté en outre que si le volet consacré par le projet de loi aux aménagements de peines suscitait une large adhésion, tel n'était pas le cas de la partie consacrée au service public pénitentiaire et aux conditions de détention qui, peut-être parce que plus attendue, entraînait une déception largement partagée.
Par les amendements qu'elle vous propose, votre commission a cherché à rééquilibrer les deux volets du projet de loi en s'appuyant notamment sur le travail remarquable accompli par le Comité d'orientation restreint réuni entre juillet et novembre 2007 pour contribuer à l'élaboration d'une grande loi pénitentiaire et placé sous l'autorité de M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon.
Elle a été animée par le souci de concilier deux convictions :
- en premier lieu, les principes ou règles applicables en milieu pénitentiaire doivent être évalués à l'aune de l'objectif de réinsertion des personnes détenues appelées, le moment venu, à retrouver la liberté et à mener, comme le rappellent les règles pénitentiaires européennes, « une vie responsable et exempte de crime » ;
- en second lieu, aucune réforme d'ampleur ne se fera sans l'adhésion de l'administration pénitentiaire dont votre commission veut ici souligner le dévouement et le professionnalisme dans un contexte difficile.
*
* *
La commission des affaires sociales s'est également saisie pour avis des articles 20 à 22 relatifs à la santé et a désigné M. Nicolas About, son président, comme rapporteur.
*
* *
I. LES GRANDS ENJEUX DE LA LOI PÉNITENTIAIRE
A. FONDER LE SOCLE LÉGISLATIF DU DROIT PÉNITENTIAIRE
L'état de droit a beaucoup progressé, au cours des dernières années, dans les prisons. Cependant, ce droit, dont la source est principalement réglementaire alors qu'il touche à des libertés fondamentales, n'occupe pas la place qui doit lui revenir dans notre ordre juridique. Ensuite, l'exercice des droits reconnus aux détenus rencontre, en pratique, de nombreuses limites.
1. Les avancées de l'état de droit en prison
Longtemps le droit de la prison n'a pas eu d'existence : la situation du détenu, hiérarchiquement subordonné à l'administration -du ministère de l'intérieur jusqu'en 1911, du ministère de la justice ensuite- relevait de simples circulaires. La réforme pénitentiaire de 1945 n'a pas débouché sur l'élaboration d'un véritable corps de règles. Le code de procédure pénale lui-même comporte des règles disparates et morcelées, formulées dans le livre V du code de procédure pénale consacré aux procédures d'exécution (exécution des sentences pénales -art. 707 à 712-22- exécution de la détention provisoire -art. 714 à 716- exécution des peines privatives de liberté -art. 716-1 à 723-39- dispositions communes aux différents établissements pénitentiaires -art. 724 à 728- valeurs pécuniaires des détenus -art. 728-1- transfèrement des personnes condamnées -728-2 à 728-9).
Cependant le droit de la prison s'est progressivement structuré sous l'effet de cinq facteurs :
- l'affirmation progressive de la finalité de resocialisation des personnes détenues dans un droit traditionnellement très marqué par les considérations de sécurité et d'ordre : déjà l'article premier de la Charte de la réforme pénitentiaire de 1945 rappelle (art. 1 er ) que « la peine privative de liberté a pour objet essentiel l'amendement et le reclassement social du condamné » -principe repris par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire qui assigne à ce service public « la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ». Dans sa décision n° 93-334 DC du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a rappelé ce principe : « l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion » ;
- l' ouverture de la prison sur l'extérieur avec l'arrivée du service public hospitalier en vertu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, des travailleurs sociaux, des visiteurs de prison, des délégués du Médiateur... ;
- l' évolution des personnels pénitentiaires dont les effectifs se sont profondément renouvelés et renforcés et dont la formation intègre la culture des droits de l'homme comme votre rapporteur a pu le vérifier à l'occasion de la visite de l'école nationale de l'administration pénitentiaire ;
- l'influence des normes internationales : le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par une résolution du 15 décembre 1966, entrée en vigueur en France le 4 février 1981 -qui rappelle que « toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » (art. 10) et exige que les prévenus soient, sauf circonstances exceptionnelles, séparés des condamnés, et soumis à un régime distinct- et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont l'article 5 traite du droit à la liberté et à la sûreté. Par ailleurs, les règles pénitentiaires européennes, adoptées en 1973, révisées en 1987 puis en 2006, si elles ne possèdent pas de caractère contraignant, ont vocation à fixer un socle de références communes aux Etats membres du Conseil de l'Europe.
La Cour européenne des droits de l'homme a joué un rôle particulièrement actif dans l'affirmation de plusieurs droits.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme La Cour a ainsi rappelé : - la liberté de correspondance (sur le fondement de l'article 8 de la Convention relatif au respect de la vie privée -CEDH, 27 avril 1988, Boyle et Rice c/Royaume-Uni ; CEDH, 30 août 1990, Mc Callum c/Royaume-Uni) ; - le respect de la vie familiale (sur le fondement de l'article 5 de la Convention) : « il est cependant essentiel au respect de la vie familiale que l'administration pénitentiaire aide le détenu à maintenir un contact avec sa famille proche » (28 décembre 2000, Messina c/Italie) ; - l' administration de soins médicaux requis sur la base de l'article 3 de la convention qui interdit les traitements ou peines inhumains ou dégradants : l'État doit « s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier soient assurés de manière adéquate, notamment par l'administration des soins médicaux requis » (26 octobre 2000, Kudla c/Pologne). |
- les avancées de la jurisprudence administrative qui, depuis l'arrêt de principe Marie (Conseil d'État, Assemblée, 17 février 1995) a progressivement réduit le champ des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir 3 ( * ) .
2. Un niveau insuffisant dans l'ordre juridique
Malgré les progrès indéniables accomplis au cours de la période récente, l'état du droit en prison reste « encore à parfaire » comme le soulignait en 2000 la commission présidée par M. Guy Canivet.
En premier lieu, ce droit est « mal ordonné ». Au-delà des quelques dispositions contenues dans la partie législative du code de procédure pénale, le droit de la prison procède pour l'essentiel, de mesures réglementaires, voire de circulaires. Faut-il comprendre que l'article 34 de la Constitution ayant réservé à la loi le soin de fixer les règles concernant la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables et la procédure pénale, le pouvoir réglementaire exercerait dès lors une compétence de droit commun pour régir l'exécution des peines ?
La commission Canivet a contesté cette analyse. Après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, le rapport de la commission estime que, « pour avoir perdu sa liberté d'aller et venir, la personne détenue n'en conserve pas moins toutes les autres libertés. L'état du droit, que la hiérarchie des normes assure sur le fondement de la Constitution, conserve le même contenu et la même force dans le milieu carcéral que dans la société libre, sans pouvoir être amoindri ou dissocié. Les droits et garanties du détenu, autres que sa liberté d'aller et venir, ne peuvent donc recevoir de limitation que de la loi ».
Votre commission souscrit entièrement à cette analyse que le Gouvernement partage également comme en témoigne l'exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire.
Enfin, ce droit est dense , complexe et parfois difficilement accessible compte tenu notamment du grand nombre de circulaires -situation qui certes n'est pas propre à l'administration pénitentiaire mais présente néanmoins une particularité relevée par la commission Canivet « dans la mesure où, au-delà de l'interprétation des règles applicables, les circulaires tendent à régir les rapports entre les détenus et l'administration, donc à encadrer les droits de ceux-ci et même, dans certains cas, des tiers à la prison » 4 ( * ) .
La Cour européenne des droits de l'homme a récemment condamné la France 5 ( * ) au motif qu'un refus d'acheminement de lettre d'un détenu s'était fondé sur une simple instruction de service, dépourvue de force obligatoire vis-à-vis des administrations.
La plupart des États disposent d'une loi pénitentiaire 6 ( * ) . Un tel texte est aujourd'hui indispensable en France au regard de la hiérarchie des normes -afin que comme à l'extérieur, les rapports de contrainte en prison entre le citoyen et l'autorité publique soient fixés par la loi- et de la clarté des principes applicables en détention.
3. Un droit encore limité
Certaines des garanties reconnues aux personnes détenues méritent d'être complétées car elles sont en deçà des références admises en Europe. Tel est le cas, en particulier, du placement en cellule disciplinaire dont la durée peut atteindre 45 jours alors qu'elle dépasse rarement 20 jours dans les pays voisins.
Surtout, l'exercice de ces droits rencontre de nombreuses limites. La plupart d'entre eux sont assortis de restrictions inspirées par le maintien de l'ordre et la sécurité dans les établissements. Justifiées dans leur principe, ces limitations donnent en fait aux chefs d'établissement et aux personnels de surveillance une large capacité d'appréciation. Comme votre rapporteur a pu le constater à l'occasion de ses visites dans les prisons, les pratiques peuvent fortement varier d'un établissement à l'autre, d'autant plus qu'il n'existe pas de règlement-type commun qui permettrait de mieux harmoniser les usages.
Dans deux domaines en particulier, les visites et les fouilles , le pouvoir d'appréciation discrétionnaire laissé à l'administration donne lieu parfois à un sentiment d'arbitraire. Si les visites se déroulent en principe dans un parloir sans dispositif de séparation, celui-ci peut être institué s'il existe des « raisons sérieuses de redouter un incident » (art. D. 405 du code de procédure pénale).
En outre, dans l'exercice du droit de visite, le surveillant peut mettre un terme à l'entretien « s'il y a lieu ». Quant aux fouilles, leur caractère systématique et leurs modalités -fouille intégrale impliquant que le détenu se dénude entièrement- peuvent apparaître hors de proportion avec les exigences de sécurité. Dans l'arrêt précité condamnant la France (Frérot c/ France, 12 septembre 2007), la Cour européenne des droits de l'homme note qu'elle a été frappée « par le fait que d'un lieu de détention à un autre, les modalités les plus intrusives dans l'intimité corporelle ont été appliquées de manière variable » au requérant.
La faculté donnée au détenu de saisir le juge administratif constitue une garantie indispensable car celui-ci procède au contrôle de la nécessité de la mesure administrative, de son adaptation à l'objectif poursuivi et de la proportionnalité des moyens utilisés. La jurisprudence du Conseil d'Etat admet désormais que toute mesure durcissant les conditions de détention peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir 7 ( * ) . La limitation du champ des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours a été sans doute l'une des expressions les plus notables du progrès de l'état de droit en prison. Cependant, la procédure contentieuse est souvent longue et complexe. Il est donc souhaitable que les principes de nécessité et de proportionnalité soient intégrés dans la norme juridique et guident constamment l'administration pénitentiaire.
Certains droits dont le principe est parfaitement admis peuvent être limités du fait du manque de moyens . Ainsi, l'insuffisance du nombre d'aumôniers musulmans complique, en pratique, l'exercice de ce culte en détention.
L'exercice des cultes ne semble pas soulever aujourd'hui de difficultés au sein des établissements pénitentiaires à l'exception du culte musulman dont l'émergence dans la société française n'a été prise en compte que tardivement par l'administration pénitentiaire. Lors de ses échanges avec votre rapporteur, M. Moulay el Hassan El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons, a relevé trois difficultés dans la pratique habituelle de ce culte : l'impossibilité de procéder aux grandes ablutions parfois nécessaires avant la prière dans des établissements où le nombre de douches autorisées par semaine est limité ; une gestion très différente selon les établissements de la fourniture de repas Hallal ; la reconnaissance encore insuffisante des rituels annuels (par exemple, le jeûne du mois de Ramadan -et l'obligation pour le musulman de se lever avant l'aube pour se nourrir- ou encore la célébration des fêtes religieuses comme l'Aïd el Fitr qui clôt le mois de Ramadan ou l'Aïd el Kebir -la grande fête). Dans une note en date du 13 juillet 2007, l'administration pénitentiaire a cherché à fixer des références communes à tous les établissements : respect du temps de prière dans la cellule (le personnel étant invité à différer son intervention sauf en cas d'urgence ou lorsque le détenu, par une prière excessivement longue cherche par ce moyen à faire obstacle à la mission de contrôle) ; autorisation du port de certains vêtements cultuels à certaines conditions (la djellaba pour les hommes, une tenue couvrant la tête et le corps pour les femmes, autorisées en cellule et lors des activités cultuelles -mais transportées lors des trajets de la salle de culte à la cellule). Néanmoins, la principale difficulté reste l'insuffisance du nombre d'aumôniers et auxiliaires musulmans -117 contre 568 catholiques, 294 protestants et 66 israélites. Il apparaît indispensable de renforcer cette présence qui, comme de nombreux directeurs d'établissements pénitentiaires l'ont souligné lors des visites de votre rapporteur, constituent un facteur d'apaisement en détention et aussi un instrument de prévention du prosélytisme radical 8 ( * ) . Cependant, le recrutement des aumôniers musulmans est compliqué par deux facteurs : une organisation institutionnelle récente -le Conseil français du culte musulman- partagée entre des courants divers et beaucoup moins structurée que ne le sont par exemple les cultes catholique et protestant ; l'insuffisance de moyens financiers. Un soutien financier aux cultes est possible dans le cadre posé par la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905 dont l'article 2 (deuxième alinéa) dispose : « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». Malgré la progression des dépenses cultuelles au cours des dernières années (2,1 millions d'euros en 2008 contre 1,4 million d'euros en 2005) 9 ( * ) , la rémunération annuelle des aumôniers à plein temps (10.000 euros pour un aumônier régional et 12.000 euros pour un aumônier national) demeure encore insuffisante. Pour votre rapporteur, l'administration pénitentiaire doit consacrer un effort financier particulier au recrutement des aumôniers musulmans ainsi qu'à leur formation. |
Enfin et surtout, le phénomène de surpopulation conduit à restreindre certaines garanties essentielles comme le droit à l'encellulement individuel.
B. INSTAURER DES CONDITIONS DE DÉTENTION RESPECTUEUSES DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE
1. La surpopulation pénale
• Les facteurs d'augmentation de la population pénale
La population pénale n'a jamais été aussi nombreuse qu'au cours des dernières années.
Au 1 er novembre 2008, le nombre de personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 63.750 contre 61.763 au 1 er novembre 2007 (soit une augmentation de 3,2 %) parmi lesquelles 26,4 % (16.852) de prévenus.
L'augmentation du nombre de détenus s'inscrit dans un contexte marqué par plusieurs évolutions :
- la hausse du nombre de personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie qui passe de 600.000 en 1974 à plus d'1,1 million aujourd'hui (+ 93 %) ;
- la progression du nombre de poursuites engagées -600.000 au début des années 2000, 707.827 en 2005 (+ 9 %)- soit un taux de réponse pénale 10 ( * ) de 80,4 % en 2006 alors qu'il n'était que de 68,2 % en 2002. Cette évolution s'explique pour une large part par la mise en place du traitement en temps réel des procédures par le parquet et par la diversification des modes de poursuite 11 ( * ) : la comparution immédiate (loi n° 83-466 du 19 juin 1983), la convocation par officier de police judiciaire (loi n° 86-1019 du 9 septembre 2002) et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (loi n° 2004-204 du 9 mars 2004) concernent 75 % des contentieux contre 45 % il y a dix ans 12 ( * ) ;
- l' augmentation en valeur absolue du nombre de peines d'emprisonnement prononcées de 252.201 en 2002 à 317.322 en 2006 (+ 26 %) et notamment les peines d'emprisonnement ferme (96.399 en 2002 - 118.389 en 2006 soit + 23 %). Le développement des procédures rapides de traitement des infractions pénales et, plus particulièrement, l'essor des comparutions immédiates (passées de 30.000 dans les années 80 à 45.000 en 2006 soit + 55 %) n'est pas étrangère à cette hausse (en 2006, sur 53.347 entrées en détention, 52 % faisaient suite à une comparution immédiate). Parallèlement, le recours au circuit lent -ouverture d'une information sous l'autorité du juge d'instruction- a décliné et ne concerne plus que 4,3 % des affaires contre 14 % dans les années soixante (30.300 contre 70.500) ;
- l' impact des législations pénales plus récentes et notamment de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs demeure plus difficile à apprécier. D'après certaines estimations du ministère de la justice, le prononcé de « peines plancher » en cas de récidive serait responsable d'une augmentation de 2,5 % des incarcérations. Par ailleurs, la décision du Président de la République de ne plus prendre le décret de grâce traditionnel du mois de juillet a remis en cause un instrument traditionnel -dont l'automaticité était critiquable- pour infléchir ou ralentir l'évolution de la population pénale.
Qui sont les personnes détenues ? - 61.491 hommes (parmi lesquels 15.998 prévenus) au 1 er novembre 2008 contre 59.469 au 1 er novembre 2007 (+ 3,4 %) soit 96,4 % de l'ensemble des détenus ; - 2.386 femmes (parmi lesquelles 817 prévenues) au 1 er novembre 2008, contre 2.432 au 1 er novembre 2007, soit 3,7 % de l'ensemble des détenus écroués ; - 673 mineurs (parmi lesquels 314 prévenus) au 1 er novembre 2008 contre 713 au 1 er novembre 2007, soit 1 % de l'ensemble des détenus écroués ; - la durée moyenne de détention (population moyenne de détenus rapportée aux entrées de détenus sur 12 mois), s'élève à 8,4 mois contre 7 mois en 1990. Au 1 er juillet 2008, 55,6 % des condamnés étaient hébergés en maison d'arrêt parmi lesquels plus de 72 % pour un reliquat de peine inférieur à un an ; - la réduction du nombre de prévenus depuis 2005 (- 18,4 %) dont la part au sein de l'ensemble des détenus est passée de 35 % à 26,4 %. La réduction du nombre des entrées en détention provisoire liée à la baisse du nombre des instructions s'accompagne cependant d'une augmentation continue de la durée de la détention provisoire dont la moyenne est de 5,7 mois pour les prévenus finalement condamnés (soit deux mois de plus qu'il y a 20 ans) -voire de 16,8 mois en moyenne pour les majeurs renvoyés en Cour d'assises. La durée de la détention provisoire demeure en effet largement tributaire de l'organisation de la justice pénale et en particulier de l'allongement des durées d'instruction et du délai d'audiencement (10,8 mois pour un procès d'assises en 2004 contre 8,5 mois en 1998) ; - la nature de l' infraction commise : depuis 2007, les violences sur les personnes (22 %) prévalent sur les viols et autres agressions sexuelles (17,6 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,6 %), les vols qualifiés (9,4 %) et les crimes de sang (8,6 %) ; - l' âge des détenus : les jeunes majeurs (18-21 ans), représentent 7,6 % de l'ensemble des personnes écrouées, les détenus âgés de 21 à 30 ans, 36,3 % ; ceux dont l'âge est compris entre 30 et 40 ans, 26,1 % ; entre 40 et 50 ans, 16,7 % ; entre 50 et 60 ans, 8,4 % ; au-delà de 60 ans, 3,7 % (la baisse du nombre de condamnés pour infractions sexuelles -dont l'âge moyen est plus élevé que pour les autres catégories d'infractions explique l'arrêt du phénomène de vieillissement de la population depuis 2005). |
• Le phénomène de surpopulation
Avec 50.995 places opérationnelles pour 63.750 détenus au 1 er novembre 2008, le taux d'occupation s'élevait à 125 %. Cette moyenne recouvre cependant de fortes disparités entre les établissements pour peine et les maisons d'arrêt.
Au 1 er novembre 2008 |
|||
Types d'établissement |
Capacité opérationnelle |
Nombre
|
Densité (%) |
MA, qMA et CSL non autonomes |
31.615 |
45.018 |
142,4 |
CD, qCD, MC, qMC |
18.242 |
17.743 |
97,3 |
CPA, qCPA |
280 |
236 |
84,3 |
CSL autonomes |
572 |
579 |
101,2 |
EPM |
286 |
174 |
60,8 |
Ensemble |
50.995 |
63.750 |
125 |
MA = maison d'arrêt ; qMA = quartier maison d'arrêt
CD = centre de détention ; qCD = quartier centre de détention
MC = maison centrale ; qMC = quartier maison centrale
CSL = centre de semi-liberté
CPA = centre pour peine aménagée ; qCPA = quartier pour peine aménagée
EPM = établissement pénitentiaire pour mineurs
Ainsi, en novembre parmi les établissements pénitentiaires, 16 -parmi lesquels la quasi-totalité des maisons d'arrêt des collectivités d'outre-mer- présentaient une densité égale ou supérieure à 200 % et 45 une densité comprise entre 150 et 200 %.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur par M. Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, le nombre total de détenus en surnombre 13 ( * ) s'élevait à 13.514 .
Non seulement les maisons d'arrêt doivent faire face à l'augmentation du nombre des entrants en détention mais aussi accueillir les personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur à un an ainsi que ceux qui sont en attente d'un transfert vers les établissements pour peines. Centres de détention ou maisons centrales bénéficient en pratique d'un numerus clausus justifié par le fait qu'il ne serait pas admissible de maintenir des détenus pour de longues durées dans des conditions de surpopulation et de promiscuité. Aussi, les maisons d'arrêt se trouvent-elles dans l'obligation d'accueillir pendant des mois, voire des années, des condamnés qui relèveraient d'une affectation pour peine.
2. L'impossibilité pratique de l'encellulement individuel
La capacité opérationnelle d'un établissement n'équivaut pas au nombre des cellules. Elle lui est supérieure.
Elle sous-estime, par conséquent, la réalité de la densité carcérale. D'après les données communiquées par l'administration pénitentiaire, sur un parc de 41.658 cellules collectives et individuelles, 35.367 cellules sont des cellules individuelles, soit 85 %. Le nombre de cellules individuelles en maisons d'arrêt est de 20.481 et, en établissements pour peines, de 14.776. Cependant, l'administration pénitentiaire n'est pas en mesure aujourd'hui de déterminer la part des détenus occupant une cellule individuelle. Selon une réponse apportée à une question écrite de notre collègue député, M. Simon Renucci, une « nouvelle application informatique sera prochainement mise en application. Elle permettra de faciliter l'identification du nombre de cellules effectivement occupées par un seul détenu » 14 ( * ) .
Mode de calcul des capacités d'un établissement pénitentiaire La capacité théorique d'un établissement se calcule en places, par référence à la surface au plancher. La circulaire AP 88G05G du 16 mars 1988 a fixé un barème : - jusqu'à 11 m 2 : 1 place - plus de 11 m 2 à 14 m 2 inclus : 2 places - plus de 14 m 2 à 19 m 2 inclus : 3 places - plus de 19 m 2 à 24 m 2 inclus : 4 places - plus de 24 m 2 à 29 m 2 inclus : 5 places - plus de 29 m 2 : + 5 places La capacité opérationnelle correspond au nombre de places effectivement disponibles. |
Le mode d'évaluation du taux d'occupation prend acte ainsi du renoncement de fait au principe de l'encellulement individuel.
Posé depuis 1875 (articles 716 et 716-2 du code de procédure pénale), il n'a jamais pu être respecté dans les maisons d'arrêt. Le législateur a tout d'abord autorisé des dérogations au titre de la distribution intérieure des locaux de détention et de leur « encombrement temporaire ». Quand il a souhaité, en 2000, supprimer ces dérogations de l'article 716 du code de procédure pénale, il les a réintroduites sous la forme d'un moratoire jusqu'au 12 juin 2008, destiné à différencier l'application de l'encellulement individuel. Le décret pris à l'expiration du moratoire fixe des conditions si dissuasives à l'obtention d'un placement en cellule individuelle que le nombre de demandes adressées à l'administration pénitentiaire est resté très limité 15 ( * ) .
Si l'obligation posée par le code de procédure pénale n'est pas respectée, il demeure toutefois difficile d'apprécier précisément le nombre de détenus qui partagent une cellule.
La surpopulation des maisons d'arrêt est un facteur majeur de la dégradation des conditions de détention et, pour les personnels, des conditions de travail. Une cellule de 12 m 2 partagée par trois détenus avec un cabinet d'aisance non ventilé, dépourvu de cloisonnement, telle est la réalité dans de nombreuses maisons d'arrêt en attente de rénovation. Cette situation a conduit pour la première fois le juge administratif à condamner l'Etat à verser 3.000 € de dommages et intérêts pour des conditions de détention contraires à la dignité humaine. Les constats du juge administratif reflètent la réalité d'une partie des cellules des maisons d'arrêt les plus anciennes 16 ( * ) .
Au cours de ses visites, votre rapporteur a pu constater qu'avec un taux d'occupation de 198 %, la maison d'arrêt de Valenciennes avait été contrainte de placer 35 matelas au sol pour accueillir un troisième détenu dans des cellules prévues pour en héberger deux. Dans la maison d'arrêt de Béthune, dont le taux d'occupation est de 260%, les cellules de 9,20 m 2 accueillaient en majorité trois détenus. A Dunkerque, il a fallu rouvrir un dortoir pour 20 détenus.
Au-delà de la dégradation des conditions matérielles de détention, la surpopulation est aussi génératrice de violences -violences contre les personnels, violences contre les détenus.
Les violences en prison Les prisons demeurent un univers violent. Cette situation est encore aggravée par la surpopulation pénale. Ces violences se manifestent de trois manières : - les agressions contre les personnels (480 agressions graves commises par les détenus en 2007 contre 463 en 2003 et 550 en 2006). Elles donnent lieu systématiquement à une sanction disciplinaire et au déclenchement de poursuites par le parquet ; - les agressions entre détenus : les violences au quotidien constituent une « zone grise » ; mal appréhendées par l'administration pénitentiaire elles sont attestées par de multiples témoignages. C'est d'abord la violence exercée sur les plus faibles, ceux qui, faute de ressources suffisantes, n'ont d'autre choix que d'accepter l'autorité abusive d'un co-détenu en contrepartie d'une cantine plus généreuse. Ce sont les agressions dans les lieux collectifs : fréquentes dans les cours de promenade, comme l'ont souligné chacun des aumôniers nationaux rencontrés par votre rapporteur, elles sont souvent commises au vu et au su des surveillants qui n'interviennent parfois qu'à la dernière extrémité. Dans certains cas, la peur est telle que les détenus refusent de se rendre dans la cour de promenade ou les douches. Les violences se produisent enfin dans les cellules et peuvent connaître un dénouement tragique -comme à la maison d'arrêt de Rouen, à deux reprises en 2007 et 2008, du fait d'une cohabitation avec un détenu dangereux 17 ( * ) . - les suicides : avec 15 suicides pour 10.000 personnes détenues en 2005 (17,6 suicides pour 100.000 habitants dans l'ensemble de la population), les prisons françaises présentent l'un des taux de suicides le plus élevé d'Europe. Les efforts engagés par l'administration pénitentiaire à la suite du rapport Terra en 2003 ont permis de réduire de 20 % le nombre de suicides par rapport à 2002. Cependant, avec 107 suicides ou morts suspectes à la date du 10 décembre, l'année 2008 marque une nette recrudescence par rapport aux deux années passées (93 en 2006, 96 en 2007). Le professeur Jean-Louis Terra a indiqué à votre rapporteur qu'une politique de prévention du suicide doit être inspirée par le respect de la dignité de la personne et la nécessité de nouer avec le détenu présentant un risque suicidaire une relation de confiance. Il s'est montré réservé, comme d'autres interlocuteurs de votre rapporteur, sur l'organisation systématique, depuis octobre dernier, de rondes de nuit toutes les deux heures, avec éclairage systématique de la cellule du détenu « à risque » lors du passage du surveillant. Par ailleurs, comme l'a souligné le professeur Jean-Jacques Dupeyroux lors de son audition, l'accueil et l'accompagnement de la famille du détenu qui s'est donné la mort restent encore trop négligés. |
Sans doute, à plusieurs reprises, des détenus rencontrés par votre rapporteur se sont montrés plutôt satisfaits de partager leur cellule avec un codétenu -en revanche, la présence d'un troisième détenu est très généralement facteur de tensions.
Il n'en reste pas moins que l'aspiration à une cellule individuelle reste forte ne serait-ce que parce que les maisons d'arrêt accueillent désormais une majorité de condamnés dont une partie est déjà passée par des établissements pour peine. Or, après avoir bénéficié d'une cellule individuelle, un condamné supporte très difficilement le retour à un encellulement partagé. Ainsi, à la maison d'arrêt de Rouen, des détenus souhaitent être placés à l'isolement au seul motif qu'il leur garantit un encellulement individuel -pour des raisons identiques, certains provoquent même des procédures disciplinaires (refus d'intégrer leur cellule par exemple) pour obtenir une cellule individuelle au quartier disciplinaire malgré les lourdes contraintes associées à ce régime.
L'encellulement individuel n'est pas seulement un moyen de garantir des conditions de détention correctes. Il permet aussi de ménager des temps de solitude propice à une réflexion sur soi même, condition de cette « vie responsable », désignée par les règles pénitentiaires européennes comme l'un des objectifs du régime de détention.
• Quelles réponses ?
Faut-il instaurer un numerus clausus dans les maisons d'arrêt ?
Certains interlocuteurs de votre rapporteur ont plaidé pour l'instauration d'un numerus clausus dans les maisons d'arrêt tel qu'il est déjà pratiqué de fait dans les établissements pour peines. Selon M. Pierre-Victor Tournier, trois solutions pourraient être envisagées : mettre à exécution la peine d'emprisonnement mais libérer le condamné détenu dans l'établissement dont le reliquat de peine est le plus faible ; surseoir à la mise à exécution ; en cas de détention provisoire antérieure, aménager la peine restant à subir en milieu ouvert.
Pour votre rapporteur, cependant, l'application du numerus clausus serait susceptible de conduire à de très fortes inégalités dans l'exécution des décisions de justice selon un taux de densité carcérale très variable d'un établissement à l'autre sur le territoire national. Un tel risque lui paraît devoir écarter une idée sans doute séduisante mais dont le caractère systématique pourrait emporter pour le justiciable des effets plus nocifs que ceux qu'il entend combattre.
La construction des nouvelles places de prison est l'une des solutions privilégiées par l'Etat. Au cours des trois dernières décennies, trois programmes ont été successivement mis en oeuvre : le programme « Chalandon » (1989) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements, le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements et, enfin, la création de 13.200 places, décidée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, avec la construction d'une quinzaine d'établissements pénitentiaires et de 7 établissements pour mineurs 18 ( * ) . Parallèlement, au sein des établissements existant, un programme d'accroissement des capacités a permis de créer entre 2003 et juin 2008 près de 1.600 places de détention.
Cet effort s'est accompagné de la fermeture de places dans les établissements les plus vétustes. Ainsi le solde des ouvertures-fermetures en 2009 s'élève à 4.588 places compte tenu de la fermeture de 1.646 places.
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Total |
|
Places créées dans le cadre de l'ouverture des établissements du programme 13200 |
0 |
0 |
0 |
300 |
2 674 |
5 130 |
1 230 |
2 036 |
2 405 |
13 775 |
Autres créations de places |
1 867 |
1 771 |
350 |
271 |
217 |
1 104 |
1 090 |
877 |
0 |
7 547 |
Total des créations de place |
1 867 |
1 771 |
350 |
571 |
2 891 |
6 234 |
2 320 |
2 913 |
2 405 |
21 322 |
Suppression de places liées à des fermetures d'établissements |
154 |
850 |
0 |
0 |
207 |
1 646 |
864 |
952 |
183 |
4 856 |
Créations nettes de places |
1 713 |
921 |
350 |
571 |
2 684 |
4 588 |
1 456 |
1 961 |
2 222 |
16 466 |
Il faut toutefois souligner, comme l'a indiqué Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition par votre commission le 26 novembre dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 que 31,2 % des cellules des maisons d'arrêt et quartiers de maisons d'arrêt du programme « 13.200 » seront des cellules doubles .
S'il est certes indispensable de prévoir des cellules collectives pour les détenus qui le souhaitent ou en raison de certaines nécessités (prévention du suicide, organisation du travail...), la part qui leur est dévolue dans le cadre des nouveaux établissements va peut-être au-delà de la mesure souhaitable.
En outre, l'accroissement des capacités des établissements pénitentiaires a vocation à répondre à la surpopulation actuelle. Il est impératif qu'il ne s'accompagne pas d'une nouvelle augmentation de la population pénale. Déjà en 1830, le ministre de l'intérieur constatait, dans son rapport à la Société Royale des prisons qu' « à mesure que les constructions s'étendent, le nombre de prisonniers augmente ». A cet égard, les prévisions de l'administration pénitentiaire selon lesquelles l'effectif de détenus pourrait atteindre 80.000 dès 2012 ne laissent pas d'inquiéter. Les commissions d'enquête parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient précisément souhaité « rompre le cercle vicieux entre l'accroissement du nombre de détenus et l'augmentation des capacités d'accueil en prison » 19 ( * ) .
L'une des clefs de cette rupture se trouve dans l'évolution des politiques pénales. Le volet du projet de loi consacré aux aménagements de peines apparaît ainsi comme le complément indispensable de la réforme pénitentiaire.
3. L'augmentation du nombre de personnes atteintes de troubles mentaux en prison
Les prisons accueillent un nombre croissant de personnes atteintes de troubles mentaux . Cette évolution s'explique en premier lieu par la réduction drastique du nombre de lits (divisés par deux entre 1987 et 2000) dans les hôpitaux psychiatriques . Elle a été facilitée par la rédaction de l' article 122-1 du nouveau code pénal dont le second alinéa admet la responsabilité pénale des personnes dont le discernement a été altéré par un trouble psychique ou neuropsychique. Faute de structures hospitalières adaptées et de suivi médical, des personnes atteintes de troubles mentaux, dont certaines sont susceptibles de présenter une dangerosité, se retrouvent livrées à elles mêmes et peuvent commettre des infractions. Les experts -parmi lesquels des chefs de service au sein d'établissements psychiatriques-, conscients des limites des capacités du système de soins, sont enclins à orienter le choix du juge dans le sens de la responsabilité pénale. Les juridictions reconnaissent désormais rarement l'irresponsabilité pénale et voient dans l'incarcération le seul moyen de protéger, dans la durée, la société. La reconnaissance de l'altération du discernement loin de jouer comme une circonstance atténuante, conduit comme l'ont souligné des présidents de cour d'assises à votre rapporteur, à prononcer des peines plus longues au motif que certaines personnes présentent une dangerosité très élevée comportant un fort risque de récidive 20 ( * ) .
Les données définitives de l'étude épidémiologique rendue publique en 2006 apparaissent inquiétantes. Ses résultats -correspondant au nombre minimum de détenus pour lesquels un trouble mental est indiscutable- font apparaître que 3,8 % des détenus souffrent d'une schizophrénie nécessitant un traitement, soit environ quatre fois plus que dans la population générale, 17,9 % présentent un état dépressif majeur, soit quatre à cinq fois le taux dans la population générale et 12 % souffrent d'anxiété généralisée. Cette étude permet aussi d'éclairer les antécédents sociaux, judiciaires et médicaux de la population étudiée : avant l'âge de 18 ans, 28 % des détenus ont été suivis par le juge des enfants et 22 % ont fait l'objet d'une mesure de placement ; 28 % déclarent avoir subi des maltraitances de nature physiques, psychologiques ou sexuelles et 16 % des détenus ont été hospitalisés pour raisons psychiatriques avant leur incarcération.
La prise en charge en prison des personnes
Avant même que l'ensemble de la prise en charge médicale des détenus ne soit transférée au secteur public hospitalier par la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge psychiatrique était assurée depuis 1977 par les établissements de santé -dispositif généralisé en 1986 par la création des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et la mise en place des services médico-psychologiques régionaux (SMPR). Dans chaque région pénitentiaire, un ou plusieurs secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, placés sous l'autorité d'un psychiatre hospitalier, sont rattachés à un établissement public de santé ou à un établissement de santé privé admis à participer à l'exécution du service public hospitalier. Chacun de ces secteurs comporte notamment un service médico-psychologique régional (au nombre de 26) aménagé dans un établissement pénitentiaire. Quant à l'hospitalisation en établissement de santé, en application de l'article D. 398 du code de procédure pénale, elle ne peut actuellement être réalisée que sous le régime de l'hospitalisation d'office, dans des établissements habilités à recevoir des patients hospitalisés sans consentement. L'accès aux soins et la diversité de l'offre de soins sont variables selon les établissements pénitentiaires. La capacité globale des 26 SMPR s'élève à 360 lits et places, ce qui permet d'assurer essentiellement une prise en charge de jour. Seuls 2 SMPR disposent d'une couverture paramédicale nocturne. Dans les autres cas, les patients détenus sont simplement hébergés de nuit. La loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour accueillir en établissements de santé l'ensemble des hospitalisations pour troubles mentaux de personnes écrouées, qu'elles soient consentantes ou non. Une première tranche de 440 lits d'hospitalisation a été lancée et devrait porter ses effets en 2009 (Lyon -60 places- et Nancy -40 places). Elle sera prolongée en 2010 par une seconde tranche de 265 lits supplémentaires, portant ainsi à 17 le nombre d'UHSA (14 en métropole et 3 en outre-mer) 21 ( * ) . |
Si la prise en charge des soins somatiques en prison est dans l'ensemble satisfaisante -la personne détenue bénéficie d'un encadrement médical dont elle n'aurait sans doute pas disposé à l'extérieur-, les soins psychiatriques souffrent d'une insuffisance de moyens. Selon les éléments communiqués à votre rapporteur par Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au ministère de la santé, depuis 1997, les effectifs médicaux et soignants n'ont progressé que de 21,45 % (+ 42,68 % pour les médecins et + 15,3 % pour les soignants) en psychiatrie alors qu'ils augmentaient de 108,3 % pour les soins somatiques (+ 53 % pour les médecins et + 126,4 % pour les soignants 22 ( * ) ).
L'insuffisance des effectifs provoque des délais d'attente souvent très longs pour les consultations. Ainsi, au centre pénitentiaire de Caen -qui comporte une très forte majorité de délinquants sexuels- le responsable du SMPR avait évoqué, lors de la visite de votre rapporteur, une attente de 12 mois -sauf cas d'urgence- pour satisfaire les demandes d'entretien individuel. Des délais de six mois pour les entretiens avec les psychiatres ou les psychologues ont été plus généralement évoqués dans d'autres établissements visités par votre rapporteur.
Il convient aussi de noter un très net déficit de spécialistes pour la prise en charge des conduites addictives -alcool, drogue- qui concernent pourtant un grand nombre de détenus et qu'il serait particulièrement utile de développer.
• Le secret médical
La qualité des relations entre l'administration pénitentiaire et les médecins exerce une grande influence sur les conditions de détention, la prise en charge sanitaire des détenus et la prévention des violences ou des actes suicidaires. Ces relations, comme votre rapporteur a pu le constater à l'occasion des tables rondes systématiquement organisées lors de ses déplacements en prison, peuvent être très variables d'un établissement à l'autre. Dans l'ensemble, les personnels pénitentiaires et médicaux travaillent en bonne intelligence, dans le respect des exigences et des contraintes propres à chacun.
Les difficultés se cristallisent sur l'échange d'informations concernant les détenus susceptibles de présenter un danger pour eux-mêmes ou pour autrui.
Certes, de nombreux médecins n'hésitent pas à signaler à l'administration pénitentiaire les risques éventuels liés à l'évolution de l'état de santé -psychiatrique, principalement-- d'un détenu.
D'autres en revanche, comprennent le secret médical comme une interdiction absolue de communiquer tout document lié à la possible dangerosité d'une personne incarcérée. Cette interprétation peut avoir les conséquences les plus graves dans les maisons d'arrêt surpeuplées où les choix d'affectation de l'administration pénitentiaire, peuvent provoquer des cohabitations très dangereuses, pour les détenus, comme des exemples tragiques l'ont encore récemment démontré.
La loi relative à la rétention de sûreté du 25 février 2008 a modifié l'article L. 6141-5 du code de la santé publique afin d'obliger le personnel soignant à signaler un risque sérieux pour la sécurité des personnes dont ils ont connaissance et à transmettre, dans le respect du secret médical, les informations utiles à la mise en oeuvre des mesures de protection (en pratique, le placement en cellule individuelle). Pour votre rapporteur, il ne serait ni souhaitable ni utile de légiférer encore dans une matière délicate ou le bon sens et la qualité des relations humaines apparaissent déterminants.
Le handicap et les détenus âgés Au 1 er janvier 2008, 3,7 % des détenus (soit 2.364 personnes) avaient plus de 60 ans (contre 2 % -1.104 personnes- au 1 er janvier 1997). Cette évolution s'explique par l'effet conjugué du report des délais de prescription en matière d'infraction sexuelle commise contre les mineurs 23 ( * ) et de l'allongement des peines prononcées. Les invalidités liées au grand âge se sont accrues en prison : les personnels de surveillance -même si beaucoup manifestent un vrai dévouement auprès de ces personnes- ne sont pas préparés à une telle charge. Par ailleurs, les situations de dépendance ne concernent pas seulement les plus âgés mais, comme votre rapporteur a pu le constater lors de ses visites, des détenus plus jeunes -dont certains ont été désocialisés tôt et n'ont pas bénéficié d'un suivi médical, ce qui a parfois entraîné des séquelles irréversibles. Votre rapporteur a pu constater à plusieurs reprises la totale inadéquation des cellules des anciens établissements pénitentiaires avec les contraintes d'un handicap. A la maison centrale de Poissy, un quartier de détention qui n'a d'« unité sanitaire » que le nom accueillait, lors de la visite de votre rapporteur, cinq personnes à mobilité réduite et une personne grabataire. Aucune des cellules n'a été conçue dans cette perspective -le détenu en fauteuil roulant est obligé de sortir dans le couloir pour faire demi-tour dans sa cellule. Seuls quelques aménagements empiriques ont pu être apportés. Un détenu employé dans le cadre du service général fait office d'auxiliaire de vie. Les personnes placées dans ce quartier n'ont pas accès aux services médicaux -kinésithérapie, ergothérapie ...- qui leur seraient pourtant nécessaires. Sans doute, les nouveaux programmes de construction des établissements pénitentiaires prévoient-ils une cellule aménagée pour 150 places de détention et au moins une dans chaque établissement, quelle que soit sa taille. De même, en principe, les programmes de rénovation des établissements pénitentiaires intègrent également la réalisation de cellules handicapées. Par ailleurs, les détenus handicapés ou âgés peuvent bénéficier des prestations sociales de droit commun. Les personnes détenues dont le taux d'incapacité est supérieur à 50 % peuvent percevoir l'allocation aux adultes handicapées (AAH) versée par l'Etat. Le décret n° 2005-724 du 29 juin 2005 pris en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a relevé le taux de cette prestation en détention à 30 % (au lieu de 12 %) à partir du premier jour du mois suivant une période de 60 jours révolus passés dans un établissement pénitentiaire. Les personnes âgées peuvent, quant à elles, bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) instituée par la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 en faveur des personnes répondant à des conditions d'âge et ayant besoin d'être aidées dans les actes de la vie quotidienne. Les demandes de prestation peuvent être initiées par le service pénitentiaire d'insertion et de probation pendant la détention à partir des certificats établis par le médecin de l'unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) transmis sous pli fermé au conseil général du ressort de l'établissement pénitentiaire. Dans certains départements -comme le Calvados, le Doubs, le Jura et l'Ile-et-Vilaine- des conventions ont été signées entre les SPIP, les conseils généraux et les infirmières de soins à domicile afin de venir en aide aux personnes détenues dépendantes. Cependant, certains conseils généraux refusent d'examiner certains dossiers au motif que le domicile de la personne détenue n'est pas fixé dans le département du lieu de détention. Par ailleurs, le juge de l'application des peines peut ordonner un aménagement de peine permettant une prise en charge adaptée à l'état de santé de la personne détenue. Néanmoins, la principale difficulté réside dans le manque d'hébergements à l'extérieur. Les initiatives prises à ce jour pour répondre à ces besoins demeurent d'une portée très limitée 24 ( * ) . |
C. FAVORISER LA RÉINSERTION DES DÉTENUS
1. La formation et l'emploi en prison, enjeux majeurs pour la réinsertion
• Le travail
Près de 40 % des détenus n'ont jamais travaillé avant leur incarcération . Cette donnée met en évidence les difficultés auxquelles le travail pénitentiaire est confronté tout comme elle démontre l'importance de cette activité comme facteur de resocialisation et de réinsertion des détenus.
Le travail pénitentiaire répond à un double objectif. Le premier est centré sur la vie en détention -il offre une occupation et constitue un facteur essentiel d'apaisement , il permet l'apprentissage de certaines disciplines indispensables à la resocialisation du détenu et procure enfin une rémunération qui, si modeste soit-elle, améliore l'ordinaire.
Le second objectif, plus orienté vers la réinsertion, vise à permettre l'acquisition de certaines compétences destinées à aider le détenu à trouver un emploi après sa libération.
La proportion de détenus exerçant un emploi ne dépasse pas cependant 40 %.
Malgré l'augmentation de la population pénale, la France a réussi à maintenir un niveau d'activité qui se situe au-dessus de la moyenne observée dans les autres pays européens. Entre certains centres de détention, dotés de vastes ateliers, et de nombreuses maisons d'arrêt manquant de place, la situation des établissements pénitentiaires est très inégale face à l'emploi. Ainsi, le taux d'activité varie selon le type d'établissement : 32,05 % en maison d'arrêt et 51,3 % en établissement pour peines. |
Les objectifs que s'est assignée l'administration pénitentiaire dans ce domaine à l'horizon 2011 -le simple maintien des taux d'occupation actuels-ne paraissent pas à la mesure d'une politique ambitieuse tournée vers la réinsertion 25 ( * ) . Il est vrai que l'administration pénitentiaire est loin de maîtriser tous les leviers d'action et qu'une approche associant d'autres administrations, les collectivités locales et le secteur privé devrait s'imposer.
Le travail s'accomplit, en détention, selon trois modalités distinctes.
Les activités de service général , gérées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements représentent 6.736 postes de travail (soit 33,6 % de l'effectif des détenus actifs rémunérés) pour un salaire mensuel moyen de 225 euros (la durée de travail quotidienne utile est de trois à sept heures). Ces activités se sont diversifiées : elles ne se limitent plus à la restauration ou au nettoyage mais peuvent aussi prendre la forme de remise en état de cellules .
Le travail est aussi réalisé dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » (RIEP) qui employait 1.201 détenus en 2007 majoritairement condamnés à de longues peines (les ateliers de la RIEP représentent 56 % de l'emploi en production des maisons centrales). Le salaire mensuel moyen est de 508 euros pour une durée quotidienne de travail de l'ordre de 6 à 7 heures. 72 % du chiffre d'affaires du compte de commerce RIEP est réalisé avec le secteur public et, en particulier, avec l'administration pénitentiaire elle-même pour la confection des uniformes du personnel de surveillance et la fabrication du mobilier.
Le service de l'emploi pénitentiaire Lors de son audition par votre rapporteur, le directeur du service de l'emploi pénitentiaire, M. Michel Wicquart, a précisé les deux orientations désormais privilégiées pour développer l'activité de la régie : - encourager l'intervention de la RIEP dans des établissements en gestion mixte afin de favoriser les synergies avec l'opérateur privé, en particulier pour mieux valoriser l'expérience professionnelle acquise pendant la détention par une validation des compétences reconnues en milieu ouvert ; - rechercher de nouveaux débouchés grâce à un travail de sensibilisation auprès des institutions publiques qui constituent les principaux donneurs d'ordre de la RIEP. Ses possibilités demeurent cependant limitées : dépourvue de la personnalité juridique, la RIEP ne peut répondre aux appels d'offres de l'Etat -il serait cependant envisagé qu'elle bénéficie de « clauses d'achat socialement responsables » auxquelles l'Etat se soumettrait. Par ailleurs, elle doit aussi être attentive à ne pas mettre en danger un acheteur : sa production est très concentrée -ainsi en 2006, deux principaux ateliers de production des uniformes de l'administration pénitentiaire ont été le premier incendié, le second inondé- et, la RIEP ne pouvant faire appel à la sous-traitance, les solutions alternatives n'existent pas. |
Enfin, le travail peut s'accomplir dans les ateliers de production gérés par des entreprises privées concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion mixte. Ce secteur emploie 8.842 détenus (soit 43,9 % de l'effectif des détenus actifs rémunérés pour un salaire mensuel moyen de 359 euros).
Entre 2006 et 2007, 58 emplois en production ont été perdus. La conjoncture économique et les contraintes propres au milieu pénitentiaire pèsent en effet sur l'évolution du travail en prison.
Un premier obstacle tient sans doute à l'inadaptation des infrastructures aux activités de travail . La création de lieux de stockage indépendants et sectorisés dans les lieux de détention constituerait un progrès certain. Elle est déjà intégrée dans la conception des établissements qui ouvriront prochainement. L'organisation des flux entre la prison et l'extérieur devrait être améliorée (l'attente matinale d'une file de camions devant les accès d'une prison constitue le quotidien carcéral).
En outre, le coût des investissements , en particulier dans les établissements gérés par la RIEP, s'avère souvent incompatible avec la durée d'utilisation des équipements en raison de la durée limitée de la journée de travail.
Par ailleurs, si la productivité de la main d'oeuvre pénitentiaire est traditionnellement faible, cette situation est encore aggravée par la part croissante, au sein de la population pénale, de détenus qui n'ont jamais eu accès au monde du travail.
Malgré la modestie du coût de la main d'oeuvre, les établissements pénitentiaires demeurent exposés à la concurrence des pays émergents. Cependant, le processus de délocalisation s'infléchit parfois pour des PME plus conscientes désormais des risques et du coût d'un transfert d'activité à l'étranger. M. Jacques-André Jolly, directeur de la SIGES -l'un des partenaires privés intervenant dans les établissements en gestion mixte- a ainsi cité à votre rapporteur l'exemple de détenus chargés du contrôle de qualité sur des produits manufacturés en Chine qui présentaient 20 % de défauts. Quelques années auparavant ces produits étaient fabriqués dans la même prison...
Il convient de mieux valoriser les atouts du travail pénitentiaire : moindre coût, flexibilité et proximité (ce dernier avantage peut jouer plus particulièrement par rapport à une activité délocalisée). Cette démarche passe aussi par un assouplissement de certaines pratiques actuelles. Ainsi, la journée continue devrait être privilégiée car elle donne plus de souplesse à l'organisation du travail -elle ramène de 4 à 2 le nombre de mouvements quotidiens, très consommateurs de temps- et permet aussi au détenu de se consacrer après le travail à d'autres activités.
Cette organisation est retenue dans plusieurs établissements visités par votre rapporteur (maison centrale d'Ensisheim, centre de détention de Melun, maison d'arrêt de Rouen, centre pénitentiaire de Rennes...).
La procédure d'emploi des détenus (dite procédure de « classement ») pourrait également être revue et fondée sur des critères plus transparents et homogènes d'un établissement à l'autre (tenant compte par exemple du niveau de ressources, de la formation, etc.).
En outre, le travail pénitentiaire doit être activement développé par la recherche de nouveaux débouchés. Selon votre rapporteur, une réflexion devrait s'engager sur la possibilité de prévoir en faveur du travail pénitentiaire des lots réservataires dans les marchés publics 26 ( * ) . D'une manière générale, les établissements en gestion mixte tirent parti des initiatives prises par le partenaire privé -directement intéressé à répondre aux objectifs contractuels qui lui sont assignés en matière d'emploi. Ainsi la SIGES a développé à Longuenesse et à Maubeuge un partenariat avec le Groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ -qui regroupe 250 entreprises du BTP) afin de préparer les détenus de ces deux établissements à une soixantaine d'emplois. Ce partenariat garantit un accompagnement professionnel de la personne pendant sa détention et un placement ensuite au sein du réseau d'entreprises formé par le GEIQ. Ce dispositif a permis à quelque 370 détenus de trouver un emploi post-carcéral de plus de six mois.
La continuité de l'accompagnement du détenu « dedans » et « dehors » apparaît comme l'un des gages d'une réinsertion réussie .
Au-delà, il importe de valoriser l'image du travail pénitentiaire. Votre rapporteur souhaite de nouveau, à cet égard, dénoncer l'attitude de certaines sociétés, et non des moindres, qui continuent à inscrire dans leur « charte éthique » l'engagement de ne jamais impliquer de détenus dans leur production même lorsque celle-ci est assurée sur le territoire français. Pour votre rapporteur, l' entreprise citoyenne est, au contraire, celle qui donne du travail en prison .
Votre rapporteur juge d'autant plus indispensable d'imaginer de nouvelles initiatives dans le domaine de l'emploi que la crise économique fait très rapidement ressentir ses effets dans les établissements pénitentiaires : comme l'a relevé M. Jean-Marie Delarue, lors de son audition par votre commission, de nombreux ateliers sont aujourd'hui à moitié occupés.
• La formation
En 2007, 75 % des entrants en détention ne dépassent pas le niveau du CAP et la moitié était illettrée. 23 % de la population pénale a participé aux activités scolaires (soit, en flux annuel, 46.036 détenus) 27 ( * ) . Par ailleurs, 20.506 détenus ont suivi une formation professionnelle rémunérée (en fin de formation, 1.264 stagiaires ont été présentés à un examen et 76 % d'entre eux reçus).
L'organisation actuelle du système de formation place l'administration pénitentiaire dans l'impossibilité d'établir un plan de formation dans la mesure où elle ne maîtrise que partiellement les sources de financement .
Elle bénéficie en effet, d'une part, des crédits du ministère du travail (délégation générale de l'emploi et de la formation professionnelle) qui ne cessent de se réduire d'année en année et, d'autre part, du Fonds social européen dont la part réservée à la France décline également (les crédits prévus dans la programmation 2007-2013 baissent de 27 % par rapport à la programmation 2000-2006).
A l'occasion de ses visites dans les établissements pénitentiaires, votre rapporteur a pu constater à plusieurs reprises les conséquences négatives des réductions de crédits : certaines actions de formation peuvent se trouver brutalement interrompues et le travail engagé depuis plusieurs années par le biais d'associations remis en cause.
Votre rapporteur tient à saluer parmi différentes initiatives prises par la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre d'un partenariat conclu avec le ministère de la justice, le concours apporté à certaines actions de formation avec l'ouverture prochaine d'ateliers informatiques dans les établissements de Draguignan et de Poissy. M. Patrick Baquin, directeur du département développement économique et économie sociale de la Caisse des dépôts et consignations, a souligné la qualité du partenariat noué avec l'administration pénitentiaire à cette occasion afin de permettre aux détenus un accès limité et contrôlé à Internet.
2. Les liens familiaux
Les visites de la famille ou des proches sont le moyen pour le détenu de maintenir un lien avec l'extérieur et de le préparer, le moment venu, à retrouver la liberté. Beaucoup de détenus cependant ne reçoivent jamais la moindre visite . Tel est surtout le cas des personnes condamnées à de longues peines, incarcérées dans des maisons centrales souvent éloignées et pour lesquelles les relations avec l'extérieur se sont progressivement distendues. A titre d'exemple, la moitié seulement des personnes détenues à la maison centrale d'Ensisheim, bénéficiaient de visites. Dans ce contexte, il faut saluer le rôle indispensable joué par les visiteurs de prison qui sont, pour nombre de détenus, le seul lien avec l'extérieur.
L'administration pénitentiaire se doit de faciliter le maintien des liens familiaux. Des progrès indéniables ont été réalisés dans ce domaine dans la période récente.
Certes, l'organisation des parloirs est encore loin de donner toute satisfaction : leur durée -1/2 heure- en maison d'arrêt apparaît courte, en particulier pour les personnes condamnées qui ne bénéficient souvent que d'un seul parloir par semaine. L'administration pénitentiaire cherche à ouvrir des journées supplémentaires pour les parloirs dont la durée, par ailleurs, serait allongée.
A titre d'exemple, à la maison d'arrêt de Nanterre, les visites sont désormais possibles sur douze demi-journées au lieu de cinq auparavant. Ainsi, les avocats, en particulier, peuvent accéder aux parloirs six jours sur sept. La mise en place de ce nouveau système a compliqué néanmoins la gestion des flux et suscité certaines insatisfactions liées au temps d'attente pour accéder aux parloirs.
Par ailleurs, les demandes de rendez-vous ont été facilitées par la mise en place de bornes dans une centaine d'établissements. Pour les quelque 80 établissements encore non pourvus, les rendez-vous se prennent par appel téléphonique mais la saturation des lignes entraîne souvent de nombreux délais 28 ( * ) . L'administration envisage actuellement la possibilité de procéder à des réservations par Internet.
Aux termes de démarches compliquées, il arrive que des proches, venus parfois de loin, apprennent, au moment du parloir et sans autre explication, que celui-ci n'aura pas lieu. Les témoignages présentés dans le film A côté montrent, dans ces circonstances, le désarroi et l'inquiétude des familles. Un effort d'information s'impose dans ce domaine.
A l'inverse, l'administration pénitentiaire rappelle que des réservations ne donnent lieu à aucune suite : de ce fait, 20 % des parloirs demeurent inutilisés.
Les parloirs ne permettent pas de répondre à la situation des personnes détenues condamnées à de longues peines et ne bénéficiant pas de permission de sortie ou d'aménagement de peine, le plus souvent incarcérées dans des maisons centrales : les familles doivent en effet parcourir de longues distances pour un rendez-vous dont la durée est très limitée. Ces difficultés expliquent pour partie le relâchement des liens familiaux au fil des années. Elles ont justifié la création en 2003 des premières unités de vie familiale désormais implantées dans sept établissements 29 ( * ) . Les nouvelles prisons du programme 13.200 en seront toutes équipées. Ces unités permettent aux détenus de recevoir les membres de leur famille pour des durées allant de 6 à 72 heures dans le cadre d'un appartement de deux ou trois pièces implanté dans l'enceinte pénitentiaire. L'expérience des cinq années écoulées fait apparaître un bilan très positif :
- la personne détenue n'est plus placée en position d'être visitée par sa famille ou ses proches : elle la reçoit en s'efforçant de l'accueillir dans les meilleures conditions ;
- les personnels pénitentiaires peuvent exercer un rôle plus positif tant vis-à-vis des personnes détenues que de leurs visiteurs où l'attention et le dialogue comptent autant que la stricte surveillance.
Sur un mode plus modeste, les « parloirs familiaux » -salons fermés d'une superficie variant de 12 à 15 m 2 pourvus de sanitaires et d'un mobilier modulable- ont été aménagés dans huit maisons centrales (chacune dotée de trois ou quatre locaux de ce type). La durée -une demi journée- y est plus courte que dans les unités de vie familiale mais cependant moins brève que pour un parloir habituel.
Ces rencontres peuvent requérir des détenus une longue préparation. Lors de la visite de la maison centrale d'Ensisheim, une personne incarcérée a indiqué à votre rapporteur que la première fois qu'un « parloir familial » lui avait été accordé, elle s'était trouvée comme paralysée, dans l'impossibilité d'esquisser le moindre geste. Dans cette maison centrale, les parloirs familiaux sont finalement demandés par un petit nombre de détenus qui peuvent en bénéficier presque toutes les semaines alors qu'initialement, ils ne devaient être attribués à la même personne que deux à trois fois par an.
Cette situation ne saurait être généralisée. A Liancourt, au contraire, une unité de vie familiale peut être obtenue tous les deux mois, même si devant le succès emporté par le dispositif, les délais pourraient s'allonger.
Malgré cette avancée, le maintien des liens familiaux dépend pour une large part de la proximité de l'établissement pénitentiaire avec le lieu où la personne détenue a ses attaches familiales ou sociales. Ce critère devrait être considéré en priorité dans les choix d'affectation, comme le préconise la règle pénitentiaire européenne n° 17-1 : « les détenus doivent être placés aussi près que possible de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale afin de faciliter la communication avec le monde extérieur » et la CNCDH (recommandation n° 23) : « les décisions d'affectation des condamnés doivent prioritairement être édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale -spécialement s'ils ont des enfants- et au regard d'autres éléments de resocialisation comme la formation, l'emploi ou le contenu d'un plan d'exécution de la peine ».
D. PROMOUVOIR LES ALTERNATIVES À L'INCARCÉRATION
Les alternatives à l'incarcération doivent être encouragées à plusieurs titres. Depuis quelques années, elles se sont diversifiées et développées, à un rythme inégal. Elles se heurtent aujourd'hui encore à des freins persistants.
1. Une priorité
La peine privative de liberté n'est pas toujours la mieux adaptée à la gravité de l'infraction, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise et à la personnalité de son auteur : ne vaut-il pas mieux imposer à l'auteur d'un délit routier, plutôt qu'une peine d'emprisonnement ferme, un stage dans un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle pour les victimes d'accidents de la route ?
Depuis 1993, aucune peine privative de liberté n'est d'ailleurs plus encourue en cas de contravention. Si aucune peine alternative n'est prévue en cas de crime, elles se sont en revanche multipliées pour les délits.
Les peines alternatives à l'incarcération Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, le tribunal correctionnel peut prononcer une peine de jours-amende consistant pour le condamné à verser au Trésor une somme dont le montant global résulte de la fixation par le juge d'une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours. Le montant de chaque jour-amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; il ne peut excéder 1.000 euros. Le nombre de jours-amende est déterminé en tenant compte des circonstances de l'infraction ; il ne peut excéder trois cent soixante. La juridiction de jugement a également la possibilité, à la place de l'emprisonnement, de prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté , dont il devra le cas échéant supporter le coût. Cette peine ne peut toutefois être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience. Le travail d'intérêt général consiste en un travail non rémunéré devant être accompli, pour une durée de quarante à deux cent dix heures, au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général. Cette peine ne peut elle non plus être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui n'est pas présent à l'audience. Elle est applicable aux mineurs de 16 à 18 ans. Le tribunal correctionnel peut également substituer à la peine d'emprisonnement diverses peines privatives ou restrictives de liberté . Il en existe actuellement une quinzaine, d'un degré de gravité variable. Près de la moitié affectent, directement ou indirectement, le droit de conduire un véhicule -du reste, la suspension du permis de conduire représente plus de la moitié des peines alternatives prononcées chaque année. Les autres limitent le droit de porter ou de manipuler des armes, le droit d'exercer certaines activités ou le droit de fréquenter certaines personnes ou certains lieux. La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime. Avec leur accord, la réparation peut être exécutée en nature. Elle peut alors consister dans la remise en état d'un bien endommagé à l'occasion de la commission de l'infraction ; cette remise en état est réalisée par le condamné lui-même ou par un professionnel qu'il choisit et dont il rémunère l'intervention. Si la juridiction estime nécessaire une peine d'emprisonnement, elle peut par ailleurs l'assortir d'un sursis . Le sursis implique la suspension totale ou partielle de l'exécution de la peine. Il est révocable en cas de nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle sans sursis, pour crime ou délit de droit commun. La condamnation disparaît si la révocation n'a pas lieu dans un délai de cinq ans. Pour favoriser cette solution, le législateur a ajouté au sursis simple, qui ne se traduit pour le condamné par aucune autre obligation que celle d'éviter de commettre une nouvelle infraction, le sursis avec mise à l'épreuve et le sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. La mise à l'épreuve consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines, à des mesures de surveillance, d'assistance et à des obligations particulières : établir sa résidence en un lieu déterminé, se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, s'abstenir de paraître en certains lieux ou de rencontrer certaines personnes... L'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général dans le cadre d'un sursis n'est pas fondamentalement différente de celle résultant de la condamnation à la peine alternative de travail d'intérêt général. Toutefois, elle ne suit pas exactement le même régime. Il est d'ailleurs à noter que le travail d'intérêt général peut également être prononcé à titre de peine complémentaire et parfois même, s'agissant du délit de tag, de peine principale ! Enfin, un prévenu peut bénéficier d'une dispense de peine en matière de délit ou de contravention s'il apparaît que son reclassement est acquis, et le dommage réparé. Si les conditions prévues sont seulement en voie de réalisation, il peut y avoir ajournement du prononcé de la peine, de façon à permettre l'application, le cas échéant, de la dispense de peine. Pour s'en assurer, l'ajournement peut être assorti d'une mise à l'épreuve. |
Lorsqu'une peine privative de liberté doit être prononcée, notamment pour que l'auteur de l'infraction prenne conscience de la gravité des faits, son aménagement présente de nombreux avantages : il limite les tensions liées à l'augmentation de la population carcérale, réduit les charges publiques et, surtout, contribue efficacement à la réinsertion progressive des personnes condamnées. Il est ainsi dans l'intérêt non seulement de la société tout entière mais également du condamné, qui se trouve responsabilisé, et de la victime, qui peut être plus rapidement indemnisée.
Les mesures d'aménagement des peines L' autorisation de sortie sous escorte permet à toute personne détenue de quitter temporairement la prison, encadrée par des personnels de police, de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire. La permission de sortir autorise un condamné à s'absenter seul d'un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée, qui s'impute sur la durée de la peine en cours d'exécution, pour se rendre en un lieu situé sur le territoire national. Elle a pour objet de préparer sa réinsertion professionnelle ou sociale, de maintenir ses liens familiaux, ou de lui permettre d'accomplir une obligation exigeant sa présence. Elle ne peut être accordée que si le condamné n'est pas en cours d'exécution de la période de sûreté. Instituée par la loi du 14 août 1885, la libération conditionnelle permet la libération anticipée d'un condamné à une peine privative de liberté, lorsqu'il a subi une partie légalement déterminée de sa peine, s'il manifeste des efforts sérieux de réadaptation sociale et sous condition de bonne conduite pendant une période qui ne peut pas être inférieure à la durée de la peine restant à subir. Le suivi du condamné peut être prolongé après la fin de la peine, pendant une année supplémentaire. La semi-liberté permet au condamné d'exercer à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire une activité professionnelle, d'y suivre un enseignement, une formation professionnelle, un stage, un traitement médical, ou de participer à la vie de sa famille. Il est astreint à rejoindre l'établissement pénitentiaire, en fonction du temps nécessaire à l'activité en vue de laquelle il a été admis au régime de la semi-liberté, et à y demeurer pendant les jours où, pour quelque cause que ce soit, ses obligations extérieures se trouvent interrompues. Le placement à l'extérieur permet au condamné de travailler à l'extérieur, ou d'y suivre un enseignement, une formation professionnelle ou un traitement médical, sans être soumis à la surveillance continue du personnel pénitentiaire. Le condamné peut ne pas être astreint à passer dans l'établissement pénitentiaire son temps disponible hors placement : il est alors généralement hébergé par l'association qui lui procure une activité. Nombre de ces associations sont regroupées au sein du réseau fédération citoyens et justice dont votre rapporteur a pu mesurer la forte implication. Enfin, créé par une loi du 19 décembre 1997 à l'initiative du Sénat, le placement sous surveillance électronique emporte pour le placé, prévenu ou condamné, interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu en dehors de certaines périodes. Les périodes et les lieux sont fixés en tenant compte de l'exercice d'une activité professionnelle par le placé, du fait qu'il suit un enseignement ou une formation, effectue un stage ou occupe un emploi temporaire en vue de son insertion sociale, de sa participation à la vie de sa famille ou encore de la prescription d'un traitement médical. Le contrôle de la mesure est assuré par les personnels de l'administration pénitentiaire au moyen d'un procédé permettant de détecter la présence ou l'absence du placé des lieux dans lesquels il doit se trouver. Ce procédé consiste, en pratique, en un bracelet muni d'un émetteur que la personne doit porter en permanence. Le placement sous surveillance électronique est ainsi souvent qualifié de « prison à domicile ». La suspension et le fractionnement donnent une réelle souplesse dans l'exécution de la peine, quand le condamné doit faire face à des problèmes familiaux, médicaux ou professionnels graves. La peine peut être suspendue pendant un temps ou exécutée par fractions, ce qui permet d'alterner les périodes dans et hors les murs de la prison. Semi liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, suspension et fractionnement ne peuvent être ordonnés que pour des peines d'emprisonnement dont le quantum ou le reliquat est inférieur ou égal à un an. Leur mise en oeuvre peut être assortie des mesures de contrôle et des obligations particulières prévues dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve. Depuis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, toutes ces mesures relèvent, pour leur mise en oeuvre, de la compétence des juridictions de l'application des peines : juge de l'application des peines ou tribunal de l'application des peines en première instance ; chambre de l'application des peines en appel ; Cour de cassation en cassation. Auparavant, et en dépit de la création des juges de l'application des peines en 1958, nombre d'entre elles pouvaient être décidées par l'administration pénitentiaire et le ministre de la justice. Certaines mesures peuvent, pour les peines d'emprisonnement dont le quantum est inférieur ou égal à un an, être ordonnées par le tribunal correctionnel lui-même, qui en fixe le principe tandis que la responsabilité de leur mise en oeuvre concrète sera confiée au juge de l'application des peines. A l'inverse, ce dernier a la possibilité de convertir une très courte peine d'emprisonnement ferme -d'une durée inférieure ou égale à six mois- en une peine de jours-amende ou en un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. |
La construction de places supplémentaires dans les établissements pénitentiaires atteint aujourd'hui ses limites. Jamais, au regard tant du nombre des infractions et des condamnations que de leur évolution, elle ne permettra de disposer d'une cellule pour chaque condamné à une peine privative de liberté. Or il est établi que la surpopulation carcérale aggrave les risques de récidive des personnes incarcérées , en portant atteinte à leur dignité, en mêlant les primo-délinquants et les criminels et en empêchant toute prise en charge destinée à favoriser la réinsertion des détenus.
Les enjeux financiers de l'aménagement des peines ne doivent pas non plus être négligés. Selon le rapport établi en 2004 par M. Jean-Luc Warsmann, désormais président de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « La construction d'une nouvelle place en maison d'arrêt coûte 106 400 euros, alors qu'une place en établissement du type centre de semi-liberté ou centre pour peines aménagées revient au tiers de ce montant. Le prix de revient journalier d'un détenu en maison d'arrêt s'élève à 55,80 euros; il s'agit d'un coût de fonctionnement calculé sur l'effectif de référence de l'établissement, et ne tenant pas compte des charges patronales et des frais d'amortissement. Dans un centre de semi-liberté, un objectif de coût de 20 à 30 euros par jour peut être raisonnablement atteint. Par comparaison, le prix d'un matériel destiné à la surveillance électronique est, dans la phase de lancement actuel, de 22 euros par jour. Enfin, le coût de revient moyen d'un placement extérieur est de 12 à 18 euros par jour 30 ( * ) . »
Enfin, et surtout, de nombreuses études montrent que les aménagements de peines contribuent plus efficacement à la réinsertion des personnes condamnées , grâce à l'accompagnement social et au contrôle inhérent à la mise en oeuvre de ces mesures, que les sorties dites « sèches » , c'est-à-dire sans aucun suivi. M. Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, a ainsi relevé dans une étude récente que le taux de recondamnation était plus faible pour les condamnés ayant bénéficié d'une libération conditionnelle que pour ceux libérés à la fin de leur peine : 26 % contre 29 % pour les homicides, 24 % contre 31 % pour les agressions sexuelles, 50 % contre 59 % pour les vols de nature criminelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles, le garde des sceaux actuel, Mme Rachida Dati, et son prédécesseur, M. Pascal Clément, ont cherché à donner une nouvelle impulsion à de type de mesures 31 ( * ) , avec des résultats encourageants.
2. Des progrès significatifs
• La progression en nombre mais la diminution en pourcentage des peines d'emprisonnement
En 2005, les peines d'emprisonnement représentaient 54,6 % de l'ensemble des condamnations pour délits, contre 63,3 % en 2001. Cette diminution ne résulte pas de la progression de la part des peines alternatives, qui a elle aussi baissé de 12,1 % en 2001 à 10,6 % en 2005, mais de celle des amendes, qui est passée de 18 % à 28,6 %.
Le tableau ci-après retrace l'évolution en nombre des condamnations pour délits entre 2001 et 2005.
Evolution des condamnations pour délits
Délits |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Toutes condamnations pour délits |
414 175 |
376 115 |
434 089 |
485 466 |
550 841 |
Peine d'emprisonnement |
262 551 |
250 476 |
296 179 |
308 617 |
301 173 |
Ferme ou assorti d'un sursis partiel |
93 392 |
94 948 |
105 910 |
110 400 |
111 234 |
Assorti d'un sursis total |
169 159 |
155 528 |
190 269 |
198 217 |
189 939 |
- Sursis simple |
115 136 |
102 000 |
132 078 |
135 464 |
131 536 |
- Sursis avec mise à l'épreuve |
45 054 |
44 611 |
49 369 |
52 754 |
48 858 |
- Sursis avec travail d'intérêt général |
8 969 |
8 917 |
8 822 |
9 999 |
9 545 |
Peine d'amende |
74 832 |
63 151 |
72 524 |
102 634 |
157 787 |
Peine de substitution |
50 161 |
43 672 |
44 272 |
46 215 |
58 569 |
- Suspension du permis de conduire |
22 327 18 |
18 904 |
16 820 |
15 750 |
20 886 |
- Interdiction du permis de conduire |
2 903 |
2 582 |
2 262 |
2 104 |
1 933 |
- Travail d'intérêt général |
8 576 |
8 350 |
9 059 |
10 419 |
12 830 |
- Jours-amende |
13 536 |
10 860 |
12 657 |
14 956 |
16 336 |
- Interdiction du territoire français |
1 114 |
1 528 |
1 957 |
1 167 |
922 |
- Interdiction d'émettre des chèques |
38 |
12 |
29 |
31 |
28 |
- Autres |
1 667 |
1 436 |
1 488 |
1 788 |
5 634 |
Dispense de peine |
6 976 |
4 246 |
5 174 |
6 274 |
6 572 |
Source : Annuaire statistique de la justice 2007, page 151. |
• La progression des mesures d'aménagement de peines
A la différence des autres aménagements de peines, la libération conditionnelle entraîne une levée d'écrou. Le nombre des mesures ordonnées a augmenté de 8,7 % entre 2003 et 2007. Leur part dans l'ensemble des libérations est restée stable, à environ 7 %.
Evolution annuelle du nombre des libérations |
|||||
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Nombre total des libérations pendant l'année |
78 066 |
84 759 |
85 215 |
85 713 |
85 375 |
- Fin de peine, grâce, amnistie |
53 984 |
58 510 |
59 914 |
60 256 |
61 320 |
- Mise en liberté |
15 110 |
16 567 |
15 496 |
13 911 |
11 002 |
- Peine couverte par la détention provisoire |
193 |
234 |
224 |
197 |
146 |
- Condamnations sans peine d'emprisonnement |
1 248 |
1 198 |
1 078 |
917 |
947 |
- Paiement de la contrainte ou contrainte subie |
72 |
41 |
40 |
17 |
28 |
- Expiration d'un mandat |
990 |
1 123 |
1 225 |
2 983 |
4 372 |
- Acquittement, relaxe |
495 |
524 |
535 |
497 |
529 |
- Libération conditionnelle |
5 569 |
6 180 |
5 911 |
5 648 |
6 057 |
- Non-lieu |
83 |
87 |
78 |
77 |
86 |
- Décès |
259 |
242 |
252 |
231 |
218 |
- Autres motifs |
63 |
53 |
462 |
977 |
670 |
Les autres mesures d'aménagement de peines ont connu une progression plus forte, tirée par celle des placements sous surveillance électronique.
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Octroi de réductions de peine |
86.771 |
94.223 |
99.829 |
91.631 |
*** |
*** |
*** |
- dont réduction de peine supplémentaire (art. 721.1 du code de procédure pénale) |
20.249 |
19.460 |
20.512 |
17.610 |
*** |
*** |
*** |
Permissions de sortir |
33.113 |
31.777 |
33.786 |
35.589 |
35.411 |
34.000 |
53 111 |
Placements à l'extérieur |
2.682 |
2.550 |
2.733 |
2.221 |
2.478 |
1 980** |
2 289** |
Placements en semi-liberté |
6.481 |
6.527 |
6.261 |
6.819 |
6.619 |
4 655** |
5 283** |
Placements sous surveillance électronique |
130 |
359 |
948 |
2.911 |
4.128 |
5 562** |
7 900** |
Source : ministère de la justice *** Modification du calcul des crédits de réduction de peine au 1er janvier 2005 entraînant l'interruption de la production des statistiques . ** Nouvelle série statistique des aménagements de peines accordés suite à la réalisation d'un travail de fiabilisation des données. |
Le placement sous surveillance électronique constitue la mesure ayant connu la progression la plus sensible, le nombre des bracelets n'étant pas limité. Cette mesure est utilisée soit comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté dont le quantum ou le reliquat de peine à exécuter n'excède par un an, soit à titre probatoire d'une libération conditionnelle, soit, enfin, dans le cadre du contrôle judiciaire.
Le nombre des personnes placées sous surveillance électronique était ainsi de 679 au 1 er août 2004, de 997 au 1 er juin 2005, de 1 473 au 1 er juin 2006, de 2.306 au 1 er juin 2007 et de 3.024 au 1 er avril 2008. A cette date, et depuis la mise en oeuvre de la mesure en octobre 2000, 26.795 mesures avaient été ordonnées (25.479 personnes sous écrou et 1.316 sous contrôle judiciaire). Au 1 er juillet 2008, le placement sous surveillance électronique représentait 55 % de l'ensemble des aménagements de peines sous écrou.
Quatre facteurs ont contribué à l'augmentation du nombre de placements : l'information systématique des autorités judiciaires sur la mise en oeuvre du dispositif ; l'augmentation du nombre de bracelets GSM permettant d'accorder le bénéfice de la mesure à des condamnés dont le niveau de ressources interdirait de disposer d'une ligne téléphonique fixe ; la signature de conventions avec des organismes tels que les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de permettre l'application du dispositif à des personnes condamnées dépourvues de domicile ; la mise en place d'un numéro vert assurant, pour le condamné, la gratuité des communications téléphoniques, dans le cadre de la mesure.
Les mesures de semi-liberté ont également augmenté dans une proportion moindre que le placement sous surveillance électronique : 5.283 personnes en ont bénéficié en 2007. Au 1 er avril 2008, 1.894 personnes exécutaient leur peine en semi-liberté.
Enfin, 2.289 mesures de placement à l'extérieur ont été prononcées en 2007. Au 1 er avril 2008, 865 personnes exécutaient leur peine en placement à l'extérieur.
Selon les documents communiqués à votre rapporteur par M. Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, le taux des condamnés sous écrou faisant l'objet d'une peine aménagée (semi-liberté, placement à l'extérieur avec ou sans hébergement pénitentiaire, placement sous surveillance électronique) par rapport au total des condamnés sous écrou est ainsi passé de 6,1 % au 1 er novembre 2004 à 11,8 % au 1 er novembre 2008.
3. Des freins persistants
Malgré ces progrès, le développement des alternatives à l'incarcération se trouve entravé par un grand nombre de freins d'ordre matériel, psychologique et juridique.
Les freins psychologiques sont sans doute les plus difficiles à lever. Or ils s'avèrent nombreux.
Alors même que leur efficacité dans la prévention de la récidive est établie, les mesures d'aménagement de peines demeurent encore couramment considérées -la consultation régulière des médias suffit pour s'en convaincre- comme des faveurs accordées aux condamnés au mépris des risques encourus par la société.
La décision d'aménagement demeurant une décision juridictionnelle, dont la responsabilité appartient au juge de l'application des peines, votre rapporteur a pu constater à cet égard des jurisprudences très différentes selon les différents ressorts. Ainsi à Lyon, au mois de septembre 2007, les juges de l'application des peines limitaient de manière drastique le nombre de mesures.
Il ne faut pas non plus perdre de vue les réticences des détenus eux-mêmes à solliciter ou accepter un aménagement de leur peine. Les réserves portent plus particulièrement sur la libération conditionnelle et les contraintes prolongées qu'elle implique 32 ( * ) . Par ailleurs, s'il constitue une alternative heureuse à l'incarcération, le placement sous surveillance électronique ne saurait devenir la panacée : dans la mesure où elle implique de la personne placée une autocontrainte difficile à assumer, cette mesure ne peut en effet être imposée ni à tout le monde ni sur une longue période. L'Association nationale des juges de l'application des peines a d'ailleurs fait état, lors de son audition par votre rapporteur, de plusieurs cas de suicides de personnes ayant fait l'objet d'un tel placement, sans que le lien de causalité puisse toutefois être établi.
Les freins matériels sont eux aussi nombreux.
La situation économique constitue l'un d'entre eux, et non le moindre : en effet, l'aménagement de peines reste très largement subordonné à la possibilité, pour la personne condamnée, d'occuper un emploi ou de suivre une formation.
Le nombre limité des places en centre de semi-liberté 33 ( * ) ou en centre pour peines aménagées 34 ( * ) en constitue un autre. Si le taux global d'occupation des centres de semi-liberté est passé de 63,4 % au 1 er janvier 2002 à 91,3 % au 1 er janvier 2008, votre rapporteur a toutefois pu constater au cours de ses déplacements que toutes les places dans les quartiers ou centres de semi-liberté n'étaient pas occupées. L'administration pénitentiaire en convient et explique ces disparités par l'implantation des structures : les taux les plus faibles seraient observés dans celles qui sont situées dans les bassins d'emploi les moins dynamiques, les plus excentrées des centres villes et les moins bien desservies par les transports en commun. Tel n'est pourtant pas le cas du centre de semi-liberté d'Haubourdin, que votre rapporteur a visité le 18 septembre 2008.
Le centre de semi-liberté de Haubourdin Ce centre accueille des hommes condamnés à une peine inférieure ou égale à un an ou purgeant un reliquat de peine inférieur ou égal à un an sous le régime de semi-liberté. Il abrite également le pôle centralisateur des personnes placées sous surveillance électronique et sous surveillance électronique mobile. A la date de la visite de votre rapporteur, il comptait 46 détenus, soit un taux d'occupation de 79 %, légèrement supérieur à la moyenne nationale d'occupation des centres de semi-liberté qui s'établissait à 74 %. L'âge moyen était de 34 ans. L'effectif de personnels comprenait 23 agents dont 5 conseillers d'insertion et de probation. La direction interrégionale des services pénitentiaires disposait d'un agent contractuel uniquement chargé de la prospection et de la fidélisation des entreprises (il devait lui être prochainement adjoint un second agent contractuel). Selon les interlocuteurs de votre rapporteur, les conditions d'hébergement au sein du centre de semi-liberté devraient être davantage orientées vers la préparation à la liberté que vers l'enfermement. Le centre de semi-liberté a d'ailleurs développé différentes activités de formation, culturelle et sportive afin de diversifier les conditions de détention. La principale difficulté rencontrée par la semi-liberté reste liée à l'insuffisance de l'offre d'emploi et de formation professionnelle. Quant au pôle centralisateur PSE-PSEM, lors de la visite de votre rapporteur, il avait la responsabilité de 561 détenus placés sous PSE et de 2 détenus sous PSEM 35 ( * ) . La charge représentée par un PSEM correspond au suivi de 50 PSE. La direction interrégionale estimait à 40 équivalents temps-pleins supplémentaires les effectifs nécessaires pour développer les aménagements de peines sous le régime de la surveillance électronique (ainsi que les besoins liés aux écoutes téléphoniques dans la perspective du projet de loi pénitentiaire). |
Lors de leur audition, les représentants de l'Association nationale des juges de l'application des peines ont également constaté que les horaires d'ouverture de certains centres ou quartiers de semi-liberté ne permettaient pas aux personnes condamnées d'occuper des emplois nécessitant de travailler tôt le matin.
Dans son rapport du mois de novembre 2007, le Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire a également déploré la pénurie de postes de travail disponibles pour permettre aux condamnés d'accomplir un travail d'intérêt général, mettant en exergue l'implication inégale des personnes morales de droit public, notamment les collectivités territoriales 36 ( * ) .
Lors de leur audition, les représentants de la Fédération citoyens et justice ont par ailleurs souligné à juste titre que les aménagements de peines ne pouvaient réussir sans un véritable accompagnement des condamnés. Se pose alors, comme souvent, la question des moyens financiers et humains alloués à cet objectif.
Les obstacles juridiques aux aménagements de peines sont assurément ceux qu'il est dans le pouvoir du Parlement de lever le plus aisément. Deux d'entre eux peuvent être dès à présent mis en exergue.
En premier lieu, les conditions d'octroi des différentes mesures d'aménagement de peines méritent sans doute d'être assouplies.
Le Comité d'orientation de la loi pénitentiaire a formulé à cet égard diverses préconisations, notamment : donner la faculté au juge de l'application des peines de renvoyer au tribunal de l'application des peines, c'est-à-dire à une formation collégiale, l'examen des dossiers difficiles ; instituer la semi-liberté ou le placement extérieur « aux fins de recherche d'emploi » ; proposer systématiquement un aménagement des trois derniers mois d'exécution des peines privatives de liberté égales ou inférieures à deux ans ; unifier la période d'éligibilité à la libération conditionnelle, supprimer l'automaticité de la période de sûreté assortissant la réclusion criminelle à temps...
En second lieu, la nouvelle procédure d'aménagement des peines des condamnés incarcérés proches de la libération, instituée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et baptisée le « sas de sortie », n'a pas porté ses fruits.
Cette procédure, qui permet la mise à exécution d'une mesure proposée par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation en l'absence de réponse du juge de l'application des peines dans un délai de trois semaines sauf recours du ministère public, n'est guère prisée des magistrats et des condamnés, qui préfèrent la procédure classique du débat contradictoire devant le juge de l'application des peines -au cours duquel l'intéressé peut se faire assister d'un avocat- et s'est avérée à l'expérience excessivement lourde puisque, comme l'a indiqué un directeur de service pénitentiaire d'insertion et de probation à votre rapporteur, un conseiller d'insertion et de probation doit remplir pas moins de 22 documents pour un même dossier.
Toutefois, un décret du 3 mai 2007 concernant l'application de la loi relative à la prévention de la délinquance et de la loi renforçant l'équilibre de la procédure pénale a cherché à simplifier le dispositif 37 ( * ) .
E. ASSURER UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE AUX PERSONNELS
Le paradoxe de l'administration pénitentiaire est le suivant : alors qu'elle a profondément évolué au cours des huit dernières années, les constats dressés en 2000 par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale demeurent pour la plupart pertinents.
1. « La question cruciale des effectifs »
• Une progression constante
L'effectif des personnels pénitentiaires a augmenté de 20,4 % en sept ans, passant de 25.256 au 1 er janvier 2000 à 31.838 au 1 er janvier 2008.
Cette progression s'est toutefois avérée inégale selon les filières : alors que l'effectif des personnels techniques est resté stable, celui des personnels d'insertion et de probation a augmenté de 57 % et celui des personnels de surveillance de 16 %.
Evolution des effectifs réels de
l'administration pénitentiaire
(élèves et stagiaires
inclus) de 2000 à 2008
Au 1 er janvier |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Personnel de direction |
311 |
361 |
370 |
373 |
399 |
421 |
413 |
426 |
406 |
Personnel administratif |
2.174 |
2.204 |
2.217 |
2.352 |
2.454 |
2.603 |
2.616 |
2.948 |
|
Personnel de surveillance |
20.041 |
20.516 |
20.225 |
20.902 |
22.492 |
22.615 |
22.448 |
23.300 |
23.616 |
Personnel technique |
631 |
621 |
637 |
617 |
602 |
622 |
636 |
627 |
593 |
Personnel d'insertion |
1.483 |
1.530 |
1.618 |
1.696 |
1.817 |
1.973 |
2.147 |
2.345 |
2.600 |
Personnel social |
474 |
500 |
481 |
460 |
466 |
458 |
412 |
431 |
424 |
Contractuels
|
137 |
129 |
155 |
183 |
189 |
210 |
782 |
693 |
1085 |
Infirmières |
5 |
||||||||
Personnel d'administration centrale |
148 |
122 |
166 |
||||||
TOTAL |
25 256 |
25 861 |
25 703 |
26 583 |
28 419 |
28 902 |
29 602 |
30 913 |
31 838 |
Source : ministère de la justice. Une rupture de série peut être observée concernant les contractuels : le différentiel 2007/2008 s'explique par de forts recrutements en 2007 mais aussi par une meilleure comptabilisation (enquête auprès des DISP) et une comptabilisation des aumôniers en temps plein. |
• Un renouvellement et une féminisation
Ces recrutements massifs, qui pèsent sur l'organisation des formations, entraînent un renouvellement et une féminisation des personnels.
Les effectifs globaux en formation initiale sont ainsi passés de 3.055 personnes en 1999 à 3.499 en 2007. Les effectifs de stagiaires au titre de la formation continue ont aussi augmenté de manière conséquente : de 550 en 1999, ils sont passés à 3.187 en 2007. L'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire 38 ( * ) , que votre rapporteur a visitée au mois de septembre 2008, reçoit aujourd'hui de 1.100 à 1.200 élèves, toutes catégories confondues, alors que sa capacité d'accueil théorique est limitée à 830 élèves. Si l'école a su y faire face, cette saturation de ses capacités interdit la mise en place de modules transversaux de formation initiale, par exemple entre les élèves surveillants et les élèves conseillers d'insertion et de probation.
Motivés mais inexpérimentés, les personnels issus des concours sont souvent affectés, à l'issue de leur formation initiale à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, dans des maisons d'arrêt situées en région parisienne. Originaires de province pour un grand nombre, ils se trouvent alors confrontés à des conditions de travail, du fait de la surpopulation carcérale, et à des conditions vie, du fait du coût du logement, particulièrement difficiles et n'attendent qu'une chose : leur mutation. A titre d'exemple, la maison d'arrêt de Nanterre disposait, lors de la visite de votre rapporteur, d'un effectif constitué à 40 % de stagiaires et connaissait un taux de rotation de 20 % en moyenne annuelle. Cette instabilité des personnels, malgré leur motivation et leur ouverture au changement, pénalise la qualité de prise en charge des personnes détenues.
La féminisation des personnels -la part des femmes dans les personnels pénitentiaires est passée de 18,9 % en 2000 à 29,7 % en 2008- constitue une évolution notable et un apport positif dont il faut se féliciter. Comme le soulignait déjà la commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 2000 : « la présence de surveillantes a pour effet d'apaiser le climat de la détention ». Il a également été souvent indiqué à votre rapporteur, lors de ses visites d'établissements, que la féminisation des personnels impliquait de nouvelles contraintes que l'administration centrale devait prendre en compte dans la gestion des effectifs : certaines tâches, essentiellement les fouilles, ne peuvent être effectuées que par des agents du même sexe que les détenus ; en outre, le taux moyen d'absence, majoré en raison des congés de maternité, doit être pris en compte dans les organigrammes des établissements.
• Une « éternelle pénurie »
La progression sensible des effectifs de l'administration pénitentiaire a été « absorbée » pour l'essentiel par l'ouverture de nouveaux établissements, alors que, dans le même temps, la population carcérale a elle aussi fortement augmenté.
Selon le projet annuel de performance de l'administration pénitentiaire annexé au projet de loi de finances pour 2009 : « Le taux d'encadrement des détenus au 1 er octobre 2006 (nombre de détenus par surveillant) est de 2,6 en France, contre 1 en Italie, 2,9 en Allemagne, 1,6 au Royaume Uni et 2,2 aux Pays-Bas ». Les mêmes comparaisons étaient établies devant les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale en 2000. Elles appellent les mêmes observations.
Seul importe en effet le décompte des surveillants à un instant donné, compte tenu des roulements d'équipes, car il permet « d'appréhender la faiblesse des effectifs et la vulnérabilité du surveillant isolé sur un étage de détention ».
Or dans de nombreux établissements, essentiellement des maisons d'arrêt, il n'est pas rare qu'un surveillant ait la responsabilité de toute une coursive. A titre d'exemple, dans la maison d'arrêt de Seysses, un agent assure seul la surveillance d'un étage en détention, alors même que le nombre de détenus par étage est passé de 50 en 2004 à 85 aujourd'hui. Le service de nuit s'avère encore plus difficile car les surveillants ne disposent pas des clefs et doivent appeler un gradé de permanence pour faire ouvrir une cellule.
Taux d'absentéisme des personnels de
l'administration pénitentiaire
(titulaires et stagiaires) de 2002
à 2008
Surveillant(e) |
1 er surveillant |
Officier |
Global P.S |
|
2002 |
23,37% |
24,21% |
23,32% |
23,45% |
2003 |
22,87% |
23,44% |
24,38% |
22,97% |
2004 |
22,33% |
22,90% |
23,06% |
22,40% |
2005 |
21,71% |
21,51% |
21,36% |
21,68% |
2006 |
21,83% |
22,40% |
21,40% |
21,87% |
2007 |
22,04% |
22,58% |
20,89% |
22,05% |
2008 |
22,75% * |
|||
Source ministère de la justice * (en cours sur les dix premiers mois 2008) |
Les conséquences néfastes de cette « éternelle pénurie », pour reprendre l'expression employée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, sont connues. Les personnels de surveillance ne peuvent ni avoir une écoute suffisante et une observation attentive des détenus, ni intégrer des formations continues. L'état des bâtiments se dégrade, faute de personnels techniques en nombre suffisant pour les entretenir, et il n'est pas rare que les menues réparations soient confiées à des détenus : ainsi, lors de sa visite de la maison d'arrêt de Rouen, votre rapporteur a constaté que les cellules étaient repeintes par des détenus. Enfin, malgré l'augmentation considérable des effectifs des services d'insertion et de probation au cours des dernières années, leur nombre reste insuffisant pour assurer un suivi régulier des personnes condamnées : à la maison d'arrêt de Fresnes, ils sont ainsi 30 conseillers d'insertion et de probation pour 2.400 détenus. L'étude d'impact annexée au projet de loi rappelle qu'actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (dont 2.500 sont en charge du suivi de dossiers), soit environ 80 dossiers par travailleur social.
2. Le malaise des personnels
• Des surveillants en quête de reconnaissance
Les conditions d'exercice du métier de surveillant ont profondément évolué au cours des dernières années.
Ainsi, les régimes de détention se sont diversifiés avec, par exemple, la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs depuis 2007 39 ( * ) . Lors de ses déplacements à Lyon-Meyzieu, Lavaur, Marseille et Quiévrechain, votre rapporteur a pu constater combien le travail réalisé par les surveillants auprès de ces mineurs, en binôme avec des éducateurs de la protection judicaire de la jeunesse, différait de leurs tâches en maison d'arrêt ou en établissement pour peines par l'intensité de la prise en charge des détenus. La spécificité de ces emplois a d'ailleurs justifié la création d'un module de formation spécifique à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire.
Le développement des mesures alternatives à l'incarcération et, singulièrement, l'essor du placement sous surveillance électronique contribuent aussi à l'évolution de leurs missions. Si l'accompagnement des personnes condamnées dans leurs démarches de réinsertion incombe aux conseillers d'insertion et de probation, les personnels de surveillance assument la responsabilité de leur surveillance électronique.
Plus généralement, avec la mise en oeuvre progressive des règles pénitentiaires européennes, les attentes à leur égard deviennent plus fortes. Le site Internet du ministère de la justice n'affirme-t-il pas qu'« en contact permanent et direct avec les détenus, ils assurent la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement et participent à l'individualisation de la peine et à la réinsertion des personnes privées de liberté. En collaboration avec des partenaires extérieurs, ils aident les détenus, aux côtés des services pénitentiaires d'insertion et de probation, à préparer leur retour à la liberté . »
Bien des agents ont conscience de ces attentes et aimeraient pouvoir y répondre. L'administration pénitentiaire dispose en effet d'un personnel de qualité, ouvert au changement et disposé au dialogue. Cependant, dans les maisons d'arrêt, la pression de la population pénale leur interdit en pratique d'aller au-delà de la stricte mission de garde qui leur est confiée, et leur fait ressentir cruellement l'image que la société leur renvoie d'eux-mêmes et dont ils voudraient tant se défaire : celle de simples porte-clefs.
Comme en 2000, et malgré les évolutions significatives intervenues depuis, les surveillants restent en quête de reconnaissance. A cet égard, le projet de loi pénitentiaire suscite aussi une très forte attente.
• Des conseillers d'insertion et de probation confrontés à une crise d'identité
Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont confrontés depuis plusieurs années à trois profondes mutations de leur activité :
- l'accroissement de leur charge de travail lié, d'une part, au développement des mesures d'aménagement de peines, et, d'autre part, à la mise en place de nouveaux dispositifs de contrôle après l'exécution de la peine (suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire et plus récemment surveillance de sûreté et rétention de sûreté) ;
- le doublement des effectifs de la filière -y compris les personnels administratifs- passés de 1.771 agents en 1998 à 3.491 au 1 er janvier 2008 -ainsi les services ont dû intégrer 500 nouveaux agents en 2006 et 2007 ;
- enfin, une évolution de la nature même des missions dévolues à ces personnels. Ainsi, au début de l'année 2008, une circulaire a placé la prévention de la récidive au premier rang des finalités de l'action des SPIP. Ces derniers doivent désormais animer des programmes de prévention de la récidive sous la forme de groupes de parole caractérisés par une approche criminologique et un travail axé sur le passage à l'acte.
Ces transformations ont nourri inquiétudes et interrogations au sein du corps des conseillers d'insertion et de probation. Elles se sont traduites par un mouvement social prolongé, d'avril à juillet 2008, et le rejet, au début du mois de mai, d'un projet d'évolution statutaire qui leur était proposé par la garde des sceaux. Afin de tenter de surmonter ces blocages, une mission d'expertise et de proposition a été confiée à Mme Charlotte Trabut, inspecteur des services judiciaires, tandis que Mme Isabelle Gorce, magistrat, conseiller référendaire à la Cour de cassation, se voyait confier un audit destiné à identifier les principaux enjeux d'évolution. Toutes deux ont été entendues par votre rapporteur.
L'évolution qui s'esquisse tend, d'une part, vers le développement de la polyvalence des SPIP, avec la constitution d'équipes pluridisciplinaires associant conseillers d'insertion et de probation, assistants sociaux, animateurs culturels, agents de l'ANPE et surveillants pénitentiaires chargés du suivi du placement sous surveillance électronique, d'autre part, la redéfinition des missions des conseillers d'insertion et de probation, afin qu'elles portent l'accent sur l'exécution de la peine et la prévention de la récidive, sous la forme d'une prise en charge collective des détenus tournée vers la prise de conscience des conditions du passage à l'acte.
Elle suppose toutefois, outre une revalorisation statutaire :
- l'adaptation de la formation initiale et un effort particulier de formation continue des conseillers d'insertion et de probation, dont l'ENAP semble avoir pris la mesure ;
- l'adhésion des personnels, dont une partie demeure attachée, comme votre rapporteur a pu le constater à maintes reprises à l'occasion des tables rondes organisées lors des visites des établissements pénitentiaires, à leur identification comme « travailleurs sociaux » qui, à leurs yeux, légitime leur intervention auprès des détenus.
La définition d'un cadre de référence commun à tous les conseillers d'insertion et de probation pourrait, avec le renouvellement et le rajeunissement d'une part importante du corps, favoriser cette évolution.
II. L'EXIGENCE D'UNE RÉFORME AMBITIEUSE
A. UN PROJET DE LOI EN DEMI-TEINTE
L'économie générale du texte soumis à l'examen du Sénat a conduit certains des interlocuteurs de votre rapporteur à le présenter davantage comme un projet de loi relatif à l'aménagement de peines plutôt que comme la loi pénitentiaire attendue. Force est de constater que le volet consacré aux aménagements de peines est sans doute le plus abouti alors que, même si les dispositions portant sur le service public pénitentiaire et les conditions de détention comportent des avancées réelles et appréciables, le projet de loi semble être resté, sur ce sujet, au milieu du gué.
1. Le volet le plus ambitieux : le développement des alternatives à l'incarcération
Les dispositions du titre II du projet de loi s'articulent autour de trois axes : éviter le prononcé d'une peine d'emprisonnement ou la mise en détention provisoire d'un prévenu, développer les aménagements de peines avant ou pendant leur exécution, simplifier les procédures.
• Eviter le prononcé d'une peine d'emprisonnement ou la mise en détention provisoire d'un prévenu
Conformément aux recommandations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire et du Conseil de l'Europe, le projet de loi énonce tout d'abord que la peine d'emprisonnement ferme , en matière correctionnelle, ne peut être prononcée que si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et que toute autre sanction serait manifestement inadéquate ( article 32 ).
En autorisant l'exécution d'un travail d'intérêt général pendant une mesure d'aménagement de peine, il donne au tribunal correctionnel la possibilité de prononcer cette peine alternative à l'égard d'un prévenu déjà condamné dans une autre affaire, plutôt que de lui infliger une nouvelle peine d'emprisonnement qui remettrait en cause ses efforts de réinsertion ( article 34 ).
Pour accélérer leur mise à exécution, il permet explicitement aux peines alternatives à l'emprisonnement -notamment le travail d'intérêt général- de devenir exécutoires, à l'instar de la peine d'emprisonnement, après l'expiration du délai d'appel de dix jours dont disposent les parties et le procureur de la République, et ce malgré le délai d'appel de deux mois accordé au procureur général ( article 39 ).
Par ailleurs, il uniformise le délai d'épreuve des autres obligations pouvant être imposées dans le cadre d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général : le délai maximum d'exécution du travail d'intérêt général étant de dix-huit mois, ces obligations pourraient perdurer au-delà de l'accomplissement de ce travail dans un délai maximum de dix-huit mois, contre douze actuellement ( article 35 ).
Enfin, le projet de loi institue, aux côtés du contrôle judiciaire, une nouvelle alternative à la détention provisoire : l' assignation à résidence avec surveillance électronique . Décidée par ordonnance motivée du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, à l'instar du contrôle judiciaire, après un débat contradictoire avec assistance obligatoire d'un avocat, cette assignation à résidence serait ordonnée pour une durée maximum de six mois, susceptible d'être prolongée dans la limite de deux ans, et serait assimilée à une détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté ( article 37 ).
• Développer les aménagements de peines avant ou pendant leur exécution
Le projet de loi réaffirme avec plus de netteté, dans le code pénal comme dans le code de procédure pénale, la nécessité d'un aménagement des peines avant ou pendant leur exécution ( articles 32 et 38 ).
Pour permettre la mise en oeuvre de ce principe, il double le quantum des peines d'emprisonnement susceptibles de faire l'objet ab initio , c'est-à-dire par le tribunal correctionnel, d'une semi-liberté , d'un placement à l'extérieur , d'un placement sous surveillance électronique ou d'un fractionnement , en le portant d'un à deux ans, et assouplit considérablement les conditions d'octroi d'une semi liberté, d'un placement à l'extérieur ou d'un placement sous surveillance électronique, en exigeant simplement que l'intéressé justifie de tout « projet sérieux d'insertion ou de réinsertion », comme par exemple la recherche d'un emploi ( article 33 ).
Ces mêmes possibilités seraient offertes au juge de l'application des peines, qui pourrait désormais octroyer un fractionnement de peine, une semi-liberté, un placement à l'extérieur ou un placement sous surveillance électronique, aux condamnés dont le quantum ou le reliquat de la peine d'emprisonnement est inférieur ou égal à deux ans, et non plus à un an ( article 46 ).
Le projet de loi fait obligation aux services pénitentiaires d'insertion et de probation et aux juges de l'application des peines d'étudier les alternatives à l'incarcération susceptibles d'être proposées, d'une part, aux personnes condamnées non encore incarcérées dont la durée de la peine d'emprisonnement prononcée ou de la détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, contre un an actuellement, d'autre part, aux personnes condamnées incarcérées dont le quantum ou le reliquat -pour les seules peines d'emprisonnement inférieures à cinq ans- de la peine d'emprisonnement est inférieur ou égal à deux ans, contre six ou trois mois suivant les cas actuellement ( article 48 ).
Plusieurs dispositions concernent la libération conditionnelle :
- ses conditions d'octroi seraient assouplies, tout comme celles des autres aménagements de peines, puisque le condamné devrait simplement justifier d'un « projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » ( article 47 ) ;
- les condamnés âgés de plus de 75 ans seraient dispensés de l'obligation d'avoir exécuté une partie de leur peine, communément appelée « temps d'épreuve », et pourraient en bénéficier à la seule condition de justifier d'un hébergement ou d'une prise en charge adaptée à leur sortie, sous réserve toutefois que leur libération ne soit pas susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public ( article 47 ) ;
- enfin, le placement sous surveillance électronique -par suite d'une erreur de plume, le projet de loi fait indûment référence au placement sous surveillance électronique mobile- pourrait constituer, au même titre que la semi-liberté, une mesure probatoire à la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté assortie d'une période de sûreté de quinze ans ( article 45 ).
Par ailleurs, le projet de loi étend les possibilités de conversion en sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en jours-amende des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois : le juge de l'application des peines pourrait désormais ordonner la conversion des peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, et des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d'un sursis ( article 35 ).
• Simplifier les procédures
Le projet de loi permet au juge de l'application des peines de renvoyer au tribunal de l'application des peines les dossiers complexes , afin d'éviter que cette complexité constitue un frein à l'octroi d'une mesure d'aménagement de peine ( article 40 ).
Ce magistrat aurait la faculté d'ordonner l'incarcération provisoire de la personne condamnée qui ne respecterait pas une mesure de surveillance judiciaire , comme pour les autres mesures de contrôle des condamnés en milieu ouvert ( article 42 ).
Les juridictions de l'application des peines pourraient accorder en urgence une mesure de suspension de peine pour raison médicale , lorsque le pronostic vital du condamné est engagé, sur la base du certificat médical du médecin qui suit le détenu, et non plus de deux expertises concordantes ( article 44 ).
Elles pourraient relever une interdiction professionnelle ou, avec l'accord du parquet, décider d'une dispense d' inscription d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire , afin d'éviter au condamné de saisir à cette fin la juridiction ayant prononcé la condamnation ( article 43 ).
La compétence de la juridiction de jugement pour statuer sur une demande de relèvement d'une interdiction professionnelle ou de dispense d'inscription d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire serait maintenue -une telle interdiction ou inscription ne concerne pas nécessairement une personne condamnée à une peine privative de liberté- mais serait désormais exercée à juge unique ( article 55 ).
Le projet de loi permet par ailleurs aux chefs d'établissements pénitentiaires et aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation, sauf opposition du juge de l'application des peines, de modifier les modalités d'exécution d'une mesure d'aménagement de peine, précisément les horaires d'entrée ou de sortie de l'établissement pénitentiaire, ou de présence du condamné en un lieu déterminé, dès lors qu'il s'agit de modifications favorables au condamné et ne touchant pas à l'équilibre de la mesure ( article 41 ).
Enfin, il modifie en profondeur la procédure d'aménagement des peines des personnes condamnées incarcérées instituée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, afin de la simplifier et d'améliorer son efficacité ( article 48 ). Les dispositions proposées ont pour objet, outre l'extension précitée du champ des personnes susceptibles d'en bénéficier :
- de permettre l'octroi d'une libération conditionnelle, et pas seulement d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur ou d'un placement sous surveillance électronique ;
- de confier au ministère public un rôle de filtre des propositions d'aménagement des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;
- de prévoir, si aucune autre mesure d'aménagement de peine n'a pu être accordée, le placement de droit sous surveillance électronique des détenus auxquels il reste quatre mois d'emprisonnement à exécuter 40 ( * ) , sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou risque de récidive.
L' étude d'impact annexée au projet de loi indique que ces dispositions devraient avoir pour conséquence de porter au minimum à 210.000 par an le nombre des personnes devant être suivies par les conseillers d'insertion et de probation. Afin de faciliter la mise en oeuvre des aménagements de peines, elle juge nécessaire de réduire de 80 à 60 le nombre des dossiers suivis par chaque conseiller d'insertion et de probation, ce qui supposerait la création de 1.000 postes supplémentaires pour un coût salarial total de 32,8 millions d'euros, sans compter les dépenses d'investissement.
2. La partie pénitentiaire : un dispositif décevant
Plusieurs dispositions du projet de loi comportent de véritables avancées, d'autres élèvent au niveau de la loi, à droit constant, des mesures qui aujourd'hui figurent dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, certaines marquent, en revanche, un retrait par rapport au droit en vigueur.
• Les avancées
Le projet de loi a pour premier mérite de clarifier les missions du service public pénitentiaire dans des termes certes très proches de ceux de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire mais prenant en compte aussi les missions d'insertion et de probation ainsi que la lutte contre la récidive ( article premier ).
Il rappelle utilement que si ce service public est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du ministre de la justice, il implique aussi les autres services de l'Etat, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées. Il marque une responsabilité commune de la société dans la démarche de réinsertion qui doit aussi inspirer l'exécution d'une peine privative de liberté ( article 2 ).
Le texte présente des avancées à trois autres titres : il reconnaît de nouveaux droits aux détenus ; il assure une meilleure intégration de l'univers carcéral au sein de la société ; enfin, il améliore les conditions d'exercice des missions des personnels pénitentiaires.
- la reconnaissance de nouveaux droits du détenu
L' accès au téléphone , jusqu'alors réservé aux seules personnes condamnées, serait étendu à tous les détenus ( article 16 ).
Le régime disciplinaire des détenus serait modifié afin de ramener la durée maximale du placement en cellule disciplinaire à vingt-et-un jours contre quarante-cinq jours. Cependant, cette durée serait de quarante jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ( article 53 ) ;
- un rapprochement avec certains dispositifs de droit commun
Beaucoup de détenus n'ont pas ou n'ont plus de domicile alors que les départements font généralement de la domiciliation sur leur territoire la condition de versement des aides sociales qui relèvent de leur compétence. Le projet de loi lève cet obstacle en permettant la domiciliation à l'établissement pénitentiaire ( article 12 ).
La disposition proposée devrait aussi favoriser l'exercice du droit de vote dans la commune de rattachement de la prison.
Par ailleurs, des entreprises ou des chantiers d'insertion pourraient désormais intervenir en prison nonobstant l'absence de contrat de travail ( article 14 ), ce qui élargirait ainsi l'offre d'emplois pour les détenus.
En outre, le texte prévoit de confier aux régions, à titre expérimental pour une durée de trois ans, l'organisation et le financement de la formation professionnelle des détenus dans la mesure où elles détiennent la compétence de droit commun en la matière ( article 3 ).
Enfin, le projet de loi pose pour principe ( article 28 ) la participation des collectivités territoriales aux organes d'évaluation qui seraient créés par voie réglementaire comme l'indique l'exposé des motifs : le conseil d'évaluation appelé à remplacer la commission de surveillance et la commission du suivi des politiques pénitentiaires qui serait instituée dans chaque département afin de procéder à l'évaluation annuelle du fonctionnement de l'ensemble des services pénitentiaires du département.
- Quelques dispositions consacrées aux personnels pénitentiaires
Si elles constituent l'un des quatre chapitres du titre I er du projet de loi, les dispositions consacrées aux personnels pénitentiaires s'avèrent en réalité peu nombreuses.
La première prévoit l'élaboration, par décret en Conseil d'Etat, d'un code de déontologie applicable aux personnels pénitentiaires, qui devraient prêter serment , ainsi qu'aux collaborateurs du service public pénitentiaire, c'est-à-dire, selon l'exposé des motifs du projet de loi, à « toutes les personnes intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire » ( article 4 ).
Une mesure à caractère social a pour objet d' étendre le champ de la protection fonctionnelle de l'Etat 41 ( * ) aux concubins et aux personnes qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un agent public pénitentiaire pour les attaques dont ils sont victimes du fait des fonctions de ce dernier ( article 5 ). Depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, cette protection est déjà étendue aux conjoints, aux enfants et aux ascendants directs des personnels de l'administration pénitentiaire.
Enfin, plusieurs articles du projet de loi instituent une réserve civile pénitentiaire , à laquelle seraient confiées des missions de renforcement de la sécurité des établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, principalement les juridictions, et de coopération internationale, et qui serait exclusivement composée de personnels retraités de l'administration pénitentiaire , volontaires , satisfaisant à des conditions d'aptitude physique et n'ayant pas fait l'objet de sanctions disciplinaires pour des faits incompatibles avec l'exercice des missions confiées à la réserve ( articles 6 à 9 ).
• La consécration législative de certaines dispositions à droit constant
Le projet de loi rappelle d'abord que les droits des détenus ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à leur détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention des infractions et de la protection de l'intérêt des victimes (article 10) .
En outre, il confirme le principe selon lequel les personnes détenues communiquent librement avec leur avocat pour l'exercice de leur défense (article 11) .
Conformément à l'objectif fixé par la commission présidée par M. Guy Canivet de restaurer la hiérarchie des normes dans le domaine du droit pénitentiaire, le projet de loi inscrit dans la loi, à droit constant, plusieurs droits fondamentaux qui peuvent faire l'objet de restrictions fondées sur la sécurité et le bon ordre des établissements :
- le droit de visite ( article 15 ),
- le droit de correspondance ( article 16 ),
- le droit à l'image ( article 18 ),
- le droit à l'information ( article 19 ).
Par ailleurs, le texte encadre les fouilles ( article 24 ) tout en mentionnant pour la première fois les investigations corporelles internes qui ne pourraient être réalisées que par un médecin par analogie avec le texte figurant à l'article 63-5 du code de procédure pénale pour les gardes à vue.
Le projet de loi ( article 23 ) élève également au niveau législatif les dispositions relatives au devenir des biens abandonnés par les détenus à leur libération et non réclamés, cas qui néanmoins semble se produire très rarement.
Enfin, compte tenu des enjeux qu'ils présentent pour les conditions de détention, le projet de loi pénitentiaire consacre, sous réserve d'aménagements limités, plusieurs dispositifs actuels :
- l'aide en nature en faveur des détenus les plus démunis ( article 13 ) ;
- l'acte d'engagement professionnel appelé à prendre la suite du support d'engagement professionnel développé sur la base d'une simple circulaire ( article 14 ) ;
- le parcours d'exécution de peine qui fait suite au projet d'exécution de la peine et reposera sur un bilan d'évaluation systématique de la personne détenue ( article 51 ) à l'issue d'une période d'observation ;
- la différenciation du régime de détention pour les personnes condamnées qui se pratique déjà souvent dans les établissements pour peines en fonction du profil du détenu -par exemple à travers le choix d'un système autorisant ou non l'ouverture des portes des cellules d'un même quartier de détention ( article 51 ).
• Un texte en retrait sur l'encellulement individuel
Le projet de loi admet le principe de l'encellulement collectif au même titre que l'encellulement individuel pour les prévenus. Ces derniers pourraient demander un placement dans une cellule individuelle sous réserve de plusieurs dérogations ( article 49 ). En outre, le Gouvernement entend renouveler le moratoire permettant de différer l'application du principe de l'encellulement individuel aux personnes prévenues en raison de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou du nombre de détenus présents ( article 59 ).
Par ailleurs, le projet de loi apporte deux assouplissements :
- le quantum de peine en deçà duquel une personne condamnée peut être maintenue en maison d'arrêt serait porté de un à deux ans, les condamnés ayant un reliquat supérieur à deux ans pouvant même être maintenus en maison d'arrêt lorsqu'ils bénéficient d'un aménagement de peines ou sont susceptibles d'en bénéficier rapidement ( article 50 ) ;
- le principe de l'encellulement individuel pour les personnes condamnées pourrait être écarté lorsqu'elles le demandent ou lorsque leur personnalité le justifie ( article 52 ).
Le projet de loi comporte enfin un nombre très limité de mesures consacrées aux mineurs (garantie des droits fondamentaux reconnus à l'enfant - article 25 - obligation de suivi d'une activité à caractère éducatif dès lors que le mineur n'est plus astreint à l'obligation scolaire - article 26 -) ainsi qu'à la santé (limitations des informations susceptibles d'être communiquées par le médecin à la famille d'un détenu gravement malade - article 20 - organisation du permis de visite pour un certain nombre de personnes susceptibles d'apporter leur soutien à la personne détenue - articles 21 et 22 -).
B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : DONNER TOUTE SA PORTÉE À LA LOI PÉNITENTIAIRE
1. Parfaire la réforme des alternatives à l'incarcération
Ayant fait l'objet d'une large concertation, notamment avec l'Association nationale des juges de l'application des peines, les dispositions du projet de loi relatives aux alternatives à l'incarcération recueillent un très large assentiment et n'appellent guère de critiques de la part de votre commission des lois.
Au contraire, les nombreux amendements qui vous sont soumis ont pour objet de parfaire la réforme proposée, conformément aux trois axes qui la structurent, en garantissant que les aménagements de peines ne deviendront pas des instruments de « gestion des flux de la population carcérale » mais demeureront bien les outils irremplaçables de la réinsertion progressive des personnes condamnées dans la société.
• Eviter le prononcé d'une peine d'emprisonnement
Le premier de ces amendements tend à affirmer solennellement, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe et du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, que l' emprisonnement ferme constitue une sanction qui ne doit être prononcée qu'en ultime recours ( article 32 ).
Plusieurs mesures sont destinées à développer le recours au travail d'intérêt général , qu'il soit prescrit à titre de peine alternative à l'emprisonnement, de peine complémentaire ou de peine principale, qu'il constitue l'obligation d'un sursis ou qu'il résulte de la conversion d'une peine d'emprisonnement déjà prononcée. Elles consistent à :
- étendre l' amplitude horaire du travail d'intérêt général en prévoyant, conformément aux préconisations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, que sa durée peut être comprise entre vingt et quatre cents heures, contre une amplitude actuelle de quarante à deux cents dix heures ( article additionnel avant l'article 34 et article 35 ) ;
- prévoir qu'en cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende ( article 35 ) ;
- faire obligation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de 10.000 habitants et plus, aux autres personnes morales de droit public, au premier rang desquelles l'Etat lui-même, ainsi qu'aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public de proposer des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées (article additionnel après l'article 48) .
• Développer les aménagements de peines avant ou pendant leur exécution
Plusieurs amendements sont destinés à faciliter la mise en oeuvre des différentes mesures d'aménagement que sont le fractionnement ou la suspension de peine, la semi liberté, le placement à l'extérieur, le placement sous surveillance électronique et la libération conditionnelle. Ils consistent à :
- permettre à la juridiction de jugement d' aménager en tout ou partie la peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans qu'elle prononce au moyen de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique 42 ( * ) ( article 33 ) ;
- faciliter le fractionnement d'une peine d'emprisonnement , qui peut s'avérer utile pour un travailleur saisonnier par exemple, en supprimant l'exigence selon laquelle le motif d'ordre médical, familial, professionnel ou social pouvant le justifier doit être « grave » et en prévoyant que l'emprisonnement prononcé pourra être exécuté par fractions pendant une période n'excédant pas quatre ans, contre trois ans actuellement ( articles 33 et 44 ) ;
- afin que nul ne meure en prison, supprimer l'exigence d'une voire de deux expertises psychiatriques, posée par le code de procédure pénale, en sus de la double expertise somatique, à l'égard de certains condamnés, pour pouvoir accorder la suspension de peine pour motif médical grave à une personne condamnée proche de la mort ( article 44 ) ;
- permettre au juge de l'application des peines de subordonner la libération conditionnelle d'une personne condamnée à une mesure probatoire de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique , pour une durée n'excédant pas un an, l'exécution de cette mesure pouvant débuter un an avant la fin du temps d'épreuve pendant lequel la libération conditionnelle ne peut être accordée ( article 46 ) ;
- permettre la libération conditionnelle sans condition de délai des personnes condamnées incarcérés de plus de 70 ans , et pas seulement de celles de plus de 75 ans, tout en subordonnant l'octroi de cette mesure à l'absence de risque grave de renouvellement de l'infraction ( article 47 ).
• Améliorer les procédures devant les juridictions de l'application des peines
Enfin, votre commission vous propose d'améliorer les procédures applicables devant les juridictions de l'application des peines, en les simplifiant quand cela paraît possible et en les encadrant quand cela s'avère nécessaire. Les amendements qui vous sont soumis tendent ainsi à :
- exiger une autorisation préalable plutôt qu'une absence d'opposition du juge de l'application pour permettre au chef d'établissement pénitentiaire et au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation de modifier les horaires d'entrée ou de sortie de l'établissement pénitentiaire, ou de présence du condamné en un lieu déterminé , dans le cadre d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique ou encore d'une permission de sortir, étant précisé que les pouvoirs reconnus à l'administration pénitentiaire pourront être modulés en fonction de la personnalité et de la situation du condamné ( article 41 ) ;
- faciliter la procédure d'examen systématique des aménagements de peines susceptibles d'être accordés aux personnes condamnées à une courte peine d'emprisonnement mais non encore incarcérées , notamment en autorisant le fractionnement ou la suspension de peine et en permettant au service pénitentiaire d'insertion et de probation de recevoir le condamné avant le juge de l'application des peines, afin d'examiner plus rapidement les mesures susceptibles d'être proposées au magistrat ( article 48 ) ;
- encadrer strictement le placement sous surveillance électronique « de droit » des personnes condamnées incarcérées auxquelles il reste quatre mois de détention à subir , en précisant que cette mesure devra faire l'objet d'une ordonnance du juge, en exigeant que cette ordonnance fixe les mesures de contrôle et les obligations auxquelles le condamné devra se soumettre, afin d'éviter ce qui pourrait s'apparenter à une « grâce électronique », en supprimant les dispositions prévoyant que la neutralisation du bracelet par le condamné ne sera pas assimilée à une évasion, et en marquant bien que cette procédure de placement « automatique » n'aura vocation à s'appliquer qu'en dernier recours, en l'absence d'une autre mesure d'aménagement de peines ( article 48 ) ;
- confier définitivement au tribunal de l'application des peines la compétence pour ordonner une mesure de surveillance judiciaire (article additionnel après l'article 48).
Au-delà des améliorations qui peuvent être apportées aux règles de droit, votre commission insiste sur la nécessité d'un véritable accompagnement des personnes condamnées bénéficiant de mesures alternatives à l'incarcération, sans lequel ces mesures sont vouées à l'échec. Cet accompagnement suppose une forte implication des juridictions et de l'administration pénitentiaire , bien évidemment, mais aussi des collectivités territoriales, des associations et de toutes les personnes qui apportent leur concours au service public pénitentiaire , afin qu'ils leur consacrent davantage de moyens et développent des synergies plus grandes entre eux.
2. Clarifier le cadre d'action du service public pénitentiaire
De même que le code pénal définit la finalité de la peine, il est apparu souhaitable à votre commission qu'une loi pénitentiaire rappelle le sens d'une peine de privation de liberté dans un article préliminaire . Elle propose un article additionnel selon lequel le régime d'exécution de la peine doit concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d'infractions.
Votre commission vous suggère par ailleurs de clarifier les missions confiées au service public pénitentiaire en supprimant en particulier la notion de « préparation » de la décision pénale, source de malentendu sur les rôles respectifs de l'autorité judiciaire et de l'administration pénitentiaire ( article premier ). De même, elle a souhaité simplifier la rédaction de l' article 2 , qui détermine les modalités d'exécution du service public pénitentiaire, tout en rappelant que les associations, qui jouent un rôle fondamental en prison, apportent leur concours à ce service public au même titre que les services de l'Etat. Dans le même esprit, elle vous propose de prévoir que des représentants de ces associations peuvent participer aux différentes instances d'évaluation des établissements pénitentiaire ( article additionnel après l'article 2 ).
La mise en oeuvre du service public pénitentiaire ne se conçoit pas sans référence aux instances de contrôle qu'il s'agisse du conseil d'évaluation institué auprès de chaque établissement, qui se substituerait à la commission de surveillance jugée inefficace, ou du Contrôleur général des lieux de privation de liberté , que le présent projet de loi se doit de mentionner pour la partie de ses missions qui concerne les établissements pénitentiaires ( articles additionnels après l'article 2 ).
Votre commission a également estimé utile de consacrer dans la loi le rôle du délégué du Médiateur .
Elle a enfin souhaité que l'observatoire de l'exécution des décisions pénales et de la récidive dont l'exposé des motifs du projet de loi annonce la création procède, en particulier, à l'évaluation du taux de renouvellement de l'infraction par établissement pénitentiaire afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la récidive ( article additionnel après l'article 2 ).
3. Améliorer le statut des personnels
Comme votre rapporteur a pu le constater lors de ses déplacements et de ses auditions, la déception des personnels de l'administration pénitentiaire à l'égard des dispositions du projet de loi qui les concernent est à la hauteur de la force des attentes que sa longue gestation avait suscitées. Non pas que ces dispositions soient dépourvues de toute portée, bien au contraire, mais en raison de l'absence de reconnaissance, ne serait-ce que symbolique, de la contribution que chaque agent, à son niveau, apporte dans des conditions extrêmement difficiles au bon fonctionnement du service public pénitentiaire.
Les amendements que votre commission vous soumet ont pour objet de combler cette lacune. S'ils n'apportent pas de modification substantielle au statut spécial des personnels de l'administration pénitentiaire, du moins mettent-ils en lumière l'importance, la diversité et la difficulté de leurs tâches. Il vous est ainsi proposé :
- de consacrer chacun des corps de métiers de l'administration pénitentiaire , en mettant un accent plus particulier sur les missions des personnels de surveillance , qui constituent sous l'autorité des directeurs d'établissements pénitentiaires l'une des forces dont dispose l'Etat pour assurer la sécurité intérieure, et celles des personnels d'insertion et de probation , qui apportent une contribution décisive à la réinsertion et à la prévention de la récidive des personnes condamnées ( article 4 et articles additionnels après l'article 4 ) ;
- de renforcer leurs garanties statutaires , conformément aux préconisations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, en leur reconnaissant les droits d'expression et de manifestation, sans remettre en cause les cas, au demeurant justifiés par l'importance des missions qui leur sont confiées, dans lesquels des sanctions peuvent leur être infligées en dehors des garanties disciplinaires ( article additionnel après l'article 4 ) ;
- d'inscrire dans la loi le principe d'une obligation de formation initiale et continue pour les personnels pénitentiaires (article additionnel après l'article 4) ;
- d' intégrer au sein de la loi pénitentiaire , conformément à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, les quelques règles relatives à la protection fonctionnelle que l'Etat doit accorder aux personnels pénitentiaires, ainsi qu'à leurs proches , qui résultent de la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure ( article 5 ) ;
- d' étendre les missions susceptibles d'être confiées aux réservistes de l'administration pénitentiaire au contrôle de l'exécution des mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice (article 6).
Enfin, votre commission vous propose de supprimer les dispositions du projet de loi assujettissant les collaborateurs du service public pénitentiaire au même code de déontologie que les personnels pénitentiaires . Cet assujettissement pose en effet une double difficulté tenant, d'une part, au champ extrêmement large des personnes concernées, qui englobe aussi bien les personnels de santé, les aumôniers, les étudiants du GENEPI que les visiteurs de prison, d'autre part, à la soumission de certaines de ces personnes, singulièrement les médecins, à leurs propres règles de déontologie. Seuls seraient donc assujettis au code de déontologie du service public pénitentiaire les personnels pénitentiaires et les agents des concessionnaires chargés de diverses fonctions dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte ( article 4 ).
4. Lutter contre l'oisiveté en prison et renforcer l'offre de travail
Votre commission estime que le meilleur moyen de favoriser la réinsertion des personnes détenues est de leur permettre d'exercer une activité pendant leur incarcération qu'il s'agisse, en priorité, d'un travail ou d'une formation professionnelle mais aussi de l'apprentissage de savoirs de base dans le cadre, par exemple, de la lutte contre l'illettrisme ou encore d'activités socio-culturelles. Or force est de constater que beaucoup de personnes n'ont aucune activité pendant leur incarcération. Le temps de l'incarcération qui devrait être un temps utile reste, en fait, un temps mort . Sans doute, dans bien des cas, l'offre d'activités des établissements pénitentiaires est très en deçà des demandes de la population pénale.
Néanmoins, lorsque des activités sont mises en place, il n'existe aucune obligation pour le détenu d'y participer. Cette situation est apparue anormale à votre commission. Elle vous propose en conséquence d'introduire une obligation d'activité pour les personnes condamnées : celles-ci seraient tenues d'exercer au moins l'une des activités proposées par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation, dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, ses capacités et sa personnalité ( article additionnel après l'article 11 ).
Une telle obligation ne soulèverait, selon votre commission, aucune difficulté au regard de nos engagements internationaux et, en particulier, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Celle-ci prévoit déjà, dans son article 3, une disposition spécifique permettant d'obliger les personnes détenues à travailler qui vaudrait, a fortiori , pour une obligation d'activité à caractère plus général et donc moins contraignante.
Pour votre commission, cette obligation aurait plusieurs contreparties :
- d'abord, la consultation des détenus sur les activités qui leur sont proposées ( article additionnel après l'article 14 ) ;
- la signature de l'acte d'engagement professionnel par l'administration pénitentiaire et le détenu ( article 14) ;
- ensuite, la possibilité pour les détenus les plus démunis d'obtenir une partie de l'aide qui leur serait apportée par l'Etat en numéraire -afin notamment de leur permettre de suivre des cours, activité habituellement non-rémunérée, contrairement au travail ou à la formation professionnelle ( article 13 ).
Enfin, l'administration pénitentiaire doit avoir une obligation de moyens pour développer le nombre d'activités proposées au sein des prisons.
Votre commission ne sous-estime pas les efforts engagés dans ce domaine dans un contexte difficile et assombri aujourd'hui par la crise économique.
Elle considère que l'Etat pourrait encore faire plus et mieux. Elle a souhaité, à cet égard, favorisé le travail pénitentiaire en permettant au pouvoir adjudicataire de lui accorder une priorité dans le cadre des marchés publics sur le modèle des dispositions relatives aux sociétés coopératives ouvrières de production ( article additionnel après l'article 14 ) .
5. Renforcer les droits et les garanties reconnus aux détenus
Votre commission a d'abord souhaité affirmer de manière positive l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir le respect des droits des détenus ( article 10 ).
Tout en approuvant largement les dispositions prévues au chapitre III du titre I er , relatives aux droits des détenus, elle a été très attentive à ce que le relèvement au niveau législatif de dispositions actuellement contenues dans la partie réglementaire du code de procédure pénale ne se traduise pas, du fait du choix de formulations générales, par un affaiblissement des droits des personnes détenues, tels qu'ils sont actuellement reconnus. Chaque fois qu'il est possible, elle a cherché également à réaffirmer les exigences de nécessité et de proportionnalité des restrictions susceptibles d'être apportées à ces droits.
Tel est le sens des modifications qu'elle vous soumet pour les dispositions relatives au droit de la correspondance ( article 17 ), au droit à l'image ( article 18 ), au droit à l'information ( article 19 ), ou encore aux conditions dans lesquelles un médecin délivre certaines informations à la famille d'un détenu gravement malade ( article 20 ).
Votre commission a souhaité en outre encadrer plus rigoureusement plusieurs des dispositifs coercitifs appliqués aux personnes détenues qui, s'ils sont indispensables, n'en doivent pas moins respecter les principes de nécessité et de proportionnalité rappelés plus haut :
- sur les fouilles ( article 24 ), elle a notamment rappelé que le recours aux fouilles intégrales n'est possible que si les autres moyens d'investigation, moins attentatoires à la dignité de la personne (fouille par palpation, contrôle par moyens électroniques), sont insuffisants ; elle a, en outre, proscrit les fouilles corporelles internes, sauf impératif exceptionnel ;
- sur le régime disciplinaire ( article 53 ), elle a, d'une part, prévu la présence d'une personne extérieure à l'administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline et, d'autre part, ramené la durée maximale de placement en cellule disciplinaire à trente jours (contre quarante) lorsqu'il s'agit d'actes de violence contre les personnes.
Par ailleurs, votre commission a prévu, dans le cadre des dispositions relatives au régime différencié, que le placement d'un détenu sous un régime plus rigoureux devait être spécialement motivé ( article 51 ).
Elle a, en outre, explicité ou introduit de nouveaux droits :
- l'information du détenu sur ses droits dans une langue qu'il est à même de comprendre ( article additionnel après l'article 10 ) ;
- la reconnaissance de la liberté de conscience et de culte ( article additionnel après l'article 10 ) ;
- la consécration des unités de vie familiale et des parloirs familiaux et le principe de leur extension à toutes les personnes détenues ( article additionnel après l'article 15 ) ;
- l'affirmation d'un droit à la confidentialité , en particulier pour les pièces du dossier judiciaire de la personne détenue assortie de la possibilité pour celle-ci de confier au greffe de l'établissement ce type de documents ( article additionnel après l'article 15 ) ;
- l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir la sécurité des personnes détenues à toute heure du jour et de la nuit, assortie, d'une part, d'une responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès en détention survenus du fait d'une agression commise par un détenu et, d'autre part, de l'exigence, pour l'administration pénitentiaire, d'informer immédiatement du suicide d'une personne détenue, sa famille ou ses proches et, si ceux-ci le demandent, de leur faciliter toutes les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager ( article additionnel après l'article 15 ) ;
- la définition dans la loi du régime de l'isolement administratif avec l'introduction, en particulier, d'un débat contradictoire avant le renouvellement de cette mesure ( article additionnel après l'article 15 ).
6. Réaffirmer le principe de l'encellulement individuel
Votre commission reste persuadée que l'encellulement individuel reste l'une des plus fortes garanties de la dignité des conditions de détention, comme le rappelle d'ailleurs la règle pénitentiaire européenne à laquelle la France a souscrit : « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu'il est considéré comme préférable pour lui qu'il cohabite avec d'autres détenus ». Elle redoute que la nouvelle rédaction proposée pour l'article 716 du code de procédure pénale autorisant, pour les personnes prévenues, le placement en cellule collective au même titre que le placement en cellule individuelle ne conduise à une banalisation du premier au détriment du second.
Elle considère, par ailleurs, que le renouvellement du parc immobilier et l'augmentation des capacités d'accueil des établissements pénitentiaires permettent de penser que l'objectif de l'encellulement individuel n'est pas hors d'atteinte, même si elle admet, d'une part, que l'application de ce principe puisse être différé sous la forme du moratoire prévu à l'article 59 et, d'autre part, que des cellules collectives se justifient parfaitement pour les personnes qui en font la demande ou dont la personnalité -du fait d'un risque suicidaire par exemple- rend nécessaire un tel placement.
Votre commission propose donc à l'unanimité de revenir à l'état du droit et de conserver le principe de l'encellulement individuel pour les personnes prévenues, sous réserve des dérogations actuellement mentionnées par l'article 716 du code de procédure pénale ( article 49 ).
Ces considérations valent également pour les personnes condamnées. Votre commission observe à cet égard qu'il y a quelque paradoxe dans la formulation actuelle de l'article 717-2 du code de procédure pénale qui prévoit de déroger à l'emprisonnement individuel des personnes condamnées en établissement pour peines au titre de l'« encombrement temporaire » des lieux, alors même qu'en vertu du numerus clausus appliqué implicitement dans ces établissements, l'encellulement individuel prévaut. Elle juge dès lors qu'il convient de mettre en avant la situation satisfaisante des établissements pour peines au regard de ce critère. Elle suggère, en conséquence, de supprimer ce motif de dérogation comme le législateur l'avait fait en 2000 pour les prévenus et de ne retenir que les dérogations mentionnées par le projet de loi : celles justifiées par une demande de l'intéressé ou sa personnalité ( article 52 ).
Dans la mesure où l'encellulement individuel ne peut, dans l'immédiat, être étendu aux maisons d'arrêt, votre commission vous propose d'accepter le moratoire demandé par le Gouvernement à l'article 59 du projet de loi en étendant, par cohérence avec l'amendement proposé à l'article 52, son champ d'application à toutes les personnes détenues en maisons d'arrêt qu'il s'agisse de prévenus ou de condamnés. Néanmoins, elle considère que devrait être conservée, si limités en soient les effets, la faculté donnée par le décret du 12 juin 2008, à un détenu de demander son transfert dans une autre maison d'arrêt pour bénéficier d'un placement en cellule individuelle ( article 59 ).
Par ailleurs, si votre commission accepte le principe du maintien des personnes condamnées ayant un reliquat de peine de deux ans (contre un an aujourd'hui) en maison d'arrêt, elle propose, comme le suggérait le COR, d'ouvrir à ces détenus, s'ils le souhaitent, la faculté d'obtenir leur transfert dans un établissement pour peines dans les neuf mois suivant leur condamnation définitive ( article 50 ).
*
Enfin, votre commission regrette que la santé soit le volet oublié de la loi pénitentiaire. Elle estime que la part croissante de personnes atteintes de troubles mentaux au sein de la population pénale devrait conduire à une réforme d'ampleur sous la double responsabilité du ministère de la justice et de la santé.
Elle a souhaité, pour sa part, prolonger ses travaux et sa réflexion dans ce domaine en créant une mission d'information sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux qui constitue en effet la voie d'entrée de ces personnes en prison, alors même que leur place serait davantage à l'hôpital.
*
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pénitentiaire .
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE ADDITIONNEL AVANT LE TITRE PREMIER DU SENS DE
LA PEINE DE PRIVATION DE LIBERTÉ
Article additionnel avant le titre premier Finalités de la peine de privation de liberté
Il est souhaitable qu'une loi pénitentiaire, qui a pour objectif de fixer le cadre d'action du service public pénitentiaire, définisse en premier lieu les finalités de la peine de privation de liberté. Or le projet de loi ne comporte pas de disposition de cette nature.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, ainsi que plusieurs autres interlocuteurs de votre rapporteur ont regretté ce manque.
Votre commission vous propose en conséquence de combler cette lacune en insérant dans le cadre d'une nouvelle section intitulée « Du sens de la peine de privation de liberté » un article préliminaire déterminant les finalités d'une peine d'emprisonnement.
Cette définition vise à équilibrer les considérations tenant à la sécurité et à la réinsertion, à l'exemple des dispositions de l'article 132-24 du code pénal relatives à l'individualisation dont elle reprend pour partie les termes. Elle s'inspire aussi de la règle pénitentiaire européenne n° 102-1 qui ouvre le chapitre VIII -« Objectif du régime des détenus condamnés »- : « Au-delà des règles applicables à l'ensemble des détenus, le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime ».
Ainsi, selon l'article préliminaire proposé, le régime d'exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d'infractions.
Votre commission vous propose d'insérer un titre additionnel et un article additionnel avant le titre premier.
TITRE PREMIER DISPOSITIONS
RELATIVES AU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE ETÀ LA CONDITION DE LA
PERSONNE DÉTENUE
CHAPITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX MISSIONS
ET À L'ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE
Article premier Missions du service public pénitentiaire
Cet article définit le rôle du service public pénitentiaire. La loi n° 87-432 du 22 juin 1987 a, pour la première fois, reconnu à l'administration pénitentiaire le caractère d'un service public en lui assignant trois fonctions :
- participer à l'exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique ;
- favoriser la réinsertion sociale ;
- disposer d'une organisation permettant d'assurer l'individualisation des peines 43 ( * ) .
Le projet de loi, tout en reprenant ces missions, les décline de manière plus complète en insistant en particulier sur la réinsertion.
Il introduit trois séries de modifications.
En premier lieu, il précise que le service public pénitentiaire participe non seulement à l'exécution des décisions pénales, comme le mentionnait la loi de 1987, mais aussi à leur préparation -la responsabilité ainsi dévolue à l'administration pénitentiaire intégrant également explicitement les mesures de détention.
En deuxième lieu, l'article premier précise que le service public pénitentiaire exerce une mission d'insertion et de probation permettant ainsi de recouvrir explicitement les fonctions prises en charge par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Il ajoute qu'il « contribue » à la réinsertion -la loi du 22 juin 1987 indique qu'il la « favorise »- ainsi qu'à la prévention de la récidive et à la sécurité publique. Il introduit ainsi la notion de prévention de la récidive déjà présente dans le code pénal depuis la loi du 12 décembre 2005 44 ( * ) .
En outre, il inscrit de manière cohérente le maintien de la sécurité publique à la suite de la référence à cette mission de prévention et dans son prolongement.
En troisième lieu, en cohérence avec les responsabilités confiées à l'administration pénitentiaire dans ce domaine, l'aménagement de peine constituerait avec l'individualisation le second objectif fixé à l'organisation du service public pénitentiaire, ces responsabilités s'exerçant « dans le respect des intérêts de la société et des droits des personnes détenues ».
Votre commission vous suggère par un amendement une rédaction plus simple de cet article.
D'abord la responsabilité de l'administration pénitentiaire en matière de « préparation » des décisions pénales ne lui est pas apparue clairement : dans ce domaine, la responsabilité appartient au premier chef à l'autorité judiciaire. En outre la référence aux « mesures de détention » ne semble pas nécessaire dès lors que ces dernières constituent une modalité de l'exécution des décisions pénales auxquelles l'article fait référence.
De même, il n'est sans doute pas indispensable d'évoquer à cette place la mission d'insertion et de probation dans la mesure où, d'une part, le texte rappelle immédiatement après la mission de réinsertion du service public pénitentiaire et, d'autre part, le rôle du service pénitentiaire d'insertion et de probation sera consacré dans un article additionnel que votre commission se propose d'insérer par un amendement dans le chapitre II du présent projet de loi.
Par ailleurs, il est plus rigoureux de préciser que l'individualisation et l'aménagement des peines ne concernent que les personnes condamnées - et non toutes les personnes détenues.
En revanche, votre commission vous suggère de mentionner la notion d'« insertion » aux côtés de celle de « réinsertion », une partie de la population pénale n'ayant jamais réellement été insérée dans la société avant l'incarcération. Surtout, elle juge opportun d'inscrire parmi les missions du service public pénitentiaire la protection de l'intérêt des victimes -notamment à travers l'obligation faite au condamné de consacrer une partie de ses ressources à la réparation du préjudice commis.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .
Article 2 Organisation du service public pénitentiaire
Cet article consacre trois des grands principes qui commandent l'organisation du service public pénitentiaire.
D'abord il rappelle que ce service public est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice.
Ensuite, il précise que l'administration pénitentiaire n'exerce pas de monopole dans ce domaine : elle reçoit le concours d'autres services de l'Etat (en particulier la Santé responsable depuis la loi du 18 janvier 1994 de l'organisation des soins en détention et l'Education nationale) et des collectivités territoriales. Par ailleurs, l'article indique que les associations et autres personnes publiques ou privées contribuent à l'exécution du service public pénitentiaire.
La rédaction retenue semble ainsi donner une place de second rang à cette dernière catégorie d'intervenants alors que les associations, en particulier, jouent un rôle essentiel dans les prisons et sont les partenaires indispensables de l'administration pénitentiaire. Votre commission vous propose d'écarter une telle distinction et d'alléger, par ailleurs, la rédaction de précisions inutiles.
Tel est le sens de l' amendement qu'elle vous propose.
Enfin, le projet de loi, à l'instar du dernier alinéa de l'article 2 de la loi de 1987, distingue les fonctions régaliennes de direction, surveillance et greffe réservées à l'administration des autres fonctions susceptibles, quant à elles, d'être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 2 Contrôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur les établissements pénitentiaires
Dès lors que le chapitre premier du projet de loi a pour objet la définition des missions et de l'organisation du service public pénitentiaire, il apparaît aussi souhaitable que soient évoqués les organes de contrôle de ce service public et, au premier chef, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté institué par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007.
Le rôle du Contrôleur ne serait ici mentionné que pour la partie qui concerne les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté sans préjudice des missions de contrôle que la loi du 30 octobre 2007 a confié à cette institution sur les autres lieux de privation de liberté.
Depuis la nomination de M. Jean-Marie Delarue par décret du Président de la République le 13 juin 2008 après avis des commissions des lois des deux assemblées, le Contrôleur général a contrôlé une quinzaine d'établissements 45 ( * ) et acquis une autorité indiscutable tant auprès de l'administration pénitentiaire que de l'ensemble des intervenants dans le milieu pénitentiaire
Votre commission vous propose d'adopter l' amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2.
Article additionnel après l'article 2 Conseil d'évaluation de l'établissement pénitentiaire
Le Gouvernement a indiqué dans l'exposé des motifs qu'un conseil d'évaluation se substituerait au sein de chaque établissement pénitentiaire à la commission de surveillance dont l'inefficacité est depuis longtemps dénoncée.
Présidée par le préfet, cette instance peut comprendre jusqu'à vingt-quatre membres. Elle se réunit une fois par an. La commission d'enquête sénatoriale s'était interrogée sur l'intérêt de ce « rituel sans portée ». Elle avait en particulier souligné que les commissions de surveillance n'utilisaient pas la possibilité qui leur était offerte d'entendre toute personne susceptible d'apporter des informations utiles et qu'il n'existait en outre aucun suivi des observations formulées au cours de la réunion précédente. Elle concluait sévèrement : « il n'est pas certain qu'il soit encore temps de sauver, sans modifier son organisation, la commission de surveillance qui a fait preuve de son inutilité depuis des années, voire des décennies ».
Votre commission forme le voeu que la nouvelle structure souhaitée par le Gouvernement tire les enseignements de l'échec des commissions de surveillance et puisse exercer, dans une composition allégée, à la fois un rôle d'évaluation et de proposition.
Elle estime également que ce conseil, compte tenu du rôle qui lui serait attribué, a sa place dans la loi comme tel était d'ailleurs le cas de la commission de surveillance mentionnée par l'article 727 du code de procédure pénale 46 ( * ) .
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose, par amendement , d'insérer après l'article 2.
Article additionnel après l'article 2 Délégués du Médiateur
Cet article vise à consacrer dans la loi le rôle des délégués du Médiateur.
Les délégués du Médiateur et l'accès au droit Les droits reconnus aux personnes détenues seraient sans effet s'ils devaient rester méconnus de leurs bénéficiaires. L'intervention des délégués du Médiateur en prison -expérimentée depuis 2005 et progressivement généralisée sur la base d'une convention signée le 25 janvier 2007 entre le ministre de la justice et le médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye- a permis d'améliorer les conditions d'accès au droit des détenus. En 2010, 190 délégués devraient intervenir dans les établissements pénitentiaires, soit sous la forme d'une permanence d'une demi-journée pour les établissements accueillant plus de 400 détenus, soit sous la forme de visites ponctuelles à la demande de détenus qui les auront préalablement saisis par écrit pour les autres établissements. Les délégués traitent la réclamation à l'égard de l'administration pénitentiaire et des autres administrations. De l'avis des différents chefs d'établissements rencontrés par votre rapporteur, leur présence est un facteur d'apaisement en détention. De même, les points d'accès au droit installés depuis 2002 en milieu pénitentiaire -107 fonctionnent aujourd'hui- permettent aux détenus d'accéder aux informations juridiques de droit commun. Néanmoins ces permanences, dont l'initiative incombe au président du tribunal de grande instance, ne se tiennent qu'une fois tous les 15 jours, voire une fois par mois, sans que puisse être assuré le suivi des dossiers des détenus -les avocats qui les animent étant le plus souvent différents d'une période à l'autre. Il serait en outre souhaitable que tous les établissements puissent être dotés d'un tel dispositif. Par ailleurs, comme votre rapporteur a pu l'observer à l'occasion de ces visites, les détenus ignorent parfois complètement tant l'intervention du délégué du médiateur que la présence du point d'accès au droit. L'effort d'information dans ce domaine doit sans doute encore être renforcé. |
Votre commission vous propose d'adopter l' amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2.
Article additionnel après l'article 2 Évaluation du taux de récidive par établissements pour peines
Le Gouvernement entend instituer, comme il l'indique dans l'exposé des motifs, un observatoire national de l'exécution des décisions pénales et de la récidive. Cette nouvelle instance devrait permettre de centraliser l'ensemble des statistiques relatives à l'activité pénale.
L'outil statistique du ministère de la justice apparaît en effet insuffisant. Les recherches dans le domaine pénitentiaire sont souvent menées par un petit nombre de chercheurs, dans la relative indifférence de l'administration pénitentiaire, comme l'a d'ailleurs regretté M. Pierre-Victor Tournier lors de son audition par votre rapporteur.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de la justice, un souci de rationalisation des structures publiques, devrait conduire à confier la mission envisagée dans l'exposé des motifs à l'Observatoire national de la délinquance créé en 2003, actuellement rattaché à l'Institut national des hautes études de sécurité (INHES), qui deviendrait ainsi l'Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale.
Votre commission souhaite plus particulièrement que cet observatoire puisse évaluer le taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion et d'orienter ainsi utilement la politique pénitentiaire.
Selon votre rapporteur, ces analyses doivent favoriser la valorisation et la diffusion des pratiques innovantes entre établissements pénitentiaires.
Ces informations seraient communiquées dans le cadre d'un rapport annuel public.
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 2.
Article additionnel après l'article 2 Participation des collectivités territoriales et des associations aux instances d'évaluation et de suivi en matière pénitentiaire
L'article 28 du projet de loi prévoit de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les conditions dans lesquelles les collectivités participent aux instances chargées de l'évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires.
Ces structures sont mentionnées dans l'exposé des motifs du projet de loi : le conseil d'évaluation au sein de chaque établissement pénitentiaire, la commission départementale de suivi des politiques pénitentiaires chargée de l'évaluation annuelle du fonctionnement de l'ensemble des services pénitentiaires du département (établissement pénitentiaire et SPIP) qui serait présidée conjointement par les chefs de cour ou de juridiction, l'observatoire national de l'exécution des décisions pénales.
Votre commission vous propose de consacrer dans la loi le premier et le dernier de ces organismes. Elle suggère en conséquence de reprendre sous la forme d'un article additionnel après l'article 2 les dispositions de l'article 28 posant le principe d'une participation des collectivités territoriales à ces structures d'évaluation. Il s'agirait d'une faculté que votre commission souhaite aussi étendre aux associations dont l'expérience acquise en milieu pénitentiaire pourrait s'avérer très utile pour ces organes.
Votre commission vous propose d'adopter l' amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2.
Article 3 Transfert de compétence à titre expérimental aux régions en matière de formation
Cet article prévoit que l'Etat peut, à titre expérimental, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1 er janvier suivant la publication de la loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues.
Depuis la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, la formation relève de la compétence de la région.
Au cours de la dernière décennie, le législateur a renforcé les responsabilités des régions dans ce domaine tout en conservant à l'État une compétence résiduelle pour les publics dits « spécifiques » parmi lesquels les détenus 47 ( * ) .
La formation au sein des établissements pénitentiaires à gestion publique est financée principalement par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) sur le budget du ministère du travail et de l'emploi et par le Fonds social européen (FSE).
Cette exception ne semble plus justifiée dès lors que, de l'avis de tous les acteurs, le dispositif de formation des détenus apparait « à bout de souffle ».
En effet son financement apparait complexe -comme le montre le tableau reproduit ci-après- et précaire. Les crédits alloués par le ministère du travail au titre du programme IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme) subissent une érosion constante tandis que le programme 2007-2013 du FSE prévoit une réduction de 27 % des crédits réservés à la France. Ces deux enveloppes -IRILL et FSE- représentent 90 % du financement des actions de formation professionnelle en faveur des personnes incarcérées.
Ainsi, au cours des dernières années, l'administration pénitentiaire, faute de moyens, s'est trouvée dans l'impossibilité de rémunérer les détenus suivant une formation provoquant l'interruption de nombreux programmes.
Financements administration pénitentiaire (2007) |
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Financement de la prestation de la formation professionnelle dans les établissements relevant de la gestion déléguée (programme 13000 et 4000) |
19 445 449 euros |
Financement des DISP pour l'aide au fonctionnement de la formation professionnelle - équipement en matériel et outillage - matières d'oeuvres pédagogiques |
2 411 300 euros |
Prestation auxiliaires intégrées à la formation professionnelle : - électricité, chauffage, eau des ateliers - maintenance de l'immobilier - amortissements divers |
Non évalué |
Autres financements
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Financement des actions de formation professionnelle : Programme IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme) Ministère du travail et de l'emploi DGEFP |
6 913 476 euros |
Financement de la rémunération des détenus inscrits dans une action de formation professionnelle Ministère du travail et de l'emploi/DGEFP |
8.818.809 euros |
Co-financement des actions de formation professionnelle : Fonds Social Européen Ministère du travail et de l'emploi/DGEFP |
5.760.663 euros |
Financement des actions de formation professionnelle : Programme d'activité subventionné public Ministère du travail et de l'emploi/DGEFP |
2.246.717 euros |
Financement des autres partenaires : - Conseils régionaux - Autres (ANPE, DRDF...) |
444.998 euros 427.047 euros |
Votre commission approuve le transfert du dispositif aux régions à trois titres :
- il s'inscrit parfaitement dans la logique du projet de loi qui tend à rapprocher les prisons du droit commun et à impliquer davantage l'ensemble de la Nation -et en particulier les collectivités territoriales- au processus de réinsertion des détenus ;
- il participe d'un processus de rationalisation de l'action publique : l'intégration de la formation des détenus aux appels d'offres présentés par les régions devrait permettre, comme l'a indiqué M. François Langlois, délégué général de l'Association des Régions de France (ARF), lors de son audition par votre rapporteur, une mutualisation des coûts, source d'économie pour le contribuable ;
- enfin, en faisant de la région le pivot de la formation en détention, cette disposition favorise la continuité entre les actions entreprises pendant l'incarcération et celles qui peuvent être menées après la libération.
D'après les informations communiquées par le ministère de la justice, l'expérimentation sera conduite dans quatre régions volontaires : Aquitaine, Basse-Normandie, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte-d'Azur. La région Nord-Pas-de-Calais a aussi manifesté son souhait d'y participer.
Le montant transféré à ces quatre régions -arrêté sur la base des dépenses dévolues à la formation des détenus au cours des années 2006, 2007 et 2008- s'élèverait à 3,5 millions d'euros 48 ( * ) .
Il comprend les crédits Etat du volet « détenus » du programme Insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme (IRILL) ainsi que les rémunérations des détenus sans aménagement de peine, stagiaires de la formation professionnelle actuellement gérés par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
Il appartiendra aux régions de solliciter directement le Fonds social européen pour obtenir les ressources accordées par l'Union européenne au titre de la formation.
Les modalités de mise en oeuvre du transfert sont en cours de discussion.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sans modification .
CHAPITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AUX PERSONNELS PÉNITENTIAIRES ET À LA RÉSERVE CIVILE PÉNITENTIAIRE
SECTION 1 Des conditions d'exercice des missions des personnels pénitentiaires
Article 4 Code de déontologie et prestation de serment
Cet article a un double objet :
- soumettre les agents de l'administration pénitentiaire et les collaborateurs du service public pénitentiaire à un code de déontologie ;
- prévoir une prestation de serment des agents de l'administration pénitentiaire.
Il confie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer le contenu de ce code de déontologie, les conditions dans lesquelles les agents de l'administration pénitentiaire devraient prêter serment ainsi que le contenu de ce dernier.
L'idée est ancienne. Un projet de décret portant code de déontologie de l'administration pénitentiaire fut ainsi soumis à la Commission nationale consultative des droits de l'homme -qui rendit son avis le 27 janvier 2000- mais ne fut jamais publié.
Les personnels de l'administration pénitentiaires ne sont pas pour autant dispensés de toute exigence déontologique, bien au contraire : à l'instar des policiers par exemple, ils sont soumis au contrôle de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui a traité quatorze dossiers les concernant au cours de l'année 2007.
L'idée a été reprise par le Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire : « Bien que déjà comprise et respectée par le personnel pénitentiaire, l'exigence d'une déontologie mérite d'être précisée et actualisée par un texte, permettant notamment à tout nouvel agent de posséder une pleine connaissance de ses principes directeurs et de leurs déclinaisons pratiques. Est donc préconisée la mise en chantier d'un code de déontologie du service public pénitentiaire regroupant, pour chaque fonction, les comportements prohibés, les mises en garde utiles comme encore les bonnes pratiques à s'approprier . »
L'idée est séduisante. Au cours de ses déplacements, votre rapporteur a d'ailleurs pu constater qu'elle recueillait une large adhésion. La plupart des personnels de l'administration pénitentiaire rencontrés y voient en effet un symbole fort, la consécration de l'importance attachée au caractère régalien de leurs missions. Maintes professions, parmi lesquelles les auxiliaires de justice ou les agents de la police et de la gendarmerie, sont déjà soumises à un code de déontologie et à une obligation de prestation de serment. Lors de son audition par votre commission, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, qui fut président du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, en a souligné la nécessité pour marquer solennellement le lien étroit entre l'autorité judiciaire et l'administration pénitentiaire.
L'idée suscite toutefois des confusions qu'il convient de lever. Certains personnels de l'administration pénitentiaire caressent l'espoir que cette prestation de serment donnera une valeur probante plus importante à leurs propos et à leurs rapports. Cet espoir leur vient sans doute de la lecture de l'article 431 du code de procédure pénale, aux termes duquel : « Dans les cas où les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire ou les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire ont reçu d'une disposition spéciale de la loi le pouvoir de constater des délits par des procès-verbaux ou des rapports, la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins . » Il a toutes chances cependant d'être déçu car rien de tel n'est prévu par le texte du projet de loi 49 ( * ) .
Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le code de déontologie aurait pour objet de définir les règles qui s'imposent aux agents dans l'exercice de leurs fonctions , en conformité notamment avec les principes énoncés dans les règles pénitentiaires européennes 50 ( * ) , afin de les rendre plus transparentes mais aussi de leur assurer une opposabilité incontestable, notamment dans le cadre des procédures disciplinaires, à l'égard des personnels concernés . Quant à la prestation de serment, elle consisterait en un engagement des personnels à remplir les missions qui leur sont confiées dans le respect de ce code de déontologie.
Telles sont sans doute les raisons pour lesquelles plusieurs organisations représentatives des personnels de l'administration pénitentiaire ont marqué leur opposition aux dispositions proposées par le projet de loi, au motif que les conditions matérielles de détention actuelles exposeraient inévitablement les agents à enfreindre les règles énoncées par le code de déontologie.
Ces craintes paraissent injustifiées, compte tenu de la distinction classique en droit public entre la faute de service et la faute personnelle. Seuls pourront être sanctionnés les agents qui auront, par une faute personnelle, manqué à leurs obligations déontologiques. Fort heureusement de tels manquements sont rares, comme en atteste le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour l'année 2007. Il peut s'agir de violences illégitimes ou de « fouilles à corps » ou de cellules conduites sans discernement.
En conséquence, pour les raisons précitées, votre commission soutient l'idée d'un code de déontologie et d'une prestation de serment des personnels de l'administration pénitentiaire .
Elle considère en revanche, après avoir procédé à l'audition de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, et à l'instar de biens d'autres personnes entendues par votre rapporteur, que ce code de déontologie ne doit pas s'appliquer aux collaborateurs du service public pénitentiaire .
En effet, la délimitation du champ des personnes concernées s'avère difficile : à titre d'exemple, les étudiants du GENEPI qui viennent dispenser des cours aux détenus seront-ils concernés ? Probablement, si l'on en croit la jurisprudence des juridictions administratives relative à la responsabilité sans faute de l'Etat pour les dommages subis par les collaborateurs des services publics 51 ( * ) et les intentions affichées par l'exposé des motifs du projet de loi, selon lequel : « Les personnes intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire seront désormais toutes soumises aux mêmes règles déontologiques : loyauté, respect des droits fondamentaux de la personne placée sous main de justice, non-discrimination, recours strictement nécessaire et proportionné à la force . »
La soumission de l'ensemble des intervenants extérieurs à l'administration pénitentiaire au même code de déontologie que ses personnels, alors même qu'ils ne seront fort heureusement pas tenus de prêter serment, paraît disproportionnée.
Surtout, certains de ces « collaborateurs du service public pénitentiaire », au premier rang desquels les médecins, sont déjà soumis à un code de déontologie dont les règles pourraient s'avérer contraires à celui de l'administration pénitentiaire.
Il appartiendra au règlement cadre, que votre commission vous propose par ailleurs de prévoir pour chaque catégorie d'établissement pénitentiaire (article additionnel après l'article 49), de fixer les règles d'accès à ces établissements des collaborateurs du service public pénitentiaire.
En revanche, il paraît légitime d'assujettir au code de déontologie du service public pénitentiaire les agents des concessionnaires chargés de diverses fonctions dans les établissements à gestion mixte .
Enfin, aux yeux de votre commission, les dispositions relatives aux personnels pénitentiaires du texte fondateur que cette loi pénitentiaire veut et doit être, doivent à titre liminaire consacrer les différents corps de métiers de l'administration pénitentiaire , tout comme l'article 19 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité consacre les différents corps de métiers de la police nationale.
Cette consécration législative est très attendue de l'ensemble des catégories de personnels, qu'il s'agisse des surveillants et des conseillers d'insertion et de probation bien sûr, mais aussi des personnels administratifs et techniques. Ces derniers jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement quotidien des établissements pénitentiaires, en assumant notamment des tâches de greffe et de maintenance.
Tel est l'objet de l' amendement de réécriture complète des dispositions proposées qui vous est soumis.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .
Articles additionnels après l'article 4 Personnels de surveillance et personnels d'insertion et de probation
Votre commission vous soumet deux amendements ayant pour objet de consacrer plus spécifiquement le rôle des personnels de surveillance et celui des personnels d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire.
« Troisième force de l'Etat en matière de sécurité intérieure » aux côtés de la police et de la gendarmerie, placés sous l'autorité des personnels de direction, les personnels de surveillance participent à l'individualisation de la peine ainsi qu'à la réinsertion des personnes privées de liberté.
Il a été indiqué à votre rapporteur qu'une réflexion était en cours, en lien avec le ministère de l'intérieur, pour rénover les conditions dans lesquelles ces personnels sont habilités à faire usage d'armes à feu -les discussions portant notamment sur la question de la possibilité d'un tel usage en dehors de l'enceinte des établissements pénitentiaires, notamment dans les UHSI et les UHSA. Telle est la raison pour laquelle votre commission ne vous propose aucun amendement sur ce point. Elle n'en considère pas moins, à l'instar de la Commission sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires présidée en 2000 par M. Guy Canivet, qu'il revient à la loi de fixer le cadre dans lequel les personnels de l'administration pénitentiaire peuvent recourir à la force, le cas échéant en faisant usage d'armes à feu.
Quant aux personnels d'insertion et de probation, ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées. A cette fin, ils mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.
Tels sont les objets des deux articles additionnels que votre commission vous propose d'insérer après l'article 4.
Article additionnel après l'article 4 Droits d'expression et de manifestation
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de reconnaître aux fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, outre le libre exercice du droit syndical dont ils jouissent déjà, les droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par le statut général de la fonction publique, sous réserve toutefois des dispositions de leur statut spécial , qui ne serait pas modifié.
L'article 3 de l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire prohibe ainsi toute cessation concertée du service et tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire. Il prévoit que ces faits peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Des règles similaires sont prévues pour les personnels de la police nationale 52 ( * ) .
Les évènements du passé montrent en effet qu'il faut à tout prix prévenir le risque de voir les personnes détenues livrées à elles-mêmes au sein d'un établissement pénitentiaire. C'est la raison pour laquelle il ne vous est pas proposé de modifier le statut spécial des personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire.
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 4.
Article additionnel après l'article 4 Obligation de formation initiale et continue
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de poser dans la loi le principe d'une obligation de formation initiale et continue pour les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire 53 ( * ) .
Comme les sujétions de leur service empêchent souvent les personnels de surveillance de se rendre à l'école nationale de l'administration pénitentiaire d'Agen, il vous est proposé de prévoir que la formation continue peut être également assurée par les services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ou tout autre organisme public ou privé de formation.
Cette obligation de formation continue, intéressante en général, paraît d'autant plus indispensable que l'administration pénitentiaire connaît des mutations profondes avec la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes ou encore l'évolution de la population carcérale, marquée par le nombre considérable de détenus atteints de troubles mentaux.
Votre rapporteur s'est rendu le 25 septembre 2008 à l'école nationale de l'administration pénitentiaire, qui doit adapter l'organisation de ses enseignements aux recrutements importants opérés par l'administration pénitentiaire depuis quelques années.
L'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) Après avoir occupé les locaux d'un ancien centre de jeunes détenus à Fleury-Mérogis, l'ENAP a été implantée à Agen en 2000, dans le cadre de la politique de délocalisation 54 ( * ) . Elle dispose d'un domaine de 16 hectares à proximité des facultés, ce qui favorise les échanges entre l'école et le milieu universitaire. Tous les élèves sont hébergés sur place et bénéficient de la gratuité du logement et de la restauration. L'ENAP présente pour spécificité de former toutes les filières concernant l'administration pénitentiaire, des surveillants aux personnels de direction en passant par les conseillers d'insertion et de probation. De même, elle assure la formation initiale et continue. 246 personnes travaillent sur le site parmi lesquelles une cinquantaine de contractuels, principalement employés sur des missions de recherche. Établissement public administratif depuis 2000, l'école est dotée d'un conseil d'administration présidé par un procureur général de cour d'appel -actuellement M. Jean-Olivier Viout- et dispose d'un budget de fonctionnement de 30 millions d'euros. Elle se structure autour de deux grandes directions -la direction de l'enseignement et la direction de la recherche- ainsi que d'un secrétariat général -responsable de la gestion des ressources humaines, du budget, des finances... La direction des enseignements dispose de plusieurs pôles : - le pôle « droit, institution et politiques pénitentiaires», notamment chargé de l'intégration des règles pénitentiaires européennes dans les enseignements ; - le pôle « administration et management public » ; - le pôle « personnes placées sous main de justice » (questions liées à la sûreté, à la sécurité -utilisation de la force et des armes- et à l'insertion) utilisant notamment les ressources de la criminologie et de la psychiatrie criminelle. La direction de la recherche et de la diffusion comporte un laboratoire de recherche (parmi les thèmes étudiés : le bilan des dispositifs existant sur les agresseurs sexuels, l'utilisation des armes à létalité réduite...). Elle dispose en outre d'un département « ressources documentaires, édition, diffusion » d'une très grande richesse comme a pu le constater votre rapporteur, ainsi que d'un département « politiques partenariales et relations internationales » et d'un département plus spécialement consacré à l'évaluation. L'école possède depuis 2006 un bâtiment de simulation, installé sur le campus. Il s'agit d'un outil pédagogique original qui propose 26 scenarii de base permettant de confronter les élèves à différentes situations telles le déclenchement d'un incendie ou la prévention du suicide.... L'école recourt dans ce cadre à des acteurs professionnels qui apportent leur concours aux formateurs. Quatre thèmes en particulier ont retenu l'attention de votre rapporteur : le risque de saturation des capacités de l'ENAP du fait des recrutements massifs, le raccourcissement des durées de scolarité, les difficultés rencontrées par la formation continue et l'implication de l'ENAP dans la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes. L'ENAP doit prendre en charge un nombre croissant d'élèves, lié aux recrutements massifs concernant tant les personnels de surveillance que les conseillers d'insertion et de probation. Alors que sa capacité d'accueil théorique est limitée à 830 élèves, elle en reçoit aujourd'hui de 1.100 à 1.200. Le pôle de coordination de l'école, chargé de mettre en place les programmes pédagogiques, doit ainsi s'efforcer de surmonter ce phénomène de saturation . Cette situation interdit notamment la mise en place de modules transversaux, par exemple entre les élèves surveillants et les élèves conseillers d'insertion et de probation. Seules des journées à thème -comme la lutte contre l'alcoolémie, le jour de la visite de votre rapporteur- permettent de réunir l'ensemble des élèves. La formation repose sur l'alternance entre une partie théorique à l'école -de formats et de longueurs différentes selon les filières- et une partie pratique avec des stages en établissements pénitentiaires. La durée de formation est de huit mois pour les surveillants (soit au total 32 semaines parmi lesquelles 10 semaines de stage et 5 semaines de congés). Cette scolarité peut être jugée excessivement courte au regard des responsabilités que les élèves s'apprêtent à assumer. Dans certains pays comme le Canada, le durée de formation des surveillants est plus longue que celle des directeurs (ces derniers, il est vrai, sont recrutés parmi des personnes qui ont déjà une expérience professionnelle réussie ou de longues années d'étude). Le directeur de l'école, Mme Valérie Decroix, a estimé qu'il convenait de renforcer, en contrepartie, la formation continue, par une politique incitative. Actuellement, l'insuffisance des effectifs et la surpopulation dans les maisons d'arrêt freinent, en pratique, la possibilité pour les personnels d'intégrer les formations 55 ( * ) . L'adaptation du système français aux règles pénitentiaires européennes constitue l'un des volets du contrat d'engagement sur trois ans passé entre la direction de l'administration pénitentiaire et l'ENAP. Dans ce cadre, l'école est engagée dans une procédure de « labellisation 56 ( * ) » des établissements pénitentiaires au regard du respect de ces règles. Ce processus s'articule autour de trois étapes : - l'élaboration par l'administration pénitentiaire, sur la base des règles pénitentiaires européennes, d'objectifs évaluables ; - l'évaluation de ces objectifs par un organisme extérieur, l'AFNOR ; - l'attribution des labels sur examen des rapports de visite par une commission indépendante. Ce processus de labellisation s'inscrit dans le long terme : d'une part, il ne vise pour l'heure qu'un aspect de la vie pénitentiaire, l'accueil des arrivants (le prochain thème pourrait concerner le régime de détention) ; d'autre part, il implique un nombre encore limité d'établissements : 18 établissements se sont portés candidats au processus de labellisation ; trois d'entre eux (Villefranche sur Saône, Douai et Bar-le-Duc) ont été jugés suffisamment prêts pour faire l'objet d'une visite de l'AFNOR ; 30 établissements supplémentaires pourraient s'engager dans ce processus en 2009. L'ENAP apporte un soutien aux établissements qui participent au processus -notamment à travers un site Intranet permettant de faire connaître « les bonnes pratiques » d'une prison à l'autre. |
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 4.
Article 5 Extension du champ de la protection fonctionnelle de l'Etat aux concubins et partenaires de PACS des personnels pénitentiaires
Cet article a pour objet d'étendre le champ de la protection fonctionnelle de l'Etat aux concubins et aux personnes qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un agent public pénitentiaire pour les attaques dont ils sont victimes du fait des fonctions de ce dernier.
• Le régime de la protection fonctionnelle
. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires a prévu en faveur des fonctionnaires et agents non titulaires une garantie de protection à l'occasion de leurs fonctions .
Le principe de la protection fonctionnelle est posé par l'article 11 de cette loi, dont le premier alinéa dispose que : « Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales ».
Cette protection est justifiée par la nature spécifique des missions confiées aux agents publics qui les exposent parfois, dans l'exercice de leurs fonctions, à des relations conflictuelles avec les usagers du service public et qui leur confèrent des prérogatives pouvant déboucher sur la mise en cause de leur responsabilité personnelle, civile ou pénale.
Elle est due 57 ( * ) , par la collectivité publique qui l'emploie, à tout agent public -fonctionnaire titulaire, fonctionnaire stagiaire ou agent non titulaire de droit public- contre les attaques dont il fait l'objet à l'occasion de l'exercice de ses fonctions (menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages 58 ( * ) ) ou contre les mises en causes de sa responsabilité civile et pénale à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.
Elle couvre également, en vertu de l'article 112 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les préjudices subis à l'occasion ou du fait de leurs fonctions par différentes catégories d'agents 59 ( * ) , parmi lesquelles ceux de l'administration pénitentiaire.
La protection fonctionnelle se traduit notamment par une assistance juridique au cours de la procédure, l'octroi d'autorisations d'absences, et la prise en charge des frais de justice, y compris les honoraires d'avocats.
Ces règles sont présentées en détail dans une circulaire n° 2158 du 5 mai 2008 relative à la protection fonctionnelle des agents publics de l'Etat.
S'agissant plus particulièrement des attaques dont un agent peut être victime à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il appartient à l'administration « non seulement de faire cesser ces attaques, mais aussi d'assurer à l'agent une réparation adéquate des torts qu'il a subis 60 ( * ) ».
. En principe, les ayants droit de l'agent public ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle .
L'administration peut néanmoins prévoir à leur attention des mesures d'accompagnement, telle que la communication des coordonnées des associations locales d'aide aux victimes, qu'elle peut obtenir auprès des services du parquet, de police ou de gendarmerie. Ces structures peuvent leur apporter une assistance effective dans l'ensemble de leurs démarches, ainsi qu'une écoute et, en cas de besoin, un soutien psychologique ponctuel.
Le législateur a toutefois prévu deux cas d'extension de la protection fonctionnelle aux ayants droits d'agents victimes d'attaques .
Il s'agit, d'une part, des conjoints, enfants et ascendants directs :
- des agents mentionnés à l'article 112 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-10 du code de la défense qui, du fait des fonctions de ces derniers, ont été victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ;
- des agents décédés dans l'exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l'origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions exercées par les agents décédés, mentionnés à l'article 112 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003.
Il s'agit, d'autre part, en application du décret n°81-328 du 3 avril 1981, des enfants mineurs des magistrats, fonctionnaires civils et agents non titulaires de l'Etat décédés des suites d'une blessure reçue ou disparus dans l'accomplissement d'une mission ayant comporté des risques particuliers ou ayant donné lieu à un acte d'agression ou dans l'incapacité de gagner leur vie par le travail en raison des blessures reçues dans l'accomplissement d'une mission ayant comporté des risques particuliers ou ayant donné lieu à un acte d'agression.
Les conjoints, enfants et ascendants directs des agents de l'administration pénitentiaire bénéficient donc de la protection fonctionnelle de l'Etat pour les attaques dont ils sont victimes du fait des fonctions de ces agents .
• Les dispositions proposées et la position de votre commission
. Les dispositions proposées par le projet de loi ont pour objet d' étendre le champ de cette protection aux concubins et aux personnes qui ont conclu un pacte civil de solidarité avec un agent public pénitentiaire pour les attaques (menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages) dont ils sont victimes du fait des fonctions de ce dernier
Selon l'exposé des motifs du projet de loi : « il s'agit de prendre en compte, d'une part le contexte particulier dans lequel s'exercent les missions des agents pénitentiaires (en 2005, 572 agressions graves ont été commises par des personnes détenues sur des personnels pénitentiaires, 550 en 2006 et 480 en 2007) et, d'autre part, les évolutions de la société française, plus spécialement de la structure sociodémographique du personnel de l'administration pénitentiaire (augmentation notable du nombre d'agents liés par un PACS ou en situation de concubinage) . »
Il est également souligné que « la proximité géographique entre le domicile des agents et de leurs proches et l'établissement pénitentiaire et souvent entre le domicile des agents et de leurs proches et celui des personnes détenues expose d'autant plus les proches des agents à des menaces ou violences . »
Souscrivant à cette évolution, votre commission vous propose par amendement de consolider au sein de la loi pénitentiaire les règles spécifiques relatives à la protection fonctionnelle des agents de l'administration pénitentiaire et de leurs ayants droits .
L'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi commande en effet que ces règles particulières ne soient pas éclatées entre deux lois différentes (la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et la loi pénitentiaire), non codifiées, mais soient rassemblées dans un seul et même texte.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .
SECTION 2 De la réserve civile pénitentiaire
Articles 6, 7, 8 et 9 Création d'une réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires retraités
Les articles 6, 7, 8 et 9 du projet de loi prévoient la création d'une réserve civile pénitentiaire. Les dispositions proposées s'inspirent très largement de celles de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui ont instituées une réserve civile de la police nationale.
• Les missions de la réserve
Aux termes de l'article 6, cette réserve civile pourrait se voir confier des missions :
- de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice , l'exposé des motifs du projet de loi indiquant qu'il s'agira en priorité des palais de justice tout en mentionnant les locaux des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;
- de coopération internationale .
Par amendement , votre commission vous propose d'y ajouter les missions de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice .
Ces mesures connaissent actuellement une forte croissance : le nombre des bracelets électroniques utilisés simultanément est désormais supérieur à 3.000, s'agissant du placement sous surveillance électronique, et une vingtaine de placements sous surveillance électronique mobile ont déjà été ordonnés.
Le projet de loi pénitentiaire tend à favoriser le développement de ces mesures de surveillance électronique, notamment en créant l'assignation à résidence avec surveillance électronique, destinée à limiter le recours à la détention provisoire, et en posant le principe du placement sous surveillance électronique des personnes détenues condamnées à de courtes peines d'emprisonnement dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre mois.
Le contrôle de l'exécution de ces mesures pourrait utilement être confié aux réservistes de l'administration pénitentiaire car il ne les expose à aucun risque. Cela permettrait aux surveillants en activité de se consacrer à d'autres tâches, plus exposées.
A titre de comparaison, la réserve civile de la police nationale, instituée par la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, exerce des « missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité ainsi qu'un service volontaire citoyen de la police nationale destiné, dans le but de renforcer le lien entre la Nation et la police nationale, à accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de l'exercice de toutes prérogatives de puissance publique . »
• La composition de la réserve
La réserve civile pénitentiaire serait exclusivement composée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire (article 6). Si l'étude d'impact annexée au projet de loi ne mentionne que les personnels de surveillance, ce qui peut se comprendre pour les missions de renforcement de la sécurité des bâtiments, les dispositions proposées n'excluent pas les personnels des autres corps de l'administration pénitentiaire.
Il s'agirait nécessairement de « jeunes retraités » puisque ces volontaires devraient présenter leur demande dans un délai de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service (article 7).
Rappelons que les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire appartiennent à un corps dont la limite d'âge a été fixée à 55 ans par l'article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire. En vertu de ce même article, ils peuvent bénéficier immédiatement de leur pension, lorsqu'ils sont admis à la retraite sur leur demande à titre anticipé, sous deux conditions : justifier de 25 années de services effectifs en position d'activité dans ce corps ou de services militaires obligatoires, d'une part, être à moins de 5 ans de la limite d'âge du corps, d'autre part 61 ( * ) .
Toutes les candidatures ne seraient pas recevables . En premier lieu, un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions dévolues à la réserve civile ne pourrait se porter volontaire pour y entrer (article 6). En second lieu, les volontaires devraient remplir des conditions d'aptitude (article 7).
A la différence des fonctionnaires des corps actifs de la police nationale, les agents retraités de l'administration pénitentiaire, singulièrement les personnels de surveillance, ne seraient pas tenus à une obligation de disponibilité . D'une durée de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service, cette obligation de disponibilité impose aux fonctionnaires des corps actifs de la police nationale de répondre aux rappels individuels ou collectifs du ministre chargé de la sécurité intérieure en cas de menaces ou de troubles graves à l'ordre public, dans la limite de quatre-vingt-dix jours par an.
• Les périodes d'engagement
Les candidats admis à entrer dans la réserve civile pénitentiaire souscriraient un engagement contractuel d'une durée minimum d'un an renouvelable et exerceraient leurs missions dans la limite de cent cinquante jours par an (article 7).
Ils seraient indemnisés dans des conditions fixées par décret (article 9).
Ceux qui, exerçant une activité salariée, devraient accomplir pendant leur temps de travail des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire d'une durée supérieure à dix jours ouvrés par année civile, seraient tenus d'obtenir l'accord de leur employeur, à moins que leur contrat de travail, leur convention ou accord collectif de travail, ou une convention conclue entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice, prévoie des règles plus favorables (article 8).
Pendant la période d'exercice de ces missions, leur contrat de travail serait suspendu ; cette période serait toutefois considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales. Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne pourraient être prononcés à leur encontre en raison de leurs absences. Enfin, ils bénéficieraient, pour eux-mêmes et leurs ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime de sécurité sociale en dehors de leur service dans la réserve (article 9).
L'étude d'impact ne comprend aucune prévision d'effectifs . On peut simplement noter qu'en 2007, 1.450 réservistes ont effectué des missions au titre de la réserve civile de la police nationale : 500 réservistes ont effectué 6.580 journées de réserve lors des élections présidentielles et législatives pour un coût supérieur à 560.000 euros ; une centaine de réservistes ont réalisé 1.000 vacations lors de la coupe du monde de rugby, pour un coût de 85.000 euros ; dans le cadre du dispositif annuel de renforts saisonniers, près de 200 réservistes ont soutenu les services de police en effectuant 7.500 vacations pour un coût total de 600 000 euros ; enfin, de mars 2006 à décembre 2007, plus d'une centaine de réservistes ont largement participé à la sécurisation du site de Levallois Perret, siège de la nouvelle direction du renseignement intérieur, effectuant plus de 8.000 vacations pour un coût global de 735.000 euros. Cette dernière mission correspond tout à fait à celles qui pourraient être confiées aux réservistes de l'administration pénitentiaire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié et les articles 7, 8 et 9 sans modification .
CHAPITRE III DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS DES DÉTENUS
SECTION 1 Dispositions générales
Article 10 Encadrement des restrictions dont les droits des détenus peuvent faire l'objet
Cet article fixe le cadre des limitations susceptibles d'être apportées aux droits des détenus. Il s'articule autour de deux principes.
En premier lieu, les restrictions pourraient procéder de quatre considérations :
- les contraintes inhérentes à la détention ;
- le maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements ;
- la prévention des infractions ;
- la protection des intérêts des victimes.
En second lieu, il rappelle que ces limitations « tiennent compte de l'âge, de la personnalité et de la dangerosité des détenus ».
La rédaction retenue pour cet article n'est pas complètement satisfaisante.
D'une part, il semble préférable de poser d'abord l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir les droits des détenus avant d'en rappeler les limites. Votre commission vous propose ainsi de rappeler que l'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de ses droits. Cette disposition s'accorderait avec la règle pénitentiaire européenne n° 1 selon laquelle « les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits fondamentaux ».
D'autre part, la référence, dans la dernière phrase du présent article, à la dangerosité des personnes apparaît redondante avec le critère de le sécurité des établissements.
Votre commission vous soumet un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article et vous propose d'adopter l'article 10 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 10 Information du détenu sur ses droits et devoirs
L'effectivité des droits reconnus aux détenus implique que ces derniers en aient connaissance dès leur accueil au sein de l'établissement pénitentiaire.
Sans doute, aujourd'hui, lors de son entrée dans un établissement pénitentiaire, la personne est informée « sur les points qu'il lui est nécessaire de connaître concernant ses droits et ses obligations » (art. D. 257, code de procédure pénale). Par ailleurs, les dispositions du code de procédure pénale relatives à la détention et du règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire doivent être portées à la connaissance des détenus « dans la mesure où elles justifient les décisions prises à leur égard et où elles sont relatives à la discipline » (art. D. 256 du code de procédure pénale).
Il apparaît souhaitable de renforcer cette obligation, d'abord en l'érigeant en norme législative, ensuite en la complétant afin de prévoir que lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, le détenu est informé, dans une langue qu'il comprend, des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations, et aux recours et requêtes qu'il peut former. En outre, les règles applicables dans l'établissement seraient portées à sa connaissance.
Il serait souhaitable que les décrets d'application prévoient la remise systématique au détenu d'un exemplaire du règlement de l'établissement pénitentiaire.
Votre commission vous propose d'insérer par la voie d'un amendement cet article additionnel après l'article 10.
Article 11 Liberté de communication des détenus avec leurs avocats
Cet article prévoit que les condamnés peuvent communiquer librement avec leurs avocats dans les mêmes conditions que les prévenus pour l'exercice de leur défense.
L'article 716 du code de procédure pénale garantit d'ores et déjà aux personnes mises en examen « toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison (...) pour l'exercice de leur défense ». L'article 727 prévoit aussi que les « condamnés peuvent continuer à communiquer dans les mêmes conditions que les prévenus avec le défenseur qui les a assistés au cours de la procédure ». La partie réglementaire du code de procédure pénale décline ce droit de manière légèrement différente entre prévenus et condamnés :
- les prévenus peuvent communiquer librement avec leur conseil verbalement ou par écrit (ni l'interdiction de communiquer visée à l'article D. 145-4, ni les sanctions disciplinaires ne peuvent supprimer ou restreindre cette faculté) - art. D. 67 ;
- les condamnés bénéficient du même régime en vertu de l'article D. 411 sous cette seule réserve que dans les maisons centrales et les centres de détention, la visite a lieu à l'heure et au jour convenus préalablement avec le chef de l'établissement.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification.
Article additionnel après l'article 11 Liberté de conscience et de culte
Votre commission vous propose de reconnaître dans la loi le droit à la liberté de conscience et de culte des détenus. L'exercice de ce droit serait adapté selon la disposition des locaux -ainsi, une même salle pourrait être partagée par des cultes différents- et devrait tenir compte d'une part, de la sécurité, d'autre part, du bon ordre de l'établissement.
Aux termes de l'article D. 432 du code de procédure pénale, « chaque détenu doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ». Ce droit s'exerce grâce à la présence d'aumôniers agréés chargés de célébrer le culte et d'assurer une assistance spirituelle 62 ( * ) . La relation entre le détenu et l'aumônier est entourée de garanties particulières par le code de procédure pénale : ainsi les aumôniers nommés auprès de l'établissement peuvent s'entretenir aussi souvent qu'ils l'estiment utile avec les détenus de leur culte. Cet entretien a lieu, en dehors de la présence d'un surveillant -le cas échéant, dans un local spécial si le détenu se trouve au quartier disciplinaire (article D. 437).
En outre, les détenus peuvent toujours correspondre librement et sous pli fermé avec les aumôniers (article D. 438).
Les aumôniers jouent un rôle très utile en détention. Ils apportent une capacité d'écoute et d'attention y compris aux détenus qui ne se réclament pas nécessairement de leur confession. Ils peuvent également contribuer à encadrer les pratiques religieuses et certaines formes de prosélytisme radical.
Votre commission vous propose, par la voie d'un amendement, d'insérer un article additionnel après l'article 11.
SECTION ADDITIONNELLE APRÈS LA SECTION 1 De l'obligation d'activité
Article additionnel après l'article 11 Obligation d'activité
Cet article additionnel que votre commission vous propose d'insérer dans le projet de loi tend à instituer une obligation d'activité pour la personne condamnée.
La réinsertion des détenus qui constitue, comme le rappelle d'ailleurs l'article premier du projet de loi pénitentiaire, l'un des objectifs fondamentaux de l'exécution d'une peine privative de liberté passe par l' exercice, pendant la détention, d'une activité destinée à favoriser la socialisation de la personne : emploi, formation professionnelle, cours, activité socio-culturelle ou sportive, participation à un groupe de parole dans le cadre de la prévention de la récidive, etc.
Or, comme votre rapporteur a pu le constater à l'occasion de ses visites dans les établissements pénitentiaires, une majorité de détenus ont très peu d'activités, voire aucune. Ainsi, le temps de la peine reste un temps mort . Sans doute, dans les maisons d'arrêt surpeuplées, cette inactivité des détenus est plus subie que choisie. A titre d'exemple, dans la maison d'arrêt de Nanterre (dont le taux d'occupation s'élevait à 162 % à la date de la visite de votre rapporteur, le 23 octobre 2008), 23 % des détenus travaillaient après un délai d'attente de trois mois pour obtenir un emploi, 5 % suivaient une formation -délai d'attente de six mois- et 30 %, enfin, accédaient à une activité sportive -cinq mois d'attente et une demande trois fois supérieure à l'offre. Cependant, cette oisiveté se rencontre aussi, bien que dans une moindre mesure, dans les établissements pour peine qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes contraintes de démographie carcérale. Depuis la suppression par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire 63 ( * ) de l'obligation -au reste peu appliquée- de travailler, aucune disposition ne contraint le détenu à exercer une activité, quelle qu'elle soit.
Sous couvert de ce principe libéral, comme le soulignait le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale 64 ( * ) , « la tentation peut ainsi être grande pour les surveillants, les directeurs d'établissements, les travailleurs sociaux ou les médecins d'attendre la « demande », laissant ainsi de côté les détenus les plus fragiles ou les plus dangereux ».
Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Christine Visier Philippe, avocate, représentant la Conférence des Bâtonniers, a souligné le sentiment d'oisiveté, d'inutilité et d'attente qui peut rapidement gagner le détenu.
A cet égard, la situation française se singularise par rapport à celle observée dans d'autres démocraties.
Comme votre rapporteur a pu le constater, lors de la visite d'établissements pénitentiaires au Royaume-Uni et au Canada, la journée du détenu y est beaucoup plus occupée qu'en France. Ainsi, dans l'établissement pénitentiaire pour hommes de La Macaza au Québec, la matinée est consacrée à la mise en oeuvre du programme de traitement de la récidive tandis que l'après-midi est dévolu au travail et aux activités de loisirs. La densité des activités est un choix délibéré de l'administration pénitentiaire destiné à rapprocher le rythme de la vie en détention de celui qui prévaut en milieu libre et à favoriser ainsi la réinsertion.
Plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas imposent d'ailleurs aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de travailler -même s'ils ne sont pas toujours en mesure d'apporter les emplois nécessaires. Cette disposition ne semble pas contraire à l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme qui, s'il interdit le travail forcé ou obligatoire, fait cependant exception pour « tout travail requis normalement d'une personne soumise à la détention dans les conditions prévues par l'article 5 de la convention, ou durant la mise en liberté conditionnelle » 65 ( * ) .
La convention sur le travail forcé adoptée par l'Organisation internationale du travail, le 28 juin 1930, prévoit (art. 2) que l'interdiction du travail forcé ou obligatoire ne comprend pas le travail ou service « exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par décision judiciaire », à la condition cependant que « ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées ».
Par ailleurs, les règles minima pour le traitement des délinquants, élaborées sous l'égide des Nations unies (règle 71) posent pour principe que « tous les détenus condamnés sont soumis à l'obligation de travail, compte tenu de leur aptitude physique et mentale telle qu'elle sera déterminée par le médecin » et précisent qu'« il faut fournir aux détenus un travail productif suffisant pour les occuper pendant la durée normale d'une journée de travail ».
Dès lors que l'établissement pénitentiaire est en mesure de proposer plusieurs formes d'activités au détenu, il paraît très contestable de laisser à celui-ci la faculté de n'en exercer aucune. Cette préoccupation a également été exprimée par l'Institut Montaigne qui, dans l'une de ses propositions 66 ( * ) , suggérait, afin de lutter contre l'oisiveté, d'astreindre tout détenu à une occupation, de préférence un travail ou une formation.
Votre commission n'entend pas rétablir l'obligation de travail supprimée en 1987 mais instituer une obligation d'activité au sens large du terme. Une telle obligation ne saurait cependant être imposée qu'à quatre conditions.
En premier lieu, elle ne s'appliquerait que si l'établissement est en mesure de proposer plusieurs activités -selon la règle pénitentiaire européenne 25 : « 1) Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d'activités équilibré. 2) Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour, hors de leur cellule, autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. 3) Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus ».
En outre, l'activité ou les activités obligatoires devraient avoir pour finalité la réinsertion du détenu -tel serait le cas, par exemple, de la participation à des programmes de désintoxication ou de traitement de la récidive- et être déterminées par le chef d'établissement et le directeur du SPIP. Par ailleurs, elle ne vaudrait que pour les personnes condamnées et non pour les prévenus dont le statut en détention relève par priorité de l'autorité judiciaire.
Enfin, cette obligation serait naturellement adaptée à l'âge, aux capacités et à la personnalité de l'intéressé.
Il convient de souligner, comme votre commission le suggère dans l'article additionnel suivant, que les détenus pourraient être consultés sur les activités qui leur seraient proposées.
Votre commission vous propose d'insérer une section additionnelle ainsi qu'un article additionnel après l'article 11.
Article additionnel après l'article 11 Consultation des détenus sur leurs activités
La règle pénitentiaire européenne n° 50 recommande que « sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à discuter avec l'administration pénitentiaire à ce sujet. »
Cette participation vise à ne pas laisser les détenus dans une situation de passivité mais, au contraire, à les responsabiliser dans le cadre d'un dialogue avec l'administration pénitentiaire. Un tel principe répond à une autre règle pénitentiaire européenne selon laquelle « Au-delà des règles applicables à l'ensemble des détenus, le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime . » Comme l'a souligné M. Pierre-Victor Tournier, directeur et chercheur au CNRS, lors de ses échanges avec votre rapporteur, cette vie responsable commence dès le temps de la détention pour se poursuivre au-delà de la libération.
Plusieurs pays européens (Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Espagne) ont d'ailleurs reconnu un droit d'expression collective des détenus sur les conditions générales de détention.
Les comités de détenus en Europe Un comité de détenus chargé des questions relatives à la vie en détention a été mis en place dans la plupart des pays européens (Allemagne, Angleterre, Belgique, Finlande, Pays-Bas, Suède). En Espagne, sauf décision contraire du Conseil des directeurs de prison, le champ de compétences de ce comité est limité aux questions concernant la religion, le travail, les activités culturelles et sportives et l'alimentation. Certains pays ont exclu des discussions du comité les questions relatives aux cas individuels, à la sécurité (Allemagne et Danemark) et aux membres du personnel (Allemagne). Les règles de fonctionnement du comité de détenus varient d'un pays à l'autre. Ainsi, en Espagne, ne sont pas éligibles au comité les détenus subissant une sanction disciplinaire pour des infractions graves ; au Danemark, ceux dont il faut empêcher l'évasion ou qui participent à des activités criminelles, violentes ou problématiques. Au Danemark, les détenus et leurs suppléants sont élus à bulletin secret ; ils sont rémunérés et disposent de temps pour exercer ces fonctions. En Angleterre, dans la majorité des cas, les décisions sont prises par le président du comité, c'est-à-dire le directeur ou un gradé. |
En France, au-delà de l'organisation, en mars 2006, des états généraux de la condition pénitentiaire, il n'existe pas de dispositif de consultation des détenus 67 ( * ) . Le COR a proposé de donner aux détenus la faculté de dialoguer collectivement avec les autorités pénitentiaires de questions relatives à leurs conditions générales de détention.
Votre commission vous suggère d'ouvrir la voie vers une forme de participation en permettant que les détenus soient consultés sur les activités qui leur sont proposées sous réserve des impératifs de sécurité et du maintien de l'ordre.
Tel est l'objet de l' article additionnel qu'elle vous propose d'insérer après l'article 11.
SECTION 2 Des droits civiques et sociaux
Article 12 Domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire
Cet article prévoit la domiciliation du détenu auprès de l'établissement pénitentiaire afin de lui faciliter l'exercice des droits civiques ainsi que l'accès à certaines prestations d'aide sociale.
En effet, beaucoup de détenus n'ont jamais eu de domiciliation ou l'ont perdue à la suite d'une incarcération d'une certaine durée. D'après les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de la justice, le nombre de détenus qui seraient dans une telle situation pourrait être estimé en flux à 15.000 sur une période d'un an. Comme votre rapporteur en a eu maints témoignages lors d'entretiens avec les responsables du SPIP à l'occasion de ses déplacements dans les établissements pénitentiaires, cette situation complique beaucoup les démarches engagées par les détenus, en particulier à l'approche de leur libération, pour réintégrer les dispositifs de droit commun.
La domiciliation à l'établissement devrait cependant rester une faculté laissée à l'appréciation du détenu et non une obligation comme la rédaction proposée par l'article 12 pourrait le laisser entendre. Afin de marquer l'importance respective des objectifs civiques et sociaux attachés à la domiciliation, votre commission vous propose de leur consacrer deux articles distincts et de réserver l'article 12 à l' expression des droits civiques .
Depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1993, une condamnation pénale n'implique pas systématiquement la déchéance des droits électoraux.
Cette privation ne peut résulter que d'une décision expresse de la juridiction de jugement 68 ( * ) .
Le droit de vote des détenus s'exerce par procuration (articles L. 71 et R. 71 du code électoral). Sans doute les actions de sensibilisation mises en oeuvre par l'administration pénitentiaire, conjuguées aux initiatives telles les « ateliers citoyenneté » organisés par le GENEPI, ont-elles permis une hausse de la participation des détenus aux dernières élections présidentielles et législatives de 2007 -2.370 votants au premier tour du scrutin présidentiel et 2.700 lors du second tour, près de 1.500 pour les élections législatives. Cependant, rapportée à l'ensemble des personnes détenues, cette proportion demeure très faible.
L'abstentionnisme traditionnel de la population pénale est encore renforcé par les difficultés des personnes détenues lorsqu'elles ne connaissent pas de mandataires susceptibles de voter à leur place ou qu'elles ne possèdent plus de domicile.
Dans ce dernier cas, les détenus peuvent néanmoins s'inscrire sur les listes électorales de la commune où se situe l'établissement pénitentiaire à la condition cependant, en vertu de l'article L. 11 du code électoral 69 ( * ) , qu'ils soient dans l'établissement depuis six mois au moins. Une telle durée peut être un frein à l'exercice du droit de vote, en particulier dans les maisons d'arrêt. Les détenus ne pourraient être exonérés du délai de six mois qu'en cas de domiciliation à l'établissement pénitentiaire.
La disposition proposée par le projet de loi permettrait aux détenus de s'inscrire sur les listes électorales des communes de leur lieu de détention au titre du domicile.
Le Gouvernement a d'ores et déjà introduit par décret 70 ( * ) dans le code de procédure pénale (article D. 143) une disposition prévoyant que les condamnés peuvent bénéficier d'une permission de sortir pour l'exercice de leur droit de vote afin qu'ils puissent voter à proximité immédiate de la prison sans recourir à un mandataire.
Afin d'inciter encore davantage les détenus à accomplir leur devoir civique pour rappeler, comme le souligne l'exposé des motifs du présent projet de loi, qu'ils « demeurent des citoyens participant à la vie démocratique de la Nation », votre commission suggère que le chef d'établissement organise, avec l'autorité compétente, avant chaque scrutin, une procédure destinée à faciliter l'exercice du vote par procuration. En effet, d'une part, il n'est pas toujours facile pour une personne détenue de trouver un mandataire pour exercer son droit de vote. D'autre part, il importe qu'un agent ou commissaire de police se déplace dans l'établissement pénitentiaire pour faire signer la procuration.
La disposition proposée, conforme aux recommandations du Comité d'orientation restreint, devrait conduire les administrations intéressées à favoriser les démarches des personnes détenues.
Votre commission vous soumet en conséquence un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article et vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 12 Domiciliation en vue de l'accès aux droits sociaux
Cet article reprend pour partie les dispositions figurant à l'article 12 du projet de loi.
Les prestations sociales versées aux détenus A son entrée en détention, le détenu est immédiatement et systématiquement affilié aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. S'il travaille en détention, il est affilié à l'assurance vieillesse et à l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles. Exonéré du ticket modérateur, le détenu ne peut pas recevoir de prestations en espèces. Ainsi, si un détenu a un accident de travail en détention, il ne percevra que des prestations en nature, cependant si l'accident est antérieur à l'incarcération, il pourra continuer de bénéficier des indemnités journalières. Emploi et insertion Les pensions d'invalidité ou de retraite ne sont pas modifiées. Le revenu minimum d'insertion est versé au détenu pendant 60 jours. Si le détenu est incarcéré moins de 4 mois, le versement du RMI est simplement suspendu et sera versé de nouveau à la sortie de prison. Au-delà de 4 mois d'incarcération, le détenu est radié des listes des bénéficiaires. Dès l'incarcération, le détenu perd le bénéfice des allocations versées au titre du chômage . Il doit avertir immédiatement l'ANPE sous peine d'avoir à rembourser les sommes, alors considérées comme indûment perçues. À sa sortie, si le détenu est inscrit comme demandeur d'emploi et a été incarcéré plus de deux mois, il pourra demander le versement de l'allocation temporaire d'attente . Solidarité Sous réserve d'en remplir les conditions d'accès, le détenu bénéficie : - de l'allocation aux adultes handicapés , celle-ci est réduite après 60 jours d'incarcération à 30 % du montant mensuel sauf si le conjoint ou le concubin du détenu est dans l'incapacité d'exercer une activité salariée ou si le détenu a au moins un enfant ou un ascendant à sa charge ; - de l'allocation aux adultes handicapés complémentaire et de la majoration pour la vie autonome pendant les 60 premiers jours d'incarcération ; - de l'allocation personnalisée d'autonomie ; - à sa sortie de prison, de l'aide minimale obligatoire pour les détenus indigents. Prestations familiales Les allocations familiales et les autres aides liées à la famille et à l'enfance sont maintenues mais versées au parent qui a la charge effective des enfants. Les prestations octroyées sous conditions de ressources sont réexaminées en fonction de la perte de revenu qu'entraîne l'incarcération. Le détenu peut ainsi bénéficier : - de certains éléments de la prestation d'accueil du jeune enfant (ou de l'allocation pour jeune enfant) ; - de l'allocation de parent isolé pour la détenue enceinte et tant que l'enfant reste avec elle ou de l'allocation de soutien familial tant que l'enfant est incarcérée avec la détenue. Logement Si le détenu est célibataire, l'allocation de logement et l'aide personnalisée au logement sont maintenues pendant un an si le loyer est payé et si le logement n'est pas loué ou sous-loué. Si le détenu est marié ou vit maritalement, ces allocations sont révisées en fonction de la nouvelle situation financière du couple. |
L'absence de domicile constitue aussi un obstacle à l'accès à certaines prestations d'aide sociale légale. En effet, en vertu de l'article 122-1 du code de l'action sociale et des familles, les dépenses d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours ; à défaut de domicile de secours, ces dépenses incombent au département où réside l'intéressé au moment de l'admission à l'aide sociale. Or, d'une part, beaucoup de détenus n'ont pas ou n'ont plus de domicile de secours 71 ( * ) ; d'autre part, les détenus sont très souvent écroués dans des établissements situés hors du département où ils ont été domiciliés. Les démarches à entreprendre auprès du département de résidence sont souvent complexes pour le détenu .
Quant à la faculté ouverte par l'article 51 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 aux personnes sans domicile stable d'élire domicile soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un organisme agréé à cet effet (art. L. 264-1 du code de l'action sociale), elle ne bénéficie qu'à une infime minorité de détenus. En effet, selon les explications apportées par l'administration pénitentiaire, la circulaire d'application de la loi de 2007 précise que « la domiciliation n'a pas vocation à concerner des personnes qui ont la possibilité de recevoir du courrier à une adresse stable » -les détenus n'entrent pas dans cette catégorie puisqu'ils ont la faculté de recevoir du courrier en établissement pénitentiaire et que le temps d'hébergement est généralement connu.
Aussi, la domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire devrait-elle contribuer à lever ces difficultés. Elle permettrait notamment, comme l'avait relevé le COR, d'engager, avant la sortie du détenu, l'instruction de tous les dossiers de demande d'aide sociale -en particulier en vue de l'allocation du RMI ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel après l'article 12.
Article 13 Aide en nature pour les détenus les plus démunis
Cet article fixe à l'Etat l'obligation d'apporter une aide en nature aux détenus dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire.
Cette disposition vise les personnes « indigentes », actuellement définies comme celles dont les rentrées financières sont inférieures à 45 euros par mois.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi pénitentiaire, environ 35 % de la population pénale entreraient dans la catégorie des personnes indigentes. D'après les témoignages recueillis par votre rapporteur dans les différents établissements pénitentiaires, cette proportion a beaucoup progressé au cours des dernières années.
L'indigence constitue, comme le souligne le Gouvernement, « un handicap pour la personne détenue dans sa vie en détention, dans le maintien de ses liens avec ses proches et pèse sur ses éventuels projets en matière de réinsertion ».
Plusieurs interlocuteurs ont observé lors de leur audition par votre rapporteur que dans un environnement dominé par les rapports de force, l'absence de ressources plaçait le détenu dans une situation de grande vulnérabilité par rapport à des codétenus plus chanceux.
D'ores et déjà, une circulaire de l'administration pénitentiaire du 20 juin 2001 prévoit la mise en place dans chaque établissement pénitentiaire d'une commission de repérage et d'aide aux indigents chargée d'étudier la situation de ces personnes et de proposer certaines aides. Cette pratique deviendrait un droit reconnu aux détenus comme le préconisait le COR.
Le projet de loi précise que l'aide a pour but d'« améliorer les conditions matérielles d'existence ». Le COR suggérait l'accès gratuit à la télévision, la mise à disposition d'un réfrigérateur, la fourniture des objets et produits nécessaires à une hygiène convenable, la remise de papiers à lettres et d'au moins une enveloppe timbrée par semaine.
M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a craint que la reconnaissance législative de l'aide en nature accordée aux indigents n'affecte, a contrario , la faculté actuellement admise de leur verser une aide financière. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement afin que le soutien aux détenus indigents puisse, pour partie au moins, prendre la forme d'un concours financier.
Cette aide est d'ailleurs souvent apportée par le relais des associations intervenant en prison.
Ces concours dont la pérennité n'est toutefois jamais assurée, sont en outre très variables d'un établissement à l'autre. Par ailleurs, il n'est pas souhaitable que la collectivité se décharge sur les associations de responsabilités qui leur incombent au premier chef.
Votre rapporteur estime qu'une réflexion devrait s'engager sur l'institution d'une allocation minimale de réinsertion pour les détenus les plus démunis. Un tel dispositif répondrait d'ailleurs à l'une des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons. Le Sénat avait en effet estimé alors qu'un minimum carcéral « évalué entre 300 et 400 francs par mois » permettrait aux indigents de « cantiner et contribuerait à éviter -dans la mesure du possible- la délinquance intracarcérale (rackets, prostitution, trafics) ».
Cette allocation pourrait être subordonnée à l'exercice obligatoire d'une activité orientée vers la réinsertion.
L'établissement d'un tel revenu serait sans doute d'un coût très modeste pour les finances publiques. Selon les informations communiquées à votre commission par M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, l'extension du revenu de solidarité active (RSA) aux personnes détenues aurait représenté 8 millions d'euros -sur un montant total de 10 milliards d'euros.
L'organisation et le financement de cette allocation pourraient être confiés aux départements qui le demandent. Le dispositif se rapprocherait ainsi du droit commun, conformément à l'esprit général qui inspire le projet de loi. Selon votre rapporteur, cette logique devrait conduire à faire intervenir les assistantes sociales de secteur en milieu pénitentiaire afin d'assurer le lien « dedans-dehors », gage d'une meilleure réinsertion des détenus.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .
Article 14 Acte d'engagement - Insertion par l'activité économique
Cet article prévoit, d'une part, la participation des détenus à une activité professionnelle au sein de l'établissement pénitentiaire dans le cadre d'un acte d'engagement ; d'autre part, l'intervention des entreprises d'insertion dans le milieu pénitentiaire.
•
Institution de l'acte d'engagement
Actuellement, aux termes de l'article 720 du code de procédure pénale, « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. Il ne peut être dérogé à cette règle que pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires ».
Le détenu au travail est ainsi un travailleur sans contrat. Comme le rappelle le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, cette conception traditionnelle en droit pénitentiaire reposait sur la notion selon laquelle le travail était un accessoire obligatoire de la peine.
Le travail des détenus Le code de procédure pénale (article D. 99) reconnait aux détenus la possibilité de demander que leur soit proposé un travail mais exclut toute obligation pour l'administration pénitentiaire de le leur accorder : « le travail est procuré aux détenus compte tenu du régime pénitentiaire auquel ceux-ci sont soumis, des nécessités du bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d'emploi » (article D. 101). Le travail est effectué dans les établissements pénitentiaires sous le régime du service général, de la concession de main d'oeuvre pénale ou dans le cadre d'une convention conclue entre les établissements pénitentiaires et le service de l'emploi pénitentiaire. Les détenus peuvent aussi être autorisés à travailler pour leur propre compte par le chef d'établissement (article D. 101). Si la partie réglementaire du code de procédure pénale rappelle que les relations entre l'organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail (article D. 103) 72 ( * ) elle prévoit cependant certaines garanties afin de rapprocher les détenus du droit commun : - de manière générale, « l'organisation, les méthodes et les rémunérations professionnelles du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre » (article D. 102) ; - la durée du travail par jour et par semaine, déterminée par le règlement intérieur de l'établissement, doit se rapprocher des horaires pratiqués dans la région ou dans le type d'activité considérée ; en aucun cas, elle ne saurait leur être supérieure. En outre, le respect du repos hebdomadaire et des jours fériés doit être assuré ; les horaires doivent prévoir le temps nécessaire pour le repos, les repas, la promenade et les activités éducatives et de loisirs ; - les rémunérations sont fixées par rapport au salaire minimum de référence. |
Evolution comparée du seuil minimal des
rémunérations
(SMR/SMIC)
|
Valeur du SMIC horaire |
Taux horaire minimum
|
Taux horaire minimum en établissement pour peine |
|
01.01.2002 |
6.66 |
2,87 |
3,11 |
01.01.2003 |
6,83 |
2,94 |
3,19 |
01.01.2004 |
7,19 |
3,10 |
3,35 |
01.01.2005 |
7,61 |
3,27 |
3,54 |
--------- |
--------- |
---Taux unique--- |
---Taux unique--- |
01.01.2006 |
8,03 |
3,59 |
3,59 |
01.01.2007 |
8,27 |
3,70 |
3,70 |
01.01.2008 |
8,44 |
3,78 |
3,78 |
- les cotisations vieillesse sont, soit prises en charge en totalité par l'administration pour les détenus employés au service général (articles R. 381-99, R. 381-105 du code de la sécurité sociale), soit partagées entre l'administration pénitentiaire ou le concessionnaire d'une part et le détenu d'autre part dans les autres cas ; les cotisations d'assurance maladie et maternité sont quant à elles prises en charge par l'administration pénitentiaire ou par le concessionnaire. Elles ouvrent droit notamment à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (article L. 412-8 du code de la sécurité sociale). Cependant, le détenu ne cotise pas à l'assurance chômage, comme l'avait relevé le rapport de la Cour des comptes de 2006 « aucune procédure n'ayant été instituée en matière d'assurance chômage, le travail carcéral ne donne droit à aucune prestation à la sortie de prison : cette situation peut aggraver le processus d'exclusion des détenus lorsqu'ils sont libérés » 73 ( * ) . - les mesures d'hygiène et de sécurité prévues par le livre II du titre III du code du travail sont applicables aux travaux effectués par les détenus (article D. 109 du code de procédure pénale). Le chef d'établissement peut solliciter l'intervention des services de l'inspection du travail qui ne disposent cependant pas du pouvoir d'injonction mais seulement de la capacité de formuler des recommandations. |
A la suite de la circulaire « Pacte 2 » du 29 mai 2000 relative au travail en détention, l'administration pénitentiaire a cherché à développer des « supports d'engagement professionnel » destinés à formaliser la relation de travail : ces documents précisent la durée et la nature de l'emploi, la formation associée, la rémunération, la période d'essai, les conditions de suspension et de rupture de l'engagement ainsi que les exigences en matière d'assiduité, de productivité et de qualité des travaux.
Ces documents n'ont cependant pas de valeur juridique et ne remettent pas en cause le caractère unilatéral des décisions de l'administration pénitentiaire s'agissant du recrutement des détenus par leur « classement » et de la détermination des rémunérations. Selon l'étude de la mission de recherche Droit et Justice consacrée au travail pénitentiaire, l'usage des supports d'engagement professionnel semblaient peu fréquents.
L'institution de l' « acte d'engagement » consacrerait dans la loi le support d'engagement professionnel. Cet acte énoncerait les conditions de travail et de rémunération des détenus, il procurerait des droits ainsi que des obligations professionnelles dont le manquement pourrait entraver la suspension ou l'interruption de l'activité du travail.
Elle lui confèrerait ainsi un caractère obligatoire et permettrait sa généralisation à tous les établissements pénitentiaires.
Cet acte d'engagement ne saurait être assimilé à un contrat de travail de droit commun, difficilement envisageable en milieu pénitentiaire.
En effet, l'application du régime commun -congés payés, rémunération au moins égale au SMIC, indemnisation en cas de rupture du contrat de travail...- dissuaderait sans doute les entreprises de contracter avec l'administration pénitentiaire. Au reste, aucun des pays voisins de la France ne fait application en détention du régime de droit commun en matière de travail.
Le dispositif proposé par le projet de loi, proche de celui suggéré par le COR, répond ainsi au souhait exprimé par le rapport du Conseil économique et social de 2006 relatif aux conditions de la réinsertion professionnelle des détenus en France en favorisant une « introduction mesurée du droit dans la relation de travail ». Cet acte d'engagement a aussi vocation à responsabiliser le détenu tout en lui faisant mieux connaître ses droits.
Dans cette perspective, votre commission vous soumet un amendement afin de prévoir que cet acte est signé conjointement par le chef d'établissement -ou son représentant- et la personne détenue. Elle ne juge pas, par ailleurs, indispensable de rappeler que ces obligations professionnelles doivent être respectées « sous peine de suspension ou d'interruption de l'activité de travail » : cette formulation lui est apparue en effet maladroite.
•
Accès aux dispositifs d'insertion
par l'activité économique
Le présent article vise notamment à étendre les dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique, prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail aux personnes détenues.
L'insertion par l'activité économique En vertu de l'article L. 5132-1 du code du travail, l'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle. Dans cette perspective, elle met en oeuvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement. Les structures d'insertion sont de plusieurs sortes : - les entreprises d'insertion et entreprises de travail temporaires d'insertion qui bénéficient d'une aide financière destinée à financer des postes d'encadrement et d'accompagnement social (art. L. 5132-5 et 5132-6) ; - les associations intermédiaires ayant pour objet d'embaucher des personnes sans emploi et de les mettre à disposition des personnes physiques ou morales ; - les ateliers d'insertion et les chantiers pris en charge par des organismes tels qu'une personne de droit privé à but non lucratif, une collectivité locale, un établissement d'enseignement professionnel de l'Etat, une chambre départementale d'agriculture qui ont vocation à organiser le suivi, l'accompagnement social et professionnel ainsi que la formation afin de « rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable » (art. L. 5132-15). |
Le contrat de travail n'étant pas applicable aux relations de travail des détenus, ces derniers se trouvent actuellement écartés de ces dispositifs. Or, même si certains mécanismes -telles que les prestations d'aide à la personne ou la participation à l'activité des régies de quartier- ne sont pas compatibles avec la détention, la plupart d'entre eux revêtiraient un grand intérêt pour les personnes incarcérées. En effet, ils permettraient non seulement d'élargir le vivier aujourd'hui trop restreint des activités professionnelles propres aux détenus mais aussi d'apporter un accompagnement par les professionnels de l'insertion et de favoriser la préparation d'un projet professionnel vers l'extérieur.
L'implication des entreprises ou ateliers d'insertion dans le milieu pénitentiaire contribuerait surtout à favoriser un parcours d'insertion continu qui commencerait pendant la privation de liberté et pourrait se poursuivre -au sein de la même structure d'emploi- au-delà de la libération.
Aussi, le projet de loi permet-il aux structures d'insertion de déroger à l'exigence d'un contrat de travail afin de leur permettre d'intervenir dans les établissements pénitentiaires. Il prévoit que les modalités selon lesquelles le détenu peut bénéficier de ce type d'activité doivent être adaptées à sa situation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 14 Priorité donnée aux productions des établissements pénitentiaires au sein des marchés publics
Cet article vise à permettre au pouvoir adjudicataire lors de la passation d'un marché, d'attribuer un droit de préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par le service pénitentiaire de l'emploi ou les entreprises concessionnaires de l'administration pénitentiaire pour les produits ou services assurés par les personnes détenues.
Ce dispositif s'inspire directement de celui retenu par l'article 53 du code des marchés publics pour l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production, par un groupement de producteurs agricoles, par un artisan, une société coopérative d'artisans ou par une société coopérative d'activités ou par des entreprises adaptées.
Votre commission vous propose d'adopter l' amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 14.
SECTION 3 De la vie privée et familiale et des relations avec l'extérieur
Article 15 Droit des détenus au maintien des relations avec leur famille
Cet article reconnaît à la personne détenue le droit au maintien des relations familiales.
En l'état du droit, le maintien des liens familiaux s'exerce par les permissions de sortie ainsi que par les visites des membres de la famille ou des proches au sein de l'établissement pénitentiaire.
Les permissions de sortie accordées par le juge de l'application des peines ont, en vertu de l'article 723-3 du code de procédure pénale, pour objet de « préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d'accomplir une obligation exigeant sa présence ». La permission peut être accordée aux condamnés à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans. Elle peut l'être aussi aux condamnés à une peine supérieure à condition, dans ce cas, qu'ils justifient de l'accomplissement de la moitié de leur peine ou, en cas de récidive légale, des deux tiers de cette durée. Par ailleurs, quel que soit le quantum de la peine prononcée ou sa durée d'exécution, des sorties peuvent être autorisées pour tous les condamnés pour des circonstances exceptionnelles (article 723-6 du code de procédure pénale).
Le juge de l'application des peines examine les conditions juridiques de recevabilité de la demande ainsi que son bien fondé au regard de la situation personnelle du condamné et de sa famille. Il rend une décision motivée, susceptible d'appel dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification.
Le droit aux visites familiales ne repose, pour l'heure, que sur des dispositions réglementaires. Aux termes de l'article D. 402 du code de procédure pénale, en vue de faciliter le « reclassement familial » des détenus à leur libération, « il doit être particulièrement veillé au maintien et à l'amélioration de leurs relations avec les proches, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l'intérêt des uns et des autres ».
Pour les prévenus, les permis de visite sont délivrés par le juge d'instruction (article D. 64). Pour les condamnés, ils le sont par le chef d'établissement (article D. 403). Sous réserve des motifs liés au maintien de la sécurité et au bon ordre de l'établissement, le permis de visite ne peut être refusé aux membres de la famille d'un condamné ou à son tuteur. En outre, toute autre personne peut être autorisée à rencontrer un détenu, s'il apparaît que ces visites contribuent à l'insertion sociale ou professionnelle de celui-ci (article D. 404). Des visiteurs de prison sont agréés, pour une période de deux ans renouvelable, par le directeur régional des services pénitentiaires après agrément du préfet. En principe, les visites se déroulent dans un parloir sans dispositif de séparation (article D. 405) en présence d'un surveillant (article D 406). L'accès au parloir implique, outre la fouille des détenus avant et après la visite, les mesures de contrôle jugées nécessaires à l'égard des visiteurs pour motifs de sécurité. Enfin, si les jours et heures des visites, ainsi que leur durée et leur fréquence sont déterminés par le règlement intérieur de l'établissement, le code de procédure pénale pose pour principe que les prévenus doivent pouvoir être visités au moins trois fois par semaine et les condamnés au moins une fois par semaine.
Selon les données communiquées par l'administration pénitentiaire à votre rapporteur, 90 % des personnes détenues reçoivent la visite de leur famille proche -44 % des détenus ayant au moins un visiteur hebdomadaire en maison d'arrêt. Ces proportions décroissent généralement avec le temps passé en prison.
Le régime actuel des visites apparaît ainsi, en droit, conforme à la règle pénitentiaire européenne n°24-4 selon laquelle « les modalités de visite doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible ». Cependant, ces dispositions n'ont qu'une valeur réglementaire alors même qu'elles affectent un droit fondamental, le droit à la vie familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le présent article a pour objet de consacrer dans la loi le droit au maintien des relations familiales ainsi que les limitations dont il peut être l'objet. Il ne modifie pas, pour le reste, le champ d'exercice de ce droit tel qu'il est défini dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Il rappelle ainsi que ce droit s'exerce soit par les visites que les membres de la famille rendent au détenu, soit, pour les condamnés et dans la mesure où leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortie.
Il rappelle par ailleurs la compétence de l'autorité judiciaire pour délivrer les permis de visite aux prévenus et celle de l'autorité administrative -en l'espèce, le chef d'établissement ou le préfet en cas d'hospitalisation du détenu (article D. 403 du code de procédure pénale)- pour ceux concernant les condamnés.
S'agissant des condamnés , l'article fixe aussi le cadre des restrictions applicables -cadre libéral lorsqu'elles concernent les membres de la famille, plus rigoureux lorsqu'il s'agit d'autres personnes :
- les permis de visite aux membres de la famille ne peuvent être refusés, suspendus ou retirés que pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ;
- les permis de visite pour les personnes autres que les membres de la famille peuvent être limités pour les mêmes motifs et lorsque les visites font obstacle à la réinsertion du condamné.
La prise en compte de ce critère étend davantage la capacité d'appréciation du chef d'établissement.
Le COR avait souhaité que tout détenu, quel que soit son régime de détention, puisse au minimum bénéficier effectivement d'un parloir hebdomadaire « dont la durée pourrait être étendue en considération d'éléments particuliers (éloignement de la famille, fragilité du détenu au niveau du risque suicidaire, prescription médicale, etc.) ».
Votre rapporteur estime également qu'à moins d'une décision contraire du juge ou du chef d'établissement, les membres de la famille puissent être informés au préalable de l'annulation d'une visite et de ses motifs 74 ( * )
Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 sans modification .
Article additionnel après l'article 15 Unités de vie familiale et parloirs familiaux
Actuellement les unités de vie familiale ne sont implantées que dans certains établissements pour peines. Les parloirs familiaux, quant à eux, ont été créés dans quelques maisons centrales. Les uns comme les autres sont ainsi réservés aux personnes condamnées, le plus souvent pour de longues peines.
Votre commission vous propose, d'une part, de consacrer dans la loi le rôle très utile de ces structures et, d'autre part, d'indiquer, sans fixer cependant d'obligation, qu'elles peuvent être implantées dans tout établissement pénitentiaire et accueillir toute personne détenue.
Tel est l'objet de cet article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 15.
Article 16 Accès au téléphone
Cet article définit les conditions d'accès des détenus au téléphone.
En l'état du droit, tous les condamnés peuvent téléphoner au moins une fois par mois, à leurs frais, aux membres de leur famille et à leurs proches -ils peuvent être autorisés, au cas par cas, à téléphoner à d'autres personnes en vue de la préparation de leur réinsertion sociale (article D. 419-1 du code de procédure pénale).
Cette faculté a longtemps été réservée aux seuls condamnés incarcérés en établissement pour peines 75 ( * ) . Le décret n° 2007-699 du 3 mai 2007 pris pour l'application de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 l'a étendue à tous les condamnés y compris ceux détenus en maison d'arrêt. Ce décret a prévu une mise en place progressive de cette extension dans l'attente de l'installation des dispositifs techniques nécessaires.
Au 31 octobre 2008, d'après les informations transmises par le ministère de la justice, 83 sites ont été dotés de points téléphoniques -parmi lesquels 30 maisons d'arrêt. Les personnels ont été formés à l'intégration de ce dispositif au sein de la détention. Le déploiement du programme pourrait être achevé au début du second semestre 2009.
Le chef d'établissement peut, sur décision motivée par des « impératifs d'ordre, de sécurité et de prévention des infractions pénales ainsi que s'il apparaît que les communications risquent d'être contraires à la réinsertion du détenu, à l'intérêt des victimes ou sur demande du correspondant, refuser ou retirer l'autorisation d'une communication téléphonique. En tout état de cause, les numéros d'appel et l'identité des destinataires des appels doivent être communiqués au chef d'établissement ».
Aucune des dispositions du code de procédure pénale ne mentionne en revanche l'usage du téléphone pour les prévenus . Le Comité européen pour la prévention de la torture a demandé à plusieurs reprises aux autorités françaises de revenir sur cette interdiction : « Le refus total [de contact] téléphonique est inacceptable, notamment à l'égard des détenus qui ne reçoivent pas de visites régulières de membres de leurs familles, à cause de la distance séparant celle-ci de la prison » 76 ( * ) . Il relevait également « qu'une telle approche s'éloigne de celle suivie dans d'autres pays européens ».
Le présent article vise à consacrer dans la loi l'accès au téléphone pour les condamnés et à en étendre le bénéfice aux prévenus.
Il définit, dans son premier alinéa, un régime différencié selon la situation pénale de l'intéressé :
- les personnes condamnées auraient le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Contrairement à la rédaction actuelle de l'article D. 419-1 du code de procédure pénale selon laquelle les « condamnés sont autorisés à téléphoner au moins une fois par mois » aux membres de leur famille, cette formulation n'implique plus une autorisation préalable et exclut a priori, qu'une limitation du nombre d'appels soit maintenue. En revanche, l'autorisation demeurerait pour les appels d'autres personnes en vue de la réinsertion du condamné ;
- les personnes prévenues devraient dans tous les cas obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire.
L'autorisation pourrait être refusée, suspendue ou retirée comme tel est le cas aujourd'hui pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.
Il est évident que ces restrictions pourraient concerner aussi les communications avec les membres de la famille même si celles-ci ne font pas l'objet d'une autorisation préalable. Votre commission vous propose un amendement afin de lever toute équivoque à cet égard. En effet, dans certaines situations -notamment à la suite de violences intrafamiliales- les parents ou conjoints du détenu ne souhaitent avoir aucun contact téléphonique avec celui-ci.
Pour les prévenus, ces restrictions pourraient également être justifiées par les nécessités de l'information.
L'extension des conditions d'accès au téléphone sera bénéfique en particulier pour les détenus qui, du fait de l'éloignement géographique, reçoivent peu de visites. En outre, elle contribuera à réduire l'intérêt des trafics de téléphones portables et, ainsi, comme le notait le COR, à « juguler les communications clandestines ».
Ces dispositions ne font évidemment pas obstacle au principe selon lequel, en vertu de l'article D. 419-1 du code de procédure pénale, les numéros d'appel et l'identité des destinataires des appels doivent être communiqués au chef d'établissement. Il serait également souhaitable de s'assurer de l'accord préalable du destinataire de l'appel.
Enfin, dans son dernier alinéa, le présent article rappelle que les communications peuvent être contrôlées conformément aux dispositions de l'article 727-1 du code de procédure pénale. En vertu de cet article, introduit par la loi du 15 mars 2007 à l'initiative d'un amendement sénatorial, « aux fins de prévenir les évasions et d'assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires », les communications téléphoniques des détenus -à l'exception de celles avec son avocat- peuvent être écoutées, enregistrées et interrompues par l'administration pénitentiaire sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent. Les détenus ainsi que leurs correspondants sont informés du fait que ces conversations peuvent être écoutées. Par ailleurs, les enregistrements qui ne sont suivis d'aucune transmission à l'autorité judiciaire ne peuvent être conservés au-delà d'un délai de trois mois.
Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel et vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié .
Article 17 Correspondance
Cet article définit les conditions dans lesquelles les détenus peuvent correspondre par écrit.
Actuellement, les prévenus peuvent écrire tous les jours et sans limitation à toute personne de leur choix et recevoir des lettres de toute personne, sous réserve des dispositions contraires ordonnées par le juge d'instruction (article C. 65 du code de procédure pénale). De même, les condamnés disposent aussi du droit de correspondre avec les personnes de leur choix sous réserve de la faculté donnée au chef d'établissement d'interdire la correspondance occasionnelle ou périodique avec des personnes autres que le conjoint ou les membres de la famille lorsque cette correspondance est susceptible de « compromettre gravement » la réinsertion du détenu ou la sécurité et le bon ordre de l'établissement (article D. 414 du code de procédure pénale).
Sur le fondement de l'article D. 416 du code de procédure pénale, les lettres de tous les détenus, tant à l'arrivée qu'au départ, peuvent être lues aux fins de contrôle. Elles sont retenues lorsqu'elles contiennent des menaces précises contre la sécurité des personnes ou celle des établissements pénitentiaires ou quand elles ne satisfont pas aux autres prescriptions réglementaires.
Le courrier des prévenus est, au surplus, communiqué au juge d'instruction dans les conditions que celui-ci détermine.
Le projet de loi consacre ces principes dans la loi. D'une part, il prévoit que les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix. Votre commission vous soumet sur ce point un amendement rédactionnel. D'autre part, il rappelle la possibilité pour l'administration pénitentiaire de contrôler et retenir le courrier pour des motifs entendus toutefois de manière plus large que ceux retenus dans le droit en vigueur :
- maintien de l'ordre et de la sécurité (l'article D. 414 fait référence à la sécurité et au bon ordre de l'établissement) ;
- prévention des infractions -notion plus large que celle visant la réinsertion du détenu et qui paraît redondante avec le critère relatif à la sécurité.
En revanche, il ne prévoit pas, contrairement aux dispositions en vigueur, que seule une atteinte grave à ces différents critères justifie une restriction à la liberté de correspondance. Votre commission vous propose par un amendement de revenir à une rédaction proche des dispositions actuelles.
Enfin, comme tel est le cas aujourd'hui, le courrier admis ou reçu par les prévenus serait communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .
Article 18 Droit à l'image
Cet article tend à encadrer rigoureusement la diffusion ou l'utilisation de l'image ou de la voix d'un détenu lorsqu'elles sont de nature à permettre son identification.
Cette matière est actuellement régie par une circulaire du 30 mars 1995 selon laquelle l'apparition d'un détenu à l'image, au cours de sa participation à un projet dans le domaine de la photographie ou de l'audiovisuel, doit être précédée de son consentement écrit. Par ailleurs, une note du 17 janvier 1997 prévoit qu'à l'occasion de reportages ou interviews effectués par les médias écrits et audiovisuels, l'anonymat tant patronymique que physique des détenus interviewés doit être respecté.
En premier lieu, le présent article rappelle qu'une telle diffusion ou utilisation doit être autorisée par l'intéressé. Le droit à l'image se déduit du droit au respect de la vie privée posé à l'article 9 du code civil permettant à toute personne de s'opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, attribut de sa personnalité.
En deuxième lieu, il donne à l'administration pénitentiaire la faculté de s'opposer à la diffusion ou l'utilisation de l'image ou de la voix d'un détenu pour quatre séries de motifs :
- la sauvegarde de l'ordre public ;
- la prévention des infractions ;
- la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ;
- la réinsertion du détenu.
Enfin, la diffusion et l'utilisation de l'image ou de la voix des prévenus doivent être autorisées par l'autorité judiciaire.
De la combinaison de ces trois séries de dispositions, il convient de déduire qu'une personne condamnée peut, sauf si l'administration pénitentiaire s'y oppose pour des raisons limitativement énoncées, consentir à la diffusion de son image ou de sa voix.
Le dispositif proposé implique en revanche pour les prévenus la double autorisation du juge et de l'administration pénitentiaire au risque de susciter des contradictions entre les décisions des deux autorités. Votre commission suggère de réserver le pouvoir d'autorisation de l'administration pénitentiaire aux seuls condamnés -comme tel est le cas par exemple pour les permis de visite. Elle vous soumet un amendement en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 18 Droit à la confidentialité des documents personnels
La promiscuité à laquelle les détenus sont réduits dans les cellules partagées des établissements pénitentiaires surpeuplés leur interdit toute intimité.
En particulier, les personnes incarcérées n'ont pas la possibilité de conserver dans un lieu qui leur serait réservé, à l'abri de la curiosité ou des tentatives d'accaparement de leurs codétenus, les effets les plus personnels -correspondance et surtout pièces de justice. Cette situation peut avoir des conséquences dramatiques, par exemple, pour les auteurs d'infractions sexuelles très souvent stigmatisés par les autres détenus.
Il importe que le législateur traite de cette question au regard du respect du droit à la vie privée et à l'intimité.
Le COR préconisait l'installation d'un casier individuel pouvant être fermé par une clef dont l'administration pénitentiaire aurait le double.
Ce dispositif dont la mise en place pourrait être complexe, ne supprimerait pas nécessairement les pressions qui s'exercent entre codétenus. Votre commission vous suggère en revanche de permettre que les documents personnels du détenu soient conservés au greffe de l'établissement et mis à sa disposition quand il le souhaite.
Elle vous propose, par amendement , d'insérer cet article additionnel après l'article 18.
SECTION 4 De l'accès à l'information
Article 19 Accès à l'information
Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi le principe de l'accès des détenus à l'information. Actuellement, ce sont des règles de niveau règlementaire (article D. 444 du code de procédure pénale) qui régissent les modalités de cet accès.
• Le principe de l'accès à l'information
Le projet de loi affirme un droit d'accès à l'information pour chaque détenu.
Les règles pénitentiaires européennes prévoit que les États doivent tout mettre en oeuvre pour que le détenu garde des contacts avec le monde extérieur ce qui inclut la possibilité de suivre les événements extérieurs à la prison (règles 24.5 et 24.10) : « Les détenus doivent pouvoir se tenir régulièrement informés des affaires publiques, en pouvant s'abonner et en lisant des journaux quotidiens, des périodiques et d'autres publications, et en suivant des émissions de radio ou de télévision (...) ».
L'emploi de termes génériques dans le projet de loi permet de couvrir toutes les formes d'information, quel qu'en soit le support. Les détenus pourront se procurer, comme c'est le cas actuellement, des journaux, des périodiques, des livres n'ayant pas fait l'objet d'une saisie dans les trois derniers mois ainsi qu'un poste de radio et de télévision. Votre commission estime souhaitable de marquer sans équivoque possible que ce droit concerne les publications écrites et audiovisuelles.
Les bibliothèques des établissements pénitentiaires Les articles D. 441 et suivants du code de procédure pénale prévoient que chaque établissement pénitentiaire doit disposer d'une bibliothèque, où les détenus pourront avoir accès gratuitement aux documents. Un rapport du ministère de la culture sur les bibliothèques des établissements pénitentiaires rendu en 2005 a montré les difficultés de fonctionnement et d'approvisionnement de ces bibliothèques. Tirant le bilan d'application de la circulaire du 14 décembre 1992 relative au fonctionnement des bibliothèques et au développement des pratiques de lecture dans les établissements pénitentiaires, les autorités publiques ont été invitées à rattraper le retard acquis par ces bibliothèques par rapport aux bibliothèques publiques. Il leur est notamment recommandé de multiplier les abonnements de périodiques, en particulier des quotidiens et de développer sous réserve des limites inhérentes à la sécurité des établissements pénitentiaires, les offres multimédia. L'offre de publications des bibliothèques pénitentiaires variant d'un établissement à l'autre, le détenu doit parfois se procurer lui-même des ouvrages spécifiques nécessaires par exemple à la poursuite d'études ou s'abonner individuellement à des périodiques ou des quotidiens non fournis par la bibliothèque. Dès lors, l'accès à l'information peut représenter un certain coût et ne plus être une priorité pour le détenu. |
Le COR a préconisé l'accès gratuit à la télévision considérant qu'il s'agissait d'un outil de réinsertion et pas simplement de divertissement. Par ailleurs, il faut saluer les initiatives menées dans certains établissements pénitentiaires -notamment le centre pénitentiaire et la maison d'arrêt de Rennes ainsi que la maison d'arrêt de Nanterre- pour nouer un partenariat avec des quotidiens comme Ouest-France ou La croix , afin que les détenus puissent lire gratuitement chaque jour un quotidien dans leur cellule.
• Les limitations de l'accès à l'information
Actuellement, les limitations de l'accès à l'information sont posées à l'article D. 444 du code de procédure pénale. Les publications qui contiennent « des menaces précises contre la sécurité des personnes ou celles des établissements pénitentiaires » peuvent être interdites.
Le projet de loi conserve le motif de la sécurité et ajoute les cas de propos ou signes injurieux ou outrageants à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire.
Le motif de la sécurité des personnes et des établissements est aisément compréhensible. Toutefois, comme c'est le cas actuellement, votre commission estime qu'il convient de limiter aux seules menaces « graves » à l'encontre de la sécurité des personnes et des établissements les cas d'interdiction des publications.
La seconde limitation concerne les publications contenant des injures ou outrages à l'encontre des personnels du service public pénitentiaire. L'outrage est défini comme l'expression offensante, injurieuse ou diffamatoire adressée à un représentant de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions. La notion d'outrage n'a toutefois pas cours en droit de la presse. Il convient de lui substituer la notion de diffamation.
Par ailleurs, il peut s'avérer nécessaire de retirer des publications comportant des injures ou diffamations à l'encontre d'un détenu afin de limiter les comportements négatifs que ces propos ou signes pourraient entraîner de la part de codétenus. Votre commission vous soumet un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article afin de prendre en compte ces différentes observations.
Actuellement, aux termes de l'article D. 444 du code de procédure pénale, il revient au ministre de la justice de décider de la retenue d'une publication sur demande du chef d'établissement. En pratique, les chefs d'établissements auraient tendance à prendre eux-mêmes la décision de retenir une publication sans en avertir la direction de l'administration pénitentiaire.
Le projet de loi confie à l'autorité administrative le pouvoir de décider l'interdiction de l'accès à ces publications. Un décret en Conseil d'État devrait préciser à quel niveau la décision devra être prise.
Les règles pénitentiaires réservent au juge judiciaire la possibilité d'interdire l'accès à l'information. Elles prévoient en outre que les restrictions doivent être proportionnées. En effet, l'interdiction doit être décidée « au cas par cas et pour une durée spécifiée ».
C'est la voie de l'efficacité qui a été choisie en confiant à l'autorité administrative l'interdiction des publications. Cette possibilité d'interdiction laisse par ailleurs aux personnels pénitentiaires la faculté de saisir le juge judiciaire des publications litigieuses. Le détenu dont les publications auront fait l'objet d'une interdiction pourra saisir le juge administratif 77 ( * ) de cette décision.
Votre commission vous soumet un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article et vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .
SECTION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 19 De la sécurité
Article additionnel après l'article 19 Obligation de garantir La sécurité de la personne détenue
La mission de surveillance qui incombe à l'administration pénitentiaire implique aussi de garantir la sécurité des personnes détenues.
Votre commission estime indispensable que soit rappelée dans la loi l'obligation pour l'administration pénitentiaire d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs ou individuels.
Au-delà de l'affirmation de ce principe, votre commission suggère d'en tirer les conséquences de manière plus précise :
- d'une part, en introduisant une responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès intervenus en prison à la suite d'une agression par un détenu ; le cas se produit très rarement (ainsi, aucun personnel n'est décédé dans ces circonstances depuis 1992 tandis qu'en 2007, deux détenus sont morts du fait de violences commises par leur codétenu) mais signale un manquement très grave de l'Etat à ses obligations ;
- d'autre part, en assignant à l'administration pénitentiaire l'obligation, en cas de suicide d'une personne détenue, d'informer immédiatement sa famille et ses proches des circonstances dans lesquelles le décès est intervenu et, si ceux-ci le souhaitent, de leur faciliter autant que possible les différentes démarches qu'elles peuvent être conduites à engager. En effet, comme l'a souligné le professeur Jean-Jacques Dupeyroux lors de son audition par votre rapporteur, les familles des détenus se heurtent parfois au silence et à l'inertie de l'administration, ce qui ne peut qu'aggraver leur désarroi.
Tel est l'objet de l' amendement proposé par votre commission tendant à insérer une section additionnelle et un article additionnel après l'article 19.
SECTION 5 De la santé
Article 20 Prise en charge des soins par le service public hospitalier - Restriction des informations susceptibles d'être communiquées aux proches
Cet article rappelle d'abord que la prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier dans les conditions de droit commun.
Il ne fait à cet égard que confirmer le principe introduit par la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale selon lequel, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, « le service public hospitalier assure dans des conditions fixées par voie réglementaire, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier (....). Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires ».
En second lieu, le présent article vise à interdire au médecin, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l'état de santé d'un détenu, de délivrer à la famille du détenu, à ses proches ou à sa personne de confiance des informations susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes et au bon ordre des établissements de santé.
Cette disposition constitue une dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique selon lequel, en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que ces personnes reçoivent les informations destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct au patient sauf opposition de sa part -ces informations ne pouvant être délivrées que sous la responsabilité du médecin.
Cette exception serait justifiée, selon les explications apportées par le ministère de la justice à votre rapporteur, par le souci d'éviter la communication à la famille de dates d'hospitalisation ou de fin d'hospitalisation afin de ne pas faciliter les évasions à l'occasion des transferts du détenu.
Votre commission estime que si ce risque, sans doute limité dans la mesure où la personne est, par hypothèse, gravement malade, peut autoriser une telle dérogation, il convient néanmoins de rappeler le principe posé par l'article L. 1110-4 avant d'en fixer les limites. Elle vous propose un amendement en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 20 ainsi modifié .
Article 21 Obligation d'un permis de visite spécifique pour l'accompagnement du détenu dans des conditions de confidentialité
Cet article prévoit que des tierces personnes autorisées par le code de la santé publique à apporter leur concours à une personne malade peuvent s'entretenir avec un détenu dans des conditions de confidentialité, à condition d'avoir reçu un permis de visite spécifiant que cette visite se déroule hors de la présence du personnel pénitentiaire. Les personnes tierces concernées sont les suivantes :
- les bénévoles, formés à l'accompagnement de la fin de vie et appartenant à des associations qui les sélectionnent ; ils participent à l'ultime accompagnement du malade, avec son accord (article L. 1110-1 du code de la santé publique) ;
- les titulaires de l'autorité parentale pour une personne mineure malade ou, le cas échéant, une personne majeure choisie par le mineur (article L. 1111-5 du code de la santé publique) ;
- les personnes de confiance (parent, proche ou médecin traitant) désignées par toute personne majeure et qui seront consultées au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté (article L. 1111-6 du code de la santé publique) ;
- les tierces personnes dont la présence peut être recommandée par le médecin pour la consultation par le patient de certaines informations en raison des risques que l'accès à ces informations sans accompagnement ferait courir à la personne concernée (article L. 1111-7 du code de santé publique) ;
- la personne majeure qu'une femme mineure non émancipée choisit en cas d'interruption volontaire de grossesse pour accompagner sa démarche lorsqu'elle entend passer outre au défaut de consentement de ses parents ou souhaite garder le secret (article L. 2212-7 du code de santé publique).
Votre commission vous soumet un amendement de précision et vous propose d'adopter l'article 21 ainsi modifié .
Article 22 Autorisation de l'administration pénitentiaire pour la désignation d'un aidant
L'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne durablement empêchée « du fait de limitations fonctionnelles de membres supérieurs en lien avec un handicap physique », d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner un aidant pour les réaliser.
Le présent article prévoit que cette désignation est subordonnée à l'autorisation de l'administration pénitentiaire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 22 sans modification .
SECTION 6 Des biens
Article 23 Biens abandonnés par les détenus à leur libération
Le présent article vise à définir le devenir des biens abandonnés par les détenus à leur libération qu'il s'agisse d'effets matériels ou de valeurs pécuniaires.
La gestion des biens des détenus est actuellement entièrement déterminée par la partie règlementaire du code de procédure pénale.
Les dispositions du code de procédure
pénale relatives à la gestion des biens des
détenus
En principe, en vertu de l'article D. 318 du code de procédure pénale, il n'est laissé aux détenus ni argent , ni valeurs , ni bijoux autres que leur alliance et leur montre . L'établissement pénitentiaire tient un compte nominatif où sont inscrites les valeurs pécuniaires appartenant au détenu. Ce compte est par la suite crédité ou débité de toutes les sommes dues au détenu, ou par lui, au cours de sa détention (article D. 319). Toutes les sommes d'un montant n'excédant pas 200 euros qui échoient au détenu sont considérées comme ayant un caractère alimentaire (ce montant est doublé à l'occasion des fêtes de fin d'année). Le surplus est réparti en trois parts : - la première part est affectée à l'indemnisation des parties civiles et créanciers d'aliments (selon une proportion croissante en fonction de l'importance des ressources du détenus : 20 % pour la fraction comprise entre 200 et 400 euros, 25 % pour la fraction comprise entre 401 et 600 %, 30 % pour la fraction supérieure à 600 euros) ; - la deuxième est affectée à la constitution du pécule de libération et correspond à 10 % de la fraction des sommes qui échoient au détenu ; - la troisième, enfin, est laissée à la libre disposition du détenu. La part disponible du compte nominatif peut être utilisée par le détenu pour « cantiner » -c'est-à-dire effectuer des achats à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire- ou, sur autorisation spéciale pour procéder à des versements en-dehors. Au moment de sa libération, chaque détenu reçoit les sommes qui résultent de la liquidation de son compte nominatif (article D. 334 du code de procédure pénale). Quant aux objets dont les détenus sont porteurs à leur entrée dans un établissement pénitentiaire, ils sont pris en charge par le comptable et, après inventaire, inscrits sur un registre spécial, au compte de l'intéressé pour lui être restitués à sa sortie (article D. 335 du code de procédure pénale). Ainsi, au moment de la libération, les bijoux, valeurs, vêtements et effets personnels sont remis au détenu qui en donne décharge. Si l'intéressé refuse de les recevoir, il en est fait remise à l'administration des domaines. A l'issue d'un délai de trois ans après le décès d'un détenu, les effets matériels non réclamés par ses ayants droit sont remis à l'administration des domaines et cette remise vaut décharge pour l'administration pénitentiaire ; l'argent est, dans les mêmes conditions, versé au trésor. De même, après un délai de trois ans à compter de l'évasion d'un détenu, objets et argent laissés reçoivent une destination comparable (article D. 341 du code de procédure pénale). |
Le code de procédure pénale ne prévoit pas en revanche la situation des biens non réclamés à la libération du détenu. Ces derniers seraient conservés par l'établissement pénitentiaire en qualité de dépositaire pendant une durée d'un an puis, s'ils ne sont pas réclamés :
- les valeurs pécuniaires seraient remises à la Caisse des dépôts et consignations ;
- les biens seraient remis à l'autorité compétente de l'Etat -en l'espèce, l'administration des domaines- aux fins d'être mis en vente, ou détruits s'ils n'ont pu être mis en vente.
Cinq ans après la remise des sommes ou la cession des biens, le montant des valeurs pécuniaires ou le produit de la vente seraient acquis de plein droit si le propriétaire, ses représentants ou ses créanciers ne les ont pas réclamés.
Votre commission s'est interrogée sur la portée de cette disposition :
- sur le fond, le cas des biens abandonnés par les détenus au moment de leur libération se présente très rarement et ne concernerait essentiellement, selon les informations communiquées à votre rapporteur par l'administration pénitentiaire, que les étrangers faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;
- sur la cohérence de l'ordonnancement juridique des dispositions relatives aux biens des détenus : selon le ministère de la justice, les mesures visées par le présent article relèvent du domaine de la loi car elles touchent à la propriété des personnes. Cet argument devrait conduire à relever également au niveau législatif plusieurs des dispositions rappelées précédemment qui figurent dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Votre commission constate que le Gouvernement n'a pas fait ce choix qui alourdirait en effet considérablement le texte. Elle estime que les mesures proposées, par leur détail, relèvent davantage du domaine du règlement. Enfin, elle juge préférable en l'état, afin d'assurer la lisibilité du droit, que la disposition proposée par cet article figure dans la partie réglementaire du code de procédure pénale.
Elle vous soumet en conséquence un amendement tendant à supprimer l'article 23 .
SECTION 7 De la surveillance
Article 24 Fouilles
Le présent article fixe les critères justifiant les fouilles susceptibles de concerner les cellules et surtout les détenus eux-mêmes.
En l'état du droit, les dispositions relatives aux fouilles sont prévues par la partie réglementaire du code de procédure pénale.
L'article D. 269 du code de procédure pénale prévoit les fouilles de cellules, en l'absence des détenus. Sous l'égide de l'administration centrale, des opérations de fouilles générales d'un établissement sont également organisées.
En outre, en vertu de l'article D. 275, les « détenus doivent être fouillés fréquemment et aussi souvent que le chef de l'établissement l'estime nécessaire ». Ils le sont notamment à leur entrée dans l'établissement, chaque fois qu'ils en sont extraits et y sont reconduits, ainsi qu'avant et après tout parloir ou visite. Le dernier alinéa de l'article D. 275 prévoit cependant une double garantie : d'une part, les détenus ne peuvent être fouillés que par des agents de leur sexe ; d'autre part, la fouille doit être respectueuse de la « dignité inhérente à la personne humaine ».
Il existe trois types de fouilles des détenus :
- la fouille par palpation (le détenu reste habillé ; il se tient debout, devant le surveillant, les bras et les jambes écartés et, en cas de besoin, l'agent peut contrôler les cheveux, les oreilles et le col de l'intéressé) ;
- la fouille intégrale qui oblige le détenu à se déshabiller complètement -une circulaire de l'administration pénitentiaire du 14 mars 1986 en a précisé les modalités (elle s'effectue sans contact entre le détenu et l'agent à l'exception du contrôle de la chevelure ; elle ne peut être collective, se déroule en principe dans un local réservé à cet usage, et dans tous les cas hors de la vue de toute personne étrangère à l'opération, et est effectuée en général par un seul agent) ;
- la fouille corporelle interne qui n'est prévue par aucun texte mais n'en est pas moins opérée.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de la justice, dans l'hypothèse où ce dernier type de fouille s'avère nécessaire, les agents pénitentiaires en avisent les services de police ou les autorités judiciaires, qui, le cas échéant, sont à même de requérir un médecin pour procéder à de telles investigations en vertu de l'article 63-5 du code de procédure pénale 78 ( * ) . Votre rapporteur a été néanmoins informé de pratiques contraires à ces règles.
Au reste, la France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme 79 ( * ) sur ce motif : dans l'espèce, la Cour a constaté que le détenu -un ancien membre du mouvement « Action directe »- avait été soumis à la maison d'arrêt de Fresnes à des inspections anales visuelles systématiques -il peut en effet être fait obligation au détenu de se pencher et de tousser dans le cas de recherche d'objet ou de substances prohibées- ne reposant sur aucun impératif de sécurité.
Elle conclut que « ce sentiment d'arbitraire, celui d'infériorité et l'angoisse qui y sont souvent associés, et celui d'une profonde atteinte à la dignité que provoque indubitablement l'obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, en sus des autres mesures intrusives dans l'intimité que comportent les fouilles intégrales, caractérisent un degré d'humiliation dépassant celui (...) que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus ». Elle admet que ces traitements ont été dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme sans atteindre le seuil de gravité requis pour être qualifiés d'inhumains.
Dans sa jurisprudence la Cour admet la fouille intégrale au nom de la sécurité, de la défense de l'ordre ou de la prévention d'infractions pénales. En revanche, les modalités des fouilles doivent être entourées de certaines précautions 80 ( * ) : principe selon lequel la fouille doit être réalisée par et en présence de personnes du même sexe ; interdiction de toute insulte ou observations relatives à l'anatomie de la personne.
Le droit français en la matière n'est pas satisfaisant :
- au regard de la hiérarchie des normes -si la fouille des cellules ou des locaux de travail peut ressortir de la compétence réglementaire dans la mesure où ces lieux ne constituent pas un domicile, en revanche, comme l'avait relevé la commission Canivet, la fouille des personnes, constitutive d'une mesure de contrainte à l'encontre d'une personne titulaire de ses droits à l'intégrité corporelle, ne peut être aménagée que par la loi ;
- ensuite, au regard de la généralité des pouvoirs conférés aux agents de l'administration pénitentiaire et de l'absence de garanties offertes à la personne ainsi contrainte.
Certes, les fouilles -y compris celles accompagnant les extractions liées aux comparutions devant les juges judiciaires- sont soumises au contrôle de la juridiction administrative. Dans une décision récente 81 ( * ) , le Conseil d'Etat a encadré les conditions applicables aux fouilles intégrales.
En effet, l'administration pénitentiaire doit justifier d'une part de la nécessité de ces fouilles, d'autre part, de leur adaptation au motif poursuivi et, enfin, de la proportionnalité des moyens employés :
- le critère de nécessité se fonde notamment sur l'existence de suspicions liées au comportement du détenu, à ses agissements antérieurs ou aux circonstances de ses contacts avec des tiers ;
- les critères d'adaptation et de proportionnalité impliquent que les fouilles « se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes ».
Appelée à se prononcer à plusieurs reprises sur les conditions dans lesquelles des fouilles avaient été opérées, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a rappelé que « les fouilles intégrales, dégradantes par nature, doivent toujours être justifiées par les exigences du maintien de l'ordre et de la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire ».
La commission d'enquête sénatoriale s'était interrogée sur l'efficacité des fouilles rappelant la réalité des différents trafics en prison : « le détenu apprend vite les « ruses » pour échapper à la fouille ». Tout en reconnaissant leur caractère dissuasif, elle avait suggéré d'éviter les fouilles inutiles qui exaspèrent les détenus et renforcent les tensions avec les personnels de surveillance. Elle avait souhaité que les fouilles à corps soient réduites au maximum.
Le COR lui a fait écho en recommandant de subordonner le recours aux fouilles aux seuls « impératifs de sécurité objectivables » ainsi qu'aux « situations visées dans le règlement intérieur ».
La rédaction proposée par le projet de loi répond pour partie à ces propositions : elle rappelle que la nature et la fréquence des fouilles sont adaptées aux circonstances de la vie en détention, à la personnalité du détenu et aux risques que son comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans les établissements.
En outre, la fouille des détenus devrait être effectuée dans le respect de la dignité de la personne humaine.
Votre commission vous propose de distinguer plus clairement, à l'instar de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat, les principes de nécessité et de proportionnalité auxquels les fouilles doivent répondre. D'une part, la nature et la fréquence des fouilles devraient être justifiées soit par la présomption d'une infraction, soit par les nécessités de la sécurité et du maintien de l'ordre. D'autre part, elles devraient être strictement adaptées à ces contraintes et à la personnalité des détenus.
Votre commission suggère en outre de poser pour principe que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique se révèlent insuffisants.
Par ailleurs, le présent article introduit la référence aux investigations corporelles internes en indiquant qu'elles doivent être réalisées par un médecin. Le silence du droit en cette matière n'est, en effet, pas satisfaisant dans la mesure où il autorise des interprétations contradictoires et des pratiques variables et parfois très critiquables.
Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du collège de soignants intervenant en prison se sont élevés contre ce type de fouille jugée particulièrement attentatoire à la dignité humaine et incompatible avec la déontologie médicale. L'obligation instituée par le projet de loi susciterait à l'évidence de très fortes résistances de la part d'une partie du corps médical.
Par ailleurs, il convient de s'interroger sur l'utilité de ces fouilles au regard de la gravité de l'atteinte portée à la dignité de la personne.
En outre, comme l'ont confirmé certains des interlocuteurs de votre rapporteur, les moyens techniques -au premier chef une radio- devraient permettre de faire l'économie d'une pratique humiliante pour la personne qui la subit et pénible pour celle qui la met en oeuvre.
La commission d'enquête sénatoriale proposait de prohiber le recours aux investigations corporelles internes « sauf cas exceptionnel motivé par un impératif de sécurité ».
Votre commission vous propose de s'inspirer de cette recommandation tout en maintenant, dans le cas où la fouille interne est indispensable, l'exigence d'une intervention d'un médecin « requis » à cette fin comme le prévoit l'article 63-5 du code de procédure pénale.
Votre commission vous soumet un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article et vous propose d'adopter l'article 24 ainsi modifié .
SECTION 8 Des détenus mineurs
Article 25 Respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant
Cet article dispose que l'administration pénitentiaire doit garantir aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant. Malgré les progrès considérables réalisés depuis quelques années, tel n'est pas toujours le cas.
• La stabilité du nombre des mineurs incarcérés
Au 1 er janvier 2008, 727 mineurs étaient incarcérés, dont 25 jeunes filles, représentant 1,1 % des détenus, soit un nombre intermédiaire entre les maxima (2003 : 808 mineurs) et minima (2001 et 2005 : 620 mineurs environ) constatés depuis 2000. 77 avaient moins de seize ans.
Parmi ces 727 mineurs, la part de ceux placés en détention provisoire était en diminution (57,2 % au 1 er janvier 2008, contre 78 % au 1 er janvier 2000).
Au cours de l'année 2007, 3.370 mineurs ont été incarcérés (3,7 % de l'ensemble des mises sous écrou) et 2.849 libérés (3,3 % de l'ensemble des libérations). La proportion des jeunes filles s'est élevée à 4,5 %.
La majorité des mineurs incarcérés faisait l'objet d'une procédure correctionnelle (85 %). Pour 12 % d'entre eux la procédure était de nature criminelle 82 ( * ) .
Depuis 1999, les peines très courtes (moins d'un mois) comme les peines les plus longues (supérieures à un an) ont sensiblement diminué , tandis que les peines de un à six mois ont fortement augmenté.
Peines terminées par tranche de durée |
1999 |
2002 |
2006 |
Moins de 1 mois |
47 % |
41 % |
42 % |
1 à 6 mois |
41 % |
46 % |
51 % |
6 mois à 1 an |
7 % |
8 % |
6 % |
Plus d'un an |
5 % |
5 % |
1 % |
Total |
100 % |
100 % |
100 % |
Source : ministère de la justice . |
• L'instabilité des règles relatives au traitement des infractions commises par les mineurs
Aux termes de l'article 122-8 du code pénal : « les mineurs reconnus coupables d'infractions pénales font l'objet de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dans des conditions fixées par une loi particulière ».
Les mineurs bénéficient ainsi d'un régime spécifique défini par l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Ce régime est gouverné par trois grands principes auxquels le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 août 2002 83 ( * ) , a reconnu la valeur de « principe fondamental reconnu par les lois de la République » :
- l' atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en raison de leur âge ;
- la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge ;
- la compétence de juridictions spécialisées ou la mise en oeuvre de procédures appropriées.
Le Conseil constitutionnel, dans la décision précitée, avait cependant précisé que la législation antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacrait pas de règle « selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ». Il appartenait donc au législateur de concilier, d'une part, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ainsi que les principes de présomption d'innocence et de nécessité des peines et des sanctions et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public, et notamment la sécurité des personnes et des biens, qui est nécessaire à la sauvegarde d'un droit de valeur constitutionnelle.
Le cadre constitutionnel laisse donc place à la recherche d'un équilibre entre les exigences liées à la spécificité des mineurs et les impératifs de sécurité et de répression -équilibre complexe et influencé par les évolutions de la délinquance et de la société, puisque l'ordonnance de 1945 a été modifiée plus d'une trentaine de fois.
Initialement marquée par une conception très éducative du droit pénal des mineurs, ce texte, à la suite des réformes les plus récentes -principalement la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs- se caractérise désormais par une conception mixte entre un modèle purement éducatif et un modèle purement pénal.
L'atténuation de la responsabilité se décline selon quatre degrés en fonction de l'âge du mineur :
- les mineurs capables de discernement âgés de moins de dix ans ne peuvent faire l'objet que de mesures éducatives ;
- les mineurs de 10 à 13 ans ne peuvent pas être condamnés à une peine mais sont susceptibles de faire l'objet de sanctions éducatives -mesures intermédiaires, introduites par la loi du 9 septembre 2002, entre mesures éducatives et peines ;
- les mineurs de 13 à 16 ans peuvent être condamnés à certaines peines mais bénéficient toujours d'une diminution du plafond des peines privatives de liberté et des peines d'amende ;
- les mineurs de 16 à 18 ans bénéficient en principe de l'atténuation de la responsabilité que la juridiction de jugement peut cependant écarter sous certaines conditions.
Il convient par ailleurs de préciser que l'âge du mineur s'apprécie au moment des faits et non au moment où il est jugé. 84 ( * )
Les réformes de l'ordonnance du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante
1. Loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance - modification des mesures éducatives , qui sont des mesures spécifiques, non répressives, applicables à tout mineur délinquant doté de discernement, avec l'introduction de deux nouvelles mesures -la mesure d'activité de jour et l'avertissement solennel- et la modification des conditions dans lesquelles l'admonestation peut être prononcée ; - création de nouvelles sanctions éducatives, mesures intermédiaires entre les mesures éducatives et les peines, introduites par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, pour viser plus particulièrement les mineurs âgés de 10 à 13 ans ; aucune de ces nouvelles sanctions « n'évoque les peines ou leurs modalités d'exécution : leur dimension éducative est de ce point de vue beaucoup plus importante que leur dimension sanctionnatrice » 85 ( * ) ; - élargissement des conditions dans lesquelles l'excuse de minorité peut être écartée pour les mineurs de plus de 16 ans ; - extension du champ d'application de la composition pénale 86 ( * ) aux mineurs alors que cette mesure était, avant la loi du 5 mars 2007, réservée aux majeurs ; - élargissement des conditions dans lesquelles un mineur âgé de 13 à 16 ans peut être placé sous contrôle judiciaire ; - institution d'une procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs qui, selon des modalités assouplies par rapport au jugement à délai rapproché instauré par la loi du 9 septembre 2002 précitée, permet que le mineur soit jugé à la première audience du tribunal pour enfants qui suit la présentation au procureur de la République avec l'accord exprès de l'intéressé et de son avocat. 2. La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs - application des peines minimales pour les mineurs en situation de récidive, sous réserve, conformément au principe de l'atténuation de la peine, de la diminution de moitié du plafond des peines. - extension des conditions dans lesquelles le juge peut décider d'écarter l'excuse de minorité pour les auteurs d'infractions d'une particulière gravité, commises en état de récidive (crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, délit de violences volontaires, d'agressions sexuelles, délits commis avec la circonstance aggravante de violence) ; - exclusion de l'atténuation de la peine en cas de nouvelle récidive de ces infractions les plus graves, à moins que la juridiction n'en décide autrement (en prenant une décision spécialement motivée s'agissant du tribunal pour enfants ; en répondant à une question spécifique sur l'applicabilité ou non de l'atténuation de la responsabilité s'agissant de la cour d'assises des mineurs). |
Le 15 avril 2008, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a chargé une commission de formuler des propositions pour réformer « en profondeur » l'ordonnance du 2 février 1945 et procéder à une véritable refondation de la justice pénale des mineurs , avec pour lignes directrices : ne pas opposer sanction et éducation ; s'interroger sur l'instauration d'un âge de responsabilité pénale ; aider les jeunes à sortir de la spirale de la délinquance ; disposer d'un texte de référence clair et compréhensible. Présidée par le recteur André Varinard, cette commission a remis son rapport en décembre.
Parmi les 70 propositions formulées par la commission figurent : l'inscription dans la loi de l'âge de la majorité pénale, maintenu à 18 ans, la fixation à 12 ans de l'âge de la responsabilité pénale et l'interdiction d'incarcérer un mineur de moins de 14 ans, sauf en cas de crime 87 ( * ) .
• La meilleure prise en compte des droits fondamentaux reconnus aux mineurs incarcérés
Les droits fondamentaux reconnus à l'enfant sont bien évidemment ceux reconnus à toute personne, auxquels s'ajoutent des droits spécifiques énoncés aussi bien par des textes internationaux, d'une portée contraignante inégale, qu'en droit interne.
. L'un de ceux qui viennent immédiatement à l'esprit, s'agissant des mineurs incarcérés, est celui d' être séparé des adultes . Il est énoncé par la convention de New York sur les droits de l'enfant, les règles pénitentiaires européennes, les règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, ou encore l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Force est de constater qu'entre les textes et la réalité persiste un décalage très net, malgré les recommandations très fermes de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs et malgré les progrès accomplis avec la création d'établissements pénitentiaires pour mineurs et la rénovation des quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a prévu la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs dotés d'une capacité d'accueil de 420 jeunes.
Placés sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire, bénéficiant de l'intervention permanente de la protection judiciaire de la jeunesse, ces établissements sont conçus pour placer l'éducatif au coeur de la prise en charge des mineurs détenus en s'appuyant sur un encadrement renforcé.
Quatre d'entre eux ont été mis en service en 2007 : à Lavaur, dans le Tarn (juin) ; à Meyzieu, dans le Rhône (juin) ; à Quiévrechain, dans le Nord (septembre) ; à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône (novembre). Deux sont opérationnels depuis 2008 à Orvault, en Loire-Atlantique (février) et à Porcheville, dans les Yvelines (avril). Le dernier, celui de Meaux-Chauconin, en Seine-et-Marne, devrait l'être au début de l'année 2009.
Les établissements pénitentiaires pour mineurs Chaque établissement pour mineur comprend sept unités d'hébergement pouvant accueillir 60 mineurs (une unité « arrivants » de six places, une unité « filles » de quatre places, cinq unités « garçons » de dix places chacune), un quartier disciplinaire, un plateau sportif complet, une unité médicale, un secteur scolaire, et une zone socioculturelle (salles d'activités, bibliothèque, salle de spectacle). Les bâtiments forment le mur d'enceinte. Il n'y a pas de miradors. La forte présence du personnel constitue un des éléments essentiels de la sécurité pénitentiaire. Près de 150 agents travaillent sur des rythmes diversifiés pour assurer une prise en charge régulière des mineurs 7 jours sur 7, sur une amplitude horaire de 14 heures. La surveillance de nuit incombe à l'administration pénitentiaire : 76 personnels pénitentiaires dont 70 de surveillance, 43 agents de la protection judiciaire de la jeunesse dont 36 éducateurs, 4 à 6 enseignants encadrés par un directeur pédagogique, une équipe médicale à hauteur de 5 équivalents temps plein, auxquels s'ajoutent des animateurs intervenant ponctuellement pour telle ou telle activité. Dans tous les établissements, les fonctions logistiques de restauration, de nettoyage, de maintenance, et d'hôtellerie sont déléguées à un prestataire privé, la société SIGES. Le prix de journée par mineur et par jour serait de 339 euros, amortissement compris , en cas d'occupation totale des établissements, à comparer avec le prix de journée d'un adulte dans un établissement pénitentiaire à gestion publique qui est d'un peu moins de 72 euros. Au mois de juin 2008, il était plutôt de l'ordre de 1.400 euros car tous les établissements ne fonctionnaient pas à plein. Le fonctionnement des établissements pénitentiaires pour mineurs se caractérise par une individualisation de la prise en charge et un travail pluridisciplinaire. La journée de détention s'étend de 7h30 à 21h30. Chaque mineur détenu se voit proposer un emploi du temps personnalisé, comprenant des heures d'enseignement général et technique à raison d'une vingtaine par semaine, ainsi que des heures d'activités socio-culturelles et sportives, réparties tout au long de la semaine, y compris les samedis et dimanches. Si l'hébergement de nuit est toujours individuel, sauf avis médical contraire, les repas sont pris en commun, les temps de récréation (promenade, activités ludiques...) se font ensemble au sein de l'unité de vie. |
Votre rapporteur vous renvoie à son propre avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2009 consacrés à l'administration pénitentiaire 88 ( * ) ainsi qu'à celui de notre collègue Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis des crédits de ce même projet de loi de finances consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse 89 ( * ) , pour un premier bilan du fonctionnement de ces établissements.
Le programme d'ouverture d'établissements pénitentiaires pour mineurs s'accompagne de la fermeture progressive de 27 quartiers mineurs, dont 6 partiellement, correspondant au total à 430 places, et de la rénovation des quartiers maintenus. A la fin de l'année 2007, le programme de rénovation des quartiers pour mineurs, engagé en 2003, avait permis de créer 330 places aux normes et d'en remettre 326 à niveau.
Au 1 er juillet 2008, la capacité totale d'accueil de mineurs était de 1.117 places sur 78 établissements pénitentiaires.
Lors de ses déplacements, votre rapporteur a constaté que, malgré ces réalisations, la séparation des mineurs et des majeurs incarcérés n'est pas toujours assurée, en particulier pour les jeunes filles. Ainsi, à Marseille, elles sont incarcérées aux Baumettes plutôt que dans l'établissement pénitentiaire pour mineurs. Certains interlocuteurs de votre rapporteur se sont d'ailleurs interrogés sur l'opportunité de maintenir un quartier pour les filles dans les EPM, en faisant valoir qu'il était probablement moins nocif, pour les mineures, d'être incarcérées avec des majeures plutôt qu'avec de jeunes garçons.
Enfin, il convient d'observer que la création des centres éducatifs fermés, en application de la loi du 9 septembre 2002 précitée, a offert aux juridictions des enfants une alternative à l'incarcération, qui fut vivement contestée à ses débuts mais dont les résultats paraissent aujourd'hui positifs : près de 61 % des mineurs accueillis dans ces centres, au nombre de 37 à la fin de l'année 2008, ne récidivent pas dans l'année qui suit leur sortie.
. Les Règles des Nations unies énoncent également que « toutes les mesures disciplinaires qui constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant, telles que les châtiments corporels, la réclusion dans une cellule obscure ou en isolement, et toute punition qui peut être préjudiciable à la santé physique ou mentale d'un mineur doivent être interdites. [...] L'interdiction des contacts avec la famille doit être exclue, quelle qu'en soit la raison. »
A cet égard, l'article 53 du projet de loi dispose que le placement des détenus mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire doit revêtir un caractère exceptionnel et ne doit pas excéder sept jours. Il ajoute qu'en cas d'urgence, ils peuvent faire l'objet à titre préventif d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle, cette mesure ne pouvant excéder deux jours ouvrables.
Par un amendement insérant un article additionnel après l'article 53, votre commission vous propose en outre d'interdire dans la loi le placement à l'isolement administratif d'un détenu mineur . Si cette interdiction est actuellement prévue par un décret de mai 2008, il convient d'observer qu'un décret du 21 mars 2006, annulé sur ce point par le Conseil d'Etat le 17 octobre dernier, avait soumis les détenus mineurs au même régime que les détenus majeurs.
La famille doit jouer un rôle de tout premier plan dans la préparation à la réintégration du mineur au sein de la collectivité. Selon les règles des Nations unies, « tout doit être mis en oeuvre pour que les mineurs aient suffisamment de contact avec le monde extérieur car ceci fait partie intégrante du droit d'être traité humainement et est indispensable pour préparer les mineurs au retour dans la société » ; « Tout mineur doit avoir le droit de recevoir des visites régulières et fréquentes de membres de sa famille [...] dans des conditions tenant compte du besoin du mineur de parler sans témoin, d'avoir des contacts et de communiquer sans restriction avec les membres de sa famille. Tout mineur doit avoir le droit de communiquer par écrit ou par téléphone avec la personne de son choix, sauf interdiction légale [...]. »
En 2007, la Commission nationale consultative des droits de l'homme soulignait que « de nombreuses familles rencontrent les plus grandes difficultés pour assurer des visites régulières à leurs enfants, du fait de l'éloignement et de la faiblesse de leurs ressources financières. D'autres peuvent ressentir comme une honte rejaillissant sur tous, le fait qu'un des membres soit écroué. D'une manière générale, la séparation est accentuée par la grande difficulté qu'éprouvent la plupart de ces jeunes à s'exprimer par écrit, ce qui empêche ou limite considérablement les correspondances 90 ( * ) . »
Lors de ses déplacements, votre rapporteur a toutefois constaté que les situations différaient d'un établissement à l'autre. Ainsi, les visites des familles des mineurs détenus à l'EPM de Marseille étaient-elles régulières, tandis qu'elles étaient plus rares à Lavaur et à Meyzieu.
Le projet de loi de réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui devrait être soumis au Parlement dans les prochains mois, constituera le cadre idoine pour traiter de manière plus approfondie la question de l'incarcération des mineurs.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 25 sans modification .
Article 26 Obligation d'une activité à caractère éducatif pour les mineurs de 16 à 18 ans
Cet article dispose que les mineurs, lorsqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif .
Considérant que l'oisiveté constitue l'un des grands maux dont souffrent les personnes incarcérées, votre commission approuve sans réserve ces dispositions, d'autant qu'elle vous propose de soumettre l'ensemble des personnes détenues à une obligation d'activité (article additionnel après l'article 11).
Votre commission vous propose d'adopter l'article 26 sans modification .
Article 27 Décret en Conseil d'Etat
Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les règles relatives aux droits des détenus.
Votre commission vous propose de l'adopter sans modification .
CHAPITRE IV DISPOSITIONS DIVERSES
Article 28 Participation des collectivités territoriales à la politique pénitentiaire
Cet article vise, d'une part, à fixer aux collectivités territoriales l'obligation de communiquer au garde des sceaux les éléments utiles au suivi de l'exécution des décisions pénales ; d'autre part à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les conditions dans lesquelles les collectivités participent aux instances chargées de l'évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires et du suivi des politiques pénitentiaires.
Au titre de son pouvoir de police et plus généralement du rôle dont il est investi en matière de prévention de la délinquance, le maire peut disposer d'informations utiles pour l'exécution des décisions pénales.
La loi n° 2007-297 du 2 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a confié au maire un rôle pilote dans la prévention de la délinquance : - il anime sur le territoire de la commune la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre ; - dans les communes de plus de 10.000 habitants ou dans celles comprenant une zone urbaine sensible, le maire préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales). Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, son président anime, sous réserve du pouvoir de police des maires, les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence. Le président de l'intercommunalité préside 91 ( * ) un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (article L. 5211-59 du code général des collectivités territoriales). Enfin, le conseil général concourt également aux actions de prévention dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale (article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales). L'échange d'informations dans le domaine de la prévention de la délinquance s'inscrit, en vertu des articles L. 2215-2 et 2512-15 du code général des collectivités territoriales modifiés par l'article premier de la loi du 5 mars 2007, dans le cadre de conventions signées entre le maire, l'Etat et le procureur de la République. Par ailleurs, les faits et informations à caractère confidentiel échangés dans le cadre des groupes de travail constitués au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ne peuvent être communiqués à des tiers. Selon les explications apportées à votre rapporteur, les informations visées par le présent article viseraient les politiques locales d'insertion mises en oeuvre, la connaissance du tissu associatif et de tous les services publics de la commune susceptibles de présenter un lien avec l'établissement. Ce type d'informations recouvre, pour une large part, les sujets susceptibles d'être abordés dans le cadre des conventions mentionnées par le code général des collectivités territoriales. Ainsi, l'articulation de l'obligation nouvelle qui serait assignée aux collectivités locales avec les dispositions actuelles pourrait s'avérer difficile. Votre commission marque sa préférence pour le cadre conventionnel, quitte à renforcer les échanges entre les collectivités territoriales et l'administration pénitentiaire dans le cadre des nouvelles instances de concertation que prévoit le Gouvernement. Elle vous propose de ne pas retenir ce dispositif contraignant. Votre commission suggère par ailleurs de mentionner l'association des collectivités territoriales aux instances d'évaluation et de suivi en matière pénitentiaire dans un article additionnel qu'elle vous a proposé d'insérer après l'article 2 du projet de loi. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement tendant à la suppression de l'article 28. |
Article 29 Changement de désignation de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice
Cet article consacre dans la loi la modification de l'appellation de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice désormais intitulée « Agence publique pour l'immobilier de la justice ». Par ailleurs, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, cette dénomination pourrait être changée par décret.
Cette agence, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la justice, a pour mission de construire, rénover et réhabiliter les parloirs de justice, les établissements pénitentiaires, ceux de la protection judiciaire de la jeunesse et les écoles de formation du ministère. Bien que créée par le décret n° 2001-798 du 31 août 2001, l'agence est mentionnée par l'article 205 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui a élargi les missions de cet établissement public à la totalité des prérogatives du maître d'ouvrage.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 29 sans modification .
Article 30 Abrogation
Cet article abroge l'article premier de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire dans la mesure où les missions de ce service public sont désormais définies à l'article premier du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 30 sans modification .
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES
AU PRONONCÉ DES PEINES, AUX ALTERNATIVES À LA DÉTENTION
PROVISOIRE, AUX AMÉNAGEMENTS DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ ET
À LA DÉTENTION
CHAPITRE IER DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
PÉNAL
Article 31 Annonce des modifications du code pénal
Cet article a pour unique objet d'annoncer que les dispositions de ce chapitre modifient le code pénal.
Cette méthode pour le moins inhabituelle est destinée à alléger ensuite la rédaction du projet de loi. Elle implique également de veiller à éviter l'insertion dans ce chapitre d'amendements concernant d'autres textes.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 31 sans modification .
SECTION 1 Des aménagements de peines
Article 32 (art. 132-24 du code pénal) Affirmation du caractère subsidiaire de l'emprisonnement ferme et de la nécessité de prévoir son aménagement
Cet article pose les principes du caractère subsidiaire de la peine d'emprisonnement 92 ( * ) ferme, en matière correctionnelle, et de la nécessité de l'aménager lorsqu'elle est prononcée.
. L'article 132-24 du code pénal exprime actuellement le principe de la personnalisation des peines 93 ( * ) , au stade du jugement, en ces termes :
« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction .
« La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions . »
. A l'avenir, il serait complété par un troisième alinéa énonçant, en premier lieu, que l' emprisonnement ferme ne peut être prononcé, en matière correctionnelle, qu'à une double condition :
- d'une part, que cette peine soit nécessaire , compte tenu de la gravité de l'infraction et de la personnalité de son auteur ;
- d'autre part, que toute autre sanction soit manifestement inadéquate .
La liberté du juge dans la détermination de la peine se trouverait ainsi davantage encadrée 94 ( * ) .
Aux termes de l'article 131-3 du code pénal, les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont actuellement : l'emprisonnement, l'amende, le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d'intérêt général, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 95 ( * ) , les peines complémentaires prévues à l'article 131-10 96 ( * ) , ainsi que la sanction réparation.
L'objectif de cette énumération, qui brouille la distinction classique entre peines principales, alternatives et complémentaires, était à l'époque, selon l'exposé des motifs du projet de loi instituant une peine incompressible et portant diverses dispositions de droit pénal et de procédure pénale 97 ( * ) , de rappeler que « l'emprisonnement, en l'état de notre société, ne saurait disparaître de notre système de peine (...) » mais de souligner que « la prison ne doit point demeurer le fondement principal sinon exclusif du système des peines correctionnelles. Toujours nécessaire à la répression des délits les plus graves, l'emprisonnement ne doit pas apparaître comme une peine inévitable et usuelle . »
Peines principales, alternatives et complémentaires La peine principale est une peine qui, prévue par la loi à titre principal pour sanctionner un comportement déterminé, caractérise à la fois l'existence d'une infraction pénale et la nature criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle de celle-ci. La privation de liberté et l'amende sont aujourd'hui les deux seules peines principales. Toute infraction doit donc nécessairement être punie de l'une ou l'autre. La peine alternative est une peine qui, prévue dans une disposition de portée générale, peut toujours être prononcée par le juge à titre principal pour remplacer l'une des peines légalement encourues. Elle ne peut donc, par définition, être seule encourue et ne peut davantage être prononcée en même temps que la peine qu'elle est censée remplacer. Les peines alternatives n'ont cessé de se diversifier et de s'étendre pour remplacer non seulement l'emprisonnement mais aussi l'amende encourue pour les délits et les contraventions de la cinquième classe. En revanche, le mécanisme est inapplicable en matière criminelle. Les peines complémentaires sont des peines spécifiquement prévues pour chaque infraction et destinées à compléter les peines principales, aussi bien en matière correctionnelle et contraventionnelle qu'en matière criminelle. Ainsi, en principe, elles se cumulent. Toutefois, en matière correctionnelle, l'article 131-11 du code pénal prévoit que ces peines peuvent être prononcées, à titre de peine principale, à la place des peines principales encourues. Source : Frédéric Desportes, Francis Le Gunehec - Droit pénal général - Economica - Quatorzième édition. |
Après avoir suscité un certain engouement au XIX ème siècle, en réaction aux supplices infligés aux condamnés sous l'Ancien droit, puis un véritable désenchantement voire une franche hostilité, en raison de ses effets criminogènes, l'emprisonnement apparaît désormais comme un mal nécessaire.
334.329 peines privatives de liberté ont été prononcées en 2007 , réparties entre : 1.317 peines de détention et de réclusion (0,4 %), 100.064 peines d'emprisonnement ferme (29,9 %) , 29.006 peines d'emprisonnement avec sursis partiel (8,7 %), 203.942 peines d'emprisonnement avec sursis total (61 %).
Le projet de loi pénitentiaire franchit une étape supplémentaire dans cette évolution des mentalités et des textes en affirmant que l'emprisonnement ferme doit revêtir un caractère subsidiaire.
Les dispositions proposées répondent ainsi tant aux recommandations du Conseil de l'Europe 98 ( * ) qu'aux préconisations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire 99 ( * ) .
Elles ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des peines d'emprisonnement, quelles que soient les procédures suivant lesquelles elles sont prononcées.
Sans doute eût-il été plus élégant et solennel d'affirmer que toute privation de liberté doit constituer une sanction de dernier recours. Toutefois, il s'avère plus exact d'énoncer, comme le fait le projet de loi, que seul l'emprisonnement correctionnel doit revêtir un caractère subsidiaire dans la mesure où :
- d'une part, la réclusion ou la détention constitue la seule peine principale encourue par les auteurs de nombreux crimes, qui ne peuvent se voir infliger ni une amende ni une peine alternative ;
- d'autre part, l'emprisonnement contraventionnel a été supprimé par la loi n° 93-913 du 19 juillet 1993 reportant l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, conformément à une jurisprudence du Conseil constitutionnel datant de... 1973 100 ( * ) .
Votre commission vous soumet en revanche un amendement ayant pour objet, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe et du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, de marquer solennellement que la peine d'emprisonnement ferme, en matière correctionnelle, constitue un ultime recours .
En application de l'article 132-19 du code pénal, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement correctionnel sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. Depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, elle est toutefois dispensée de cette obligation de motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. Dans cette hypothèse, la juridiction de jugement est d'ailleurs parfois tenue de prononcer une peine d'emprisonnement assortie d'une partie ferme.
. Le texte proposé pour compléter l'article 132-24 du code pénal énonce, en second lieu, l' exigence d'un aménagement des peines d'emprisonnement ferme prononcées en matière correctionnelle : « la peine d'emprisonnement doit dans la mesure du possible, lorsque les conditions légales le permettent, faire l'objet d'un placement sous surveillance électronique ou d'une des autres mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 », c'est-à-dire la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le fractionnement. Cet aménagement pourrait être décidé soit au stade du jugement soit au stade de l'exécution de la peine.
Par amendement , votre commission vous propose d' affirmer plus nettement le principe de la nécessité des aménagements de peine en prévoyant qu'ils doivent être accordés, sauf impossibilité matérielle, si la personnalité et la situation du condamné le permettent.
Les critères de la personnalité et de la situation du condamné reprennent ceux énoncés par l'article 38 du projet de loi pour l'article 707 du code de procédure pénale. Il semble plus précis et plus directif de prévoir que la peine doit être aménagée « sauf impossibilité matérielle » plutôt que « dans la mesure du possible ». Enfin, le rappel de la nécessité de respecter les conditions légales des aménagements de peine paraît superflu.
Par un troisième amendement , votre commission vous propose de laisser à la juridiction qui décide d'accorder une mesure d'aménagement de peine le libre choix de la mesure la plus appropriée à la personnalité et à la situation de la personne condamnée : semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement.
La rédaction retenue par le projet de loi met en effet inconsidérément en avant le placement sous surveillance électronique, alors que chacun sait que cette mesure ne peut être supportée ni par tous les condamnés ni sur une longue période.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 32 ainsi modifié .
Article 33 (art. 132-25, 132-26, 132-26-1 et 132-27 du code pénal) Extension des possibilités d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement correctionnel
Cet article étend les possibilités d'aménagement ab initio , sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur, du placement sous surveillance électronique ou du fractionnement, des peines d'emprisonnement prononcées par les tribunaux correctionnels.
. La semi-liberté et le fractionnement peuvent être ordonnés par la juridiction de jugement depuis la réforme du code pénal. Il en va de même, depuis le 1 er janvier 2005 et en vertu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, du placement extérieur et du placement sous surveillance électronique.
Aux termes de l'article 132-25 du code pénal, l'octroi de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur , au stade du jugement, est subordonné à une double condition :
- les faits ne doivent pas excéder une certaine gravité, puisque la peine d'emprisonnement prononcée doit être inférieure ou égale à un an , du moins sa partie ferme 101 ( * ) ;
- la mesure doit répondre à un intérêt légitime pour le condamné ou ses proches, puisque celui-ci doit justifier « soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de son assiduité à un enseignement ou une formation professionnelle ou encore d'un stage ou d'un emploi temporaire en vue de son insertion sociale, soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille, soit de la nécessité de subir un traitement médical ».
Selon l'article 132-26-1, le placement sous surveillance électronique est subordonné à ces deux mêmes conditions, auxquelles s'ajoute l'exigence de l' accord de l'intéressé 102 ( * ) .
Les articles 132-26 et 132-26-3 prévoient que la juridiction de jugement peut également soumettre le condamné admis au bénéfice de l'une de ces mesures aux obligations et interdictions prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve par les articles 132-43 à 132-46, comme par exemple l'interdiction de rencontrer la victime ou de paraître dans certains lieux ou l'obligation de rembourser la victime ou de suivre un traitement médical.
Enfin, les articles 132-25 et 132-26-1 disposent que la juridiction peut ordonner l'exécution provisoire de ces mesures.
Il revient au juge de l'application des peines de déterminer les modalités pratiques de leur mise en oeuvre 103 ( * ) , en particulier de fixer les horaires d'entrée et de sortie de l'établissement pénitentiaire 104 ( * ) , d'ordonner le retrait de la mesure et donc l'incarcération du condamné en cas de violation par ce dernier de ses obligations, de mauvaise conduite ou si les conditions ayant justifié son prononcé ne sont plus remplies 105 ( * ) , ou encore de substituer une mesure à une autre, par exemple de remplacer le placement sous surveillance électronique par une semi-liberté 106 ( * ) .
S'agissant du fractionnement , l'article 132-27 du code pénal prévoit qu'en matière correctionnelle, la juridiction peut, pour « motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou social », décider que l'emprisonnement prononcé pour une durée d'un an au plus sera, pendant une période n'excédant pas trois ans, exécuté par fractions, aucune d'entre elles ne pouvant être inférieure à deux jours.
Les mesures d'aménagement de peine prononcées ab initio , sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, ne sont pas distinguées au sein des statistiques du ministère de la justice. Quant au fractionnement, il n'apparaît même pas, ce qui témoigne sans doute du fait qu'il est rarement ordonné.
Selon un sondage effectué par l'Association nationale des juges de l'application des peines au mois de mars 2007, auquel 105 magistrats ont répondu 107 ( * ) , près de 60 % avaient déjà mis en oeuvre une mesure d'aménagement de peine ordonnée par le tribunal correctionnel. La mesure la plus fréquemment prononcée était la semi-liberté, sans doute parce qu'elle est la plus aisée à appréhender, à la différence du placement sous surveillance électronique, qui nécessite une enquête de faisabilité, ou encore des placements à l'extérieur, qui exigent une connaissance aiguë des postes disponibles.
Ces résultats s'expliquent sans doute par le fait que la juridiction de jugement manque d'éléments pour prononcer de tels aménagements de peine en connaissance de cause.
Pour y remédier, M. Eric Senna, conseiller à la cour d'appel de Montpellier, a suggéré d'exiger du ministère public, lorsqu'il requiert à l'audience une peine d'emprisonnement ferme susceptible de faire l'objet d'un aménagement ab initio , qu'il ait préalablement fait diligenter une enquête sociale rapide.
Les représentants de l'Union syndicale des magistrats ont cependant marqué leur opposition à la systématisation de ces enquêtes préalables en raison de l'alourdissement des procédures de poursuites qui en résulterait : « cela contribuerait à engorger les SPIP pour un bénéfice très restreint . » Ils ont également estimé qu'il n'était « pas opportun de mélanger le temps du prononcé de la peine, avec son poids symbolique, et la phase de l'exécution, de l'application de la peine. ».
. En dépit de ces difficultés pratiques et des réserves de fond exprimées par de nombreux magistrats, le projet de loi tend à favoriser l'aménagement ou le fractionnement ab initio des peines d'emprisonnement, de trois manières.
En premier lieu, il ouvre la possibilité d'aménager 108 ( * ) ou de fractionner 109 ( * ) les peines prononcées d'une durée égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement , et non plus à un an.
Ces peines se situent au cinquième degré de l'échelle instaurée par l'article 131-4 du code pénal, qui en compte huit 110 ( * ) .
Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, elles ont représenté plus de 93 % des peines privatives de liberté prononcées en 2006 : les peines d'une durée inférieure à six mois en ont représenté 74,5 %, celles d'une durée comprise entre six mois et un an 13,3 % et celles comprises entre un et deux ans 5,9 %.
Le tableau ci-après retrace leur évolution.
Nombre de condamnations à des peines
d'emprisonnement
|
|||||
2000 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
un an et moins |
87 854 |
97 999 |
104 638 |
106 519 |
114 626 |
plus d'un an à deux ans |
5 643 |
7 429 |
7 534 |
7 015 |
7 776 |
plus de 2 ans |
6 475 |
7 862 |
8 129 |
7 611 |
7 985 |
Total |
99 972 |
113 290 |
120 301 |
121 145 |
130 387 |
Source : ministère de la justice (casier judicaire national). |
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de spécifier que la juridiction de jugement peut aménager « en tout ou partie » la peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans qu'elle prononce, au moyen de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique.
Il s'agit de lui offrir davantage de souplesse dans la détermination de la peine. Ainsi, une personne pourra être condamnée à exécuter une peine d'un an d'emprisonnement ferme en subissant six mois en détention et six mois de placement sous surveillance électronique.
Par un autre amendement , elle vous propose de faciliter le fractionnement d'une peine d'emprisonnement :
- d'une part, en supprimant l'exigence selon laquelle le motif d'ordre médical, familial, professionnel ou social pouvant le justifier doit être « grave » ;
- d'autre part, en prévoyant que l'emprisonnement prononcé pourra être exécuté par fractions pendant une période n'excédant pas quatre ans, contre trois ans, ce qui paraît cohérent avec l'augmentation du quantum des peines susceptibles d'être fractionnées.
En deuxième lieu, le projet de loi permet à la juridiction de jugement d'accorder le bénéfice de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, lorsqu'elle prononce une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à deux ans , à la double condition que cet emprisonnement soit partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve et que la partie ferme de la peine soit inférieure ou égale à deux ans . Il lève ainsi les incertitudes que pouvait susciter la rédaction actuelle du code pénal.
En troisième et dernier lieu, le projet de loi ouvre à la juridiction de jugement la faculté d'accorder le bénéfice de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique au condamné qui justifie de la « recherche assidue d'un emploi » ou de « tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion », et plus seulement de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire, du suivi assidu d'un enseignement ou d'une formation professionnelle, de sa participation essentielle à la vie de sa famille ou de la nécessité de « suivre » -et non plus de « subir »- un traitement médical.
Ces dispositions, qui suscitent un large assentiment, vont au-delà des préconisations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire , tendant à autoriser la semi-liberté ou le placement à l'extérieur « aux fins de recherche d'emploi » seulement : « Certains condamnés en fin de peine sont confrontés à la nécessité d'effectuer diverses démarches ou de subir divers tests, examens ou entretiens de pré-embauche, dans le cadre de la recherche d'un emploi. Ils ne peuvent toutefois bénéficier d'une mesure de semi-liberté ou de placement à l'extérieur, les dispositions de l'article 132-26 du code pénal limitant le recours à ces mesures aux seules fins d'activité professionnelle, ou d'enseignement, de formation professionnelle, de stage, de participation à la vie familiale ou de traitement 111 ( * ) . ».
S'agissant de la recherche d'emploi, elles donnent une base légale à une pratique déjà observée par les juridictions en vertu d'une circulaire du ministère de la justice du 27 avril 2006. Quant aux autres projets sérieux d'insertion ou de réinsertion, il pourra par exemple s'agir d'un engagement associatif du condamné. Force est, en effet, de constater que de nombreux condamnés sont fortement éloignés du marché du travail.
En outre, le projet de loi apporte deux précisions aux textes en vigueur :
- les dispositions proposées pour l'article 132-25 (1° du I) et pour l'article 132-26-1 (III) du code pénal suppriment la mention, superfétatoire, selon laquelle l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire, et le suivi assidu d'un enseignement ou d'une formation professionnelle doivent avoir pour objet « l'insertion sociale » du condamné ;
- les dispositions proposées pour l'article 132-26 du code pénal (2° du II) tirent la conséquence de la multiplicité des cas dans lesquels le condamné peut être admis au bénéfice du placement à l'extérieur, en prévoyant qu'il est « astreint », et non pas « employé », sous le contrôle de l'administration, à effectuer des « activités », et non pas des « travaux », en dehors de l'établissement pénitentiaire.
Enfin, le 3° du I supprime la mention de la possibilité, pour la juridiction de jugement, d'ordonner l'exécution provisoire de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur lorsque le placement ou le maintien en détention du condamné a été ordonné en application de l'article 397-4 du code de procédure pénale, par coordination avec l'insertion de ces dispositions à l'article 471 du code de procédure pénale que prévoit l'article 55 du projet de loi.
Par amendement , votre commission vous propose de procéder à cette même coordination à l'article 132-26-1 du code pénal, relatif au placement sous surveillance électronique.
Elle vous propose d'adopter l'article 33 ainsi modifié .
SECTION 2 Du travail d'intérêt général
Article additionnel avant l'article 34 (art. 131-8 du code pénal) Extension de l'amplitude horaire du travail d'intérêt général
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de donner une traduction législative à une préconisation du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire destinée à développer le travail d'intérêt général.
. Introduit dans notre droit par la loi du 10 juin 1983, le travail d'intérêt général a d'abord été conçu comme une peine alternative à l'emprisonnement, qu'il peut donc remplacer chaque fois que celui-ci est encouru pour un délit 112 ( * ) . Applicable aux mineurs de 16 à 18 ans 113 ( * ) , cette peine ne peut être prononcée que si elle est expressément acceptée par le prévenu, présent à l'audience.
Le travail d'intérêt général présente un triple intérêt : sanctionner le condamné en lui faisant effectuer une activité au profit de la société, dans une démarche réparatrice, tout en lui laissant la possibilité d'assumer ses responsabilités familiales, sociales et matérielles ; permettre au tribunal d'éviter de prononcer une peine d'emprisonnement de courte durée, dès lors qu'elle ne s'avère pas indispensable eu égard à la personnalité du condamné et à la gravité des faits qui lui sont reprochés ; impliquer la collectivité dans un dispositif de réinsertion sociale des condamnés.
Telles sont les raisons pour lesquelles il doit être encouragé.
Le travail d'intérêt
général
dans les condamnations inscrites au casier judiciaire
national
année |
Sursis TIG |
TIG substitution |
TIG peine principale |
2001 |
8 974 |
9 143 |
0 |
2002 |
8 918 |
8 663 |
0 |
2003 |
8 822 |
9 558 |
0 |
2004 |
9 999 |
11 085 |
0 |
2005 |
9 839 |
14 167 |
0 |
2006 |
9 697 |
15 208 |
0 |
2007 |
9 297 |
15 770 |
6 |
Source : ministère de la justice. |
A cette fin, l'amendement qui vous est soumis modifie l'article 131-8 du code pénal afin d' étendre l'amplitude horaire du travail d'intérêt général , lorsqu'il est prescrit à titre de peine alternative à l'emprisonnement, en prévoyant que sa durée peut être comprise entre 20 et 400 heures, contre une amplitude actuelle de 40 à 210 heures 114 ( * ) .
Comme le souligne le rapport du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire :
« La fixation à 40 heures de la durée minimum du travail d'intérêt général parait parfois inadaptée, notamment au regard de la durée légale hebdomadaire du travail. La possibilité de prononcer des peines de travail d'intérêt général à partir d'un seuil de 20 heures permettrait de sanctionner de petits délits (infractions les moins graves au code de la route par exemple) commis par des prévenus désargentés et éviterait le recours à l'emprisonnement avec sursis souvent dépourvu de signification.
« Inversement le maximum de 210 heures apparaît dans quelques cas (certes limités) insuffisant vis-à-vis de prévenus qui pourraient, à l'occasion d'un travail d'intérêt général, être insérés dans une formation qualifiante . »
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer avant l'article 34.
Article 34 (art. 131-22 du code pénal) Exécution d'un travail d'intérêt général pendant une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un aménagement de peine
Cet article a pour objet de permettre l'exécution d'un travail d'intérêt général pendant une assignation à résidence avec surveillance électronique, un placement à l'extérieur, une semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique.
Selon les termes actuels du premier alinéa de l'article 131-22 du code pénal : « La juridiction qui prononce la peine de travail d'intérêt général fixe le délai pendant lequel le travail d'intérêt général doit être accompli dans la limite de dix-huit mois. Le délai prend fin dès l'accomplissement de la totalité du travail d'intérêt général ; il peut être suspendu provisoirement pour motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou social 115 ( * ) . Ce délai est suspendu pendant le temps où le condamné est incarcéré ou pendant le temps où il accomplit les obligations du service national 116 ( * ) . »
Les dispositions proposées, qui réécrivent la dernière phrase de cet alinéa, ont un double objet :
- prévoir la suspension automatique du délai de dix-huit mois dans lequel le travail d'intérêt général doit être accompli pendant le temps où le condamné est assigné à résidence avec surveillance électronique , afin de tirer la conséquence de la création de cette nouvelle alternative à la détention provisoire par l'article 37 du projet de loi ;
- permettre l'exécution d'un travail d'intérêt général en même temps qu'une telle assignation, un placement à l'extérieur, une semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique .
Bien des condamnés, hélas, sont en effet poursuivis dans d'autres affaires.
Il arrive ainsi qu'une personne condamnée à une peine d'emprisonnement dans une première affaire bénéficie d'un placement à l'extérieur, d'une semi-liberté ou d'un placement sous surveillance électronique puis soit condamnée à un travail d'intérêt général pour une autre affaire. Les modalités d'exécution de la mesure d'aménagement de peine et du travail d'intérêt général étant parfois compatibles, les dispositions du projet de loi paraissent justifiées.
A l'avenir, il pourra également arriver qu'une personne condamnée à exécuter une peine de travail d'intérêt général pour tel ou tel délit se trouve par la suite mise en examen dans une autre affaire et assignée à résidence avec surveillance électronique. Suivant les cas, les modalités de son assignation à résidence l'empêcheront ou non de poursuivre son travail d'intérêt général : il convient donc de prévoir la suspension du délai d'exécution de la peine sans pour autant interdire son exécution.
Votre commission vous soumet deux amendements rédactionnels et vous propose d'adopter l'article 34 ainsi modifié .
Article 35 (art. 132-54, 132-55 et 132-57 du code pénal) Sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général
Les articles 132-54 à 132-57 du code pénal définissent les conditions dans lesquelles une juridiction peut assortir une peine d'emprisonnement avec sursis de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général pour une durée de quarante à deux cent dix heures 117 ( * ) .
Le sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général présente un triple intérêt par rapport à la peine alternative de travail d'intérêt général :
- il est applicable en matière criminelle, même si cet intérêt reste assez théorique ;
- il permet de soumettre le condamné à des obligations particulières 118 ( * ) pendant une durée qui ne peut actuellement excéder douze mois ;
- la sanction de l'inexécution du travail d'intérêt général est plus efficace puisqu'elle consiste en la révocation du sursis, et non dans une infraction autonome nécessitant de nouvelles poursuites.
La condamnation doit être considérée comme non avenue dès que l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général est satisfaite.
Pour autant, depuis le 31 décembre 2006 et en application de l'article 178 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la juridiction peut décider que les autres obligations particulières imposées au condamné perdureront au-delà de l'accomplissement du travail d'intérêt général, dans un délai qui ne peut excéder douze mois . Il s'agit, comme l'indiquait notre collègue François Zocchetto, rapporteur de ce texte, « de permettre un suivi réel des condamnés dont la situation fait craindre des risques élevés de récidive 119 ( * ) ».
Dans un souci d' harmonisation avec le maintien à dix-huit mois du délai maximal d'exécution d'un travail d'intérêt général 120 ( * ) et conformément à la position constante de votre commission des lois, le premier paragraphe (I) de cet article modifie les articles 132-54 et 132-55 du code pénal afin de porter de douze à dix-huit mois la durée de ce délai d'épreuve .
L'article 132-57 du code pénal permet au juge de l'application des peines, lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme de six mois au plus a été prononcée et n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, de convertir cette peine en un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en une peine de jours-amende 121 ( * ) .
L'objet et l'originalité de ces dispositions sont d'offrir une alternative à l'incarcération après le prononcé de la condamnation.
Le second paragraphe de cet article (II) étend ces possibilités de conversion :
- aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel 122 ( * ) , assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, étant précisé que, dans cette hypothèse, la partie de la peine avec sursis demeurerait applicable après l'exécution du travail d'intérêt général ;
- aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d'un sursis 123 ( * ) .
Souscrivant à ces dispositions votre commission vous soumet deux amendements , ayant pour objet, outre des coordinations :
- d'une part, d' unifier les règles relatives à la durée du travail d'intérêt général et aux personnes auprès desquelles il peut être exécuté , avec celles prévues lorsque le travail d'intérêt général est prescrit à titre de peine alternative à l'emprisonnement 124 ( * ) ;
- d'autre part, et sur la suggestion de l'Association nationale des juges de l'application des peines, de prévoir qu'en cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende 125 ( * ) .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 35 ainsi modifié .
CHAPITRE II DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
Article 36 Modification du code de procédure pénale
Cet article indique que les modifications introduites par le chapitre II du projet de loi pénitentiaire portent sur le code de procédure pénale.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 36 sans modification .
SECTION 1 De l'assignation à résidence avec surveillance électronique
Article 37 Assignation à résidence avec surveillance électronique
Cet article institue l'assignation à résidence avec surveillance électronique pour les personnes mises en examen.
Ce nouveau dispositif constituerait une modalité de contrôle intermédiaire entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire. Il vise à limiter le recours à celle-ci en mettant en place un système de surveillance plus efficace que ne l'est le contrôle judiciaire.
Les mesures susceptibles d'être prononcées au titre du contrôle judiciaire prévoient déjà l'interdiction de s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention aux seules conditions déterminées par ce magistrat (art.138-2°- du code de procédure pénale). En outre, depuis la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation de la justice, cette obligation du contrôle judiciaire peut s'exécuter sous le régime du placement sous surveillance électronique fixe.
Cependant, ce dispositif est peu utilisé 126 ( * ) dans la mesure où la durée correspondant au placement sous surveillance électronique ne s'impute pas, contrairement à la détention provisoire, sur la peine privative de liberté qui pourrait être prononcée à l'encontre du mis en examen, alors même que la mesure présente une forte contrainte pour l'intéressé.
Le mécanisme proposé par le projet de loi pénitentiaire devrait permettre de surmonter ces difficultés.
Le principe même d'une assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique a pour la première fois été introduit par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'imputabilité pour cause de trouble mental, à l'initiative de votre rapporteur au nom de la commission des lois.
Cette obligation applicable aux personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à 15 ans pour l'un des crimes visés par l'article 706-53-13 du code de procédure pénale 127 ( * ) dans le cadre soit de la surveillance judiciaire (art. 723-30 du code de procédure pénale), soit du suivi socio-judiciaire (art. 763-3) emporte pour l'intéressé l'interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par celui-ci. Le code de procédure pénale prévoit que les périodes et les lieux sont fixés en tenant compte de l'exercice d'une activité professionnelle par le condamné ; du fait qu'il suit un enseignement ou une formation, effectue un stage ou occupe un emploi temporaire en vue de son insertion sociale ; de la participation à la vie de la famille ; de la prescription d'un traitement médical.
Le I du présent article modifie l'intitulé de la section 8 du chapitre premier du titre III du livre premier afin d'insérer l'assignation à résidence entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire.
Article 137 du code de procédure pénale Assignation à résidence avec surveillance électronique
Le II du présent article propose une réécriture de l'article 137 du code de procédure pénale afin d'ajouter l'assignation à résidence aux deux mesures -contrôle judiciaire ou détention provisoire- susceptibles d'être appliquées à la personne mise en examen.
La nouvelle rédaction reprend pour partie la formulation actuelle de l'article 137. Celle-ci pose pour principe que « la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre ».
La version proposée par le projet de loi se veut plus précise en visant « toute » personne mise en examen et en indiquant que cette liberté prévaut « pendant le déroulement de l'information ».
Cette dernière précision, qui peut donner le sentiment d'une restriction, ne parait pas indispensable et votre commission vous propose de la supprimer par un amendement .
Par ailleurs, alors qu'actuellement, la détention provisoire peut être décidée « à titre exceptionnel » dès lors que le contrôle judiciaire se révèle insuffisant, trois dispositifs de contrôle seraient désormais distingués selon leur rigueur croissante :
- les obligations du contrôle judiciaire auxquelles peut être astreinte la personne en raison des nécessités de l'instruction ou à titre des mesures de sûreté ;
- lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes, l'assignation à résidence avec surveillance électronique ;
- enfin, à titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, le placement en détention provisoire.
Le III du présent article insère une nouvelle sous-section II intitulée « De l'assignation à résidence avec surveillance électronique » comportant neuf articles et procède en conséquence à un changement de numérotation des sous-sections II « De la détention provisoire » et III « De la réparation en raison d'une détention » qui deviennent respectivement les sous-sections III et IV.
Autorité compétente |
Accord de l'intéressé |
Quantum de peine encourue |
Débat contradictoire |
|
Contrôle judiciaire |
Juge d'instruction et juge des libertés et de la détention |
non |
Peine d'emprisonnement ou peine plus grave |
non |
Assignation à résidence |
Juge d'instruction et juge des libertés et de la détention |
oui |
Peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins 2 ans ou peine plus grave |
oui |
Détention provisoire |
Juge des libertés et de la détention |
non |
Peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins 3 ans ou peine plus grave |
oui |
Sous-section II De l'assignation à résidence avec surveillance électronique
Article 142-5 du code de procédure pénale Condition et teneur de la mesure
Cet article définit les conditions de mise en oeuvre de l'assignation à résidence et la teneur de la mesure.
L'assignation à résidence peut être ordonnée par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention sous deux conditions :
- l'intéressé doit donner son accord à la mesure ou l'avoir demandée ; cette condition est conforme au principe actuel selon lequel la surveillance électronique -fixe ou mobile-, dont sera nécessairement assortie l'assignation, implique l'accord de la personne ;
- il encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans d'emprisonnement ou une peine plus grave.
L'article définit l'assignation à résidence comme l'obligation pour la personne de demeurer dans son domicile ou une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par le magistrat.
L'obligation serait exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique fixe (PSE) ou mobile (PSEM) dont les conditions actuelles de mise en oeuvre seraient reprises sous réserve de l'adaptation nécessaire conduisant à confier au juge d'instruction les compétences actuellement attribuées au juge de l'application des peines.
Le placement sous surveillance électronique mobile ne serait applicable qu'à la personne mise en examen pour une infraction punie de plus de 7 ans d'emprisonnement et pour laquelle un suivi socio-judiciaire est encouru conformément aux critères actuellement retenus par les articles 131-36-9 et 131-36-10 du code pénal pour la mise en oeuvre du PSEM.
S'agissant du placement sous surveillance fixe, les dispositions prévues par les articles 723-9 et 723-12 du code de procédure pénale seraient applicables : contrôle à distance du placement assuré par des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire autorisés pour l'exécution de cette mission, à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données nominatives.
Ces agents pourraient demander à rencontrer le condamné sans toutefois avoir le droit de pénétrer à son domicile sans son accord. Ces agents feraient aussitôt un rapport au juge d'instruction de leurs diligences -les services de police et de gendarmerie pouvant toujours constater l'absence irrégulière du condamné et en faire rapport au juge d'instruction. Celui-ci pourrait, par l'application de l'article 723-12, désigner un médecin afin de vérifier la compatibilité du dispositif avec la santé de l'intéressé. Selon votre commission ces dispositions seraient également pertinentes pour un PSEM ; elle vous propose un amendement en conséquence.
Quant au PSEM, dans le cadre de l'assignation à résidence, les dispositions des articles 763-12 et 763-13 lui seraient applicables (mise en place d'un traitement automatisé des données à caractère personnel et possibilité donnée à des officiers de police judiciaire spécialement habilités à cette fin de consulter un dossier dans le cadre des recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit).
La personne pourrait en outre être astreinte aux obligations et interdictions du contrôle judiciaire.
Article 142-6 du code de procédure pénale Garanties procédurales
Sur le plan procédural, l'assignation à résidence devrait répondre à une double garantie également prévue pour le placement en détention provisoire (mais non pour le contrôle judiciaire) :
- une ordonnance motivée du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention ;
- une décision prise après débat contradictoire dans les conditions prévues par l'article 145 du code de procédure pénale.
Elle pourrait être cependant décidée sans débat contradictoire lorsqu'elle est décidée par ordonnance sur une demande de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire.
Article 142-7 du code de procédure pénale Durée
La durée de l'assignation à résidence serait fixée à six mois, renouvelable selon les mêmes modalités que la décision initiale, et dans une limite maximale de deux ans -qui correspond, en principe, à la durée maximale de la détention provisoire en matière correctionnelle. Votre commission vous propose un amendement afin de préciser que la procédure contradictoire s'applique aussi dans le cas où ce renouvellement fait suite à une assignation décidée par ordonnance sur une demande de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire.
Article 142-8 du code de procédure pénale Déroulement de l'assignation
Le régime de l'assignation à résidence emprunterait quatre séries de dispositions actuellement applicables au contrôle judiciaire :
- le juge d'instruction pourrait à tout moment modifier les obligations imposées à la personne assignée à résidence ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines d'entre elles (art. 139 du code de procédure pénale) ;
- la mainlevée du dispositif pourrait être ordonnée à tout moment par le juge d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République ; le juge statuerait sur la demande de la personne dans un délai de 5 jours par ordonnance motivée. Si ce délai n'est pas respecté, la personne pourrait alors saisir directement la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononcerait dans les 20 jours de sa saisine. A défaut, la mainlevée serait acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées (art. 140 du code de procédure pénale) ;
- la personne qui ne respecterait pas les obligations liées à l'assignation résidence pourrait faire l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'amener et être placée, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue, en détention provisoire (art. 141-2) ; dans ce cas, si la peine encourue est inférieure à trois ans d'emprisonnement, la durée totale des détentions ne saurait excéder 4 mois (art. 141-3 du code de procédure pénale).
Article 142-9 Modification des horaires de présence au lieu d'assignation
Par souci de souplesse, cet article confère au chef d'établissement pénitentiaire, dont dépend la personne assignée à résidence, la faculté de modifier les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d'assignation à trois conditions :
- l'accord préalable du juge d'instruction (qu'il convient d'interpréter comme une autorisation de principe valable pour les décisions concernant une personne) ;
- le caractère favorable des mesures pour l'intéressé ;
- le respect de l'équilibre de la mesure de contrôle ;
- l'obligation d'informer le juge d'instruction de ces modifications (information qui devrait s'appliquer au cas par cas).
Article 142-10 Réparation du préjudice subi
En cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, la personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique bénéficierait d'une réparation du préjudice subi dans les conditions aujourd'hui retenues en matière de détention provisoire par les articles 149 à 150 du code de procédure pénale.
Article 142-11 Imputation de l'assignation à résidence sur la peine privative de liberté
Cet article assimile l'assignation à résidence avec surveillance électronique à la détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté : la période de l'assignation est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée (art. 716-4 du code de procédure pénale).
Article 142-12 Recours à l'assignation à résidence comme alternative à la détention provisoire
Les juridictions d'instruction et de jugement pourraient prononcer une assignation à résidence dans les différentes hypothèses où une détention provisoire serait possible :
- lorsqu'une personne est arrêtée après le règlement de l'information (art. 135-2 du code de procédure pénale) ;
- lorsque, le procureur de la République saisit directement le juge des libertés et de la détention d'un placement en détention provisoire (art. 137-4). Cette référence n'est pas utile puisque le juge statue sur cette demande pour l'accepter ou la rejeter et votre commission vous propose par un amendement de la supprimer;
- lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi par une ordonnance du juge d'instruction tendant au placement en détention de la personne mise en examen (art. 145) ;
- lorsque le juge d'instruction est saisi par la personne placée en détention provisoire ou par son avocat, d'une demande de mise en liberté (art. 148) ;
- lorsque la chambre de l'instruction est appelée à statuer sur le maintien en détention d'une personne mise en examen (art. 201 et 221-3) ou d'une demande de mise en liberté, en particulier dans le cadre du mandat d'arrêt européen (art. 693-34) ou de la procédure d'extradition (art. 696-19) ;
- lorsque la cour d'assises estime nécessaire de s'assurer de la présence de l'accusé ou d'empêcher des pressions sur les victimes ou des témoins (art. 272-1) ;
- chaque fois que le tribunal correctionnel peut décider une détention et en particulier dans le cadre d'une comparution immédiate (art. 397-3).
Par ailleurs, la mesure peut être levée, maintenue, modifiée ou évoquée selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire (la demande de mainlevée ou de modification doit faire l'objet d'une déclaration au greffier de la juridiction d'instruction (art. 148-6). Cette faculté serait reconnue à la cour d'assises, à la chambre de l'instruction -lorsqu'elle prononce le renvoi de l'affaire devant la juridiction de jugement (art. 213) ou dans le cadre du mandat d'arrêt européen (art. 695-35 et 695-36) ou de l'extradition (art. 696-20 et 696-21).
Article 142-13 Décret d'application
Cet article renvoie à un décret les modalités d'application des dispositions relatives à l'assignation en résidence avec surveillance électronique.
Les magistrats rencontrés par votre rapporteur ont approuvé le principe d'une mesure intermédiaire entre le contrôle judiciaire et la détention provisoire. Cependant, selon Mme Virginie Valton, secrétaire nationale de l'USM, le recours à ce nouveau dispositif dépendra pour une large part de la possibilité pour les services chargés de la permanence d'orientation pénale (SPIP ou associations habilitées) d'effectuer l'enquête de faisabilité pour l'installation du PSE, soit dans les heures précédant la présentation, soit dans le délai d'incarcération provisoire de quatre jours conformément au 9 ème alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007.
Selon les représentants de l'USM, l'instauration de nouveaux débats contradictoires entraînera aussi un alourdissement de la charge de travail pour le ministère public, les magistrats du siège et les greffiers qu'il conviendra de prendre en compte dans la répartition des moyens.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 37 ainsi modifié .
SECTION 2 Des aménagements de peine
Sous-section 1 Du prononcé des aménagements de peine
Article 38 (art. 707 du code de procédure pénale) Principe de la nécessité des aménagement de peine
Issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et s'inspirant de l'avant-projet de loi pénitentiaire élaboré par le gouvernement de M. Lionel Jospin, l'article 707 du code de procédure pénale énonce les principes directeurs de l'application des peines :
- décision ou contrôle des autorités judiciaires,
- exécution effective dans les meilleurs délais,
- respect des intérêts de la société et des droits des victimes, objectifs d'insertion ou de réinsertion des condamnés et de prévention de la récidive,
- possibilité d'un aménagement des peines en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné,
- obligation d'individualiser les peines afin de permettre le retour progressif du condamné à la liberté et d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire.
Les modifications proposées par cet article, dont la portée est assurément plus symbolique que contraignante, consistent à affirmer la nécessité d'un aménagement des peines , non seulement pendant mais aussi avant leur mise à exécution, « si la personnalité et la situation du condamné ou leur évolution le permettent ».
Tel doit être le cas, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « si le condamné justifie de garanties ou d'un projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ».
Votre commission vous propose d'adopter l'article 38 sans modification .
Article 39 (art. 708 du code de procédure pénale) Délai d'exécution des peines prononcées
Cet article a pour objet de clarifier les règles relatives à l'exécution des peines correctionnelles.
. Pour qu'une peine soit exécutée, il faut en principe qu'elle soit devenue définitive, c'est-à-dire insusceptible de recours.
Le deuxième alinéa de l'article 708 du code de procédure pénale précise toutefois que le délai d'appel de deux mois accordé au procureur général près la cour d'appel à l'encontre d'un jugement rendu en matière correctionnelle 128 ( * ) ne fait pas obstacle à l'exécution de la peine : le jugement peut donc être exécuté dès l'expiration du délai d'appel de dix jours accordé aux parties et au procureur de la République 129 ( * ) .
En cas de recours contre la décision de condamnation, l'exécution de la peine prononcée est en principe suspendue.
Il est cependant des cas où la décision peut être ramenée à exécution dès son prononcé :
- en matière correctionnelle, lorsque la juridiction délivre un mandat de dépôt à l'encontre du prévenu condamné à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an 130 ( * ) ou même inférieure à un an en cas de comparution immédiate 131 ( * ) , le recours formé par l'accusé contre la décision n'a aucun effet suspensif ;
- en matière criminelle, le mandat de dépôt délivré au cours de l'instruction maintient ses effets tout au long de la procédure, y compris en cas de pourvoi formé par l'accusé contre l'arrêt de la cour d'assises 132 ( * ) ;
- de manière plus ponctuelle, la juridiction peut ordonner l'exécution provisoire de la condamnation dans certains cas, par exemple lorsqu'elle prononce des mesures concernant les mineurs 133 ( * ) ou lorsqu'elle prononce une peine alternative ou complémentaire 134 ( * ) .
Cette possibilité est rarement utilisée par les tribunaux correctionnels car il peut paraître sévère de faire exécuter une peine ayant fait l'objet d'un appel.
. L'article 39 du projet de loi a pour objet de clarifier la portée de la règle énoncée au deuxième alinéa de l'article 708 du code de procédure pénale en précisant que le délai d'appel de deux mois accordé au procureur général près la cour d'appel à l'encontre d'un jugement rendu en matière correctionnelle ne fait pas obstacle à l'exécution de la peine, « quelle que soit sa nature ».
Le texte actuel semblait pouvoir s'appliquer à l'ensemble des peines, principales, alternatives ou complémentaires. Toutefois, la Cour de cassation considère que le délai d'exécution du travail d'intérêt général prévu par l'article 131-22 du code pénal commence à courir, sauf en cas d'exécution provisoire, à compter du moment où la condamnation est devenue définitive soit deux mois après le jugement 135 ( * ) .
Les dispositions proposées ont pour objet de remettre en cause cette jurisprudence et de permettre l'exécution d'une peine alternative ou complémentaire dix jours après la signification du jugement , sans préjudice de la possibilité pour le tribunal correctionnel de déclarer cette peine exécutoire par provision, c'est-à-dire dès le prononcé du jugement .
Il est par ailleurs à noter que l'article 6 du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, tend à modifier l'article 505 du code de procédure pénale, qui ouvre au procureur général un délai spécifique de deux mois pour former appel contre les jugements des tribunaux correctionnels, afin de le mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui l'a jugé contraire à l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La nécessaire réforme du délai
spécifique d'appel
Dans une décision du 3 octobre 2006 (Ben Naceur c/ France) la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France parce qu'un prévenu, dont le jugement avait été frappé d'appel par le procureur général dans ce délai de deux mois, n'avait pas pu former un appel incident à la suite de cet appel, les appels incidents n'étant en effet possibles, dans un délai de cinq jours, qu'à la suite des appel formés par le procureur de la République ou les parties dans le délai de dix jours. Selon la Cour : « le fait que le parquet bénéficie d'une prolongation du délai d'appel, conjugué à l'impossibilité pour le requérant d'interjeter un appel incident, a mis ce dernier dans une position de net désavantage par rapport au ministère public, contraire au principe de l'égalité des armes ». Dans une seconde décision du 22 mai 2008 (Gacon c/ France), la Cour européenne des droits de l'homme a également jugé contraire à la convention le fait qu'une personne qui avait été relaxée en première instance ait été condamnée à la suite d'un appel formé par le procureur général dans le délai de deux mois. Elle a estimé que l'appel du procureur général, dans la mesure où il s'agissait d'un jugement de relaxe, « exposait la personne à un risque plus important encore [que celui de l'impossibilité d'appel incident], celui de l'infirmation du jugement de relaxe » et qu'il en résultait un « tel déséquilibre » que cette personne s'était trouvée « dans une position de net désavantage par rapport au ministère public contraire au principe de l'égalité des armes ». Tirant les conséquences de ces deux décisions, l'article 6 du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale modifie l'article 505 du code de procédure pénale pour restreindre la possibilité donnée au procureur général d'interjeter appel dans le délai de deux mois aux seuls jugements de condamnation, et non plus de relaxe, tout en reconnaissant dans un tel cas un droit d'appel incident au prévenu. |
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 39 sans modification .
Article 40 (art. 712-6 du code de procédure pénale) Possibilité de renvoi au tribunal de l'application des peines des affaires complexes soumises au juge de l'application des peines
Cet article a pour objet de permettre au juge de l'application des peines de renvoyer au tribunal de l'application des peines les dossiers complexes, afin d'éviter que cette complexité ne constitue un frein à l'octroi d'une mesure d'aménagement.
. L' architecture actuelle des juridictions de l'application des peines résulte de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Depuis le 1 er janvier 2005, les juridictions de l'application des peines du premier degré sont constituées : pour les majeurs, du juge de l'application des peines et du tribunal de l'application de peines 136 ( * ) ; pour les mineurs et jusqu'au moment où la personne condamnée a atteint l'âge de vingt-et-un ans, du juge des enfants et du tribunal pour enfants .
Aux termes l'article 712-1 du code de procédure pénale, ces juridictions sont chargées « dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application . » Leurs décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, avant un éventuel pourvoi en cassation.
Les fonctions de juge de l'application des peines sont exercées, dans chaque tribunal de grande instance , par un ou plusieurs magistrats du siège désignés par décret pris après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Au 1 er septembre 2008, ils étaient 341 . Leurs compétences ont été sensiblement étendues par la loi du 15 juin 2000 sur la protection de la présomption d'innocence puis par la loi du 9 mars 2004 précitée. Cette dernière a en outre conféré un caractère juridictionnel à certaines de leurs décisions -relatives aux réductions de peines et aux permissions de sortir- qui constituaient auparavant des mesures d'administration judiciaire insusceptibles d'appel.
Il existe, dans le ressort de chaque cour d'appel, un ou plusieurs tribunaux de l'application des peines dont la compétence territoriale, correspondant à celle d'un ou plusieurs tribunaux de grande instance du ressort, est fixée par décret 137 ( * ) . Chaque tribunal est composé d' un président et de deux assesseurs désignés par le premier président parmi les juges de l'application des peines du ressort de la cour. Ses compétences sont résiduelles par rapport à celles du juge de l'application des peines.
Les compétences respectives du juge de l'application des peines et du tribunal de l'application des peines sont retracées dans le tableau ci-après.
Compétence du juge de l'application des peines |
|
1. Aménagement des peines privatives de liberté en cours d'exécution |
|
Mesures |
Textes (c. procédure pénale) |
Retrait du crédit de réduction de peine |
Art. 721 |
Octroi d'une réduction supplémentaire de peine dès le premier mois de détention |
Art. 721-1 |
Octroi des permissions de sortir normales et exceptionnelles |
Art. 723-3 |
Octroi des autorisations de sortir sous escorte |
Art. 723-6 |
Suspensions et fractionnement de peines |
Art. 720-1 et 720-1-1 |
Placement à l'extérieur |
Art. 723 |
Semi-liberté |
Art. 723 et 723-1 |
Placement sous surveillance électronique |
Art. 723-7 |
Homologation de la proposition de semi-liberté, de placement sous surveillance électronique ou de placement à l'extérieur du service pénitentiaire d'insertion et de probation |
Art. 723-20 à 723-28 |
Libération conditionnelle (dans les cas où la peine prononcée est inférieure ou égale à dix ans d'emprisonnement ou lorsque le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois ans) |
Art. 729 |
Réduction du temps d'épreuve nécessaire à l'octroi de la libération conditionnelle pour des condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité |
Art. 729-1 |
Surveillance judiciaire des personnes dangereuses (pour des faits commis à compter du 14 décembre 2006 ; à défaut, compétence du tribunal de l'application des peines) |
Art. 723-29 à 723-37 |
Réduction de peine conditionnelle |
Art. 721-2 |
2. Mise à exécution des peines privatives de liberté concernant les condamnés libres |
|
2.1 Courtes peines d'emprisonnement exemptes de mandat de dépôt |
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Mesures |
Textes (c. procédure pénale) |
Suspensions et fractionnement de peines |
Art. 723-15, 720-1 et 720-1-1 |
Placement à l'extérieur |
Art. 723-15 et 723 |
Semi-liberté |
Art. 723-15, 723 et 723-1 |
Placement sous surveillance électronique |
Art. 723-15 et 723-7 s. |
Libération conditionnelle |
Art. 723-15 et 729 |
Fixation d'une date d'incarcération pour les condamnés libres ayant à exécuter une ou plusieurs peines d'emprisonnement dont la durée totale est inférieure ou égale à un an |
Art. 723-15 |
Octroi du sursis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement de six mois au plus, assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général |
Art. 723-15 et 747-2 (art. 132-57 du code pénal) |
Conversion d'une peine d'emprisonnement de six mois au plus en peine de jours amende |
Art. 723-15 (art. 132-57 du code pénal) |
Octroi de réductions supplémentaires de peine lorsque le condamné doit exécuter un reliquat de peine inférieur ou égal aux réductions de peine susceptibles d'être octroyées |
Art. 723-15 et 723-18 |
2.2 Autres mises à exécution |
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Mesures |
Textes (c. procédure pénale) |
Contrainte judiciaire |
Art. 749 à 762 |
Mise en oeuvre, retrait ou substitution des mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique pouvant être prononcées par la juridiction de jugement ab initio , ce qui évite une nouvelle saisine de la juridiction initiale |
Art. 723-2 et 723-7-1 |
Mise à exécution de l'emprisonnement et de l'amende prononcés par la juridiction de jugement en cas d'irrespect ou de violation par le condamné des obligations ou interdictions résultant de la ou des peines prononcées par la juridiction de jugement |
Art. 131-5-1, 131-9 et 131-11 du code pénal |
Substitution au travail d'intérêt général d'une peine de jours amende |
Art. 733-1 |
Ordonner, après débat contradictoire, que le condamné inscrit au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles se présentera plus fréquemment (tous les mois) devant le service de police ou de gendarmerie |
Art. 706-53 |
3. Mesures concernant l'exécution de peines restrictives de liberté |
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Mesures |
Textes (c. procédure pénale) |
Ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve : Suivi, contrôle, modification des obligations, rapport à la juridiction ou prononcé éventuel de la dispense de peine |
Art. 747-3 (art. 132-63 à 132-65 du code pénal) |
Ajournement du prononcé de la peine avec injonction : Suivi, contrôle, modification des obligations, rapport à la juridiction |
Art. 747-4 (art. 132-66 à 132-70 du code pénal) |
Emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve : Suivi, contrôle, modification des obligations, révocation, prolongation du délai d'épreuve, non avenu anticipé |
Art. 739 (art. 132-40 à 132-53 du code pénal) |
Emprisonnement avec sursis assorti de l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général : Mise en oeuvre de la procédure d'habilitation et liste des postes de TIG, décision d'affectation, suivi, contrôle, modification des obligations, révocation, suspension du délai d'épreuve |
Art. 747-1 et 747-2 (art. 131-22, 132-54 à 132-56 du code pénal) |
Travail d'intérêt général : Mise en oeuvre de la procédure d'habilitation et liste des postes de TIG, décision d'affectation, suivi, contrôle, modification des obligations, suspension du délai d'épreuve, rapport au procureur en cas d'inexécution de la mesure ou mise à exécution de la peine d'emprisonnement à la condition que celle-ci ait été fixée par la juridiction de condamnation |
Art. 733-1 et 733-2 (art. 131-8, 131-9, 131-17 et 131-22 du code pénal) |
Suivi socio-judiciaire : Désignation du médecin coordonnateur, suivi, contrôle, modification des obligations, mise à exécution de l'emprisonnement fixé par la juridiction de condamnation |
Art. 763-1 à 763-7 (art. 131-36-1 s. du code pénal et art. L. 3711 s. du code de la santé publique) |
Placement sous surveillance électronique mobile prononcé dans le cadre du suivi soci-judiciaire ou de la libération conditionnelle |
Art. 763-10 à 763-14 (art. 131-36-9 à 131-36-13 du code pénal) |
Interdiction de séjour Contrôle, modification des lieux interdits et suspension de l'exécution de la mesure |
Art. 762-1 à 763 (art. 131-31 du code pénal) |
Surveillance judiciaire des personnes morales Contrôle et suivi de la mesure, saisine de la juridiction de condamnation aux fins de relèvement ou de prononcé d'une nouvelle peine |
(art. 131-6 du code pénal) |
Compétences du tribunal de l'application des peines |
|
Mesures |
Textes (c. proc. pénale) |
Relèvement de la période de sûreté |
Art. 720-4 |
Libération conditionnelle ne relevant pas de la compétence du juge de l'application des peines en raison du quantum prononcé (supérieur à dix ans) et du reliquat à exécuter (supérieur à trois ans) |
Art. 730 |
Suspension de peine pour motif médical grave ne relevant pas de la compétence du juge de l'application des peines en raison du quantum prononcé (supérieur à dix ans) et du reliquat à exécuter (supérieur à trois ans) |
Art. 720-1-1 |
Réduction de peine exceptionnelle, dont le quantum peut aller jusqu'au tiers de la peine prononcée, accordée aux condamnés dont les déclarations faits à l'autorité administrative ou judiciaire antérieurement ou postérieurement à leur condamnation ont permis de faire cesser ou d'éviter la commission d'une infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale |
Art. 721-3 |
Réduction de la durée du suivi socio-judiciaire prononcé « sans limitation de durée » par la cour d'assises : au bout de trente ans, le tribunal de l'application des peines peut décider de mettre fin au suivi socio-judiciaire prononcé à vie |
Art. 131-36-1 du code pénal) |
Surveillance judiciaire des personnes dangereuses (pour les faits commis avant le 14 décembre 2006 ; compétence du juge de l'application des peines pour les faits postérieurs) |
Art. 723-29 à 723-37 |
Source : Le guide des peines - B. Lavielle, M. Janas, X. Lameyre - Dalloz - 4 e édition.
. Les trois alinéas de l'article 712-6 du code de procédure pénale fixent la procédure en principe applicable devant le juge de l'application des peines pour les décisions concernant les mesures ou les peines suivantes : placement à l'extérieur, semi-liberté, fractionnement et suspension des peines, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle, suivi socio-judiciaire, interdiction de séjour, travail d'intérêt général, emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve ou de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve.
Ces décisions doivent être rendues, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel le juge entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Toutefois, avec l'accord du procureur de la République et celui du condamné ou de son avocat, le juge peut prendre sa décision sans procéder à un débat contradictoire.
Les modifications proposées par le projet de loi consistent à insérer un nouvel alinéa prévoyant que le juge de l'application des peines peut, si la complexité de l'affaire le justifie, décider de renvoyer le jugement de l'affaire devant le tribunal de l'application des peines . Cette décision pourrait être prise soit d'office, soit à la demande du condamné ou du ministère public. Elle constituerait une mesure d'administration judiciaire qui ne serait pas susceptible de recours. Le juge ayant ordonné le renvoi ferait partie du tribunal de l'application des peines.
Ces dispositions répondent à la préconisation n° 100 du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire , selon lequel « le juge peut parfois être confronté à des dossiers particulièrement difficiles en opportunité (...) dans ces hypothèses, il serait opportun de permettre au juge de renvoyer le dossier en collégialité 138 ( * ) . » Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, la mesure d'aménagement « pourra dans certains cas être plus facilement ordonnée par la collégialité ».
Votre commission vous propose d'adopter l'article 40 sans modification .
Article 41 (art. 712-8 du code de procédure pénale) Pouvoirs de l'administration pénitentiaire en matière d'aménagements de peine
Cet article transfère aux chefs d'établissements pénitentiaires et aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation certaines attributions actuellement dévolues au juge de l'application des peines, afin d'alléger leur tâche et d'adapter plus rapidement les mesures d'aménagement de peine à la situation des condamnés.
L'article 712-8 du code de procédure pénale donne actuellement compétence au juge de l'application des peines pour modifier les mesures d'aménagement de peine qu'il a lui-même ordonnées 139 ( * ) ainsi que les obligations découlant de ces mesures ou des mesures ordonnées par le tribunal de l'application des peines 140 ( * ) . La décision est en principe prise par ordonnance motivée, sauf si le procureur de la République demande la tenue d'un débat contradictoire.
Outre une coordination avec l'article 40 du projet de loi ( 1° ), les dispositions proposées tendent à permettre au chef d'établissement pénitentiaire ou au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation de modifier les horaires d'entrée ou de sortie du condamné de l'établissement pénitentiaire, ou de sa présence en un lieu déterminé , pour l'exécution d'une mesure de placement à l'extérieur, de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique ( 2° ).
L'exercice de cette prérogative serait conditionné et contrôlé :
- la modification devrait être favorable au condamné ;
- elle ne devrait pas modifier l'équilibre de la mesure ;
- le juge de l'application des peines pourrait, lors du prononcé de la mesure, se réserver expressément la possibilité de statuer sur ces modifications ;
- enfin, il devrait être informé sans délai des modifications opérées et pourrait les annuler par ordonnance non susceptible de recours. Il lui appartiendrait donc d'apprécier les atteintes éventuelles à l'équilibre des mesures d'aménagement de peine.
Il s'agit d'apporter une réponse pragmatique et équilibrée au constat du manque de disponibilité des juges de l'application des peines, compte tenu de leur charge de travail, pour prendre rapidement des décisions sans gravité mais très attendues par les condamnés.
Toutefois, pour prévenir toute difficulté dans l'exécution des mesures d'aménagement de peine et compte tenu à la fois de la prééminence du juge de l'application des peines et de son information plus complète sur la situation pénale des condamnés, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de ne permettre au chef d'établissement pénitentiaire et au directeur des services pénitentiaire d'insertion et de probation de modifier les horaires d'entrée ou de sortie de l'établissement pénitentiaire, ou de présence du condamné en un lieu déterminé, que si le juge de l'application des peines leur en a préalablement donné l'autorisation.
Lors de son audition par votre rapporteur, les représentants de l'Association nationale des juges de l'application des peines ont fait justement valoir auprès de votre rapporteur que l'administration pénitentiaire n'avait pas accès aux mêmes informations que les juges, ces derniers étant notamment informés par leurs collègues de l'existence d'éventuelles poursuites dans d'autres affaires qui pourraient nécessiter certaines précautions dans les aménagements d'horaires.
Votre commission vous propose ainsi d'inverser le principe retenu par le projet de loi : le silence du magistrat vaudrait refus plutôt qu'acceptation . Le résultat serait sans doute identique pour deux raisons : en effet, la procédure ne serait guère plus lourde car le juge de l'application des peines désireux de laisser davantage de latitude à l'administration pénitentiaire pourrait moduler l'étendue du pouvoir laissée à cette dernière en fonction de la situation et de la personnalité du condamné ; à l'inverse, le juge qui souhaiterait conserver la plénitude de ses prérogatives n'hésiterait pas à se réserver systématiquement la possibilité de statuer sur les changements d'horaires que lui laisse le projet de loi.
Il est d'ailleurs intéressant de relever que le texte proposé par l'article 37 du projet de loi pour l'article 142-9 du code de procédure pénale prévoit également que les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d'assignation à résidence avec surveillance électronique d'une personne mise en examen ne pourront être modifiés par le chef d'établissement pénitentiaire qu'avec l'accord préalable du juge d'instruction.
L'amendement qui vous est soumis prévoit en outre l' extension aux permissions de sortir de cette possibilité de modification des horaires d'entrée ou de sortie de l'établissement pénitentiaire, ou de présence du condamné en un lieu déterminé, par le chef d'établissement pénitentiaire et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 41 ainsi modifié .
Article 42 (art. 712-19 du code de procédure pénale) Incarcération provisoire d'un condamné n'ayant pas respecté les obligations découlant d'une mesure de surveillance judiciaire
Cet article donne au juge de l'application des peines la possibilité d'ordonner l'incarcération provisoire d'un condamné n'ayant pas respecté les obligations découlant d'une mesure de surveillance judiciaire.
. Instituée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, modifiée à plusieurs reprises depuis, la surveillance judiciaire constitue à la fois une nouvelle modalité d'application des peines privatives de liberté et une mesure de sûreté destinée à éviter que des personnes condamnées pour certains crimes ou délits graves 141 ( * ) et présentant, du fait de leur dangerosité, un risque particulier de récidive 142 ( * ) ne fassent l'objet d'une sortie « sèche » à l'issue de leur peine, et donc d'une libération sans aucune mesure d'accompagnement et de contrôle.
Elle a vocation à s'appliquer aux personnes qui ne bénéficieront pas d'une libération conditionnelle (celle-ci leur ayant été refusée en raison d'un risque de récidive trop élevé) et qui n'ont pas été condamnées à un suivi socio-judiciaire (notamment parce que les faits ont été commis avant l'institution de cette mesure par la loi du 17 juin 1998). Ces personnes ne pouvaient jusqu'alors faire l'objet d'aucun contrôle après leur libération.
La surveillance judiciaire permet aux juridictions de l'application des peines d'imposer certaines obligations au condamné qui est pourtant libéré à la fin de sa peine, mais pendant une durée limitée à celle des réductions de peine dont il a bénéficié 143 ( * ) . Il s'agit de certaines obligations applicables en matière de libération conditionnelle et de sursis avec mise à l'épreuve, des obligations spécifiques au suivi socio-judiciaire, notamment celles résultant de l'injonction de soins, et des obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile. Le condamné placé sous surveillance judiciaire fait également l'objet de mesures d'assistance et de contrôle destinées à vérifier sa réinsertion.
S'il ne respecte pas les obligations et interdictions qui lui ont été ainsi imposées, l'article 723-35 du code de procédure pénale permet au juge de l'application des peines de retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié et d'ordonner sa réincarcération 144 ( * ) , selon les modalités prévues par l'article 712-6, c'est-à-dire après avis du représentant de l'administration pénitentiaire et à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat.
. Comblant une lacune de la loi du 12 décembre 2005, les dispositions proposées par le projet de loi ont pour objet de permettre la réincarcération en urgence et provisoire du condamné, en attendant la tenue d'un débat contradictoire préalable à une décision définitive . Elles consistent à modifier l'article 712-19 du code de procédure pénale qui accorde déjà au juge de l'application des peines un tel pouvoir en cas de non respect, par un condamné, des obligations qui lui incombent dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, d'un suivi socio-judiciaire, d'une suspension ou d'un fractionnement de peine ou d'une libération conditionnelle.
L'ordonnance d'incarcération provisoire peut être prise par le juge du lieu où se trouve le condamné. Elle est toujours subordonnée à l'avis préalable du procureur de la République. Un débat contradictoire doit être organisé dans un délai de quinze jours suivant l'incarcération du condamné -ce délai étant porté à un mois lorsque qu'il doit se dérouler devant le tribunal de l'application des peines. A défaut, celui-ci est remis en liberté, s'il n'est pas détenu pour une autre cause.
. Rappelons enfin, que la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 a permis de placer sous surveillance de sûreté les personnes ayant fait l'objet, après leur libération à la suite de l'exécution de leur peine de réclusion, d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire : par cette nouvelle mesure de sûreté, ces personnes seront maintenues, pendant des périodes d'un an renouvelables et si leur dangerosité le justifie, sous le contrôle et la surveillance des autorités publiques, notamment en faisant l'objet d'une injonction de soins et d'un placement sous surveillance électronique mobile ; en cas de non respect de leurs obligations, elles pourront être placées en rétention de sûreté, dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté installé à Fresnes, que votre rapporteur et plusieurs de nos collègues ont pu visiter le 13 novembre 2008 alors que les travaux n'étaient pas encore achevés 145 ( * ) .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 42 sans modification .
Article 43 (art. 712-22 et 712-23 du code de procédure pénale) Relèvement d'une interdiction professionnelle et dispense d'inscription d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judicaire
Cet article donne aux juridictions de l'application des peines la possibilité, d'une part, de relever un condamné d'une interdiction professionnelle résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcée à titre de peine complémentaire, d'autre part, d'exclure l'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui est accessible aux tiers 146 ( * ) . Le relèvement d'une interdiction professionnelle pourrait porter sur tout ou partie de cette interdiction ou de sa durée.
Cette décision pourrait être prise, exclusivement à la demande du condamné , soit par le jugement octroyant la mesure d'aménagement de peine, soit préalablement à ce jugement et afin de permettre ultérieurement son prononcé.
Dans la première hypothèse, la décision serait prise par la juridiction compétente -juge de l'application des peines ou tribunal de l'application des peines- pour ordonner la mesure d'aménagement, après ou sans débat contradictoire, selon les procédures de droit commun fixées aux articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale. Dans la seconde, la décision reviendrait au juge de l'application des peines qui, sauf opposition du ministère public, pourrait statuer par ordonnance, c'est-à-dire sans débat contradictoire.
Les dispositions proposées figureraient à l'article 712-22 du code de procédure pénale, dont le contenu serait déplacé dans un nouvel article 712-23.
Elles présentent l'intérêt d'éviter au condamné de devoir adresser sa demande de relèvement ou d'exclusion du bulletin n° 2 du casier judiciaire à la juridiction de jugement, conformément à l'article 132-24 du code pénal 147 ( * ) et à l'article 775-1 du code de procédure pénale 148 ( * ) , même si la juridiction de jugement conserverait cette compétence et, en vertu de l'article 55 du projet de loi, statuerait désormais à juge unique.
Elles s'avèrent essentielles pour favoriser la réinsertion des personnes condamnées, en leur permettant de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés ou de se présenter à un concours de la fonction publique.
Rappelons qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions.
Enfin, les dispositions proposées apportent une réponse satisfaisante aux attentes des praticiens et du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, qui a préconisé de supprimer les interdictions ou incapacités professionnelles automatiques.
A l'initiative du Sénat, les articles 70 à 72 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ont supprimé les principales d'entre elles 149 ( * ) , sans toutefois pouvoir toutes les écarter 150 ( * ) , et a rénové les peines alternatives ou complémentaires d'interdiction professionnelle.
Par amendement , votre commission vous propose de tirer la conséquence de cette importante réforme, en permettant le relèvement « d'une interdiction, prononcée à titre de peine complémentaire ou de peine alternative, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale . »
Sans doute serait-il souhaitable de supprimer toutes les peines accessoires et obligatoires, qui heurtent l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où le juge se trouve privé de la possibilité d'apprécier la nécessité et la proportionnalité de la sanction.
Toutefois, il paraît impossible de les supprimer en une fois, en raison de la difficulté de leur recensement et de l'ineffectivité d'une nouvelle disposition générale reprenant le contenu de l'article 132-17 du code pénal, compte tenu de la règle « Lex specialis derogat legi generali ».
Pragmatique, la solution retenue par le projet de loi semble de surcroît conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle la censure d'une peine automatique ne paraît pas encourue lorsqu'une possibilité de relèvement est organisée ou encore lorsque les droits de la défense sont assurés et que la sanction automatique n'est pas disproportionnée 151 ( * ) .
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 43 ainsi modifié .
Article 44 (art. 720-1 et 720-1-1 du code de procédure pénale) Suspension et fractionnement des peines en cours d'exécution
Cet article a un double objet :
- d'une part, modifier l'article 720-1 du code de procédure pénale, afin de permettre au juge de l'application des peines de suspendre ou de fractionner l'exécution d'une peine d'emprisonnement correctionnel dont le reliquat est inférieur ou égal à deux ans, et non plus à un an ;
- d'autre part, modifier l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, afin de permettre au juge de l'application des peines ou au tribunal de l'application des peines, selon le cas, d'octroyer en urgence une suspension de peine pour raison médicale grave, lorsque le pronostic vital du condamné est engagé, au vu du certificat du médecin qui suit le détenu, et non plus de deux expertises médicales distinctes et concordantes.
• La suspension ou le fractionnement de l'exécution des peines d'emprisonnement correctionnel dont la durée restant à subir est inférieure ou égale à deux ans
L'article 720-1 du code de procédure pénale donne au juge de l'application des peines la possibilité de suspendre ou de fractionner l'exécution d'une peine d'emprisonnement -ou de modifier la décision de fractionnement prise par la juridiction de jugement- pour « motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou social ».
La mesure n'est actuellement possible qu'en matière correctionnelle et seulement si la durée d'incarcération restant à subir est inférieure ou égale à un an, quelle que soit la durée de la peine prononcée.
En cas de fractionnement, les périodes d'exécution de la peine ne peuvent être inférieures à deux jours 152 ( * ) et la durée globale d'exécution du reliquat de la peine après suspension ou fractionnement ne peut excéder trois ans 153 ( * ) .
Ces conditions de fond sont celles prévues par l'article 132-27 du code pénal pour le fractionnement d'une peine par la juridiction de jugement.
En donnant au juge de l'application des peines la possibilité de suspendre ou de fractionner l'exécution d'une peine d'emprisonnement correctionnel dont la durée restant à subir est inférieure ou égale à deux ans , le premier paragraphe (I) de l'article 44 du projet de loi opère donc une coordination avec le IV de son article 33.
Certes les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement de deux ans ou moins se distinguent, par le degré de gravité de l'infraction commise, de celles qui ont été condamnées à une peine plus longue mais dont la durée d'incarcération restant à subir est inférieure ou égale à deux ans.
Toutefois, le juge de l'application des peines, lorsqu'il décide de suspendre ou de fractionner l'exécution d'une peine en application de l'article 720-1 du code de procédure pénale, a la possibilité de soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal 154 ( * ) .
En outre, aux termes de l'article 712-21 du code de procédure pénale, la suspension ne peut être accordée sans une expertise psychiatrique préalable à une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, le plus souvent une infraction à caractère sexuel. Cette expertise doit être réalisée par deux experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol d'un mineur de quinze ans. Elle doit déterminer si le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement.
Dès lors la remise en liberté d'un condamné dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans, peut être entourée de suffisamment de garanties.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination avec l'amendement qu'elle vous a présenté à l'article 33 du projet de loi et à l'article 132-27 du code pénal tendant à faciliter le fractionnement d'une peine d'emprisonnement par la juridiction de jugement, d'une part, en supprimant l'exigence selon laquelle le motif d'ordre médical, familial, professionnel ou social pouvant le justifier doit être « grave », d'autre part, en prévoyant que le fractionnement pourra s'étaler sur une période de quatre ans.
• L'octroi en urgence d'une suspension de peine pour raison médicale grave, lorsque le pronostic vital du condamné est engagé
Inséré à l'initiative du Sénat par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l'article 720-1-1 du code de procédure pénale ouvre plus largement la possibilité de suspendre les peines privatives de liberté au profit des condamnés « dont il est établi qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital 155 ( * ) ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention 156 ( * ) , hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux ».
Ces dispositions répondent à la nécessité de mettre notre législation en conformité avec les exigences de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants. Sont notamment concernés les détenus grabataires ou atteints de maladies comme le Sida ou le cancer. En 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait en effet déploré que les prisons soient devenues des mouroirs pour certains détenus atteints de ces maladies.
La loi du 4 mars 2002 n'a fixé aucune autre condition à la suspension que celle tenant à l'état de santé du détenu. Ainsi, ni la nature des infractions sanctionnées, ni l'existence ou le risque de trouble à l'ordre public ne constituent des critères légaux d'octroi de la mesure 157 ( * ) . En revanche, depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la suspension peut désormais être refusée « s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction 158 ( * ) ». Qu'importe également, selon les termes mêmes de l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, la nature, correctionnelle ou criminelle, de la peine prononcée, ou la durée de la peine restant à subir. La décision qui accorde la suspension n'a pas à en fixer le terme, qui dépend de l'évolution de l'état de santé du condamné. Depuis la loi du 12 décembre 2005 précitée, le condamné devra toutefois, s'il s'agit de faits criminels, faire l'objet d'une expertise médicale tous les six mois afin de vérifier que les conditions de la suspension médicale sont toujours remplies.
Plus libéral que l'article 720-1 du code de procédure pénale s'agissant des conditions de fond auxquelles l'octroi de la suspension est subordonné, l'article 720-1-1 s'avère en revanche plus strict s'agissant de la procédure applicable :
- l'existence d'une pathologie engageant le pronostic vital ou d'un état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention doit être établie par deux expertises médicales distinctes et concordantes, « afin d'éviter tout détournement de cette procédure 159 ( * ) » et compte tenu du caractère dérogatoire de cette mesure d'aménagement qui réduit à néant l'effectivité de la peine prononcée puisque la durée de la suspension n'est pas limitée ;
- l'expertise psychiatrique prévue à l'article 712-21 reste requise ;
- la décision doit être prise par le tribunal de l'application des peines quand la peine privative de liberté prononcée est d'une durée supérieure à dix ans ou quand la durée de détention restant à subir est supérieure à trois ans, quelle que soit la peine initialement prononcée ; dans les autres cas, le juge de l'application des peines est compétent ;
- cette dualité de compétence disparaît lorsqu'il s'agit de mettre fin à la suspension ; quelle que soit la durée de la peine prononcée ou restant à subir, le juge de l'application des peines peut à tout moment ordonner une expertise médicale à l'égard du bénéficiaire de la mesure puis y mettre fin si les conditions ne sont plus remplies.
Le tableau ci-après retrace la mise en oeuvre de cette mesure d'aménagement de peine qui, au 1 er mars 2008, avait bénéficié à 392 personnes .
Bilan de la suspension de peine pour les détenus
en fin de vie
ou dont l'état de santé est incompatible avec le
maintien en détention
Bilan
|
Décisions |
Accords |
Rejets |
Accords / décisions |
2002 |
25 |
23 |
2 |
92,00% |
2003 |
121 |
67 |
54 |
55,37% |
2004 |
127 |
73 |
54 |
57,48% |
2005 |
83 |
57 |
26 |
68,67% |
2006 |
87 |
62 |
25 |
71,26% |
2007 |
109 |
83 |
26 |
76,15% |
2008 en cours |
36 |
22 |
14 |
61,11% |
Cumul 2002 - 2008 |
588 |
387 |
201 |
65,82% |
Source : ministère de la justice. |
Les principales difficultés dans la mise en oeuvre de cette mesure tiennent :
- d'une part, à la longueur de la procédure, qui résulte de la nécessité d'obtenir une double expertise somatique et parfois une double expertise psychiatrique alors que les experts manquent ;
- d'autre part, à la nécessité de trouver un hébergement adapté à son éventuel bénéficiaire, souvent âgé et isolé, rarement autonome.
Pour remédier à la première de ces difficultés, le second paragraphe (II) de l'article 44 du projet de loi permet à la juridiction de l'application des peines compétente, « lorsque le pronostic vital est engagé » et « en cas d'urgence », c'est-à-dire en cas de décès imminent, d'accorder une suspension de peine sur la seule foi d'un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle le détenu est pris en charge, c'est-à-dire le responsable de l'unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) ou un médecin hospitalier, ou son remplaçant.
Actuellement, les détenus qui se trouvent dans une telle situation préfèrent, semble-t-il, solliciter une libération conditionnelle plutôt qu'une suspension médicale de peine car son octroi est plus rapide. Dans son ouvrage sur la suspension médicale de peine, M. Laurent Mortet relève qu'« en l'absence de cette procédure d'urgence, certains détenus meurent en prison avant l'examen de leur demande ou alors, c'est au prix d'une véritable « course contre la mort » que certains détenus sont libérés à temps 160 ( * ) . »
Souscrivant aux dispositions proposées, votre commission vous soumet un amendement ayant objet de supprimer l'exigence d'une expertise psychiatrique pour accorder la suspension de peine pour motif médical grave à un détenu dont le décès est proche .
La question cruciale du logement ou de l'hébergement des personnes qui sortent de prison appelle en revanche des réponses bien plus délicates.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 44 ainsi modifié .
Article 45 (art. 720-5 du code de procédure pénale) Libération conditionnelle à l'issue de la période de sûreté
Cet article modifie l'article 720-5 du code de procédure pénale afin de prévoir que le placement sous surveillance électronique mobile peut constituer, à l'instar de la semi-liberté, une mesure probatoire préalable à la libération conditionnelle d'une personne condamnée à une peine privative de liberté assortie d'une période de sûreté d'une durée supérieure à quinze ans.
Instituée par la loi n° 78-1097 du 22 novembre 1978, la période de sûreté fait obstacle, pendant toute sa durée, à l'octroi de toute autre mesure d'aménagement de peine que les réductions et réductions supplémentaires de peine -dans la limite de la période de sûreté- et les autorisations de sortie sous escorte. Sont ainsi proscrits : la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l'extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté ou encore la libération conditionnelle 161 ( * ) .
La période de sûreté n'affecte cependant, soit de plein droit, soit sur décision de la juridiction de jugement, qu'un nombre limité de crimes et de délits, exclusivement commis par des majeurs 162 ( * ) .
Elle s'applique de plein droit si la juridiction prononce une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à dix ans pour certaines infractions spécialement prévues par la loi 163 ( * ) . Sa durée est alors, sauf décision contraire, égale à la moitié de la peine, ou à dix-huit ans si la réclusion perpétuelle a été prononcée : la juridiction de jugement a en effet la faculté soit de réduire cette durée, l'article 132-23 du code pénal ne prévoyant d'ailleurs aucun seuil minimum, soit de l'augmenter, par décision spéciale 164 ( * ) .
En dehors des cas où elle s'applique de plein droit, la période de sûreté peut également être prévue par la juridiction de jugement si elle prononce une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure à cinq ans. Sa durée ne peut alors excéder les deux tiers de la peine ou vingt-deux ans si la réclusion perpétuelle est prononcée 165 ( * ) .
La rigueur de ces dispositions est atténuée par des possibilités de révision , qui sont elles mêmes encadrées. En application de l'article 720-4 du code de procédure pénale, « lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale », le tribunal de l'application des peines peut ainsi, à titre exceptionnel, mettre fin à la période de sûreté ou réduire sa durée. Toutefois, lorsque la cour d'assises a décidé de porter cette période à trente ans en application des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, aucun aménagement n'est possible avant que le condamné ait été incarcéré pendant au moins vingt ans. En outre, lorsque la cour d'assises a prononcé une peine de réclusion perpétuelle en lui appliquant un régime de sûreté pour la totalité de sa durée, la révision de ce régime n'est possible qu'à l'expiration d'une période de trente ans et après une expertise réalisée par un collège de trois experts médicaux inscrits sur la liste des experts agréés près la Cour de cassation qui se prononcent sur l'état de dangerosité du condamné.
Enfin, certaines précautions sont prévues à l'expiration, anticipée ou non, des longues périodes de sûreté. Ainsi, l'article 720-5 du code de procédure pénale subordonne la libération conditionnelle d'une personne dont la condamnation a été assortie d'une période de sûreté d'une durée supérieure à quinze ans, au placement de l'intéressé sous le régime de la semi-liberté pendant une période d'un an à trois ans. La semi-liberté est alors ordonnée soit par le tribunal de l'application des peines, soit par le juge de l'application des peines si la peine restant à subir par le condamné est inférieure à trois ans.
Les dispositions proposées par le projet de loi ont pour objet de faciliter l'octroi de la libération conditionnelle de ces condamnés en autorisant le recours au placement sous surveillance électronique, plus facile à développer que la semi-liberté, pour s'assurer de la réinsertion progressive des intéressés .
Elles mettent le texte de l'article 720-5 du code de procédure pénale en cohérence avec ceux des articles 723-1 et 723-7, aux termes desquels la juridiction de l'application des peines a actuellement la faculté, et non l'obligation, de subordonner la libération conditionnelle de tout condamné à une mesure probatoire soit de semi-liberté, sans condition de durée, soit de placement sous surveillance électronique, pour une durée d'un an au plus.
Du fait d'une erreur de plume, le projet de loi fait référence au placement sous surveillance électronique « mobile ». Or le placement sous surveillance électronique mobile ne constitue pas une mesure d'aménagement de peine mais une obligation particulière de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire de certains condamnés, notamment des auteurs d'infractions à caractère sexuel 166 ( * ) . Il serait donc pour le moins singulier d'en faire un préalable à la libération conditionnelle alors qu'il en constitue un corollaire.
Votre commission vous soumet un amendement corrigeant cette erreur et vous propose d'adopter l'article 45 ainsi modifié .
Article 46 (art. 723, 723-1 et 723-7 du code de procédure pénale) Octroi par le juge de l'application des peines de la semi-liberté, du placement à l'extérieur et du placement sous surveillance électronique
Cet article rénove les règles du code de procédure pénale relatives à la semi-liberté, au placement à l'extérieur et au placement sous surveillance électronique.
Le premier paragraphe (I) réécrit le premier alinéa de l'article 723, aux termes duquel « le placement à l'extérieur permet au condamné d'être employé au dehors d'un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l'administration », afin de prévoir désormais que « le condamné admis au bénéfice du placement à l'extérieur est astreint, sous le contrôle de l'administration, à exercer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire ».
Les termes employés sont ceux retenus par l'article 33 du projet de loi pour l'article 132-26 du code pénal. Ils correspondent mieux à la diversité des motifs justifiant le placement à l'extérieur que les termes actuels : exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ; recherche assidue d'un emploi ; suivi assidu d'un enseignement ou d'une formation professionnelle ; participation essentielle à la vie de famille ; nécessité de suivre un traitement médical ; accomplissement de tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion.
Les deuxième (II) et troisième (III) paragraphes modifient respectivement les articles 723-1 et 723-7 afin de permettre au juge de l'application des peines :
- d'accorder le bénéfice de la semi-liberté ou du placement sous surveillance électronique aux personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée ou le reliquat est inférieur ou égal à deux ans , contre un an actuellement ;
- de subordonner l'octroi d'une libération conditionnelle à une mesure probatoire de placement sous surveillance électronique d'une durée maximale de deux ans, contre un an actuellement .
Les dispositions proposées constituent le pendant de l'extension des possibilités d'aménagement de peine offerte aux juridictions de jugement par l'article 33 du projet de loi (articles 123-25, 123-26 et 123-26-1 du code pénal).
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de permettre au juge de l'application des peines de subordonner la libération conditionnelle d'un condamné à l'exécution, à titre probatoire, d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, pour une durée n'excédant pas un an . L'exécution de cette mesure pourrait débuter un an avant la fin du temps d'épreuve pendant lequel la libération conditionnelle ne peut intervenir.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 46 ainsi modifié .
Article 47 (art. 729 du code de procédure pénale) Octroi de la libération conditionnelle
Cet article assouplit les conditions d'octroi de la libération conditionnelle.
Introduite dans notre droit par une loi du 14 août 1885, actuellement régie par les articles 729 à 733 du code de procédure pénale, la libération conditionnelle peut être définie comme la libération anticipée du condamné sous condition d'une bonne conduite pendant le temps séparant la date de la libération de la date d'expiration de la peine. Son intérêt est évident : mieux vaut, pour diminuer les risques de récidive, libérer un condamné avant la fin de sa peine, en contrepartie d'un contrôle social qui permettra de favoriser sa réinsertion, plutôt que d'attendre l'expiration de sa sanction pour le libérer sans aucune mesure d'accompagnement.
. Pour bénéficier de la libération conditionnelle, le condamné doit présenter « des efforts sérieux de réadaptation sociale ». Il peut s'agir, sans que la liste établie par l'article 729 du code de procédure pénale revête un caractère limitatif : de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire en vue de l'insertion sociale, du suivi assidu d'un enseignement ou d'une formation professionnelle, d'une participation essentielle à la vie de sa famille, de la nécessité de subir un traitement, ou d'efforts en vue d'indemniser les victimes.
Le 1° du présent article reprend cette énumération afin d'y apporter des précisions rédactionnelles 167 ( * ) et surtout de la compléter pour permettre la libération conditionnelle du condamné ayant « tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » que ceux qui viennent d'être cités 168 ( * ) .
Votre commission vous soumet deux amendements rédactionnels , de mise en cohérence des dispositions proposées avec celles retenues par l'article 33 du projet de loi pour l'octroi de la semi-liberté, du placement à l'extérieur et du placement sous surveillance électronique.
. Par ailleurs, le condamné doit déjà avoir exécuté un temps d'épreuve , c'est-à-dire une partie de sa peine :
- la durée de la peine accomplie doit en règle générale être au moins égale à la durée de la peine restant à subir, sans pouvoir excéder quinze ans ;
- si le condamné est en état de récidive légale, la durée de la peine accomplie doit être au moins égale au double de la peine restant à subir, sans pouvoir excéder vingt ans ;
- si le condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de dix ans et résidant habituellement chez lui, la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la peine privative de liberté ou restant à subir est inférieure à quatre ans, sauf en cas de crime ou de délit commis contre un mineur ou en cas de récidive ;
- pour un condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, la libération conditionnelle ne peut intervenir avant l'expiration d'un temps d'épreuve de dix-huit ans, porté à vingt-deux ans en cas de récidive mais susceptible d'être réduit dans les conditions prévues par l'article 721-1 du code de procédure pénale.
Le 2° du présent article prévoit que la libération conditionnelle peut être accordée au condamné âgé de plus de soixante-quinze ans , même s'il n'a pas accompli ces durées de peine, à la double condition :
- d'une part, que son insertion ou sa réinsertion soit assurée et tel serait en particulier le cas, est-il indiqué, s'il pouvait faire l'objet d'une « prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l'établissement pénitentiaire », ou « justifier d'un hébergement » ;
- d'autre part, que sa libération ne risque pas de « causer un trouble grave à l'ordre public ».
Il s'agit de permettre à certains condamnés, dont l'état ne santé ne justifie pas l'octroi d'une suspension médicale de peine mais dont l'âge rend difficile le maintien en détention, de bénéficier d'une levée d'écrou anticipée. Le vieillissement de la population carcérale est un fait : les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 3,7 % de l'ensemble des personnes sous écrou au 1 er janvier 2008, contre 2 % au 1 er janvier 1997.
La première condition peut sembler très souple, compte tenu des critères retenus par le projet de loi, mais risque en pratique de s'avérer difficile à remplir, compte tenu des difficultés criantes, déjà évoquées, que les personnes condamnées à une peine privative de liberté rencontrent à leur sortie de prison pour trouver un logement ou ne serait-ce qu'un hébergement. Obtenir une place dans une maison de retraite sera sans doute également une gageure.
S'agissant de la seconde condition, l'exemple de l'émoi causé par l'octroi à Maurice Papon d'une suspension de peine pour motif médical alors que la gravité de son état de santé ne paraissait pas évidente vient immédiatement à l'esprit et peut la justifier. A cet égard, il convient de rappeler que votre commission a déjà admis, lors de l'examen de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, qu'une personne puisse être placée en détention provisoire, en matière criminelle exclusivement, sur le fondement du trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public 169 ( * ) .
Par amendement , votre commission vous propose d' étendre le bénéfice de ces dispositions aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans . Comme l'ont souligné plusieurs personnes entendues dans le cadre des auditions préalables à la présentation du rapport, la prison use : après plusieurs années d'incarcération, une personne âgée de cinquante ans en paraît soixante-dix. En outre, les maisons de retraite sont généralement mieux disposées à accueillir des personnes âgées de 70 ans plutôt que des personnes de plus de 75 ans.
En contrepartie de cet abaissement de l'âge minimum pour pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle alors même que le temps d'épreuve ne serait pas écoulé, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de subordonner l'octroi de cette mesure à l'absence de risque grave de renouvellement de l'infraction .
En effet, les deux motifs ne se recoupent pas et ce n'est pas parce qu'une personne avance en âge qu'elle devient nécessairement moins dangereuse. Nombre de détenus âgés ont été condamnés à une peine privative de liberté pour des infractions à caractère sexuel.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 47 ainsi modifié .
Sous-section 2 Des procédures simplifiées d'aménagement des peines
Article 48 (section VII et VIII, art. 723-13-1 nouveau à 723-28 du code de procédure pénale) Procédures simplifiées d'aménagement des peines
Cet article a pour objet d'étendre le champ et de rendre plus aisée la mise en oeuvre des procédures particulières d'aménagement des peines des personnes condamnées qui ne sont pas encore incarcérées et de celles dont l'incarcération touche à sa fin, introduites par l'article 186 de la loi n° 2004-209 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Alors que les règles relatives à ces deux procédures figurent actuellement au sein de deux sections distinctes 170 ( * ) du chapitre II (« de l'exécution des peines privatives de liberté ») du titre II (« de la détention ») du livre V (« des procédures d'exécution ») du code de procédure pénale, il prévoit de les réunir en une seule. Intitulée : « des procédures simplifiées d'aménagement des peines », cette nouvelle section serait introduite par un article liminaire 723-14 171 ( * ) et comprendrait deux paragraphes respectivement consacrés aux dispositions applicables aux condamnés libres (articles 723-15 à 723-18) et aux dispositions applicables aux condamnés incarcérés (articles 723-19 à 723-27).
Sur le fond, les modifications les plus substantielles portent sur la procédure applicable aux condamnés en fin de peine, surnommée en 2004 « nouvelle procédure d'aménagement des peines (NPAP) » ou encore « sas de sortie », dont votre rapporteur a déjà indiqué, dans l'exposé général, qu'elle n'avait pas produit les effets escomptés.
De novembre 2004, date de son d'entrée vigueur, à mai 2006, 1.474 requêtes concernant des personnes éligibles à cette procédure ont été transmises sur l'ensemble du territoire ; sur ces 1.474 requêtes, 565 aménagements ont été accordés et 200 refusés ; 53 aménagements ont été mis à exécution par les services pénitentiaires d'insertion et de probation en l'absence de réponse du juge dans les délais ; 4 ont été accordés par la cour d'appel à la suite de recours de condamnés.
Près de 70 % des 105 magistrats interrogés par l'Association nationale des juges de l'application des peines ont indiqué n'avoir jamais été saisis dans ce cadre 172 ( * ) .
Section VII Des procédures simplifiées d'aménagement des peines
Article 723-14 du code de procédure pénale Dispositions communes
Le texte proposé par le premier paragraphe (I) de cet article pour l'article 723-14 du code de procédure pénale a vocation à énoncer les règles communes aux procédures simplifiées relatives aux condamnés libres et aux condamnés incarcérés.
Le deuxième alinéa dispose, à juste titre, que ces procédures ne sont pas exclusives de la procédure de droit commun prévue aux articles 712-4 et 712-6 du code de procédure pénale : le premier prévoit que le juge de l'application des peines peut être saisi par le condamné ou le procureur de la République ou se saisir d'office ; le second énonce que ses décisions sont en principe prises après un débat contradictoire mais lui permet de ne pas y procéder si le condamné ou son avocat et le procureur de la République en sont d'accord.
Le troisième alinéa renvoie également utilement à un décret unique le soin de préciser les modalités d'application de ces procédures simplifiées, alors que les articles 723-19 et 723-28 du code de procédure pénale prévoient actuellement deux renvois distincts.
Le premier alinéa pose davantage de difficultés dans la mesure où ces deux procédures simplifiées ne concerneraient ni les mêmes peines privatives de liberté ni les mêmes mesures d'aménagement.
Il énonce que ces procédures simplifiées sont destinées à permettre aux condamnés de bénéficier, « sauf impossibilité » et « dès lors que leur situation personnelle le permet », de l'une des mesures d'aménagement de peine suivantes : semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, conversion de la peine en sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en une peine de jours-amende, libération conditionnelle.
Or, le texte proposé pour l'article 723-19 énumère lui aussi les mesures susceptibles d'être accordées aux condamnés incarcérés, sans mentionner la conversion de la peine en sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en une peine de jours-amende. Dès lors la liste de l'article 723-14 ne concernerait en réalité que les condamnés libres, alors qu'elle figurerait dans les dispositions communes.
Par amendement , votre commission vous propose de lever cette incohérence en excluant de l'article liminaire de cette section les dispositions énumérant les mesures d'aménagement susceptibles d'être accordées.
Le texte qui vous est proposé pour le premier alinéa de l'article 723-14 énonce ainsi de manière lapidaire que les personnes condamnées à de courtes peines d'emprisonnement, qu'elles soient libres ou incarcérées, peuvent bénéficier de procédures simplifiées d'aménagement de ces peines dans les conditions et suivant les modalités prévues aux articles 723-15 à 723-27.
Paragraphe 1 Dispositions applicables aux condamnés libres
Les articles 723-15 à 723-19 du code de procédure pénale permettent aux personnes condamnées à une courte peine privative de liberté mais qui n'ont pas été immédiatement incarcérées à la suite de l'audience -ce qui est en principe la règle- de bénéficier d'un aménagement de leur peine avant même sa mise à exécution et d'éviter ainsi d'être écrouées.
La procédure instituée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui élevait au niveau législatif des dispositions revêtant auparavant un caractère réglementaire, ne soulève pas de difficultés d'application particulière. Son principal intérêt est d'obliger le service pénitentiaire d'insertion et de probation et le juge de l'application des peines à examiner rapidement la situation des personnes condamnées à de courtes peines, sans attendre qu'elles-mêmes ou le ministère public les saisissent.
Les modifications proposées par le projet de loi consistent à étendre le champ des bénéficiaires de cette procédure, à renforcer le rôle du service pénitentiaire d'insertion et de probation et à apporter de nombreuses précisions ne paraissant pas toutes relever du domaine de la loi.
Article 723-15 du code de procédure pénale Convocation devant le JAP et le SPIP
Le texte proposé par le premier paragraphe (I) de cet article pour l'article 723-15 du code de procédure pénale étend le bénéfice de cette procédure aux personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, contre un an actuellement, ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir, y compris en cas de condamnations multiples, est inférieure ou égale à deux ans, contre un an actuellement .
Rappelons que, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 105.509 personnes ont été condamnées à une peine ferme inférieure ou égale à un an d'emprisonnement en 2006, et 7.058, soit environ 7 % de plus, à une peine comprise entre un et deux ans.
Les modalités de mise en oeuvre de la procédure prévue par la loi du 9 mars 2004 seraient précisées.
Le ministère public doit actuellement communiquer au juge de l'application des peines un extrait de la décision de condamnation accompagné, le cas échéant, de toutes informations utiles. A l'avenir, ces éléments d'information devraient également être communiqués au service pénitentiaire d'insertion et de probation, étant précisé que l'obligation du ministère public consisterait désormais à les informer de la ou des décisions de condamnation et à leur adresser toutes les pièces utiles, notamment le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l'intéressé et, selon le texte proposé pour l'article 723-15-2 du code de procédure pénale, une copie de la ou des décisions. Il a été indiqué à votre rapporteur que les parquets avaient besoin de conserver les extraits originaux des jugements des tribunaux correctionnels pour en assurer l'exécution et qu'une copie suffisait à l'information du juge de l'application des peines et du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Une fois informé par le ministère public, et sauf dans l'hypothèse où le condamné a déjà été avisé de sa convocation à l'issue de l'audience de jugement 173 ( * ) , le juge de l'application des peines est tenu de le convoquer afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine, en considération de sa situation personnelle. L'accomplissement de cette formalité n'est actuellement enserré dans aucun délai légal, alors qu'un délai maximum de trente jours est prévu dans l'hypothèse de la remise d'une convocation au condamné présent à l'audience. Le projet de loi remédie à cette disparité en prévoyant que le juge de l'application des peines doit convoquer la personne condamnée dans un délai maximal de trente jours à compter de son information par le ministère public. Toutefois, la méconnaissance de ce délai demeurerait dépourvue de toute sanction.
Pour prendre sa décision d'aménagement de peine, le juge de l'application des peines a actuellement la faculté de charger le service pénitentiaire d'insertion et de probation de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale du condamné. Dorénavant, et sauf dans l'hypothèse de remise de sa convocation au condamné à l'issue de l'audience du jugement 174 ( * ) , le service pénitentiaire d'insertion et de probation serait lui aussi tenu de le convoquer, après le juge de l'application des peines, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de son information par le ministère public. Ainsi, la situation matérielle, familiale et sociale du condamné serait systématiquement vérifiée et la mesure d'aménagement de peine pourrait être « la mieux adaptée à sa personnalité ».
Votre commission vous soumet un amendement de réécriture globale du texte proposé pour l'article 723-15 du code de procédure pénale prévoyant, outre des précisions et des simplifications rédactionnelles, trois modifications d'inégale importance.
La première modification consiste à énoncer dans le paragraphe qui les concerne les mesures d'aménagement de peine ou les conversions de peine qui doivent être envisagées à l'égard des personnes condamnées à de courtes peines d'emprisonnement mais non encore incarcérées, par coordination avec l'amendement présenté au nouvel article 723-14.
La deuxième modification consiste à ajouter le fractionnement et la suspension de peine à la liste des mesures d'aménagement établie par le projet de loi. S'il n'est pour le moment guère utilisé, le fractionnement de peine peut s'avérer pertinent, par exemple, pour un condamné ayant un emploi : il ne sera incarcéré que le week-end et pendant les vacances. Cette possibilité d'aménagement est d'ailleurs prévue par l'actuel article 723-15 du code de procédure pénale. L'omission du projet de loi n'est donc sans doute pas délibérée.
La troisième modification, plus substantielle, consiste à permettre au service pénitentiaire d'insertion et de probation de recevoir le condamné avant le juge de l'application des peines , afin d'examiner sa situation et le cas échéant d'étudier avec lui les mesures d'aménagement susceptibles d'être proposées au magistrat.
Si la nécessité de préserver la prééminence du juge paraît évidente, celle d'assurer sa préséance l'est nettement moins. Ce n'est pas faire offense aux juges de l'application des peines que d'affirmer qu'ils n'ont pas toujours le temps de recevoir rapidement une personne condamnée mais pas encore incarcérée et qu'ils ne peuvent pas non plus toujours déterminer la mesure d'aménagement idoine à l'issue de la première convocation. L'efficacité commande donc de ne pas interdire au service pénitentiaire d'insertion et de probation de recevoir un condamné avant le juge, afin d'éclairer la décision de ce dernier lorsqu'il le recevra à son tour. Le décret d'application de ces dispositions pourra tout à fait poser le principe d'une convocation du condamné d'abord devant le juge de l'application des peines et prévoir les hypothèses où il peut y être dérogé.
Article 723-15-1 nouveau du code de procédure pénale Aménagement ou conversion de la peine
Le deuxième alinéa de l'article 723-15 du code de procédure pénale dispose actuellement qu'après avoir chargé le service pénitentiaire d'insertion et de probation de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, le juge de l'application des peines peut, d'office, à la demande de l'intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner une mesure d'aménagement de peine selon la procédure prévue par l'article 712-6.
Avec un luxe de détails qui ne relèvent assurément pas du domaine de la loi, le texte proposé par le premier paragraphe (I) de cet article pour insérer un article 723-15-1 dans le code de procédure pénale détermine la procédure devant être suivie pour aménager ou convertir, avec son accord, la peine du condamné.
A l'issue de la convocation d'un condamné désireux de bénéficier d'un aménagement de peine, le juge de l'application des peines disposerait de trois options :
- ordonner immédiatement une mesure d'aménagement ou la conversion de la peine, en ne procédant à un débat contradictoire qu'à la demande du ministère public ;
- charger le service pénitentiaire d'insertion et de probation d'étudier les modalités d'exécution de telle ou telle mesure d'aménagement qu'il envisage d'ordonner mais dont il n'est pas sûr qu'elle puisse être mise en oeuvre ;
- demander au service pénitentiaire d'insertion et de probation de lui faire des propositions d'aménagement ou de conversion de la peine.
Dans ces deux dernières hypothèses, le service pénitentiaire d'insertion et de probation devrait lui remettre un rapport motivé, dans un délai fixé par le juge mais ne pouvant excéder deux mois. Au vu de ce rapport, il appartiendrait au juge de l'application des peines d'ordonner ou non l'aménagement ou la conversion de la peine du condamné, le cas échéant sans débat contradictoire ni convocation de l'intéressé (en cas d'accord de ce dernier et du ministère public).
Dans la première hypothèse, il est précisé que, si le service pénitentiaire d'insertion et de probation constatait l'impossibilité de mettre la décision du juge de l'application des peines à exécution, il devrait l'en aviser immédiatement afin que le magistrat puisse retirer sa décision et demander au service de lui remettre un rapport motivé sur les mesures d'aménagement alternatives susceptibles d'être proposées !
Par amendement , votre commission vous propose de simplifier considérablement la rédaction du texte proposé pour l'article 723-15-1 du code de procédure pénale, en précisant que la procédure ainsi décrite ne s'applique que dans l'hypothèse où l'aménagement ou la conversion de la peine paraît possible et où l'intéressé en est d'accord. Il appartient en effet au décret de fixer le détail de cette procédure.
Article 723-15-2 nouveau du code de procédure pénale Absence d'aménagement ou de conversion de la peine
Le premier alinéa du texte proposé par le premier paragraphe (I) de cet article pour insérer un article 723-15-2 dans le code de procédure pénale dispose que le juge de l'application des peines peut fixer la date d'incarcération si le condamné ne souhaite pas faire l'objet d'une mesure d'aménagement de sa peine.
Par amendement , votre commission vous propose de préciser que le juge de l'application des peines peut également fixer la date d'incarcération si, au vu du rapport motivé du service pénitentiaire d'insertion et de probation, un tel aménagement ou une telle conversion ne lui paraît pas possible.
Le deuxième alinéa prévoit qu'à défaut de décision du juge de l'application des peines dans les quatre mois suivant la communication de la copie de la décision, ainsi que dans les cas d'urgence prévus par l'article 723-16 du code de procédure pénale, le ministère public peut ramener la peine à exécution. Ces dispositions constituent la reprise en substance de l'avant dernier alinéa actuel de l'article 723-15 du code de procédure pénale, aux termes duquel cependant le ministère « ramène » la peine à exécution dans ces hypothèses.
L'expression selon laquelle le ministère public « peut » ramener la peine à exécution ne doit pas prêter à confusion : il s'agit de souligner que le parquet a l'interdiction, sauf en cas d'urgence, de ramener la peine à exécution avant l'expiration de ce délai de quatre mois ; passé ce délai, il conservera l'obligation de la ramener à exécution, conformément à l'article 707 du code de procédure pénale.
Rappelons également que, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, l'inobservation du délai de quatre mois imparti au juge de l'application des peines pour statuer sur l'aménagement éventuel de la peine d'une personne condamnée à une courte peine d'emprisonnement mais non encore incarcérée n'affecte pas la validité de sa décision sur les modalités d'exécution de la peine 175 ( * ) .
Enfin, reprenant en substance l'actuel dernier alinéa de l'article 723-15 du code de procédure pénale, le troisième alinéa dispose que : « si, sauf motif légitime ou exercice des voies de recours, la personne ne se présente pas aux convocations, le juge de l'application des peines en informe le ministère public qui ramène la peine à exécution . »
Article 723-16 du code de procédure pénale Mise à exécution de la peine par le ministère public sans attendre la décision du juge de l'application des peines
. Selon les termes actuels du premier alinéa de l'article 723-16 du code de procédure pénale, le ministère public peut mettre la peine à exécution en établissement pénitentiaire, sans attendre la décision du juge de l'application des peines, en cas d'urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure.
Les 1° et 2° du deuxième paragraphe (II) lui donnent également ce pouvoir dans deux nouvelles hypothèses :
- en cas de risque avéré de fuite « résultant de la situation ou de la personnalité » du condamné. Par amendement votre commission vous propose de viser plus simplement l'hypothèse d'un « risque avéré de fuite du condamné », les autres précisions du projet de loi paraissant en effet inutiles ;
- si la personne a été condamnée par un jugement contradictoire à signifier à une peine de plus d'un an d'emprisonnement pour des faits commis en récidive. Dans cette hypothèse, la personne condamnée est non seulement récidiviste mais n'a pas comparu à l'audience de jugement.
. Le second alinéa de l'article 723-16 du code de procédure pénale prévoit que le ministère public, lorsqu'il prend une telle décision, doit en informer immédiatement le juge de l'application des peines s'il l'avait déjà informé de la décision de condamnation.
Tirant la conséquence des modifications prévues à l'article 723-15 du code de procédure pénale, le 3° du deuxième paragraphe (II) prévoit que le service pénitentiaire d'insertion et de probation doit également être informé de cette décision.
Les articles 723-17 et 723-18 ne seraient pas modifiés :
- le premier permet au condamné, lorsque sa condamnation n'a pas été mise à exécution dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, de saisir le juge de l'application des peines aux fins d'aménagement de sa peine ;
- le second dispose que, lorsque le condamné doit exécuter un reliquat de peine inférieur ou égal aux réductions de peine susceptibles d'être octroyées, le juge de l'application des peines peut accorder cette mesure sans qu'il soit nécessaire que la personne soit à nouveau écrouée.
Paragraphe 2 Dispositions applicables aux condamnés incarcérés
Afin de favoriser l'aménagement des peines d'emprisonnement en fin d'exécution de la condamnation et d'éviter les sorties « sèches », facteurs de récidive, les articles 723-20 à 723-28 du code de procédure pénale permettent la mise à exécution d'une mesure proposée par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation en l'absence de réponse du juge de l'application des peines dans un délai de trois semaines, sauf recours du ministère public.
Pour améliorer cette procédure, qui n'a jusqu'à présent guère été utilisée, les modifications proposées consistent pour l'essentiel à étendre le champ des personnes et des mesures concernées, à confier au ministère public un rôle de filtre des propositions d'aménagement des services pénitentiaires d'insertion et de probation et à prévoir le placement de droit sous surveillance électronique des détenus auxquels il reste quatre mois d'emprisonnement à exécuter 176 ( * ) , sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou risque de récidive.
Déjà hostiles à la réforme de 2004, les magistrats entendus par votre rapporteur ont tous fait part de leur opposition à ces dispositions, qui constituent la principale, si ce n'est l'unique, pierre d'achoppement du projet de réforme des règles relatives aux alternatives à l'incarcération.
Article 723-19 du code de procédure pénale Champ d'application
Dans sa rédaction actuelle, l'article 723-19 du code de procédure pénale renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d'application des articles 723-15 à 723-18, relatif à l'aménagement des peines des condamnés non encore incarcérés.
Ce renvoi étant désormais prévu à l'article 723-14, l'article 723-19 figurerait désormais, en vertu du troisième paragraphe (III) , parmi les dispositions applicables aux condamnés incarcérés. Son contenu reprendrait, en le modifiant substantiellement, celui de l'actuel article 723-20 qui détermine le champ d'application du « sas de sortie » .
Les mesures susceptibles d'être accordées sont actuellement la semi-liberté, le placement à l'extérieur et le placement sous surveillance électronique. Le projet de loi ajoute à cette liste la libération conditionnelle .
Lors de son audition par votre rapporteur, M. Eric Senna, conseiller à la cour d'appel de Montpellier, a exprimé des réserves sur cette extension : « Vouloir enfermer le processus de décision pour les aménagements des fins de peines mais aussi des courtes peines, dans un dispositif principalement administratif s'orientant vers des mesures de libération anticipée pourrait amener au moindre incident médiatisé à développer un accès de frilosité de l'administration et au final à amoindrir encore la mesure de libération conditionnelle qui est en chute libre (...) A mon sens, le prononcé des libérations conditionnelles devrait continuer de relever de l'autorité judiciaire qui seule peut faire une appréciation complète et impartiale de la situation, prendre en compte l'ensemble des intérêts en cause et assumer la responsabilité de la mesure vis à vis de la collectivité. »
Quant aux personnes concernées , il s'agit actuellement des détenus condamnés pour lesquels :
- il reste trois mois d'emprisonnement à subir en exécution d'une ou plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à six mois mais inférieure à deux ans ;
- il reste six mois d'emprisonnement à subir en exécution d'une ou plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à deux ans mais inférieure à cinq ans.
A l'avenir il s'agirait des détenus condamnés :
- à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à deux ans ;
- ou à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans.
Comme aujourd'hui, seuls les détenus condamnés à moins de cinq ans d'emprisonnement pourraient bénéficier de cette procédure dérogatoire. En revanche, l'aménagement de peine pourrait être prononcé dès lors que la durée d'emprisonnement restant à subir serait inférieure ou égale à deux ans, et non plus à trois ou six mois suivant les cas . Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, ces distinctions complexes constituaient un frein à la mise en oeuvre de la procédure.
Les modifications proposées recueillent l'assentiment de votre commission dès lors que l'extension significative du champ des personnes et des mesures concernées serait assortie d'un renforcement du rôle du procureur de la République et du maintien des prérogatives du juge de l'application des peines. En conséquence, elle vous soumet simplement deux amendements rédactionnels et de coordination.
Article 723-20 du code de procédure pénale Saisine du juge de l'application des peines
Le texte proposé pour l'article 723-20 du code de procédure pénale fixe les modalités de mise en oeuvre de cette procédure. Il reprend, en les modifiant substantiellement, les dispositions de l'actuel article 723-21.
Il appartiendrait toujours au service pénitentiaire d'insertion et de probation , même s'il est désormais fait référence à son directeur, d'examiner « en temps utile » le dossier de chacun des condamnés visés à l'article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d'établissement pénitentiaire, la mesure d'aménagement de la peine la mieux adaptée à sa personnalité.
Comme aujourd'hui, le service pénitentiaire d'insertion et de probation serait tenu de proposer une mesure d'aménagement de peine , sauf en cas de refus du condamné, d'absence de projet sérieux de réinsertion ou d'impossibilité matérielle de mettre en place la mesure. En revanche, la mauvaise conduite du condamné en détention ne pourrait plus justifier l'absence de proposition .
En outre, la proposition d'aménagement de peine , comprenant le cas échéant une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l'article 132-45 du code pénal, devrait désormais être adressée au procureur de la République , en vue de la saisine du juge de l'application des peines, alors qu'il revient actuellement au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation de saisir directement le juge, par requête.
S'il décidait de ne pas proposer d'aménagement de peine, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation devrait désormais adresser tant au procureur de la République qu'au juge de l'application des peines un rapport motivé expliquant les raisons de sa décision, alors qu'actuellement il doit simplement en informer le condamné.
Le juge de l'application des peines aurait alors la possibilité d'ordonner un aménagement de peine, d'office ou à la demande du condamné, suivant la procédure contradictoire prévue à l'article 712-6 du code de procédure pénale.
Dans l'hypothèse où le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation formulerait une proposition d'aménagement de peine, il reviendrait donc désormais au procureur de la République de la transmettre au juge de l'application des peines soit pour homologation , s'il l'estimait justifiée, soit pour information , dans le cas contraire -actuellement il doit donner simplement son avis sur cette proposition avant que le magistrat du siège prenne sa décision. Dans cette hypothèse de refus d'aménagement de peine, il devrait également aviser le condamné de sa position.
Dans l'hypothèse où la proposition d'aménagement lui serait transmise pour homologation, le juge de l'application des peines disposerait, comme aujourd'hui, d'un délai de trois semaines pour décider par ordonnance de l'homologuer ou de refuser de l'homologuer .
Dans l'hypothèse où cette proposition lui serait transmise pour information, le procureur de la République ayant estimé qu'elle n'était pas justifiée, le juge de l'application des peines aurait la possibilité d'ordonner un aménagement de peine, d'office ou à la demande du condamné, suivant la procédure contradictoire prévue à l'article 712-6 du code de procédure pénale.
L'étude d'impact annexée au projet de loi expose longuement les arguments qui militent en faveur de cette solution :
« Elle évite une certaine incohérence découlant des textes actuels, qui permet au directeur du SPIP de faire une proposition d'aménagement de peine au juge de l'application des peines (qui va peut-être l'accepter, ou n'y pas répondre et permettre sa mise en oeuvre), alors même que le parquet y serait opposé. On organise ainsi une possibilité de divergence entre l'appréciation de deux autorités qui sont pourtant toutes les deux sous l'autorité du garde des sceaux.
« Elle supprime la complexité des textes actuels, qui prévoient notamment deux possibilités de recours suspensifs du parquet contre la décision d'aménagement : puisque le parquet est favorable à la mesure, ces possibilités seront supprimées par le nouveau texte, qui devient donc plus court, plus clair et plus lisible.
« Elle donne aux magistrats du parquet un rôle moteur dans les aménagements de peines, conformément aux instructions figurant dans les circulaires qui leur sont adressées par le garde des sceaux, en leur permettant de prendre à leur compte la proposition du directeur du SPIP, de la relayer, et de lui donner par la même une force particulière.
« Elle est conforme à l'évolution récente de notre droit, qui voit les juges du siège homologuer des propositions du ministère public, comme dans les procédures de composition pénale et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« Elle est aussi de nature à prévenir les pratiques constatées consistant, pour le juge de l'application des peines, s'il est d'accord avec la proposition du directeur du SPIP, plutôt que de l'homologuer, à basculer dans la procédure contradictoire : l'homologation de la proposition d'un magistrat sera plus aisée à accepter que l'homologation de la proposition d'un fonctionnaire, puisque c'est ce qui se passe désormais, sans problème, pour la composition pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« Elle permettra enfin qu'en cas de non homologation dans le délai de trois semaines, le directeur du SPIP n'hésite plus, comme cela peut être le cas actuellement, à mettre en oeuvre la mesure d'aménagement, car il le fera sur instruction du parquet . »
Les représentants de l'Union syndicale des magistrats ont toutefois estimé que ce dispositif était voué à l'inefficience, faute de moyens suffisants alloués aux parquets, sauf à ce que ces derniers s'en remettent totalement aux services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ils ont également déploré que le juge de l'application des peines se trouve dépossédé de son pouvoir de décision, ne pouvant qu'homologuer ou refuser mais pas moduler la mesure d'aménagement proposée. Enfin, ils ont jugé inadmissible que le silence d'un juge, peut-être imputable à une surcharge de son activité, puisse valoir décision, surtout s'agissant d'une décision portant sur les libertés fondamentales des individus.
S'il s'inquiète effectivement des moyens dont les parquets pourront disposer pour assumer pleinement cette nouvelle compétence, votre rapporteur considère que le rôle de filtre des propositions qui leur est dévolu améliore sensiblement la procédure actuelle. La pratique quotidienne des magistrats dans les juridictions montre fort heureusement qu'un dialogue régulier s'instaure entre les juges du siège et les représentants du ministère public permettant d'atténuer le caractère abrupt de la procédure d'homologation.
En conséquence, votre commission vous soumet simplement trois amendements ayant respectivement pour objet, outre une harmonisation rédactionnelle consistant à faire référence à un « projet sérieux d'insertion ou de réinsertion » :
- de prévoir que les propositions d'aménagement de peine doivent tenir compte non seulement de la personnalité du condamné mais aussi de sa situation matérielle, familiale et sociale ;
- de maintenir l'obligation pour le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation d'informer le condamné de son refus de proposer un aménagement de peine.
Article 723-21 du code de procédure pénale Placement sous surveillance électronique des condamnés dont la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à quatre mois
Le texte proposé pour l'article 723-21 du code de procédure pénale a pour objet de prévenir les « sorties sèches » de prison.
. Son premier alinéa fait tout d'abord obligation au service pénitentiaire d'insertion et de probation et aux magistrats du parquet et du siège de réexaminer la situation du condamné 177 ( * ) un an après l'envoi au procureur de la République et au juge de l'application des peines d'une proposition d'aménagement de peine ou d'un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles une telle proposition n'a pas pu être formulée et au plus tard six mois avant la date d'expiration de la peine.
Ainsi, les condamnés dont la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans auraient-ils l'assurance de voir leur situation examinée en vue de l'octroi d'un aménagement de peine au cours de leur avant-dernière année puis au cours de leur dernière année de détention.
Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser que la situation du condamné n'a pas à faire l'objet d'un nouveau rapport motivé du directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation si une mesure d'aménagement est en cours un an après l'envoi du premier rapport et au plus tard six mois avant la date d'expiration de la peine. Le suivi de la mesure sera alors assuré selon les procédures de droit commun.
. Le second alinéa du texte proposé pour l'article 723-21 du code de procédure pénale pose ensuite le principe du placement sous surveillance électronique de droit de certains détenus condamnés à une très courte peine d'emprisonnement ou en fin détention .
Les détenus susceptibles de bénéficier de cette mesure seraient :
- ceux auxquels il reste quatre mois d'emprisonnement à exécuter ;
- et ceux ayant été condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois et ayant déjà exécuté un tiers de leur peine -la durée de détention restant à subir serait donc au maximum de quatre mois également.
Le placement sous surveillance électronique étant de droit, le juge de l'application des peines n'aurait qu'à « constater » la mesure.
Toutefois, la procédure prévue à l'article 723-20 serait applicable : rapport motivé du service pénitentiaire d'insertion et de probation conduisant à une proposition d'aménagement ou de refus d'aménagement puis soumission de cette proposition par le parquet au juge de l'application des peines pour homologation ou pour information. Toute autre mesure d'aménagement de peine pourrait donc être examinée et accordée avant cette échéance.
En outre, le placement sous surveillance électronique pourrait être écarté dans plusieurs hypothèses :
- en cas d'impossibilité matérielle, concrètement en l'absence de bracelet électronique disponible ou de possibilité d'hébergement du condamné ;
- en cas de refus du condamné 178 ( * ) d'être placé sous un tel régime, dont votre commission et plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur ont déjà souligné qu'il ne pouvait être supporté ni par tous les condamnés ni sur une longue période ;
- en cas d'incompatibilité entre la personnalité du condamné et la nature de la mesure, dont l'intéressé n'aurait pas lui-même pris conscience 179 ( * ) ;
- enfin, en cas de risque de récidive.
Enfin, il est indiqué que la neutralisation, par le condamné placé sous surveillance électronique, du procédé permettant de détecter à distance sa présence ou son absence dans le lieu désigné par le juge de l'application des peines ne serait pas considérée comme une évasion, par dérogation au 4° de l'article 434-29 du code pénal.
La mesure serait bien évidemment retirée par le juge de l'application des peines, conformément à l'article 723-13 du code de procédure pénale, et le condamné subirait en détention la durée de la peine restant à accomplir mais il n'encourrait pas une nouvelle condamnation pour délit d'évasion, ce délit étant passible de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.
Les dispositions proposées donnent une base légale à des pratiques observées depuis quelques semaines, à titre expérimental, dans plusieurs maisons d'arrêt 180 ( * ) . Le premier bilan de cette expérimentation montre qu'un petit nombre seulement de détenus remplissant les conditions posées au nouvel article 723-21 ont été placés sous surveillance électronique : au 31 octobre 2008, 203 dossiers avaient été examinés, 49 mesures accordées (37 à Béthune et 12 à Angoulême) et 17 enquêtes de faisabilité technique étaient en cours.
Votre commission considère que ce dispositif doit avoir pour seule finalité d'obliger les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les magistrats du parquet et les juges de l'application des peines à réexaminer régulièrement la situation de condamnés dont l'incarcération vient à son terme et d'étudier toutes les possibilités d'aménagement de leur peine afin d'éviter les sorties « sèches ».
Pour reprendre l'expression employée par l'Association nationale des juges de l'application des peines, il ne doit pas s'apparenter à une « grâce électronique » . Les mesures d'aménagement de peine, singulièrement le placement sous surveillance électronique, ne doivent pas devenir un instrument de gestion des flux de la population carcérale mais rester au service exclusif de la réinsertion des détenus, sous peine d'être discréditées.
A cet égard, le premier bilan de l'expérimentation en cours et le cadre tracé par le projet de loi sont plutôt rassurants. Par amendement , votre commission vous propose néanmoins de le redéfinir afin de prévoir des garanties supplémentaires consistant à :
- préciser que le placement sous surveillance électronique devra faire l'objet d'une ordonnance du juge ;
- exiger que cette ordonnance fixe les mesures de contrôle et les obligations auxquelles le condamné devra se soumettre, afin qu'il bénéficie d'un accompagnement après sa sortie de prison ;
- supprimer les dispositions prévoyant que la neutralisation du bracelet par le condamné ne sera pas assimilée à une évasion , dont la justification est d'autant plus difficile à percevoir que le condamné aura eu la possibilité de refuser la mesure ;
- enfin, marquer que cette procédure de placement automatique sous surveillance électronique n'aura vocation à s'appliquer qu'à défaut de tout autre aménagement de peine .
Comme l'ont souligné les représentants de la Fédération citoyens et justice, les mesures d'aménagement de peine doivent faire l'objet d'un important accompagnement social pour réussir.
Malheureusement tel n'est pas toujours le cas ; le triste exemple, relaté à votre rapporteur lors d'une audition, du décès à son domicile d'une personne placée sous surveillance électronique en témoigne : les personnes chargées de sa surveillance ne s'étant pas inquiétées puisqu'elle ne sortait pas de chez elle, le décès ne fut découvert que deux jours après être survenu.
Articles 723-23, 723-24, 723-25, 723-27 et 723-28 du code de procédure pénale Coordinations
. Le cinquième paragraphe (V) de cet article abroge l'article 723-23 du code de procédure pénale, qui permet actuellement au procureur de la République d'interjeter appel, cet appel revêtant un caractère suspensif, contre la décision d'homologation de la proposition d'aménagement de peine du service d'insertion et de probation par le juge de l'application des peines.
Ces dispositions spécifiques n'ont effectivement plus lieu d'être dès lors que la proposition d'aménagement de peine émanerait désormais du procureur de la République et non plus du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Dans l'hypothèse où le juge de l'application des peines déciderait d'une mesure d'aménagement de peine contre son avis, après le débat contradictoire prévu à l'article 712-6 du code de procédure pénale, le procureur de la République pourrait interjeter appel de cette décision dans les conditions de droit commun, fixées aux articles 712-11 à 712-15 du même code 181 ( * ) .
. Le sixième paragraphe (VI) de cet article réécrit l'article 723-24 du code de procédure pénale afin de tirer la conséquence du renforcement du rôle du ministère public dans la procédure simplifiée d'aménagement des peines des condamnés incarcérés.
Comme aujourd'hui, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pourrait décider de ramener à exécution la mesure d'aménagement à défaut de réponse du juge de l'application des peines dans le délai de trois semaines.
Comme aujourd'hui, cette décision constituerait une mesure d'administration judiciaire c'est-à-dire, comme votre commission vous propose de le préciser par amendement , insusceptible de recours.
En revanche, elle devrait désormais simplement être notifiée au juge de l'application des peines, alors qu'aujourd'hui elle doit également l'être au procureur de la République qui peut, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de cette notification, former un recours suspensif contre cette décision devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel.
Bien évidemment, le juge de l'application des peines aurait la faculté de rapporter cette décision et de mettre un terme à la mesure.
. Le septième paragraphe (VII) modifie l'article 723-25 du code de procédure pénale, qui permet au juge de l'application des peines ou au président de la chambre de l'application des peines de substituer à la mesure d'aménagement proposée une des autres mesures d'aménagement susceptibles d'être accordées et de modifier les interdictions et obligations qui l'accompagnent 182 ( * ) , afin de tirer la conséquence de la renumérotation des articles du code de procédure pénale prévues par les paragraphes précédents.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination.
. Le huitième paragraphe (VIII) réécrit l'article 723-27 du code de procédure pénale, en vertu duquel le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut saisir le juge de l'application des peines d'une proposition de permission de sortir pendant les trois mois précédant la date à laquelle un des condamnés mentionnés à l'article 723-20 peut bénéficier d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique selon les modalités prévues en cas de proposition d'aménagement de peine, afin :
- de tirer les conséquences, tout d'abord, de la renumérotation des articles du code de procédure pénale opérée par les paragraphes précédents, ensuite, de l'extension à la libération conditionnelle du champ des mesures d'aménagement de peine susceptibles d'être décidées, enfin, du nouveau rôle de « filtre » du procureur de la République ;
- de préciser que la permission de sortir est destinée à préparer la mesure d'aménagement que le directeur du service d'insertion et de probation et le procureur de la République comptent proposer au juge de l'application des peines et de supprimer la mention selon laquelle la proposition de permission de sortir doit être présentée dans les trois mois précédant la date à laquelle le condamné peut bénéficier de l'une des mesures d'aménagement de peine précitées.
. Le neuvième et dernier paragraphe (IX) abroge l'article 723-28 du code de procédure pénale, prévoyant l'élaboration en tant que de besoin d'un décret pour préciser les modalités d'application de ces dispositions, par coordination avec le renvoi à un tel décret dans les dispositions préliminaires du nouvel article 723-14.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter l'article 48 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 48 (art. 723-29 du code de procédure pénale) Maintien de la compétence du tribunal de l'application des peines pour ordonner une mesure de surveillance judiciaire
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de confier définitivement au tribunal de l'application des peines la compétence pour ordonner une mesure de surveillance judiciaire.
Instituée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la surveillance judiciaire constitue une mesure de sûreté susceptible d'être ordonnée à l'égard d'une personne condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et dont le risque paraît avéré 183 ( * ) .
Sa mise en oeuvre a été confiée au tribunal de l'application des peines pour les seules personnes condamnées pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Pour les faits commis depuis cette date, elle est assurée par le juge de l'application des peines.
Comme l'a suggéré le Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, il semble préférable de confier une telle responsabilité à une formation collégiale plutôt qu'à un juge unique : « Les dossiers de surveillance judiciaire sont toujours éminemment sensibles, tant en termes de risque de récidive qu'en termes d'évaluation de dangerosité. »
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 48.
Article additionnel après l'article 48 (art. 733-3 nouveau du code de procédure pénale) Obligation de proposer des travaux d'intérêt général
Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet, de développer le travail d'intérêt général, conformément à une préconisation du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire.
. Aux termes de l'article 131-8 du code pénal, le travail d'intérêt général, lorsqu'il est prescrit à titre de peine complémentaire, peut être accompli « au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général . »
Cette rédaction date de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. A l'origine, seules les personnes morales de droit public et les associations habilitées pouvaient proposer des travaux d'intérêt général. Cette possibilité a été étendue aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, par exemple des entreprises de transport collectif de voyageurs, afin d'augmenter le nombre de travaux d'intérêt général proposés aux condamnés.
Dans son rapport, le Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire a toutefois constaté que : « Dans certains ressorts, la pénurie de postes de travail disponibles retarde durant de nombreux mois la mise en oeuvre des peines de travail d'intérêt général. Certaines juridictions se privent parfois de la possibilité de prononcer cette peine compte tenu de la longueur des délais de mise à exécution . »
Aussi a-t-il proposé « d'introduire dans le code de procédure pénale une disposition imposant aux communes et communautés de communes d'une certaine importance, ainsi qu'aux régions, aux départements et aux établissements publics, l'obligation de mise à disposition de postes de travail destinés aux condamnés à une peine de travail d'intérêt général » dont la non observation donnerait lieu à des sanctions financières.
Reprenant l'esprit de cette préconisation, l'amendement qui vous est soumis insère un article 733-3 dans le code de procédure pénale afin de faire obligation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de 10.000 habitants et plus, aux autres personnes morales de droit public ainsi qu'aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public de proposer des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées .
Si cette obligation concernerait un bien plus grand nombre de personnes, au premier rang desquelles l'Etat, sa méconnaissance ne serait assortie d'aucune sanction financière. Il appartiendrait aux juridictions administratives d'en assurer le respect, son pouvoir se limitant alors nécessairement à un contrôle de la proportionnalité des décisions prises.
L'expérience de votre rapporteur l'incite à penser que les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne sont pas les personnes morales de droit public les moins disposées à proposer des travaux d'intérêt général. Nombre d'entre elles attendent en fait d'être sollicitées par les services d'insertion et de probation.
Tel est l'objet de l' article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 48.
SECTION 3 Des régimes de détention
Article additionnel avant l'article 49 Règlement cadre commun à chaque catégorie d'établissement pénitentiaire
D'un établissement à l'autre au sein d'une même catégorie -maison d'arrêt, centre de détention, maison centrale- les régimes de détention peuvent beaucoup varier selon la personnalité du chef d'établissement, l'histoire ou la "culture" propre à chaque prison. Il peut en résulter des différences de traitement parfois ressenties, à l'occasion d'un transfert, comme l'expression d'une forme d'arbitraire.
L'élaboration d'un règlement intérieur cadre selon les grands types de structures limiterait les risques d'inégalité tout en permettant aux détenus de mieux appréhender leurs droits et devoirs. Ce texte pourrait fixer un certain nombre d'usages comme l'obligation pour les personnels pénitentiaires de vouvoyer les personnes détenues.
Une telle disposition répondrait au voeu de beaucoup des représentants des associations rencontrés par votre rapporteur. Il s'accorde avec l'une des propositions du COR. Celui-ci rappelait que « seules les spécificités particulières à l'établissement, dûment explicitées, pourraient justifier l'édiction par celui-ci de dispositions spéciales ».
Votre commission vous propose de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la détermination d'un règlement intérieur cadre.
L' amendement proposé a aussi pour objet de rappeler que la compétence réglementaire dont dispose le pouvoir exécutif dans le domaine pénitentiaire est encadré par les principes posés par le législateur.
Votre commission vous propose d'insérer un article additionnel avant l'article 49.
Article 49 (art. 715-1 nouveau et 716 du code de procédure pénale) Possibilité d'un encellulement individuel ou collectif pour les prévenus
Cet article assouplit le principe de l'encellulement individuel des personnes mises en examen, prévenus et accusés.
Le régime de « l'emprisonnement individuel de jour et de nuit » des prévenus, posé par l'article 716 du code de procédure pénale, connaît actuellement quatre séries de dérogations :
- si les intéressés en font la demande ;
- si leur personnalité justifie dans leur intérêt qu'ils ne soient pas laissés seuls ;
- s'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent ;
- jusqu'au 12 juin 2008, si la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou du nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel.
La partie réglementaire du code de procédure pénale reprend ces exceptions : aux termes de l'article D 83 « le régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit dans la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale ». Le critère relatif à la distribution des lieux autorise une large marge d'interprétation.
Règles d'affectation des détenus en cellules Plusieurs dispositions sont censées déterminer les règles d'affectation des détenus au sein d'une même cellule. L'application de ces critères est cependant très variable d'un établissement à l'autre en fonction de la densité de la démographie pénale. Seuls certains d'entre-deux font l'objet d'une application rigoureuse. Doivent en principe être séparés : - les prévenus à l'égard desquels l'autorité judiciaire aura prescrit l'interdiction de communiquer ou la mise à l'isolement et qui doivent être placés par priorité en cellule individuelle (art. D 58 et D 85). - les personnes mises en examen dans une même affaire alors même que le magistrat saisi du dossier ou l'information n'aurait pas ordonné leur séparation (art. D 86) ; - les détenus âgés de moins de 21 ans (art. D 85) ; - les prévenus et les condamnés n'ayant pas subi antérieurement une peine privative de liberté (art. D 85) ; - les détenus soumis à la contrainte judiciaire (art. D 90). Par ailleurs, aux termes de l'article D 59, les prévenus ne doivent pas être réunis contre leur gré avec des condamnés. Selon les informations communiquées par l'administration pénitentiaire, l'affectation des détenus prend en compte de manière prioritaire la dangerosité du détenu (envers les autres détenus ou envers lui-même), l'âge, le motif d'incarcération, le fait d'être ou non fumeur. |
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 716 apporte deux séries de modifications :
- en premier lieu, la possibilité d'un encellulement collectif dont le principe est reconnu au même titre que l'encellulement individuel ;
- ensuite, l'inversion du principe actuel selon lequel il peut être dérogé à l'encellulement individuel à la demande des détenus : il reviendrait désormais au prévenu de solliciter un placement en cellule individuelle ;
L'administration pénitentiaire pourrait s'opposer à cette demande pour deux motifs tenant, d'une part, à la personnalité de l'intéressé et, d'autre part, aux nécessités d'organisation pour les détenus autorisés à travailler ou à suivre une formation ;
Néanmoins, dans le cas d'un placement en cellule collective, deux garanties seraient introduites : l'adaptation de la cellule au nombre des détenus qui y sont hébergés, l'obligation pour l'administration pénitentiaire de vérifier l'aptitude des détenus à cohabiter et d'assurer leur sécurité.
Tout en approuvant cette dernière disposition, votre commission n'estime pas souhaitable de revenir sur le principe de l'encellulement individuel qui, même s'il peut faire l'objet d'aménagements ou d'un moratoire renouvelé, doit demeurer l'un des objectifs essentiels de l'administration pénitentiaire pour garantir des conditions de détention respectueuses de la personne.
Elle reste persuadée que la « banalisation » juridique de l'encellulement collectif contredit l'objectif de lutter contre la surpopulation carcérale, responsable d'une grande partie des difficultés des maisons d'arrêt. La règle pénitentiaire européenne n° 18 prévoit d'ailleurs que « chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle sauf lorsqu'il est considéré comme préférable pour lui qu'il cohabite avec d'autres détenus ».
Elle vous propose donc un amendement afin d'en rester aux principes actuels tout en maintenant les garanties apportées par le projet de loi pénitentiaire sur les conditions du placement en cellule collective lorsque celui-ci s'avère indispensable.
Par ailleurs, cet article vise à disjoindre le dernier alinéa de l'article 716 qui prévoit que « toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison sont accordées aux personnes mises en examen, prévenus et accusés pour l'exercice de leur défense ». Cette disposition, indépendante en effet du régime de détention stricto sensu décrit par l'article 716 ferait l'objet d'un nouvel article 715-1.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 49 ainsi modifié.
Article 50 (art. 717 du code de procédure pénale) Assouplissement des conditions de maintien d'un condamné en maison d'arrêt
Cet article vise à assouplir les conditions de maintien d'un condamné en maison d'arrêt.
En l'état du droit, en vertu de l'article 717 du code de procédure pénale, les condamnés doivent en principe purger leur peine dans un établissement pour peines. Cependant, les condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an ou dont le reliquat de peine est inférieur à un an peuvent, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque les conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient.
Conditions d'affectation des personnes condamnées en établissement pour peine La décision d'affectation est prise : - soit par le directeur interrégional (compétent pour les affectations au sein de sa direction interrégionale pour les condamnés à une peine inférieure à 10 ans quel que soit le reliquat ; les condamnés dont le quantum de peine est égal ou supérieur à 10 ans et dont le reliquat est inférieur ou égal à 5 ans au jour où la condamnation est définitive) ; - soit par le ministre de la Justice (compétent pour les affectations sur le territoire national pour les condamnés dont le quantum de peine est égal ou supérieur à 10 ans et dont le reliquat de peine est supérieur à 5 ans au jour où la condamnation est définitive ; les affectations des détenus classés au répertoire des détenus particulièrement signalés quelque soit le quantum de peine ou le reliquat de peine ; les affectations des détenus condamnés pour des actes de terrorisme quelque soit le quantum ou le reliquat de peine, les affectations en maison centrale ; les admissions au centre national d'observation -CNO-). Dans tous les cas, le dossier d'orientation une fois constitué, qu'il soit de compétence régionale ou nationale est transmis à la direction interrégionale des services pénitentiaires soit pour décision (en cas de compétence régionale) soit pour avis avant transmission au bureau de la gestion de la détention - direction de l'administration pénitentiaire- (en cas de compétence nationale). Délai de traitement Le premier délai est constitué par le temps de traitement du dossier une fois parti de l'établissement vers la direction interrégionale, puis s'y ajoute le cas échéant un temps de traitement de la direction interrégionale à l'administration centrale. Ce délai de traitement du dossier comprend l'enregistrement du dossier, la saisie informatique, le contrôle des pièces, l'analyse du dossier, la rédaction de l'avis ou de la décision. Au niveau régional, il est en moyenne de 1,7 mois (l'écart se situant entre 1 mois et 4 mois). Le délai national comprend une partie contrainte par le temps de traitement à la direction interrégionale et une partie inhérente à l'administration centrale. Le délai de traitement au niveau de l'administration centrale est actuellement en moyenne d'1 mois auquel il faut ajouter le délai de traitement de la DISP (en moyenne 1,7 mois) soit au total un délai de traitement national de 2,7 mois en moyenne. Délai de transfert Une fois la décision d'affectation prise, il existe un délai pour la réalisation du transfert (l'arrivée matérielle de la personne condamnée en établissement pour peines). Le délai de transfert régional est en moyenne de 6,7 mois (avec des écarts allant de 1 à 24 mois selon les établissements). Le délai de transfert national vers tout type d'établissement pour peines est de 7 mois. Le délai de transfert national vers un centre de détention est en moyenne de 7,4 mois (avec des écarts allant de 0 à 26 mois). Le délai de transfert national vers une maison centrale est en moyenne de 4,3 mois (avec des écarts allant de 3 à 12 mois). Délai global d'affectation en établissement pour peines Au niveau régional, le délai moyen d'affectation en établissement pour peines est de 8,4 mois (avec des écarts allant de 2 à 28 mois). Au niveau national, le délai moyen d'affectation en établissement pour peines est de 9,7 mois (avec des écarts allant de 2 mois à 29,4 mois). |
Le projet de loi pénitentiaire propose de porter de un an à deux ans le critère relatif au quantum ou au reliquat de peine. En outre, les condamnés ayant un reliquat de peine supérieur à deux ans pourraient être maintenus en maison d'arrêt lorsqu'ils bénéficient d'un aménagement de peine ou seraient susceptibles d'en bénéficier rapidement.
Cette disposition répond à plusieurs motivations.
D'abord, elle entérine une situation de fait.
Ensuite, le maintien dans une maison d'arrêt peut se justifier au regard notamment des liens familiaux ou de la préparation d'un aménagement de peine.
Enfin, cette disposition apparaît cohérente avec les articles 46 et 47 du présent projet de loi qui permettent des mesures d'aménagement de peine pour les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à deux ans et non plus à un an.
Cette mesure, conforme aux préconisations du COR, implique cependant que les condamnés puissent bénéficier d'un régime d'incarcération comparable à celui auquel ils seraient soumis en établissement pour peine. Tel est loin d'être le cas à présent, même si les efforts engagés au sein des maisons d'arrêt pour séparer prévenus et condamnés tendent vers cet objectif.
En contrepartie, votre commission vous propose par un amendement , comme le suggérait le COR, de reconnaître le droit pour toute personne condamnée à une peine supérieure à deux ans de bénéficier, à sa demande, d'un transfèrement en établissement d'exécution de peines dans un délai maximum de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 50 ainsi modifié.
Article 51 (art. 71- 1 du code de procédure pénale) Parcours d'exécution de peine - Différenciation des régimes de détention
Cet article qui complète l'article 717-1 du code de procédure pénale consacré aux critères de répartition des condamnés au sein des établissements pour peine comporte deux volets distincts : la consécration législative du parcours d'exécution de la peine, la différenciation des régimes de détention.
• Le parcours d'exécution de la peine
Le parcours d'exécution de la peine prolonge le projet d'exécution de peine (PEP) défini par une circulaire du 21 juillet 2000. Le PEP, d'abord mis en place dans les centres de détention, puis étendu aux maisons d'arrêt poursuit trois objectifs principaux :
- donner plus de sens à la peine privative de liberté en impliquant les détenus ;
- améliorer l'individualisation de la peine ;
- apporter des éléments objectifs d'appréciation au juge en vue d'un aménagement de peine.
Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale notait déjà en 2000 que le maintien de condamnés en maison d'arrêt parfois pendant plusieurs années compliquait la définition d'un projet d'exécution de peine. En outre, l'insuffisance des effectifs du personnel notamment de conseillers d'insertion et de probation ne favorisait pas une individualisation de la peine. Enfin, l'engagement d'un détenu sur des actions de réinsertion n'ouvrait pas nécessairement la perspective d'un aménagement de peine. Ces constats ont conservé leur actualité.
L'administration pénitentiaire a souhaité à juste titre structurer le PEP par une prise en charge globale et pluridisciplinaire à travers notamment la mise en place d'une commission unique. Une circulaire de la direction de l'administration pénitentiaire (n° 113/PMJ1) du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de probation rappelle que cette commission pluridisciplinaire, présidée par le chef d'établissement, garant du fonctionnement du PEP, est destinée à examiner la situation particulière de chaque personne condamnée : « elle est également un lieu d'échanges permettant l'élaboration et l'évaluation d'un plan d'action général ».
Par ailleurs, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, à la suite d'un amendement adopté par le Sénat à l'initiative de votre commission, institue une évaluation systématique d'une personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à 15 ans pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté (art. 706-53-1 du code de procédure pénale). Ainsi, aux termes de l'article 717-1 A du code de procédure pénale, la personne condamnée doit être placée pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de sa prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Pour votre commission, cette évaluation devait être conduite par le centre national d'observation établi au sein de la maison d'arrêt de Fresnes grâce aux compétences pluridisciplinaires réunies par cette structure et à son expérience. Au vu de l'évaluation, comme l'a prévu la loi, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé.
Votre rapporteur avait souhaité, lors de l'examen de la loi du 24 février 2008, que cette évaluation puisse être rapidement généralisée selon des modalités adaptées à l'ensemble des personnes détenues.
Le présent article répond pour une large part à cette préoccupation.
Le dispositif envisagé concernerait les condamnés dès que leur condamnation serait devenue définitive.
Ils feraient alors l'objet d'un bilan de personnalité à l'issue d'une période d'observation.
Au vu de ce bilan, le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation élaboreraient un parcours d'exécution de la peine. Ce projet ainsi que ses modifications ultérieures seraient portés à la connaissance du juge de l'application des peines. Selon l'exposé des motifs, ce processus d'exécution de peine permettrait à chaque détenu de se fixer des objectifs, suivi d'une formation, augmentation des efforts d'indemnisation de la victime, soins, etc.
Votre commission approuve très largement cette disposition. Elle souhaite cependant attirer l'attention sur trois points :
- l'évaluation ne concernerait que les condamnés à l'issue de la décision définitive de condamnation qui peut n'intervenir parfois qu'au terme d'un long délai. Aussi, devrait-elle être mise en oeuvre dès l'entrée en détention afin de définir pour les prévenus comme pour les condamnés, les modalités de prise en charge de la détention Votre commission vous soumet un amendement en ce sens ;
- s'il n'est pas indispensable de prévoir une évaluation aussi longue et complète que celle prévue pour les criminels les plus dangereux par la loi relative à la rétention de sûreté, il apparaît cependant souhaitable que cette observation présente un caractère pluridisciplinaire associant personnels de surveillance, conseillers d'insertion et de probation, enseignants, médecins et psychologues. L'amendement précédent prend en compte cette considération ;
- contrairement aux dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté, la définition du parcours d'exécution de la peine n'incomberait pas au juge de l'application des peines mais au chef d'établissement et au directeur des SPIP. Cette adaptation paraît justifiée dans la mesure où la définition de ce parcours intéresse les auteurs d'infractions de moindre gravité qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté. Néanmoins, la réussite de ce parcours dépendra aussi, pour une large part, de l'implication active de la personne condamnée.
Aussi dans un souci de responsabilisation, semble-il opportun de prévoir par un amendement une association des détenus à son élaboration, ne serait-ce que sous la forme d'une simple consultation. Telle était du reste la piste suggérée par le COR avec la mise en place d'un « parcours de mobilisation » : « ce parcours ne saurait être imposé au condamné ; il doit au contraire faire l'objet de son adhésion après la mise en oeuvre d'une pédagogie tendant à faire comprendre sa logique et son bien-fondé ». Au reste, cette implication s'inscrit dans l'esprit des dispositions actuelles -l'article D 74 du code de procédure pénale prévoit ainsi que « les condamnés sont intéressés à l'élaboration ou à la modification du projet d'exécution de leur peine ».
• La différenciation des régimes de détention
En l'état du droit, la répartition des condamnés dans les établissements pour peine « s'effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé et de leur personnalité » (1 er alinéa de l'article 717-1 du code de procédure pénale). Le code de procédure pénale insiste plus particulièrement sur l'exigence d'une prise en charge spécifique pour les personnes susceptibles de faire l'objet de soins au cours de leur détention. Ainsi, les condamnés pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, sont censés exécuter leur peine « dans des établissements pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et psychologique adapté » (2 ème alinéa de l'article 717-1 du code de procédure pénale).
Les détenus sont en effet loin de constituer une population homogène ; l'infraction commise, la peine prononcée, les antécédents pénaux, l'âge ou l'état de santé, autant de facteurs qui déterminent des comportements spécifiques et justifient une prise en charge adaptée.
L'éventail actuel des établissements pénitentiaires permet, dans une certaine mesure, de prendre en compte ces principes de différenciation. Traditionnellement, les centres de détention accueillent les personnes condamnées présentant les meilleures perspectives de réinsertion tandis que les maisons centrales dont le régime est axé principalement sur la sécurité reçoivent les condamnés les plus difficiles.
Cette diversité a été renforcée dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 avec la création de centres ou quartiers de semi-liberté (CSL ou QSL), de centres pour peines aménagées (CPA) ou de quartiers courte peine (QCP) destinés à accueillir à l'écart du reste de la population pénale les primo-délinquants condamnés à une courte peine et à leur offrir des conditions de détention permettant une réinsertion rapide. Force est cependant de constater que ce programme est loin d'être achevé. Ainsi, en 2008, l'objectif de réserver 15 % de places à des places spécialisées (soit 287 places en CSL et QSL et 180 places en CPA), n'a été satisfait qu'à hauteur de 1,14 % du nombre total de places créées.
Par ailleurs, il existe une spécialisation de fait de certains établissements. Ainsi, si le code de procédure pénale ne prévoit pas d'affectation spécifique selon la nature de l'infraction commise, dans la pratique, cependant, les auteurs d'infractions sexuelles -les « pointeurs » dans le langage usuel de la prison- en bute aux persécutions des autres détenus, sont souvent regroupés dans des cellules ou des quartiers séparés. Cette logique de séparation peut être conduite à son terme lorsque l'ensemble d'une structure -comme tel est le cas des centres de détention de Casabianda (Haute-Corse) et de Mauzac (Dordogne) ou du centre pénitentiaire de Caen- leur est presque entièrement dédiée 184 ( * ) .
Enfin, au sein du même établissement, des régimes différenciés ont pu être mis en place en fonction du profil des détenus comme tel est le cas par exemple du centre de détention de Muret à Toulouse.
La différenciation des régimes de
détention
Cet établissement -dont 10 % de l'effectif de détenus est constitué de condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ou à trente ans de réclusion- prévoit des régimes de détention différents selon le bâtiment d'affectation de la personne condamnée. Il comprend notamment une unité d'observation approfondie pour les détenus considérés comme les plus difficiles (régime de portes fermées, exclusion du travail en ateliers) ; un bâtiment (H) où sont affectés les détenus présentant une bonne conduite et ne sont pas ou ne sont plus sous le coup d'une période de sûreté (régime de « portes ouvertes » de 7 h 15 à 23 h) et un bâtiment (S) dit de « confiance » réservé aux détenus ayant un reliquat de peine inférieur ou égal à trois ans, désireux de se mobiliser sur un projet de sortie. Le régime de détention y est encore plus libéral mais peut impliquer aussi la cohabitation en cellule. |
Votre commission plaide de longue date pour cette différenciation au motif, d'une part, qu'il n'est pas équitable d'appliquer à l'ensemble des détenus des règles de sûreté qui ne sont justifiées que pour une minorité d'entre eux et, d'autre part, que des régimes différenciés peuvent constituer une incitation pour le détenu à s'engager dans un parcours de réinsertion.
Elle approuve en conséquence la disposition proposée par le projet de loi qui tend, en consacrant la mise en place de régimes de détention différenciés en fonction de la personnalité, de la dangerosité et des efforts des détenus en matière de réinsertion sociale, à les généraliser pour l'ensemble des établissements pour peine.
Elle souhaite cependant formuler trois séries d'observations :
- la différenciation implique une séparation physique des détenus et de leur hébergement ; elle peut justifier à cet égard des aménagements importants des infrastructures existantes qu'il conviendra de prendre en compte dans les prochaines dotations budgétaires de l'administration pénitentiaire ;
- cette différenciation est pour l'heure réservée aux établissements pour peine ; elle serait également très souhaitable au sein des maisons d'arrêt même si en l'état de la surpopulation pénale, une telle évolution n'est pas encore envisageable ; du moins, convient-il de poursuivre le processus de séparation du prévenu et du condamné, en particulier dans la perspective où ces derniers pourraient, en vertu de l'article 50 du projet de loi, demeurer plus longtemps au sein des maisons d'arrêt ;
- enfin, elle autorise seulement une modulation de l'accès aux droits prévus par le projet de loi mais n'autorise nullement que les détenus soumis au régime le plus rigoureux en soient privés.
Comme votre rapporteur a pu le constater dans le cadre de ses auditions, les critiques portent moins sur le principe de la différenciation des régimes de détention que sur les conditions dans lesquelles l'administration pénitentiaire décide de transférer un détenu d'un régime à l'autre. Afin de prendre en compte cette préoccupation, votre commission propose par un amendement que le placement d'une personne détenue sous un régime de détention plus sévère soit spécialement motivé.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 51 ainsi modifié .
Article 52 (art. 712-2 du code de procédure pénale) Assouplissement du principe de l'encellulement individuel pour les condamnés
Cet article tend à assouplir le principe de l'encellulement individuel pour les personnes condamnées.
En vertu de l'article 717-2 du code de procédure pénale, les condamnés sont soumis dans les maisons d'arrêt, à l'emprisonnement individuel de jour et de nuit et, dans les établissements pour peines, à l'isolement de nuit seulement, le cas échéant, « après avoir subi une période d'observation en cellule ». Le code de procédure pénale prévoit cependant trois séries d'exceptions liées à :
- la distribution intérieure des locaux de détention ;
- l'encombrement temporaire de ces locaux ;
- les nécessités d'organisation du travail.
Le projet de loi propose d'ajouter deux autres dérogations, également applicables aux prévenus sur le fondement de l'article 716 du code de procédure pénale, lorsque, d'une part, les intéressés demandent à ne pas rester seuls, d'autre part, lorsque leur personnalité « justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls ».
Parmi les exceptions au principe de l'encellulement individuel, celles-ci, en effet, paraissent les plus légitimes.
En revanche, votre commission estime qu'il est paradoxal de maintenir les dérogations au titre de la distribution intérieure et de l'encombrement temporaire des locaux pour les personnes condamnées dès lors que, précisément, l'administration pénitentiaire est en mesure, dans les établissements pour peines, de garantir un encellulement individuel.
Votre commission vous propose par un amendement de les supprimer. Néanmoins, afin de prendre en compte l'impossibilité de respecter ce droit pour les personnes condamnées hébergées dans les maisons d'arrêt, elle suggère de les inclure dans le champ du moratoire introduit par l'article 59.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 52 ainsi modifié .
Article 53 (art. 726 du code de procédure pénale) Régime disciplinaire
Cet article tend à fixer dans la loi les principes du régime disciplinaire dont les règles relèvent, en l'état du droit, pour l'essentiel, du règlement.
Il propose ainsi une nouvelle rédaction de l'article 726 du code de procédure pénale qui se borne actuellement à mentionner la possibilité d'enfermer seul « dans une cellule aménagée à cet effet » un détenu qui use de « menaces, injures ou violences ou commet une infraction à la discipline », voire de le soumettre « à des moyens de coercition en cas de fureur ou de violence grave, sans préjudice des poursuites auxquelles il peut y avoir lieu ».
Les grandes lignes du régime disciplinaire actuel Le régime disciplinaire des détenus a été profondément réformé par le décret n° 96-287 du 2 avril 1996 sous l'influence des règles pénitentiaires européennes révisées en 1987, afin d'assurer le respect du principe de la légalité des fautes et des sanctions et d'établir une procédure répondant aux règles du procès équitable. Les fautes disciplinaires (articles D. 249 à 249-4 du code de procédure pénale) sont classées suivant leur gravité en trois degrés -les fautes, les plus graves, du premier degré comprenant principalement des infractions pénales intentionnelles telles que les violences contre un membre du personnel ou contre un co-détenu mais aussi la détention ou le trafic de stupéfiants ou d'objets ou substances dangereuses pour la sécurité des personnes et de l'établissement. Les sanctions disciplinaires dont le prononcé doit être proportionné à la gravité des faits et adapté à la personnalité de leurs auteurs (articles D. 251-5) sont au nombre de 12 dont 7 peuvent être prononcées en fonction des circonstances de la faute disciplinaire et 5, quelle que soit la faute disciplinaire -avertissement ; interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur pendant une période maximum de deux mois ; privation pendant la même période de la faculté d'effectuer en cantine tout achat (à l'exception de l'achat de produits d'hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac) ; confinement en cellule individuelle ordinaire ; placement en cellule disciplinaire (articles D. 251 et D. 251-1). Le placement en cellule disciplinaire constitue la sanction la plus lourde (article D. 251-3). Elle comporte la privation d'achats en cantine ainsi que la privation de toutes les activités. Le décret n° 2008-546 du 10 juin 2008 a assoupli ce régime à deux titres : en permettant que la promenade quotidienne dans une cour individuelle dépasse une heure, en autorisant une visite hebdomadaire. Selon la procédure prévue aux articles D. 250 à D. 250-6, un compte rendu est établi à la suite d'un manquement à la discipline par l'agent qui en a été le témoin ou en a été informé. Puis un rapport est établi par un membre de l'encadrement du personnel de surveillance. Il appartient alors au chef d'établissement d'apprécier l'opportunité de poursuivre la procédure. Le cas échéant, le détenu est convoqué par écrit devant une commission de discipline. Il peut être mis à titre préventif et sans attendre la réunion de cette commission dans une cellule disciplinaire si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré « et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement ». La durée de ce placement préventif ne peut excéder deux jours. Depuis le décret n° 2003-259 du 20 mars 2003, le détenu peut, lors de sa comparution devant la commission disciplinaire, se faire assister d'un avocat en vertu de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Il peut aussi « dans la mesure du possible », si nécessaire s'exprimer par l'intermédiaire d'un interprète désigné par le chef d'établissement. La sanction disciplinaire peut faire l'objet d'un recours devant le directeur interrégional des services pénitentiaires. Elle constitue aussi un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir 185 ( * ) . Le régime disciplinaire des mineurs présente des spécificités, renforcées encore par le décret n° 2007-814 du 11 mai 2007 -ainsi le placement en cellule disciplinaire ne peut s'appliquer qu'aux mineurs de plus de 16 ans pour une durée qui ne saurait excéder 7 jours contre 45 jours pour les majeurs. |
Au regard des règles en vigueur le projet de loi pénitentiaire apporterait deux séries de modifications.
• L'élévation au niveau législatif des principes fondamentaux du droit disciplinaire
Le choix de conférer une base législative aux principes fondamentaux du droit disciplinaire apparaît légitime compte tenu de leur caractère coercitif.
Dans sa nouvelle rédaction, l'article 726 du code de procédure pénale poserait ainsi quatre principes :
- le classement des fautes selon leur nature et leur gravité ;
- la répartition des sanctions selon le degré de gravité de la faute commise ainsi que le nombre maximal de jours de placement en cellule disciplinaire ou de confinement en cellule individuelle ;
- le respect du principe du contradictoire (assistance d'un avocat choisi ou commis d'office avec, le cas échéant, le bénéfice d'une aide de l'Etat pour cette assistance) ;
- le caractère exceptionnel du placement des détenus mineurs de plus de 16 ans en cellule disciplinaire ;
- la possibilité, en « cas d'urgence », d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle pour une durée qui ne saurait excéder deux jours.
• La limitation de la durée du placement en cellule disciplinaire ou du confinement en cellule individuelle
Actuellement, cette durée est fixée à 45 jours au maximum pour une faute disciplinaire du 1 er degré (30 jours pour une faute disciplinaire du 2 ème degré et 15 jours pour une faute disciplinaire du 3 ème degré). Elle serait ramenée à 21 jours -ou à 40 jours pour tout acte de violence physique contre les personnes .
Votre commission estime parfaitement justifié le relèvement au niveau législatif des principes relatifs au régime disciplinaire des détenus.
Elle observe que les garanties concernant la procédure disciplinaire ont été renforcées au cours des dernières années : organisation d'un débat contradictoire, assistance de l'avocat et possibilité de recours devant la juridiction administrative. Les représentants des différentes organisations d'avocats ont, lors de leur audition par votre rapporteur, critiqué la confusion entre l'autorité de poursuite et l'autorité de jugement. Cependant, dans leur majorité, les magistrats rencontrés par votre rapporteur se sont montré réservés sur la possibilité de confier à l'autorité judiciaire le soin de décider d'une sanction disciplinaire. Le COR avait d'ailleurs estimé opportun de maintenir l'exercice du pouvoir disciplinaire entre les mains du chef d'établissement.
Votre commission propose cependant par un amendement que la composition de la commission de discipline qui comprend actuellement, outre le chef d'établissement ou son délégué, deux membres du personnel de surveillance dont un appartenant au grade de surveillant, soit modifiée afin d'inclure au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Il pourrait s'agir par exemple d'un membre du conseil d'évaluation de l'établissement -structure appelée à se substituer à la commission de surveillance.
Par ailleurs, à l'occasion de ses déplacements dans les établissements pénitentiaires, votre rapporteur visite systématiquement les quartiers disciplinaires. Il a pu constater que s'il demeure, en particulier dans les maisons d'arrêt les plus anciennes, des cellules insalubres et obscures, un réel effort de remise aux normes a été engagé par l'administration pénitentiaire dans de nombreux établissements (à titre d'exemple, à Loos, la réfection, en cours, du quartier disciplinaire permettra en particulier au détenu de maîtriser l'éclairage électrique de sa cellule et, grâce à un système d'interphone, de contacter les surveillants de permanence) : dans bien des cas, la réalité s'éloigne ainsi de la légende noire du « mitard ».
En revanche, votre commission ne partage pas le choix de maintenir une durée maximale de 40 jours en cellule disciplinaire pour tout acte de violence contre les personnes.
En effet, dans la mesure où, actuellement, la durée maximale de 45 jours n'est généralement appliquée que pour de telles violences, l'abaissement à 40 jours représenterait un changement très limité.
En outre, ce choix se situe très au-delà des durées maximales retenues par nos voisins européens.
Durée maximum de l'isolement punitif en Europe
Pays |
Nombre de jours |
Irlande |
3 |
Belgique |
9 |
Angleterre |
14 |
Espagne |
14 |
Italie |
15 |
Pays-Bas |
15 |
Allemagne |
28 |
Par ailleurs, comme l'a souligné M. Xavier Ronsin, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes et membre du Comité européen pour la prévention de la torture, les faits susceptibles de donner lieu à un placement en quartier disciplinaire sont également constitutifs d'infractions pénales pour lesquelles le parquet engage systématiquement des poursuites 186 ( * ) .
De plus, le placement en cellule disciplinaire pour une longue durée ne constitue pas toujours une réponse adaptée: il est lui-même générateur de violences contre les personnels de surveillance ; par ailleurs, le taux de suicide est plus élevé lors du placement en cellule disciplinaire qu'à tout autre moment de la détention ; dès lors, en pratique, les médecins mettent souvent un terme au régime disciplinaire 187 ( * ) afin de ne prendre aucun risque vis-à-vis de détenus qui menacent de se suicider (certains simulacres de pendaison se concluant par une pendaison effective) même si cette décision est source de vives tensions avec l'administration pénitentiaire.
La commission d'enquête sénatoriale avait recommandé de ramener à 20 jours la durée maximale du placement au quartier disciplinaire. Le Comité d'orientation a suggéré de la fixer à 21 jours, soit la durée maximale de droit commun proposée par l'article 53 du projet de loi.
Votre commission vous propose, pour sa part, de maintenir le principe d'un régime exceptionnel pour les violences contre les personnes en ramenant cependant la durée du placement en cellule d'isolement de 40 à 30 jours . En conséquence, elle suggère d'abaisser à 20 jours la durée maximale de droit commun.
Tel est le sens de l' amendement qu'elle vous soumet.
Votre commission souhaite enfin attirer l'attention sur la nécessaire refonte de la partie réglementaire du code de procédure pénale consacrée au régime disciplinaire afin de tirer toutes les conséquences des dispositions proposées par le présent article. Elle relève en particulier que l'ordre retenu par l'article D. 249-1 du code de procédure pénale pour les fautes disciplinaires du premier degré qui classe les violences physiques à l'encontre d'un co-détenu à la cinquième place après, notamment, la détention de stupéfiants ou de tout objet dangereux est pour le moins inapproprié. Elle fait sienne aussi la suggestion du COR de fusionner les sanctions disciplinaires énumérées à l'article D. 251 susceptibles d'être prononcées, quelle que soit la faute disciplinaire, avec celles énumérées à l'article D. 251-1 qui constituent autant d'alternatives à la mise en cellule disciplinaire mais ne peuvent être prononcées qu'en fonction des circonstances de la faute disciplinaire -la palette des sanctions ainsi élargie permettrait de mieux proportionner la sanction à la gravité des actes.
Elle vous invite à adopter l'article 53 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article 53 Isolement administratif
Le régime de l'isolement administratif est actuellement entièrement déterminé par la partie réglementaire du code de procédure pénale. Il a été profondément réformé par le décret du 21 mars 2006.
Régime actuel de l'isolement administratif Tout détenu, sauf s'il est mineur, peut être placé à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité, soit sur sa demande, soit d'office. La mesure tient compte de la personnalité du détenu, de sa dangerosité particulière et de son état de santé (article D. 283-1). La mesure est prise pour une durée de trois mois et renouvelée pour la même durée par le chef d'établissement (article D. 283-1-5). A l'issue du renouvellement, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut prolonger la mesure pour une durée de trois mois renouvelable une fois (article D. 283-1-6). Lorsque le détenu est à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut décider de prolonger l'isolement pour une durée de quatre mois renouvelable (article D. 283-1-7). Lorsque tel est le cas, le chef d'établissement préalablement à la décision, sollicite l'avis du juge de l'application des peines s'il s'agit d'un condamné ou du magistrat saisi de l'information s'il s'agit d'un prévenu (article D. 283-1-1). L'isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans « sauf à titre exceptionnel, si le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement » (article D. 283-1-7). Dans ce cas, la décision de prolongation doit être spécialement motivée. La mise à l'isolement ne constitue pas une mesure disciplinaire. Cependant, la personne concernée ne peut, en principe, participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les détenus soumis au régime de détention ordinaire (article D. 283-1-2), le chef d'établissement devant néanmoins s'efforcer d'organiser « dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité du détenu, des activités communes aux détenus placés à l'isolement ». |
Compte tenu des contraintes qu'il comporte, le régime de l'isolement administratif devrait être défini dans la loi.
Votre commission vous propose d'en rappeler les éléments essentiels ainsi que la garantie très appréciable de l'avis du magistrat compétent pour un prolongement de l'isolement au-delà d'un an.
Elle suggère en outre d'introduire une garantie complémentaire en prévoyant que le renouvellement de la mesure d'isolement doit être précédé d'un débat contradictoire au cours duquel la personne concernée, éventuellement assistée de son avocat, peut présenter des observations orales ou écrites.
Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'insérer après l'article 53.
SECTION 4 Dispositions diverses et de coordination
Article 54 Coordinations liées à l'institution de l'assignation à résidence avec surveillance électronique
Cet article procède aux coordinations nécessaires afin de viser l'assignation à résidence avec surveillance électronique (ARASE), instituée par l'article 37 du présent projet de loi dans les différentes dispositions du code de procédure pénale concernant le contrôle judiciaire ou la détention provisoire :
- à l' article 113-5 , le témoin assisté ne pourrait pas être placé sous ARASE ;
- à l' article 138 (obligations et interdictions du contrôle judiciaire), l'obligation de ne pas s'absenter de son domicile et la possibilité ouverte par la loi du 9 septembre 2002 que cette obligation s'exécute sous le régime du placement sous surveillance électronique seraient supprimées ; votre commission estime cependant utile de conserver une interdiction de s'absenter du domicile même non assortie d'une surveillance électronique. Elle vous propose un amendement en ce sens ;
- à l' article 143-1 , la détention provisoire pourrait être prononcée à l'encontre d'une personne qui se soustrait volontairement des obligations d'une assignation à résidence ;
- à l' article 144 , la détention provisoire ne pourrait être ordonnée qu'à la condition que les objectifs auxquels elle répond ne peuvent être atteints, soit par le contrôle judiciaire, soit par l'ARASE ;
- à l' article 179 , il est prévu que l'ordonnance de règlement mettrait fin à l'ARASE, sauf si le juge d'instruction par ordonnance distincte spécialement motivée décidait de la maintenir jusqu'à la comparution de la personne devant le tribunal ;
- à l' article 181 , en cas de mise en accusation de la personne devant la cour d'assises, l'assignation serait maintenue ; pour les personnes renvoyées pour délit annexe, elle prendrait fin ;
- à l' article 186 , la personne mise en examen pourrait exercer son droit d'appel contre la décision la plaçant sous ARASE ;
- à l' article 207 , même si la chambre de l'instruction ordonne une assignation, on en modifie les modalités, les décisions relatives à cette assignation continueraient de relever du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention sauf mention expresse de la chambre de l'instruction ;
- à l' article 212 , l'arrêt de la chambre de l'instruction déclarant qu'il n'y a pas lieu à suivre mettrait fin à l'assignation ;
- à l' article 394 (convocation par procès verbal), le procureur aurait la faculté de soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une assignation ;
- à l' article 397-7 , si le procureur de la République estime que les faits pour lesquels la personne est déférée devant lui doivent faire l'objet d'une information relevant d'un pôle de l'instruction, il peut requérir le placement sous assignation de la personne jusqu'à sa comparution devant le juge d'instruction compétent ;
- à l' article 495-10 , lorsque la personne demande à bénéficier d'un délai pour accepter la proposition formulée par le procureur de la République dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, elle pourrait être placée sous assignation ;
- à l' article 501 , lorsque le tribunal correctionnel statue sur une demande de mainlevée ou de modification de l'ARASE, l'appel devrait être formé dans un délai de vingt-quatre heures ;
- à l' article 569 , l'ARASE devrait prendre fin, sauf si la cour d'appel en décide autrement, lorsqu'elle prononce une condamnation à l'emprisonnement sans sursis ou assorti de sursis avec mise à l'épreuve ;
- à l' article 706-53-2 , l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes concernerait une mise en examen assortie d'une assignation si le juge d'instruction en décide ainsi et à l' article 706-53-4 , ces mentions seraient retirées en cas de cessation de l'ARASE ;
- à l' article 706-64 , les juridictions pénales ne pourraient pas recourir à la faculté qui leur est reconnue, en application de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire, de consulter la Cour de cassation, lorsque dans l'affaire concernée la personne est placée sous le régime de l'assignation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 54 ainsi modifié .
Article 55 (art. 471, 474, 702-1, 710, 712-4, 733-1, 747-2 et 775-1 du code de procédure pénale) Exécution par provision de la peine de jours-amende et des mesures d'aménagement de peine - Coordinations - Décisions à juge unique - Substitution d'une peine de jours-amende au travail d'intérêt général
Cet article procède à diverses modifications du code de procédure pénale ayant pour objet :
- de permettre l'exécution par provision de la peine de jours-amende et des mesures d'aménagement de peine (paragraphe I) ;
- d'opérer des coordinations avec la réforme des articles 723-15 à 723-28 du code de procédure pénale prévue à l'article 48 du projet de loi (paragraphes II, V, VII) ;
- de prévoir que la juridiction ayant prononcé une condamnation statue en principe à juge unique, lorsqu'elle est saisie à l'occasion de l'exécution de cette condamnation (paragraphes III, IV, VIII) ;
- de permettre au juge de l'application des peines de substituer une peine de jours-amende au travail d'intérêt général y compris lorsque ce dernier a été partiellement exécuté (paragraphe VI).
. Le premier paragraphe (I) modifie l'article 471 afin de prévoir que la peine de jours-amende , prononcée en application de l'article 131-5 du code pénal, le stage de citoyenneté , prescrit en application de l'article 131-5-1, et les mesures de personnalisation des peines , ordonnées en application des articles 132-25 à 132-70 188 ( * ) , peuvent être déclarés exécutoires par provision , à l'instar des autres peines alternatives à l'emprisonnement prévues aux articles 131-6 à 131-9 189 ( * ) et des peines complémentaires prévues aux articles 131-10 et 131-11.
. L'article 474 prévoit qu'en cas de condamnation d'une personne non incarcérée à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un an ou pour laquelle la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à un an, il est remis au condamné qui est présent à l'issue de l'audience du tribunal correctionnel un avis de convocation à comparaître, dans un délai qui ne saurait être inférieur à dix jours ni excéder trente jours, devant le juge de l'application des peines en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine ; cet avis précise que, sauf exercice par le condamné des voies de recours, la peine prononcée contre lui sera mise à exécution en établissement pénitentiaire s'il ne se présente pas, sans excuse légitime, à cette convocation.
Il est ajouté que ces dispositions sont également applicables lorsque la personne est condamnée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou bien à une peine de travail d'intérêt général, le condamné devant alors être convoqué devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Les modifications proposées par le deuxième paragraphe (II) tirent, à l'exception d'une, les conséquences de la réforme proposée par l'article 48 du projet de loi pour les articles 723-15 à 723-18 du code de procédure pénale. Elles consistent, outre des coordinations rédactionnelles :
- à viser les condamnés non incarcérés à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans ou pour laquelle la durée de détention restant à subir 190 ( * ) est inférieure ou égale à deux ans, par coordination avec l'extension à ces catégories de condamnés du bénéfice de la procédure dérogatoire d'aménagement des peines ;
- à prévoir que le condamné est également avisé qu'il est convoqué aux mêmes fins devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation, à une date ultérieure, dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours.
La seule modification qui ne découle pas directement de la réforme des articles 723-15 à 723-18 du code de procédure pénale consiste à supprimer l'interdiction de convoquer le condamné devant le juge de l'application des peines dans un délai inférieur à dix jours suivant l'audience de jugement , dont on perçoit effectivement mal la justification.
Votre commission vous soumet un amendement de coordination avec l'amendement présenté à l'article 48 du projet de loi et portant sur l'article 723-15 du code de procédure pénale, qui autorise la convocation de la personne condamnée à une courte peine d'emprisonnement mais non encore incarcérée d'abord devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation puis devant le juge de l'application des peines pour étudier les possibilités d'aménagement de sa peine.
. Le troisième paragraphe (III) complète l'article 702-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que la décision par laquelle la juridiction de jugement décide, à la demande de la personne qu'elle a condamnée, de la relever d'une interdiction, déchéance ou incapacité ou d'une mesure de publication est prise à juge unique : un magistrat du tribunal correctionnel exerçant les pouvoirs du président, le président de la chambre des appels correctionnels, le président de la chambre de l'instruction.
Il donne cependant au magistrat concerné la faculté de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction , si la complexité du dossier le justifie, soit d'office, soit à la demande du condamné ou du ministère public.
Enfin, il précise, d'une part, que le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction, d'autre part, que la décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.
Les dispositions proposées, conjuguées à la possibilité donnée par l'article 43 du projet de loi aux juridictions de l'application des peines de relever elles-mêmes un condamné de certaines interdictions professionnelles, devraient faciliter la réinsertion des détenus en accélérant les procédures.
Rappelons que les interdictions professionnelles ne concernent pas seulement les personnes condamnées à des peines privatives de liberté et relevant à ce titre de la compétence des juridictions de l'application des peines.
. Le quatrième paragraphe (IV) complète l'article 710 du code de procédure pénale, afin de prévoir des dispositions similaires pour le traitement, par la juridiction ayant prononcé la sentence, des incidents contentieux relatifs à l'exécution et des demandes de rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions . La juridiction statuerait à juge unique, le magistrat concerné ayant la faculté de renvoyer l'affaire devant la formation collégiale de jugement lorsque le dossier s'avère complexe. En revanche, les décisions de confusion de peines resteraient prises par la formation collégiale de la juridiction.
. Le cinquième paragraphe (V) complète l'article 712-4 du code de procédure pénale, aux termes duquel la procédure applicable devant le juge de l'application des peines est définie aux articles 712-5 à 712-10, afin de mentionner les procédures dérogatoires prévues aux articles 723-14 à 723-17 et concernant l'application des courtes peines d'emprisonnement à l'égard des condamnés libres et l'aménagement des fins de peines d'emprisonnement inférieures à cinq ans. Il répare un oubli de la loi du 9 mars 2004, tout en tenant compte de la renumérotation opérée par l'article 48 du projet de loi.
. Le sixième paragraphe (VI) complète l'article 733-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que le juge de l'application des peines peut substituer une peine de jours-amende au travail d'intérêt général y compris lorsque ce dernier a été partiellement exécuté 191 ( * ) .
. Le septième paragraphe (VII) modifie l'article 747-2 du code de procédure pénale, relatif aux modalités de conversion d'une peine d'emprisonnement de courte durée en un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en jours-amende 192 ( * ) , afin de viser non seulement la procédure de droit commun prévue à l'article 712-6 mais aussi la procédure dérogatoire prévue à l'article 723-15, dans sa rédaction issue de l'article 48 du projet de loi. A l'instar du V, il répare un oubli de coordination de la loi du 9 mars 2004.
. Le huitième paragraphe (VIII) modifie l'article 775-1 du code de procédure pénale afin de prévoir, par renvoi au nouvel alinéa que le III tend à ajouter à l'article 702-1 du code de procédure pénale, que la juridiction saisie d'une demande d'exclusion de la mention d'une condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire 193 ( * ) statue à juge unique, sauf si la complexité du dossier justifie le renvoi de l'affaire devant la formation collégiale de jugement .
A l'instar de celles prévues par le III, ces dispositions, conjuguées à la possibilité donnée par l'article 43 du projet de loi aux juridictions de l'application des peines d'exclure l'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, devraient faciliter la réinsertion des détenus en accélérant les procédures.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 55 ainsi modifié.
Article 56 (art. 709-2, 716-5, 719 et 727 du code de procédure pénale) Dispositions diverses
Cet article comporte diverses dispositions modifiant le code de procédure pénale.
. Le premier paragraphe (I) modifie l'article 709-2, aux termes duquel le procureur de la République doit établir un rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines comprenant notamment un rapport établi par le trésorier-payeur général relatif au recouvrement des amendes dans le ressort du tribunal, afin de prévoir :
- d'une part, que le trésorier-payeur général doit communiquer son rapport au procureur de la République le premier jour ouvrable du mois de mars et non du mois de mai ;
- d'autre part, de supprimer l'obligation faite au procureur de la République de rendre public son rapport avant le dernier jour ouvrable du mois de juin.
Par amendement , votre commission vous propose de maintenir l'obligation faite au procureur de la République, par la loi du 9 mars 2004, de présenter un rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines avant la fin du mois de juin. Dans la mesure où le projet de loi impose au trésorier-payeur général de remettre son rapport, relatif au recouvrement des amendes, au début du mois de mars et non plus au début du mois de mai, le délai actuellement imposé au procureur de la République semble tout à fait pouvoir être tenu.
. Le 1° du deuxième paragraphe (II) modifie l'article 716-5 du code de procédure pénale afin de fixer les conditions dans lesquelles les agents de la force publique sont autorisés à pénétrer au domicile d'une personne condamnée afin d'assurer l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de réclusion : ces agents ne pourraient intervenir que sur autorisation du procureur de la République ou du procureur général ; ils ne pourraient s'introduire au domicile de l'intéressé avant 6 heures et après 21 heures.
Il comble un vide juridique. En effet, si l'article 134 du code de procédure pénale autorise expressément les agents de la force publique à pénétrer au domicile d'une personne dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'amener, d'arrêt ou de recherche (entre 6 heures et 21 heures), il n'existe pas de disposition similaire s'agissant de l'exécution des jugements ou des arrêts.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 716-5 du code de procédure pénale prévoit simplement qu'une personne interpellée pour mise à exécution d'une condamnation peut être retenue pendant vingt-quatre heures par les services de police ou de gendarmerie avant que la peine ne soit ramenée à exécution par le ministère public 194 ( * ) .
Le 2° du II modifie par ailleurs les deuxième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 716-5 du code de procédure pénale afin de prévoir que les prérogatives du procureur de la République au cours de cette procédure peuvent être également exercées par le procureur général lorsqu'il s'agit de mettre à exécution un arrêt d'une juridiction d'appel :
- il doit être informé dès le début de la mesure ;
- lorsque, à l'issue de la mesure, il envisage de ramener la peine à exécution, il peut ordonner que la personne soit conduite devant lui ; après avoir recueilli ses observations éventuelles, il doit lui notifier s'il y a lieu le titre d'écrou ;
- il peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d'aviser la personne qu'elle est convoquée devant le juge de l'application des peines, ou ordonner qu'elle soit conduite devant ce magistrat, lorsque celui-ci doit être saisi pour décider des modalités d'exécution de la peine.
. Le troisième paragraphe (III) modifie l'article 719 du code de procédure pénale afin d' autoriser les députés au Parlement européen élus en France, à l'instar des députés et sénateurs, à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires .
Votre commission vous soumet un amendement de précision : le code électoral fait référence au mandat de représentant au Parlement européen et non de député au Parlement européen.
. Enfin, le quatrième paragraphe (IV) procède à trois suppressions :
- la référence à la commission de surveillance qui devrait être remplacée par le conseil d'évaluation, évoqué par l'exposé des motifs du projet de loi, et que votre commission vous propose de consacrer dans la loi par un article additionnel après l'article 2 ;
- la précision selon laquelle un décret fixe les conditions dans lesquelles certaines personnes peuvent être admises à visiter les détenus, l'article 15 du projet de loi déterminant les principes généraux applicables aux visites ;
- la disposition relative au droit des condamnés de communiquer avec leur avocat dans les mêmes conditions que les prévenus, redondante avec l'article 11 du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 56 ainsi modifié .
Article 57 (art. 804, 844-1 nouveau, 868-2 nouveau, 877, 926-1 nouveau, 934-1 et 934-2 nouveaux du code de procédure pénale Application dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie
Cet article modifie le livre VI du code de procédure pénale afin d'étendre les dispositions du projet de loi, en les adaptant, à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités d'outre-mer, qui sont régies par le principe de spécialité législative.
Le premier paragraphe (I) réécrit l'article 804 qui fixe la liste des articles législatifs qui ne s'appliquent pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, pour tenir compte des dispositions issues de la présente loi et de l'évolution du service public pénitentiaire dans ces collectivités intervenue depuis sa rédaction en 1996. Ainsi, est rendu applicable à cette occasion l'article 717 du code de procédure pénale qui prévoit que les condamnés sont incarcérés dans des établissements pour peine.
Dans les îles Wallis et Futuna, ne sont pas applicables les articles 723-14 à 723-16 qui traitent de 723-20 à 723-24 et 723-27 relatifs aux aménagements de peine.
Les paragraphes II, III et V et VI insèrent dans le code de procédure pénale des articles 844-1 et 844-2, 868-2, 926-1, 934-1 et 934-2 procédant aux adaptations nécessaires à l'application de la présente loi.
En Nouvelle-Calédonie, en ce qui concerne les mineurs, les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation et à son directeur en matière d'aménagements de peine sont assurées par le directeur du service chargé de la protection judiciaire de l'enfance (articles 844-1, 868-2).
Dans les îles Wallis et Futuna, compte tenu de l'inexistence d'un service pénitentiaire d'insertion et de probation, il est prévu que les fonctions dévolues à ce service par l'article 474 du code de procédure pénale pour la mise à exécution des peines d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou pour la mise à exécution d'une peine de travail d'intérêt général, soient exercées par le président du tribunal de première instance (article 844-2).
Pour permettre l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon des nouvelles dispositions relatives aux aménagements de peine, il est prévu, compte tenu de l'absence de service pénitentiaire d'insertion et de probation dans cette collectivité, que les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation, seront exercées par le président du tribunal de première instance, s'agissant de celles prévues par l'article 474 (article 926-1) ou par le chef d'établissement, s'agissant de celles prévues par les articles 723-15, 723-20, 723-24 et 723-27 (articles 934-1 et 934-2).
En ce qui concerne Mayotte, le paragraphe III opère un « toilettage » à l'article 877 du code de procédure pénale qui fixe la liste des articles de ce code qui ne sont pas applicables dans cette collectivité. Est ainsi étendu l'article 717 de ce code qui prévoit l'incarcération des condamnés dans des établissements pour peine.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 57 sans modification .
Article 58 Modalités d'application outre-mer
Les dispositions du projet de loi ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités d'outre-mer soumises, dans le domaine pénal, au principe de spécialité législative. L'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, nécessite par conséquent une mention expresse à cette fin prévue par le présent article.
En revanche, les nouveaux statuts applicables depuis le 1 er janvier 2008 à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) rendent inutile une telle mention pour ces collectivités.
En effet, l'article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, soumet la collectivité départementale de Mayotte au principe de l'assimilation législative, assorti d'exceptions, notamment en matière de droit du travail. Il ressort de ce nouveau régime que les dispositions législatives et réglementaires intervenant en matière pénale ou dans le domaine de la santé relèvent désormais à Mayotte de l'identité législative et s'y appliquent de plein droit.
Par ailleurs, la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a étendu l'application du principe d'identité législative dans les TAAF à de nouveaux domaines, tels que le droit pénal et la procédure pénale.
Le premier paragraphe (I) de cet article prévoit l'application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française à l'exception des dispositions de l'article 9 relatives aux droits des réservistes de l'administration pénitentiaire ainsi que des conditions d'application des dispositions relatives à l'insertion économique (article 14) qui devront être définies par les collectivités elles-mêmes.
Ces exceptions vaudraient également aux îles Wallis et Futuna. Il ne serait pas davantage fait application à cette collectivité de l'article 2 du projet de loi qui prévoit notamment que les collectivités territoriales concourent au service public pénitentiaire.
Le deuxième paragraphe (II) assimile en revanche la Nouvelle Calédonie aux collectivités visées aux articles 2 et 28 du projet de loi (participation aux instances d'évaluation envisagées par l'exposé des motifs du projet de loi).
Le troisième paragraphe (III) prévoit qu'en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, les biens abandonnés par les détenus à l'issue de leur libération sont déposés à la Caisse des dépôts et non au Trésor public.
Le quatrième paragraphe (IV) autorise l'Etat à conclure avec les autorités compétentes des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle Calédonie une convention afin de définir les conditions d'application de la prise en charge sanitaire des détenus (article 23).
Le cinquième paragraphe (V) prévoit l'application de l'intégralité des dispositions relatives à la réserve à Mayotte (article 3) qui, à défaut de mention expresse d'application, entreraient dans le champ de dérogations au principe de l'identité législative auquel est soumise cette collectivité.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 58 sans modification .
Article 59 Moratoire de cinq ans pour l'application des dispositions relatives à l'encellulement individuel des détenus
Cet article tend à prévoir un moratoire de cinq ans pour l'application des dispositions relatives aux conditions d'emprisonnement des prévenus définies par l'article 716 du code de procédure pénale tel qu'il résulte de l'article 49 du présent projet de loi : la possibilité pour le détenu de demander un encellulement individuel pourrait être écartée pour des motifs tirés de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou du nombre de détenus présents dans l'établissement.
La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait prévu que trois ans après son entrée en vigueur, il ne pourrait plus être dérogé au principe de l'encellulement individuel pour les raisons, mentionnées à l'article 716 du code de procédure pénale, tenant à la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou leur encombrement temporaire. Compte tenu de l'impossibilité de répondre au droit à l'encellulement individuel, un nouveau moratoire de cinq ans avait été décidé dans le cadre de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière.
Le moratoire actuel est arrivé à son terme le 12 juin 2008. Le décret n° 2008-546 du 10 juin 2008 relatif au régime de détention et modifiant le code de procédure pénale a aménagé les conditions de mise en oeuvre du droit à l'encellulement individuel.
Un détenu est en effet, désormais, en mesure de demander à bénéficier du régime de l'emprisonnement individuel, alors que la distribution intérieure de la maison d'arrêt et le nombre de détenus ne lui permettent pas de bénéficier sur place de ce régime. Dans ce cas, le décret lui ouvre la faculté de déposer auprès du chef d'établissement une « requête pour être transféré, afin d'être placé en cellule individuelle dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un tel placement, à la condition que ce transfèrement obtienne l'accord du magistrat saisi du dossier de l'information ». Le chef d'établissement dispose alors d'un délai de deux mois à compter du dépôt de la requête pour répondre à cette demande en précisant la ou les maisons d'arrêt dans laquelle il sera susceptible d'être détenu.
Si le détenu accepte l'une ou plusieurs de ses propositions, le chef d'établissement en informe immédiatement le magistrat saisi du dossier de l'information qui donne ou non son accord. En cas d'acceptation du prévenu et d'accord du magistrat, le transfert a lieu dans les meilleurs délais.
Selon les indications fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, au 28 novembre 2008, parmi les 370 requêtes de prévenus :
- 180 ont été satisfaites ;
- 50 ont été rejetées (prévenu passé au régime « condamné », refus du magistrat, contre-indication médicale...) ;
- 80 sont en cours de traitement ;
- 60 ont été annulées (à l'initiative du détenu, en raison d'une libération, d'un transfert...). Le motif principal d'annulation du fait du détenu tient à l'éloignement géographique de l'établissement proposé.
D'après les témoignages concordants recueillis par votre rapporteur à l'occasion de ses visites, le faible nombre de requêtes s'explique non pas par le manque d'attrait des détenus pour l'encellulement individuel mais bien davantage par les conditions dissuasives posées par le décret à l'obtention d'une cellule individuelle et le risque d'un éloignement de l'environnement familial.
La reconduction du moratoire apparaît plus contestable que par le passé dès lors que la réécriture de l'article 716 du code de procédure pénale proposée par le projet de loi admet l'encellulement collectif et soumet le droit à l'encellulement individuel à une demande de l'intéressé.
Cependant votre commission vous propose de l'approuver dès lors que serait adopté l'amendement suggéré à l'article 49 du présent projet de loi pour rétablir le principe de l'emprisonnement individuel et pour tenir compte des capacités d'accueil des maisons d'arrêt. Dans la mesure où elle a également suggéré la suppression de la dérogation, actuellement prévue par l'article 712-2 du code pénal, tenant à l'encombrement des locaux pour les personnes condamnées elle vous recommande d'élargir le moratoire à toutes les personnes détenues en maison d'arrêt.
Elle estime cependant à tout le moins nécessaire de maintenir pendant la durée de ce moratoire les mécanismes prévus par le décret du 10 juin 2008 si restreints qu'ils puissent paraître. Elle propose ainsi de compléter cet article pour permettre dans les conditions prévues par le décret à un détenu demandant un encellulement individuel la possibilité d'être transféré dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un tel placement.
La nouvelle rédaction de cet article qu'elle vous propose tient compte de ces différentes observations.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 59 ainsi modifié .
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pénitentiaire .
ANNEXES
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ANNEXE 1 GLOSSAIRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE
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Centre de détention
Établissement pénitentiaire comportant un régime principalement orienté vers la réinsertion sociale et, le cas échéant, la préparation à la sortie des condamnés .
Centre pénitentiaire
Établissement pénitentiaire comprenant des quartiers distincts pouvant appartenir aux différentes catégories d'établissements : « quartier maison centrale », « quartier centre de détention », « quartier de semi-liberté », « quartier pour peines aménagées », « quartier maison d'arrêt ».
Centre de semi-liberté et centre pour peines aménagées
Établissement pénitentiaire comportant un régime essentiellement orienté vers la réinsertion sociale et la préparation à la sortie des condamnés . Ces derniers sont astreints à le rejoindre dès la fin de l'activité ayant justifié la mesure d'aménagement de leur peine : travail, soins, formation, participation essentielle à la vie de la famille.
Condamné
Personne ayant fait l'objet d'une décision judiciaire définitive la déclarant coupable d'avoir commis une infraction pénale.
Établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM)
Établissement pénitentiaire créé en application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 et spécialisés dans l'accueil des mineurs.
Établissement pour peines
Établissement pénitentiaire dans lequel sont incarcérées les personnes définitivement condamnées à une peine privative de liberté : maison centrale , centre de détention , établissement pénitentiaire pour mineurs , centre de semi- liberté , centre pour peines aménagées .
Fractionnement
Mesure d'aménagement d'une peine d'emprisonnement en vertu de laquelle celle-ci s'exécute par fractions de deux jours au moins, par exemple chaque fin de semaine, sur une période totale de trois ans.
Juridictions de l'application des peines
Le juge de l'application des peines, magistrat du siège spécialisé du tribunal de grande instance, et le tribunal de l'application des peines, formation collégiale de trois juges de l'application des peines, constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré. Ils sont chargés de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application. Leurs décisions sont susceptibles d'appel devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, puis d'un pourvoi devant la Cour de cassation.
Libération conditionnelle
Mise en liberté anticipée et sous contrôle d'une personne condamnée qui a purgé une partie de sa peine privative de liberté et justifie d'« efforts sérieux de réadaptation sociale ».
Maison d'arrêt
Établissement pénitentiaire recevant les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à un an.
Maison centrale
Établissement pénitentiaire pour peines comportant une organisation et un régime de sécurité renforcés.
Milieu ouvert
Ensemble des mesures et décisions de justice exécutées en totalité ou en partie hors des établissements pénitentiaires, par opposition à l'incarcération. Mises en oeuvre par les services pénitentiaires d'insertion et de probation , elles peuvent être prises avant le jugement (par exemple, dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ) ou en exécution d'une peine d'emprisonnement (par exemple, dans le cadre d'une semi-liberté ).
Peines alternatives
Peines pouvant toujours être prononcées par le juge, à titre principal, pour remplacer l'une des peines légalement encourues, sauf en matière criminelle.
Peines complémentaires
Peines prévues par la loi pour chaque infraction et destinées à compléter les peines principales, aussi bien en matière correctionnelle et contraventionnelle qu'en matière criminelle (interdiction, déchéance ou retrait d'un droit, immobilisation ou confiscation d'un bien...). En matière correctionnelle, ces peines peuvent être prononcées, à titre de peine principale , à la place des peines principales encourues.
Peine principale
Peine prévue par la loi, à titre principal, pour sanctionner un comportement déterminé. Selon la durée de la peine et le montant de l'amende, elle identifie une infraction pénale et sa nature criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. La privation de liberté et l'amende sont aujourd'hui les deux seules peines principales.
Permission de sortir
Mesure d'aménagement de la peine autorisant le condamné à s'absenter seul d'un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée, qui s'impute sur la durée de la peine en cours d'exécution, pour préparer sa réinsertion professionnelle ou sociale, maintenir ses liens familiaux ou accomplir une obligation exigeant sa présence.
Placement à l'extérieur
Mesure d'aménagement de la peine permettant au condamné de se trouver régulièrement en dehors de l'établissement pénitentiaire, soit pour être employé à des travaux contrôlés par l'administration, soit pour suivre un enseignement ou un traitement médical, soit pour travailler. A la différence de la semi-liberté , le placement à l'extérieur peut s'accompagner d'un hébergement en dehors de l'établissement pénitentiaire, par exemple auprès d'une association.
Placement sous surveillance électronique « fixe » (PSE)
Mesure de contrôle judiciaire ou d'aménagement de la peine comportant un système électronique de surveillance à distance, grâce à la pose d'un bracelet, de la présence ou de l'absence d'une personne sur un lieu où elle a été assignée par décision de justice.
Placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)
Mesure prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, d'une surveillance judiciaire, d'une surveillance de sûreté ou d'une libération conditionnelle permettant de vérifier, grâce à la pose d'un bracelet et à un système de géolocalisation par satellite, que la personne respecte les obligations et interdictions qui lui ont été fixées.
Prévenu
Personne, en liberté ou détenue dans un établissement pénitentiaire, poursuivie pour contravention ou délit et n'ayant pas encore été définitivement condamnée.
Semi-liberté
Mesure d'aménagement de la peine permettant au condamné d'entrer et de sortir de l'établissement pénitentiaire pour se livrer à certaines activités -travail, soins, formation, participation essentielle à la vie de la famille- à condition de réintégrer l'établissement en fin de journée.
Suspension de peine
Mesure d'aménagement interrompant la peine pour une durée déterminée, afin de permettre au condamné de recouvrer momentanément la liberté pour un motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou social. La suspension peut être accordée lorsque la peine est inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, pour une durée ne pouvant excéder trois ans.
Suspension médicale de peine
Mesure d'aménagement interrompant la peine, quelle que soit sa nature ou sa durée, pour une durée indéterminée lorsque le pronostic vital du condamné est engagé ou lorsque son état de santé est incompatible avec le maintien en détention. Les condamnés hospitalisés pour troubles mentaux et ceux à l'égard desquels il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction ne peuvent en bénéficier.
Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP)
Service déconcentré de l'administration pénitentiaire chargé de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées .
Sursis
Suspension totale ou partielle de l'exécution de la peine. Il est révocable en cas de nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle sans sursis, pour crime ou délit de droit commun.
Sursis avec mise à l'épreuve
Soumission du condamné , sous le contrôle du juge de l'application des peines , à des mesures de surveillance, d'assistance et à des obligations particulières : établir sa résidence en un lieu déterminé, se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, s'abstenir de paraître en certains lieux ou de rencontrer certaines personnes...
Travail d'intérêt général
Travail non rémunéré devant être accompli par le condamné, sous réserve de son accord et pour une durée comprise entre 40 et 210 heures, soit pour une personne morale de droit public, soit pour une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées. Le travail d'intérêt général peut être prescrit à titre de peine alternative à l'emprisonnement, de peine complémentaire, parfois même de peine principale, constituer l'obligation d'un sursis ou encore résulter de la conversion d'une peine d'emprisonnement déjà prononcée.
ANNEXE 2 ETUDE D'IMPACT CONCERNANT LE PROJET DE LOI PÉNITENTIAIRE TRANSMISE AU SENAT LE 7 NOVEMBRE 2008 PAR LE GOUVERNEMENT
1.- DIAGNOSTIC : LES DIFFICULTÉS AUXQUELLES LA LOI PÉNITENTIAIRE ENTEND REMÉDIER 237
1.1 Un ordonnancement juridique devenu inadapté en matière pénitentiaire 237
1.1.1. Principales règles applicables en matière pénitentiaire 237
1.1.2. Des normes internationales désormais plus précises 238
1.1.3. Une situation insatisfaisante en termes de hiérarchie des normes 239
1.2. Dans les faits, les missions de l'administration pénitentiaire restent largement centrées sur la fonction première de surveillance au détriment des actions de réinsertion et de prévention de la récidive 240
1.2.1. La nécessité de prendre en compte des actions de prévention de la récidive et d'accompagnement social des détenus 240
1.2.2. Les progrès accomplis depuis quinze ans butent sur des contraintes de moyens 240
1.2.3. Programmes de prévention de la récidive et aménagements de peine : situation actuelle 241
1.3. Des personnels pénitentiaires dévoués en quête d'une reconnaissance et d'une clarification de leurs missions 242
1.3.1. Des effectifs en constante progression 242
1.3.2. Une clarification des missions confiées aux personnels pénitentiaires 243
• Réaffirmer l'objectif prioritaire
de prévention de la récidive poursuivi par le service public
pénitentiaire 243
• Assurer la sécurité des
juridictions 244
1.3.3. Des difficultés des personnels de surveillance perçues comme insuffisamment reconnues et prises en compte 244
• Une formalisation des règles
déontologiques et disciplinaires 244
1.4. Les règles essentielles de la vie en détention méritent un meilleur encadrement législatif 244
1.4.1. La question récurrente du droit à l'encellulement individuel des prévenus 245
1.4.2. La modulation des régimes de détention : des bases juridiques insuffisamment précises 246
1.4.3. Les fouilles et le régime disciplinaire : des garanties minimales à établir 247
1.4.4. Le maintien des relations familiales : téléphone, visites, correspondance écrite 247
1.4.5. Le travail en prison : des règles spécifiques imprécises et une application du code du travail limitée aux règles d'hygiène et de sécurité 247
1.5. De nombreux droits des détenus sont méconnus ou limités du seul fait de leur situation 248
2.- OBJECTIFS POURSUIVIS 248
3.- OPTIONS 249
3.1. Conforter et moderniser les missions du service public pénitentiaire 249
3.1.1 La définition du service public pénitentiaire lui-même 249
Option 1 : Détailler la consistance du service public pénitentiaire dans une directive d'ensemble 249
Option 2 : Définir la consistance du service public pénitentiaire par conseil national d'orientation 249
Option 3 : Définir par la loi les missions du service public pénitentiaire 249
3.1.2. Évaluer l'action du service public pénitentiaire en fonction de ces objectifs 251
Option 1 : Évaluation nationale 251
Option 2 : Évaluation locale 251
Option 3 : Combinaison de plusieurs niveaux d'évaluation 252
3.1.3. Préciser en conséquence les obligations propres aux personnels pénitentiaires 252
Option 1 : Définition par voie réglementaire d'un code de déontologie du personnel pénitentiaire 252
Option 2 : Prestation de serment des agents de l'administration pénitentiaire 252
3.1.4. Développer les moyens humains pour accroître la sécurité des services relevant du Ministère de la justice 253
3.2. Garantir les droits des détenus sous réserve des impératifs de sécurité 253
3.2.1. Garantir les droits des détenus 253
Option 1 : Réaffirmer et préciser les limitations spécifiques au milieu pénitentiaire 253
Option 2 : Réaffirmer à la fois les droits et leurs limitations 253
3.2.2 Faciliter l'exercice du droit de vote 254
Option 1 : Permettre l'installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires 254
Option 2 : Aménager le régime du vote par procuration 254
Option 3 : La domiciliation à l'établissement pénitentiaire afin de permettre l'inscription sur les listes électorales de la commune dans laquelle l'établissement pénitentiaire est implanté 254
3.2.3 Permettre la domiciliation à l'établissement pénitentiaire pour assurer l'accès aux droits sociaux 255
3.2.4. Le respect de la vie privée et le maintien des liens familiaux 255
3.2.5. L'accès aux prestations de droit commun, sauf limitations particulières 256
- Accès aux soins 256
- Le droit à l'information et à la culture 256
3.3. Elever au niveau législatif les principes fondamentaux relatifs aux régimes de détention 257
3.3.1 L'encellulement individuel des condamnés 257
3.3.2. La possibilité de maintenir par exception les condamnés en maison d'arrêt 257
Options non retenues 258
3.3.3. La différenciation des régimes de détention au sein d'un établissement 258
3.3.4. Régime disciplinaire des détenus 258
3.3.5. Fouilles des détenus 259
3. 4. Prévenir la récidive des personnes placées sous main de justice 259
3.4.1. Préparer la réinsertion professionnelle 259
a) Le travail en prison 259
Option 1 : Le contrat de travail 259
Option 2 : l'acte d'engagement 260
b) L'accès aux dispositifs d'insertion professionnelle 261
Option 1 : Application limitée aux entreprises d'insertion et aux ateliers et chantiers d'insertion 261
Option 2 : Faire référence à l'ensemble des dispositifs de droit commun relatifs à l'insertion par l'activité économique 261
c) La formation professionnelle 262
Option 1 : Maintenir le dispositif actuel 262
Option 2 : Expérimenter un transfert aux régions de l'organisation et du financement des actions de formation professionnelle continue en faveur des détenus 262
3.4.2. Mener une action éducative adaptée en milieu pénitentiaire 263
La formation des mineurs 263
3.4.3. Favoriser la réinsertion sociale 263
a) Favoriser l'accès aux prestations d'aide sociale légale par la domiciliation au sein d'un établissement pénitentiaire 263
b) Fournir une base légale à l'aide aux indigents 264
3.4.4 Aménagements de peine 264
Option 1 : L'automaticité des aménagements de peine 265
Option 2 : Une amélioration du système d'aménagements des peines actuellement en vigueur 265
4.- ANALYSE DE L'IMPACT DU PROJET DE LOI 266
4.1. Impact juridique 266
4.2. Effets attendus de la loi pénitentiaire 266
4.2.1. Effets sur la récidive 266
4.2.2. Effets sur les violences en prison 268
4.2.3. Effets sur le taux des suicides 268
4.2.4. Moyens supplémentaires résultant de la création d'une réserve civile pénitentiaire et usage envisagé en priorité 269
4.3. Coûts pour l'Etat 269
a) Intervention des entreprises d'insertion, des chantiers et ateliers d'insertion dans les établissements pénitentiaires 269
b) Gestion des SPIP 269
4.4. Incidences sur les collectivités territoriales 270
4.4.1. Expérimentation de transfert de l'organisation et du financement d'actions de formation professionnelle continue pour les détenus 270
4.5. Effets sociaux 270
4.5.1. La situation des familles des personnes détenues 270
4.5.2. L'insertion de la prison dans la cité 270
FICHE D'IMPACT - LE RECOURS AUX ALTERNATIVES À LA DÉTENTION PROVISOIRE ET AUX AMÉNAGEMENTS DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ 272
1. Assignation à résidence avec surveillance électronique 272
1.1. Historique et description du droit actuel 273
1.2. Impact prévisible des nouvelles dispositions 273
2. Dispositions tendant à favoriser le recours aux aménagements de peines 273
2.1. Historique et description du droit actuel 273
2.2. Impact prévisible des nouvelles dispositions 276
a) Observations générales 276
b) Observations concernant la nouvelle procédure simplifiée d'aménagement de peine applicable aux condamnés détenus 277
1.- DIAGNOSTIC : LES DIFFICULTÉS AUXQUELLES LA LOI PÉNITENTIAIRE ENTEND REMÉDIER
1.1 Un ordonnancement juridique devenu inadapté en matière pénitentiaire
1.1.1. Principales règles applicables en matière pénitentiaire
Les normes régissant les droits et obligations des personnes placées sous main de justice, les établissements et les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont principalement issues de décrets simples à l'exception de quelques dispositions législatives, notamment la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire non codifiée et les articles 724 à 728-1 du code de procédure pénale.
L'article 728 du code de procédure pénale prévoit en effet qu'« un décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires ». Ainsi, cette disposition législative antérieure à 1958 reconnaît au pouvoir réglementaire la faculté de restreindre les libertés des détenus, ce qui relève du pouvoir législatif en droit commun.
Ces règles résultent également de décrets en Conseil d'Etat comme les dispositions relatives aux décisions administratives individuelles prises par l'administration pénitentiaire (décret n°2006-337 du 21 mars 2006) ou au régime de détention des mineurs (décret n°2007-748 du 9 mai 2007).
Enfin, de très nombreuses circulaires et notes administratives complètent ce dispositif.
Ces différentes sources du droit pénitentiaire sont devenues inadaptées.
Elles manquent de clarté en raison de l'inflation des textes et d'une tendance marquée à réglementer dans les détails et non de manière générale.
Aujourd'hui, il existe donc une profusion de normes parfois contradictoires et d'accès difficile. C'est le cas, par exemple, des règles relatives aux relations des détenus avec l'extérieur : visites, communications téléphoniques et correspondances.
Par ailleurs, l'affirmation du principe selon lequel l'exécution des peines relèverait du règlement ne semble pas correspondre à la réalité juridique. En effet, dans la prison comme à l'extérieur, les rapports de contrainte doivent être définis par la loi.
Le Gouvernement se propose donc de reprendre les règles générales actuellement posées par voie réglementaire ou de circulaire, d'en examiner la pertinence et, après avoir déterminé leur niveau juridique au regard de la hiérarchie des normes, de les intégrer le cas échéant dans le projet de loi pénitentiaire, tout en ajoutant les besoins normatifs nouveaux.
Le Parlement aura ainsi l'occasion de traiter des questions pénitentiaires, en définissant les missions de l'administration pénitentiaire et les droits des détenus. Le cadre sera ainsi fixé pour les textes d'application ultérieurs, dans un souci de sécurité juridique et de cohérence.
1.1.2. Des normes internationales désormais plus précises
Dans sa résolution du 17 décembre 1998, le Parlement européen a invité tous les Etats membres à élaborer une "loi fondamentale sur les établissements pénitentiaires qui définisse un cadre réglementant à la fois le régime juridique, le droit de réclamation ainsi que les obligations des détenus et prévoie un organe de contrôle indépendant auquel les détenus puissent s'adresser en cas de violation de leurs droits " .
La plupart des Etats disposent désormais d'une loi pénitentiaire régissant les prisons ; il en est ainsi de l'Italie (loi pénitentiaire du 26 juillet 1975), de l'Espagne (loi organique pénitentiaire du 26 septembre 1979), de l'Allemagne (loi pénitentiaire du 16 mars 1976), des Pays-Bas (loi régissant l'administration pénitentiaire du 1er janvier 1988) ou du Canada (loi fédérale correctionnelle de 1992).
Plus largement, tant les " Règles minima " des Nations Unies que les recommandations du Conseil de l'Europe dont les règles pénitentiaires mises à jour le 11 janvier 2006 ou celles du Parlement européen incitent depuis plusieurs années les Etats à réviser leur droit pénitentiaire non seulement en ce qui concerne les conditions générales de détention mais aussi les statuts des détenus et des personnels.
Adoptées en 1973, révisées en 1987 puis en 2006, les règles pénitentiaires européennes visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des Etats membres du Conseil de l'Europe et à leur faire adopter des pratiques et des normes communes. Ces 108 règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de détention, la santé, l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire, l'inspection et le contrôle des prisons.
Bien que ces recommandations ne revêtent aucune valeur contraignante pour les Etats et soient sans incidence sur la répartition entre la loi et le domaine réglementaire, elles constituent pour le ministère de la Justice un cadre de référence sur lequel l'administration pénitentiaire entend fonder son action. L'administration pénitentiaire a décidé de faire du respect des règles pénitentiaires un objectif prioritaire tant en ce qui concerne l'orientation de sa politique de modernisation que dans ses pratiques professionnelles.
Le Gouvernement propose par conséquent d'intégrer dans le droit français un grand nombre de ces règles pénitentiaires européennes.
1.1.3. Une situation insatisfaisante en termes de hiérarchie des normes
La Constitution de 1958 réserve une compétence exclusive au législateur pour fixer " les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ".
Les restrictions aux droits qu'entraîne inévitablement la privation de liberté doivent être fixées par la loi et être soumises aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité.
Aujourd'hui, le droit pénitentiaire ne respecte pas ces exigences constitutionnelles.
En outre, en raison de la superposition de règles hétérogènes, il ne présente pas les qualités d'accessibilité, de lisibilité et de prévisibilité exigées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Il n'offre pas davantage de cadre suffisamment clair pour définir et harmoniser les pratiques professionnelles.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite modifier le droit applicable sur certains points et rassembler les dispositions sur le service public pénitentiaire, dans un texte unique
En réponse aux rapports parlementaires qui, en 2000, dénonçaient la situation des prisons françaises 195 ( * ) , un projet de loi pénitentiaire avait déjà été élaboré en 2001. Il comprenait quatre volets : le sens de la peine, le régime disciplinaire et la condition juridique des personnes détenues, le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires.
Ce projet de loi, préparé à l'issue d'une large concertation, n'a jamais été transmis au Parlement, ni même inscrit à l'ordre du jour du conseil des ministres.
Plusieurs de ses dispositions ont été reprises depuis. Celles relatives aux aménagements de peines figurent dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice et dans la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Par ailleurs, le décret n°2006-338 du 21 mars 2006 a strictement encadré les règles relatives à la mise à l'isolement des détenus. Le Parlement a enfin adopté récemment la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Il est aujourd'hui nécessaire, d'une part, d'élever au niveau législatif les restrictions aux droits nécessairement imposées aux détenus pour des raisons de sécurité publique et, d'autre part, d'édicter un ensemble de règles de déontologie ayant vocation à imposer de nouvelles conditions d'exercice des fonctions remplies par les personnels pénitentiaires.
1.2. Dans les faits, les missions de l'administration pénitentiaire restent largement centrées sur la fonction première de surveillance au détriment des actions de réinsertion et de prévention de la récidive
1.2.1. La nécessité de prendre en compte des actions de prévention de la récidive et d'accompagnement social des détenus
Un consensus tendant à ce que la prévention de la récidive soit clairement affirmée comme la mission principale du service public pénitentiaire semble aujourd'hui se dégager.
La fonction strictement sécuritaire longtemps seule assignée à l'administration pénitentiaire, si elle demeure essentielle, doit nécessairement s'accompagner d'objectifs en matière de réinsertion visant la prévention de la récidive.
Tel est le constat que l'Assemblée nationale dressait déjà en 2000 : « la dichotomie entre mission de sécurité et mission d'insertion est beaucoup plus factice qu'il n'y paraît ; la garde du détenu sans l'objectif de le réinsérer induit la récidive . » ( rapport Mermaz précité, p.119 )
Plus récemment, les travaux du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire ont souligné la nécessité d'affirmer comme prépondérante cette mission de lutte contre la récidive au même titre que la participation au maintien de la sécurité publique ou à la réinsertion des personnes placées sous main de justice.
1.2.2. Les progrès accomplis depuis quinze ans butent sur des contraintes de moyens
Depuis une quinzaine d'années, la situation des détenus dans les établissements pénitentiaires s'est sensiblement améliorée, à la faveur notamment de deux réformes touchant à leur prise en charge sanitaire et socio-éducative.
S'agissant de la prise en charge sanitaire des détenus, la loi n°94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale prévoit que tous les détenus, y compris les étrangers, sont obligatoirement affiliés à l'assurance maladie et maternité du régime général (article L. 381-30 du code de la sécurité sociale) et bénéficient des prestations en nature correspondantes (article L. 319-30-1 du même code). Leur prise en charge sanitaire est assurée par le secteur public hospitalier (article L. 711-3 du code de la santé publique).
Si certains locaux des unités de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) installés dans des établissements pénitentiaires construits avant 1994 sont encore inadaptés, cette réforme a amélioré la qualité des soins dispensés aux détenus. De même, la création en 2000 de huit unités hospitalières sécurisées interrégionales, dont six sont déjà ouvertes, a permis une amélioration des conditions d'hospitalisation des détenus présentant des pathologies lourdes et une rationalisation des moyens de leur garde. Enfin, les conditions d'hospitalisation psychiatrique des détenus ont été considérablement améliorées par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice qui prévoit la création d'unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus. Dix sept unités devraient être construites dont les premières verront le jour en 2009.
S'agissant de la prise en charge socio-éducative, le décret n°99-276 du 13 avril 1999 est intervenu pour fusionner les services d'insertion en milieu ouvert, alors dénommés comités de probation et d'assistance aux libérés, et les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires, en créant les « services pénitentiaires d'insertion et de probation ». Cette réforme a permis une plus grande lisibilité ainsi qu'une implication accrue, même si elle reste insuffisante, des collectivités locales et des services déconcentrés de l'Etat ayant en charge la mise en oeuvre des politiques d'action sociale.
Ces réformes se heurtent néanmoins à plusieurs difficultés.
Outre l'hôtellerie, toute politique ambitieuse de prise en charge des détenus est nécessairement coûteuse.
L'inflation carcérale vient contrarier les efforts déployés pour améliorer la prise en charge des personnes détenues. Ainsi, entre le 1 er janvier 1996 et le 1 er janvier 2006, la population détenue a augmenté de 8% passant de 55.043 à 59.522 personnes détenues. Elle a continué de croître puisque au 1 er février 2008, elle est de 62 094.
La composition de la population pénale a également évolué. Les détenus rencontrant de lourds problèmes psychologiques ou d'addiction sont de plus en plus nombreux et exigent une prise en charge particulière que l'administration pénitentiaire peine à leur offrir.
1.2.3. Programmes de prévention de la récidive et aménagements de peine : situation actuelle
A l'heure actuelle, la lutte conte la récidive repose sur une prise en charge individualisée du détenu et une préparation à la réinsertion.
Les dispositifs auxquels les détenus ont accès au cours de leur détention visent principalement à préparer leur réinsertion, éventuellement par l'obtention dans un premier temps d'un aménagement de peine. Sont donnés au détenu des outils permettant que son retour dans société s'effectue dans les meilleures conditions possibles, par exemple, le suivi d'une formation professionnelle ou un travail en détention qui permet d'obtenir une qualification.
Le travail de réflexion sur le passage à l'acte se fait principalement dans un cadre thérapeutique avec des médecins ou des psychologues.
Un autre type de prise en charge est expérimenté par certains services pénitentiaires d'insertion et de probation : les programmes de prévention de la récidive qui se fondent sur la mise en place de groupes de parole animés par les conseillers d'insertion et de probation eux-mêmes.
1.3. Des personnels pénitentiaires dévoués en quête d'une reconnaissance et d'une clarification de leurs missions
1.3.1. Des effectifs en constante progression
Depuis 2000, le nombre de personnels pénitentiaires a augmenté de 20,4%, passant de 23 895 au 1er janvier 2000 à 28 778 au 1er janvier 2007, ainsi que le montre le graphique ci-après :
Cette progression, qui résulte principalement des effets de la loi d'orientation et de programmation pour la Justice de 2002, répond à l'augmentation globale du nombre de personnes placées sous main de justice : + 9% en milieu ouvert et + 17% en milieu fermé et s'accompagne de l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires (augmentation de 3% du nombre de places opérationnelles). On constate cependant une évolution différenciée selon les filières professionnelles depuis 2000 :
L'accroissement du nombre de personnels socio-éducatifs a été particulièrement soutenu (+57%) alors que le nombre de personnels techniques est resté stable. Quant aux personnels de surveillance, leur nombre a augmenté de 16 % entre 2000 et 2007.
Ces personnels pénitentiaires désormais plus nombreux sont en quête de reconnaissance et d'une clarification de leurs missions.
1.3.2. Une clarification des missions confiées aux personnels pénitentiaires
• Réaffirmer l'objectif prioritaire de prévention de la récidive poursuivi par le service public pénitentiaire
Le service public pénitentiaire assure l'exécution des mesures et sanctions pénales. Il contribue à la sécurité publique et favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, la réinsertion des personnes placées sous main de justice ainsi que la prévention de la récidive.
Il apparaîtrait opportun de rappeler dans un texte législatif l'objectif prioritaire de prévention de la récidive poursuivi par le service public pénitentiaire, qui doit inspirer tant les missions de surveillance des personnes placées sous main de justice que de réinsertion tout en précisant que l'administration pénitentiaire n'est pas le seul acteur du service public pénitentiaire, auquel participent également d'autres services de l'Etat (ministère de la santé, ministère de l'éducation, etc.) et les collectivités territoriales
• Assurer la sécurité des juridictions.
La sécurisation des juridictions est une priorité du ministère de la Justice.
Régulièrement, des événements parfois tragiques soulignent le faible équipement sécuritaire des tribunaux et la nécessité de progresser rapidement sur cette question.
Dans l'état actuel du droit, il n'apparaît pas possible de constituer une réserve civile pénitentiaire permettant aux personnels de l'administration pénitentiaire de participer à cette mission.
1.3.3. Des difficultés des personnels de surveillance perçues comme insuffisamment reconnues et prises en compte
La population placée sous main de justice a évolué, ce qui rend les conditions d'exercice des missions confiées aux personnels de surveillance plus difficiles.
Le nombre d'agressions sur personnels est en augmentation : 463 agressions en 2003, 572 en 2005, 550 en 2006. Si le nombre d'agents agressés est en légère baisse - 648 agents en 2006 contre 689 en 2005 - les agressions relevées ont été plus violentes, 32 agents ayant du être hospitalisés contre 16 en 2005.
De manière heureusement plus résiduelle, des menaces sont proférées à l'encontre des proches des agents à raison de l'activité professionnelle de ces derniers. Aucune disposition ne permet actuellement une extension de la protection fonctionnelle applicable aux agents de l'administration pénitentiaire et à leurs proches, à savoir aux concubins et, aux personnes auxquelles ces agents sont liés par un pacte civil de solidarité lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamation ou outrages.
• Une formalisation des règles déontologiques et disciplinaires
Comme cela a été précédemment indiqué, il serait utile que soient formalisées par décret les principales règles particulières de déontologie applicables aux personnels pénitentiaires mais également à tout collaborateur du service public pénitentiaire.
Prévoir un tel code de déontologie dans un véhicule législatif n'est certes pas juridiquement indispensable mais pourrait revêtir une forte portée symbolique, tant à l'égard de la société que des agents de l'administration pénitentiaire. Cette formule permettrait également d'éviter toute ambiguïté quant à son opposabilité aux collaborateurs du service public pénitentiaire.
1.4. Les règles essentielles de la vie en détention méritent un meilleur encadrement législatif
Il apparaît indispensable que les principes fondamentaux du régime de détention soient mieux définis par le législateur afin de diminuer les risques de confusion juridique qui peuvent notamment être la source de tensions dans les établissements pénitentiaires.
Les détenus auraient ainsi plus facilement accès aux règles qui les concernent et les difficultés d'appréciation des services de l'administration pénitentiaire, à l'origine de nombreux litiges et frustrations, seraient réduites d'autant.
1.4.1. La question récurrente du droit à l'encellulement individuel des prévenus
L'actuel article 716 du code de procédure pénale pose le principe de l'encellulement individuel des prévenus dans les maisons d'arrêt. : « les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :
1° Si les intéressés en font la demande ;
2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;
3° S'ils ont été autorisés à travailler, ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent ;
4° Dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, soit jusqu'en juin 2008,, si la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel ».
Un récent décret n°2008-564 du 10 juin 2008 a commencé à faire évoluer ce régime, en accordant aux prévenus ne pouvant bénéficier d'un encellulement individuel la possibilité de présenter une requête auprès du chef d'établissement aux fins d'être transféré dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un tel placement, sous réserve de l'accord du magistrat saisi du dossier de l'information.
Force est de constater qu'en 2008 l'administration pénitentiaire se trouve dans l'impossibilité matérielle de respecter le moratoire prévu par la loi du 12 juin 2003 en dépit du programme de construction de 13.200 places lancé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.
En effet, au 1er janvier 2008, le nombre total de détenus s'élevait à 61.076 dont 44.279 condamnés et 16.797 prévenus alors que le nombre de places est de 50.693. Or, l'insuffisance du nombre de places en établissement pour peines, qui s'élève à 19.196 pour 44.279 condamnés, ne permet pas l'affectation de la totalité des condamnés de maisons d'arrêt en établissement pour peines.
De surcroît, il convient de souligner que l'encellulement individuel pour tous ne doit plus être considéré comme l'objectif à atteindre absolument. En effet, nombre de détenus ne souhaitent pas être seuls en cellule, notamment dans les maisons d'arrêt où les périodes d'incarcération sont relativement courtes. Il convient de prendre cet élément en considération ce qui est d'ores et déjà le cas dans les nouveaux établissements qui comportent ou comporteront tous 20% de leurs places en cellules collectives.
Ainsi, est-il désormais prévu que les personnes mises en examen, les prévenus et accusés seront placés en cellule individuelle ou en cellule collective si celle-ci est adaptée au nombre de détenus et si ces derniers ont été reconnus aptes à cohabiter.
1.4.2. La modulation des régimes de détention : des bases juridiques insuffisamment précises
La diversité croissante des profils de détenus rend nécessaire une prise en charge adaptée et différenciée au sein des établissements pénitentiaires.
C'est ce qu'énonce la règle pénitentiaire européenne n° 51-4 du Conseil de l'Europe selon laquelle « chaque détenu est ensuite soumis à un régime de sécurité correspondant au niveau de risque identifié ».
C'est également ce qu'a recommandé le comité d'orientation restreint.
Les détenus relèvent actuellement de trois régimes de détention. Le premier s'applique à ceux qui sont affectés en maison d'arrêt. Le deuxième, applicable aux condamnés dans les centres de détention, est orienté à titre principal vers la réinsertion. Le dernier, destiné aux condamnés identifiés comme dangereux affectés dans les maisons centrales, est essentiellement orienté vers la sécurité. Mais à l'intérieur de chaque type d'établissement, le régime de détention est identique.
Toutefois, à titre expérimental, certains établissements, notamment les centres de détention, ont mis en place des régimes différenciés adaptés aux profils et aux comportements spécifiques de certains détenus.
La base juridique de cette expérimentation apparaît insuffisante et imprécise et les risques contentieux liés à l'affectation des détenus dans différents régimes mis en place à titre expérimental dans certains établissements, s'ils apparaissent encore marginaux, sont susceptibles de se développer au regard de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat 196 ( * ) .
1.4.3. Les fouilles et le régime disciplinaire : des garanties minimales à établir
Plusieurs dispositions réglementaires éparses du code de procédure pénale posent actuellement les règles qui régissent les fouilles, notamment quant au respect de la dignité, à l'intervention d'une personne du même sexe et à l'efficacité du contrôle.
Les règles en la matière résultent exclusivement d'une simple circulaire du 14 mars 1986 qui précise les conditions d'exercice des fouilles des détenus et en fixe les règles techniques.
Or, dans ce domaine, les risques d'atteintes à l'intimité et aux libertés fondamentales sont importants et la Cour européenne des droits de l'homme est particulièrement attentive aux conditions dans lesquelles les fouilles sont effectuées sur des personnes détenues.
Il apparaît dès lors indispensable d'imposer des garanties par la voie législative.
1.4.4. Le maintien des relations familiales : téléphone, visites, correspondance écrite
De la privation de liberté découlent nécessairement des restrictions à l'exercice des libertés fondamentales relevant de l'article 34 de la Constitution et notamment au droit à la vie privée et familiale, par ailleurs protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme.
En conséquence, il apparaîtrait juridiquement nécessaire d'élever au niveau législatif le droit au respect de la vie familiale des détenus ainsi que les conditions de son exercice en établissement pénitentiaire. A cette occasion, et conformément au principe de clarté et de prévisibilité de la loi restreignant l'exercice d'une liberté publique tel que défini par la CEDH, il apparaîtrait indispensable de préciser les motifs de refus de permis de visite, de communication téléphonique et de retenue de correspondance.
1.4.5. Le travail en prison : des règles spécifiques imprécises et une application du code du travail limitée aux règles d'hygiène et de sécurité
L'article 717-3 alinéa 3 du code de procédure pénale dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, mais qu'il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires.
En conséquence, les personnes incarcérées ne signent pas de contrat de travail. A l'exception des règles en matière d'hygiène et de sécurité, les règles du code du travail ne s'appliquent pas en prison.
L'ensemble des règles applicables aux relations de travail des détenus résulte de dispositions à caractère réglementaire du code de procédure pénale sans base législative particulière. Il apparaît donc souhaitable de poser les principes fondamentaux par la voie législative.
1.5. De nombreux droits des détenus sont méconnus ou limités du seul fait de leur situation
Ainsi que le soulignait le rapport Canivet 197 ( * ) , si l'exercice des droits fondamentaux reconnus aux détenus comme à tout autre citoyen ne doit pas être entravé par la situation résultant de l'incarcération, certaines nécessités propres à l'environnement carcéral impliquent cependant un aménagement de leurs conditions d'exercice.
L'application rigoureuse du principe de hiérarchie des normes supposerait de garantir la protection des droits des personnes détenues et d'encadrer dans un texte législatif les restrictions apportées à ces droits pour des raisons de sécurité et de maintien de l'ordre au sein des établissements pénitentiaires.
Des difficultés inhérentes à l'environnement carcéral existent, en matière d'exercice effectif du droit de vote par exemple. De même, la situation propre aux détenus conduit de facto à entraver leurs droits à bénéficier des prestations sociales de droit commun qu'aucun texte ne vient cependant écarter en ce qui les concerne. Il apparaît indispensable de clarifier cet état de fait et d'affirmer le principe d'accès aux prestations sociales et aux dispositifs d'insertion de droit commun des détenus.
De même, le principe de l'accès au dispositif de soins de droit commun, posé par la loi du 18 janvier 1994, paraît devoir être clairement réaffirmé dans la loi pénitentiaire.
II.- OBJECTIFS POURSUIVIS
Le projet de loi pénitentiaire a défini cinq objectifs complémentaires :
• clarifier les missions du service public pénitentiaire et les conditions de son exercice, en distinguant celles relevant de sa compétence propre de celles nécessitant le concours d'autres partenaires publics
• garantir les droits des détenus sous réserve des impératifs de sécurité
• valoriser les fonctions des personnels et mieux protéger leur exercice
• renforcer la sécurité juridique en élevant au niveau législatif les principes fondamentaux relatifs aux régimes de détention
• prévenir la récidive des personnes placées sous main de justice.
III.- OPTIONS
3.1. Conforter et moderniser les missions du service public pénitentiaire
3.1.1 La définition du service public pénitentiaire lui-même
Option 1 : La consistance détaillée du service public pénitentiaire pourrait être exposée dans une directive d'ensemble qui viendrait préciser les missions essentielles, les priorités et le caractère partenarial de certaines actions en matière de prévention de la récidive.
Parmi les exemples récents de telles directives, peuvent être citées :
- La directive nationale d'orientation des préfectures, présentée en conseil des ministres le 17 novembre 2004 (missions essentielles, relations avec les collectivités locales et les autres acteurs locaux)
- La directive nationale d'orientation de l'ingénierie publique du 7 février 2005 élaborée conjointement par le ministère de l'équipement et le ministère de l'agriculture afin de préciser les missions en la matière des directions départementales de l'équipement et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt ;
- La directive nationale d'orientation pour la mise en oeuvre des politiques environnementales du 11 juillet 2006 élaborée par le ministère de l'écologie et du développement durable, visant à mettre en oeuvre les principes énoncés dans la charte de l'environnement et les priorités résultant de la « stratégie nationale de développement durable ».
Option 2 : Une forme de conseil national d'orientation pourrait également constituer le cadre d'une réflexion permanente sur la consistance des missions du service public pénitentiaire et d'une redéfinition par étapes par le Gouvernement des priorités et des modalités d'exercice de celles-ci par voie de directives ministérielles.
Le conseil d'orientation restreint a ainsi émis une proposition, tendant à « créer, indépendamment du conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, instance officielle, essentiellement institutionnelle au demeurant peu activée, une structure pluridisciplinaire de réflexion et de propositions réunissant - à l'instar du présent comité d'orientation des personnalités et représentants de personnes morales de toutes sensibilités et positionnements professionnels ne tirant leur légitimité que de leur implication présente ou passée dans les problématiques liées à l'exécution des sanctions pénales. Celle-ci mettrait ainsi à la disposition du Ministre de la Justice un « laboratoire d'idées » propre à lui offrir des analyses et propositions formulées par des acteurs ou observateurs avertis, tant extérieurs qu'intérieurs à son administration ».
Option 3 : Définir par la loi les missions du service public pénitentiaire :
Telle est l'option privilégiée par le Gouvernement.
Les missions de garde et de réinsertion du service public énoncées à l'article 1 er de la loi du 22 juin 1987 apparaissent très larges et non priorisées.
En outre, l'action de l'administration pénitentiaire n'est pas clairement et suffisamment inscrite dans le cadre de l'ensemble des politiques publiques menées en matière d'action sociale, d'insertion professionnelle et de prévention de la délinquance.
Or, pour préparer au mieux la sortie des personnes détenues et orienter les personnes suivies en milieu libre vers les dispositifs d'insertion de droit commun, l'administration pénitentiaire a besoin du concours des acteurs publics qui interviennent dans les politiques d'insertion sociale en matière d'accès au logement, à l'emploi, à la culture, aux droits sociaux et d'une façon générale à l'ensemble des droits du citoyen.
Il s'agit dès lors d'affirmer que la mission principale du service public pénitentiaire est de prévenir la récidive, que ce soit en milieu ouvert ou fermé. C'est en effet à l'aune du taux de récidive des personnes placées sous main de justice que peut être évaluée l'efficacité d'un système pénitentiaire.
De nombreuses dispositions du projet de loi pénitentiaire tendent à l'amélioration des actions en matière de réinsertion, d'éducation et d'accompagnement social des détenus.
Il est envisagé ainsi de généraliser l'élaboration de bilans de personnalité en détention afin de permettre la mise en place d'un parcours individualisé pour chaque détenu. L'intervention d'entreprises d'insertion dans les établissements pénitentiaires, et la mise en place de programmes de nature à faciliter la réinsertion des personnes placées sous main de justice visent directement à réduire le taux de récidive.
Il s'agit également de favoriser la mise en place de programmes de prévention de la récidive permettant la prise en charge spécifique de certains délinquants et s'inscrivant dans le parcours de la personne placée sous main de justice, qu'elle soit incarcérée ou non.
Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) seront notamment chargés d'animer directement certains programmes tels que des groupes de parole de prévention de la récidive pour les délinquants sexuels ou s'étant livrés à des actes de violences, et de coordonner ceux confiés à d'autres services publics tels que l'éducation nationale ou la santé.
Dans le même esprit, les SPIP doivent favoriser l'accès des personnes placées sous main de justice aux dispositifs sociaux de droit commun gérés par d'autres services publics de l'Etat et des collectivités territoriales.
Le Gouvernement souhaite préciser par ailleurs que les personnels pénitentiaires sont chargés dans leur ensemble du contrôle et de la surveillance des personnes placées sous main de justice
Il a en conséquence expressément affirmé que l'administration pénitentiaire contribue à la sécurité de la société.
3.1.2. Evaluer l'action du service public pénitentiaire en fonction des ces objectifs
Le Gouvernement estime indispensable que les politiques mises en oeuvre fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse et puissent être adaptées au fur et à mesure de leur mise en oeuvre.
Option 1 : Evaluation nationale
La première option envisageable consisterait à confier le soin de procéder à l'évaluation des effets de la politique pénitentiaire, notamment de l'analyse globale des phénomènes de récidive ou des taux de réinsertion sociale ou professionnelle à un observatoire national rattaché à l'administration centrale.
Cette option présente l'avantage de fournir une vision d'ensemble sur l'efficacité des services pénitentiaires au regard des objectifs qui lui sont assignés, dans une perspective de moyen et de long terme. En particulier, l'effet attendu sur le taux de récidive vaut d'être apprécié avant tout au niveau national et sur une période suffisamment longue pour prendre en considération l'effet nécessairement graduel des mesures envisagées. Le caractère national de l'évaluation présenterait également le mérite de permettre des comparaisons régionales ou départementales sur des bases homogènes, ce qui pourrait jouer un rôle incitatif sur les services.
En revanche, un tel système d'évaluation nationale pourrait difficilement se livrer à des analyses détaillées de façon systématique et très fréquente, sauf à obérer, compte tenu de la charge de travail en résultant, l'exercice des missions de surveillance ou d'accompagnement individualisé dans un but de réinsertion. Par ailleurs, cette option présenterait l'inconvénient de ne pas faire apparaître les données locales qui expliquent dans bien des cas les disparités entre les établissements ou entre les régions.
Option 2 : Evaluation locale
Une évaluation réalisée au niveau local présente les avantages et inconvénients symétriques. Elle permet de différencier l'analyse selon les caractéristiques des établissements et la typologie des détenus, en mettant en lumière les améliorations résultant directement des actions entreprises selon des critères qui peuvent être aisément adaptés à chaque situation. En revanche, elle ne permet pas de procéder à des comparaisons sur des bases homogènes, ni d'évaluer globalement l'impact social du service public pénitentiaire.
A fortiori, une évaluation limitée à un seul établissement fournit des indicateurs utiles pour orienter la gestion ou les choix stratégiques dans l'organisation du service, mais ne dépasse pas cette seule ambition
Option 3 : Combinaison de plusieurs niveaux d'évaluation
Telle est l'option privilégiée par le Gouvernement qui entend créer par voie réglementaire trois types d'instances aux niveaux national, départemental et de chaque établissement. Deux d'entre elles se substitueraient à la commission de surveillance des établissements pénitentiaires.
Par ailleurs, le projet de loi étend aux députés au Parlement européen élus en France l'autorisation de visiter les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires.
3.1.3. Préciser en conséquence les obligations propres aux personnels pénitentiaires
Compte tenu de la redéfinition des missions du service public pénitentiaire, la clarification des missions des personnels ainsi que des obligations qui leur incombent dans l'exercice de ces missions paraît nécessaire.
Option 1 : Définition par voie réglementaire d'un code de déontologie du personnel pénitentiaire
Le code de déontologie aurait pour objet de définir les règles qui s'imposent aux agents dans l'exercice de leurs fonctions, en conformité notamment avec les principes énoncés dans les règles pénitentiaires européennes.
Toutes les personnes intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire seraient désormais soumises aux mêmes règles déontologiques de respect de la dignité des personnes et de la sécurité. Ces normes de référence iraient dans le sens d'une transparence des règles de comportement à respecter vis-à-vis de la société et des détenus mais aussi une opposabilité incontestable, notamment dans le cadre des procédures disciplinaires, à l'égard des personnels concernés.
Option 2 : Prestation de serment des agents de l'administration pénitentiaire
A l'égard des personnels de l'administration pénitentiaire, elle permettrait de souligner solennellement l'importance, pour la société, des missions qu'ils accomplissent et symboliser leur attachement aux valeurs et principes de la République.
La prestation de serment consiste en un engagement des personnels à remplir les missions qui leur sont confiées et ce dans le respect des dispositions du code de déontologie qui prévoirait cette prestation de serment.
Les deux options qui viennent d'être présentées vont dans le sens d'une exigence déontologique forte, s'appliquant également dans tous les établissements et à tous les personnels.
3.1.4. Développer les moyens humains pour accroître la sécurité des services relevant du Ministère de la justice
Les personnels de l'administration pénitentiaire sont particulièrement aptes à renforcer la sécurité des services relevant du ministère de la justice compte tenu de leurs compétences, du savoir-faire acquis, et des garanties déontologiques qu'ils présentent. C'est la raison pour laquelle il est proposé la création d'une réserve civile pénitentiaire qui serait constituée de personnels pénitentiaires dégagés de tout lien avec le service pour des motifs autres que disciplinaires
Toutefois, à la différence de la réserve civile de la police nationale, elle reposerait uniquement sur une adhésion volontaire des personnels de surveillance concernés par le dispositif.
Cette réserve civile pénitentiaire ne peut être créée que par la loi dans la mesure où les personnels de l'administration pénitentiaire bénéficient d'une pension civile et disposent de prérogatives de puissance publique.
3.2. Garantir les droits des détenus sous réserve des impératifs de sécurité
3.2.1. Garantir les droits des détenus
Option 1 : Réaffirmer et préciser les limitations spécifiques au milieu
Il aurait pu être envisagé de ne préciser dans le projet de loi pénitentiaire que les limitations imposées par les impératifs d'ordre, de sécurité ou de protection des victimes, en posant le principe selon lequel les autres droits sont applicables aux détenus de la même manière qu'à tous les citoyens.
Option 2 : Réaffirmer à la fois les droits et leurs limitations
En vue d'assurer une meilleure sécurité juridique et afin que le projet de loi pénitentiaire ne soit pas ressenti comme un projet attentatoire aux libertés et se bornant à limiter les droits des détenus, le Gouvernement a opté pour une affirmation des droits des détenus tout en précisant les limitations qui leur sont nécessairement apportées.
La loi serait donc à la fois l'instrument de protection des droits des personnes détenues et la norme posant les restrictions apportées à ces droits pour des raisons résultant des contraintes inhérentes à la détention, de sécurité et du bon ordre au sein des établissements pénitentiaires, de prévention des infractions et de protection de l'intérêt des victimes.
3.2.2 Faciliter l'exercice du droit de vote
Option 1 : Permettre l'installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires
Un tel dispositif nécessiterait l'adaptation du droit électoral qui prévoit notamment le libre accès aux bureaux de vote et la publicité des opérations de dépouillement. De telles dispositions fragiliseraient la sécurité des établissements pénitentiaires qui se concilie difficilement avec la libre circulation au sein de l'établissement et s'avère en tout cas incompatible avec l'accès du public.
Compte tenu du très faible nombre de détenus qui votent, l'installation de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires a été écartée.
Option 2 : Aménager le régime du vote par procuration : poser des règles spécifiques pour les procurations de détenus (choix du mandataire, possibilité d'avoir plusieurs procurations...)
Une telle option a également été écartée pour deux raisons principales :
le vote par procuration porte atteinte au secret du vote, il est donc délicat de l'étendre
il présente des risques de fraude électorale qui seraient d'autant plus importants que le nombre de procurations par mandataire serait élevé
Option 3 : La domiciliation à l'établissement pénitentiaire afin de permettre l'inscription sur les listes électorales de la commune dans laquelle l'établissement pénitentiaire est implanté
Les personnes détenues, sauf décision contraire, ne sont pas déchues de leurs droits civiques. Toutefois, elles se heurtent à des difficultés pour voter lorsqu'elles n'ont plus de domicile ou qu'elles ne connaissent pas de mandataire susceptible de voter à leur place.
Actuellement, les détenus peuvent être inscrits sur les listes électorales de la commune où se situe l'établissement pénitentiaire, à condition qu'ils soient présents à l'établissement depuis au moins 6 mois.
Afin de favoriser l'exercice du droit de vote des détenus, le Gouvernement propose d'inscrire dans la loi la possibilité pour les détenus de se domicilier à l'établissement dans lequel ils sont incarcérés afin de leur permettre de s'inscrire au titre du domicile sur les listes électorales des communes de leur lieu de détention.
3.2.3 Permettre la domiciliation à l'établissement pénitentiaire pour assurer l'accès aux droits sociaux
Le Gouvernement entend permettre aux détenus sans domicile de secours au moment de leur incarcération ou qui ne peuvent en justifier d'élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour prétendre au bénéfice de leurs droits sociaux.
La question de la domiciliation est en effet actuellement le principal obstacle à l'accès des détenus aux droits et politiques d'insertion de droit commun, conditionnés par l'existence d'un domicile. Un très grand nombre de détenus sont sans domicile. Si le code de l'action sociale prévoit qu'ils peuvent se prévaloir de leur domicile antérieur à l'incarcération pour faire valoir leurs droits à certaines prestations, en pratique, les détenus se heurtent souvent au refus des collectivités territoriales au motif qu'ils ont quitté, parfois depuis plusieurs années, leur domicile. De surcroît, les conditions actuellement exigées pour obtenir une domiciliation auprès d'une association, ne permettent qu'à une infime minorité de détenus d'en bénéficier.
3.2.4. Le respect de la vie privée et le maintien des liens familiaux
Le Gouvernement a souhaité retenir le principe de la liberté de communication téléphonique et de visite des détenus avec leur famille ou leurs proches.
Il est ainsi apparu souhaitable de généraliser l'accès au téléphone des détenus, quelle que soit leur situation pénale. Pour les prévenus, les conditions de cet accès seront fixées par le magistrat saisi du dossier de l'information.
L'accès au téléphone a déjà été étendu à l'ensemble des condamnés, quel que soit leur lieu d'incarcération, par le décret du 3 mai 2007 pris pour l'application des dispositions de la loi prévention de la délinquance du 5 mars 2007, sous réserve de l'existence d'un dispositif technique.
En outre, depuis le 1er juillet 2007, les mineurs en détention provisoire peuvent être autorisés à téléphoner par le magistrat en charge de leur dossier.
En généralisant l'accès au téléphone, la France se conforme ainsi aux règles pénitentiaires européennes en la matière et répond en outre aux souhaits des parlementaires, de la commission nationale consultative des droits de l'Homme et du comité européen de prévention de la torture 198 ( * ) .
Compte tenu des délais de recrutement et de formation des personnels nécessaires, la mise en oeuvre de cette disposition sera progressive et l'accès au téléphone sera ainsi généralisé au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire.
Durant la période transitoire, la liste des maisons d'arrêt dans lesquelles les détenus sont autorisés à téléphoner sera fixée par arrêté.
Le droit à la vie familiale pourra toutefois être limité si les visites, les communications téléphoniques ou les correspondances écrites sont susceptibles de compromettre le maintien de la sécurité et de l'ordre de l'établissement. Enfin, des restrictions pourront être apportées pour assurer la prévention des infractions pénales.
Le projet de loi prévoit également de définir les conditions dans lesquelles un détenu peut utiliser son image, ainsi que les motifs pour lesquels l'administration pénitentiaire peut s'opposer à une telle utilisation : sauvegarde de l'ordre public, réinsertion de la personne placée sous main de justice, prévention des infractions ou enfin protection des victimes et des droits d'autrui.
3.2.5. L'accès aux prestations de droit commun, sauf limitations particulières
- Accès aux soins
Le Gouvernement propose de consacrer le droit à la santé des détenus et la prise en charge des soins qui leur sont dispensés par le service public hospitalier.
- Le droit à l'information et à la culture
En premier lieu, il apparaît indispensable d'actualiser le régime de l'accès à l'information écrite en établissement pénitentiaire. En effet, certaines publications sont susceptibles constituer des menaces contre la sécurité des personnes ou des établissements ou de contenir des propos ou des signes injurieux ou outrageants à l'encontre des agents ou des collaborateurs du service public pénitentiaire.
Or, des publications contenant des propos injurieux ou diffamants ou désignant nominativement des personnels de l'administration pénitentiaire ne peuvent actuellement être retenues sur le fondement de l'article D. 444 du code de procédure pénale, alors même que l'administration pénitentiaire, lorsqu'elle porte plainte pour diffamation, obtient souvent gain de cause.
D'autres publications exposant de manière racoleuse l'affaire judiciaire de certains détenus peuvent entraîner des réactions négatives à leur égard de la part de codétenus.
L'option qui apparaît la plus pertinente serait de renvoyer au règlement les modalités selon lesquelles les détenus peuvent se procurer des journaux et de prévoir par voie législative les conditions de leur retenue.
Il est envisagé de maintenir la compétence de l'autorité administrative pour décider de la retenue. Cette décision à valeur réglementaire s'applique à l'ensemble des établissements pénitentiaires. Dès lors, il n'est pas nécessaire de recourir à la procédure contradictoire instituée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, préalablement à cette décision.
3.3. Elever au niveau législatif les principes fondamentaux relatifs aux régimes de détention
3.3.1 L'encellulement individuel des condamnés
Nos textes sont aujourd'hui trop rigides en matière d'encellulement individuel des condamnés. En effet, l'article 717-2 du code de procédure pénale prévoit qu'il ne peut être dérogé à ce principe qu'en raison de la distribution intérieure des locaux, de leur encombrement temporaire ou des nécessités d'organisation du travail. Il ne laisse aucune place à l'intérêt du condamné. Or, il faut donner à un détenu la possibilité de demander à partager sa cellule avec une autre personne s'il le souhaite. Cette souplesse, qui existe déjà pour les prévenus, serait étendue à l'ensemble des condamnés incarcérés en maison d'arrêt ou en établissement pour peines. Les règles pénitentiaires européennes n° 18 et suivantes prévoient au demeurant cette possibilité.
Dans le même esprit, l'administration doit être en mesure, dans l'intérêt de la personne concernée, et notamment pour prévenir un risque suicidaire, de ne pas laisser un détenu seul en cellule.
3.3.2. La possibilité de maintenir par exception les condamnés en maison d'arrêt
L'insuffisance du nombre de places en établissements pour peines explique le surencombrement des maisons d'arrêt et l'impossibilité de respecter le principe de l'affectation de tous les condamnés en établissement pour peines.
C'est pourquoi il est proposé de modifier l'article 717 du code de procédure pénale qui autorise à titre exceptionnel le maintien des condamnés en maison d'arrêt, en portant la durée de cette incarcération à deux ans au lieu d'un an actuellement.
Au-delà de l'impératif juridique, cette modification trouve sa justification dans le souhait, pour certains condamnés, d'être maintenus à proximité de leur résidence afin de favoriser le maintien des liens familiaux, leur permettant ainsi de mieux préparer leur sortie.
La modification des délais d'octroi des aménagements de peine proposée permettra d'ailleurs à ces condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à deux ans de bénéficier d'un aménagement de peine.
Dans le même esprit, la modification de l'article 717 engloberait aussi expressément le maintien en maison d'arrêt des condamnés ayant un reliquat de peine supérieur à deux ans en attente d'un aménagement de peine réalisable à court terme.
Options non retenues
Une alternative aurait pu consister en un transfert des condamnés des maisons d'arrêt dans les établissements pour peines, avec pour corollaire le placement à plusieurs en cellule. Cette option a été écartée car elle risquerait de fragiliser l'équilibre des établissements pour peines, l'encellulement à plusieurs étant très difficilement supportable sur une longue période.
Par ailleurs, cette mesure se serait traduite par un éloignement de ces condamnés de leur famille.
L'instauration d'un numerus clausus dans les maisons d'arrêt a été écartée car le numerus clausus restreint la liberté d'appréciation des magistrats et constitue une atteinte au principe d'égalité devant la loi. En outre, par son caractère systématique et brutal, le principe du numerus clausus ne pourrait que heurter l'opinion publique et nourrir son incompréhension à l'égard de la justice.
3.3.3. La différenciation des régimes de détention au sein d'un établissement
Il apparaît indispensable de diversifier la prise en charge des détenus au regard de la variété de leurs profils et de leurs besoins, et de l'adapter en fonction de leur conduite en détention, de leur volonté de se réinsérer socialement, et de leur capacité à évoluer.
Il est proposé en conséquence de permettre la différenciation des régimes de détention entre les établissements et au sein d'un même établissement en prenant en compte la dangerosité des détenus, leur personnalité et leur projet d'insertion.
L'accès des détenus à l'ensemble des activités de chaque établissement ne serait toutefois pas remis en cause, seules les conditions dans lesquelles ils y accèdent étant adaptées en fonction de leur évolution personnelle.
Au regard du principe d'égalité devant la loi, la différence de traitement des détenus au sein d'un même établissement dans un objectif de prévention de la récidive doit nécessairement être prévue dans un texte législatif.
3.3.4. Régime disciplinaire des détenus
En raison du caractère coercitif des mesures disciplinaires, il est proposé d'élever au niveau législatif les principes fondamentaux du droit disciplinaire : la répartition des fautes selon leur degré de gravité, le nombre maximal de jours de cellule disciplinaire ou de confinement en cellule individuelle, le placement à titre préventif en cellule disciplinaire ou en confinement en cellule individuelle.
Il est également envisagé de réduire la durée maximale de placement en cellule disciplinaire qui serait ramenée de 45 jours à 21 jours pour les fautes les plus graves Toutefois, la durée est portée à 40 jours en cas de violence physique contre les personnes.
Cette modification trouve sa justification dans le souci de garantir le respect et la dignité des personnes détenues et d'harmoniser nos pratiques avec les législations européennes et les règles énoncées par le Conseil de l'Europe.
3.3.5. Fouilles des détenus
Il est proposé de maintenir les garanties existantes en matière de fouilles de détenus, quant à la nécessité du respect de la dignité de la personne humaine.
Il serait en outre précisé que la nature et la fréquence des fouilles doivent être adaptées aux circonstances de la vie en détention, à la personnalité du détenu et aux risques que son comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l`ordre dans les établissements, ce qui interdit le recours systématique aux fouilles approfondies.
Le projet prévoit également qu'une investigation corporelle interne ne peut être réalisée que par un médecin.
3.4. Prévenir la récidive des personnes placées sous main de justice
3.4.1. Préparer la réinsertion professionnelle
a) Le travail en prison
Option 1 : Le contrat de travail
La mise en place d'un contrat de travail de droit privé ou de droit public n'apparaît pas adéquate pour plusieurs raisons.
D'une part, l'organisation du travail en détention est difficilement compatible avec la mise en oeuvre de contrats de travail de droit commun. En effet, elle relève de la seule responsabilité du chef d'établissement et les règles pénitentiaires prévalent ainsi sur le lien qui s'établit avec les détenus et leur employeur dans le cadre du travail. A titre d'exemple, les transferts ou les décisions judiciaires sont susceptibles de mettre un terme à la relation de travail.
D'autre part, l'application des règles de droit commun en matière de contrat de travail et la reconnaissance d'un statut individuel et collectif de droit privé des détenus ne peuvent être envisagées.
En effet, des avantages qu'elles créeraient au profit des détenus (congés payés, rémunération au niveau du SMIC, droits à indemnisation en cas de rupture du contrat ou encore des droits collectifs) résulteraient des charges financières fortement dissuasives pour les entreprises qui perdraient tout intérêt à contracter avec l'administration pénitentiaire. L'application du droit commun constituerait, en conséquence, un obstacle majeur à l'objectif de développement du travail en détention.
Le principe d'un contrat de travail de droit privé appliqué aux personnes détenues, au demeurant, a soulevé une forte opposition du monde de l'entreprise ainsi que cela ressort du rapport du Conseil Economique et Social en 2006 relatif aux conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France.
Outre le fait que le contrat de travail de droit public tel qu'il était prévu dans le projet de loi pénitentiaire de 2001 relevait d'une construction artificielle en ce qu'il reposait sur des règles spécifiques exclusives de toute application du code du travail, il positionnait de manière fictive le chef d'établissement en qualité d'employeur, dès lors qu'un entrepreneur privé ne peut pas conclure de contrat administratif avec ses salariés.
Au plan européen, d'une façon générale, la France apparaît plutôt volontariste dans le domaine du travail des détenus, notamment en matière salariale.
Dans la quasi-totalité des pays européens et en particulier en Allemagne, en Grande Bretagne, au Danemark ou aux Pays-bas, les détenus travaillent au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions exorbitantes du droit commun.
Dans la plupart des pays, notamment en Allemagne, en Grande Bretagne, en Italie, aux Pays Bas, les détenus ont l'obligation, en réalité théorique, de travailler ou à tout le moins d'avoir une activité pendant leur détention.
Si certains pays ont recours à un contrat de travail spécifique, à l'instar de ce qui était envisagé dans le projet de loi de 2001, d'autres comme l'Allemagne ou l'Angleterre ne retiennent pas cette solution et ont mis en oeuvre une relation de travail sui generis comparable à l'acte d'engagement proposé dans la loi pénitentiaire.
Option 2 : L'acte d'engagement
Il est apparu nécessaire d'améliorer la responsabilisation du détenu au travail par l'énoncé de règles qui précisent ses droits et obligations au regard de l'emploi, et de fixer les éléments relatifs à l'organisation et aux conditions de travail.
Aussi, l'une des actions retenues dans le cadre de la circulaire PACTE 2 du ministère de la Justice (direction de l'administration pénitentiaire) du 29 mai 2000, relative au travail pénitentiaire, a consisté dans l'élaboration d'un document d'engagement à l'emploi afin de clarifier les règles d'exercice du travail des détenus, concernant notamment l'embauche, sa durée, la rémunération, la période d'essai, les conditions de suspension et de rupture de l'engagement, les exigences en matière d'assiduité, de productivité, de qualité des travaux.
Dans le prolongement de cette réflexion et afin de reconnaître le détenu comme sujet de droit dans le domaine du travail, il semble opportun, pour clarifier les règles d'exercice du travail des détenus, de consacrer au niveau législatif le document d'engagement au travail du détenu en l'intitulant « acte d'engagement ».
b) L'accès aux dispositifs d'insertion professionnelle
L'insertion par l'activité économique est prévue par l'article L. 5132-4 du code du travail et le décret n° 99-107 du 18 février 1999 relatif aux entreprises d'insertion.
Plusieurs types de structures interviennent dans ce domaine et l'objectif général est bien de prévoir que les détenus pourraient bénéficier de toutes les dispositions du code du travail relatives à l'insertion par l'activité économique.
Certaines formes habituelles d'insertion par l'économique sont certes difficiles à mettre en mise en oeuvre en milieu carcéral voire matériellement impossibles dans l'enceinte de l'établissement telles que les prestations d'aide à la personne ou la participation à l'activité des régies de quartier.
Option 1 : Application limitée aux entreprises d'insertion et aux ateliers et chantiers d'insertion
Les entreprises d'insertion ainsi que les ateliers et les chantiers d'insertion bénéficient d'une aide publique destinée à financer des postes d'encadrement et d'accompagnement social.
L'implantation d'entreprises d'insertion dans les établissements pénitentiaires serait de nature à permettre aux détenus d'acquérir une expérience et des compétences par l'exercice d'une activité professionnelle, de lever les freins sociaux à leur insertion professionnelle par un accompagnement de professionnels de l'insertion, d'élaborer un projet professionnel réaliste vers l'extérieur et de le mener à bien.
Le contrat de travail n'étant pas applicable aux relations de travail des détenus, ceux-ci se trouvent écartés d'un dispositif de nature à leur permettre d'améliorer leur employabilité, dans la perspective de leur future réinsertion professionnelle.
Option 2 : Faire référence à l'ensemble des dispositifs de droit commun relatifs à l'insertion par l'activité économique
Telle est l'option retenue dans le projet de loi. Le Gouvernement souhaite reconnaître par principe la faculté pour les détenus de bénéficier d'actions d'insertion par l'économique au sens de l'article L. 5132-4 du code du travail, quelle qu'en soit la forme juridique. Ces actions tiendront compte des exigences liées à la situation particulière des détenus et s'inscriront dans le cadre de l'acte d'engagement applicable au travail effectué par les détenus au sein des établissements (cf supra).
c) La formation professionnelle
Option 1 : Maintenir le dispositif actuel
Le financement de la formation professionnelle des personnes détenues est assuré principalement par le ministère chargé de l'emploi (Direction Générale de l'Emploi et de la Formation Professionnelle : DGEFP) et par le Fonds Social Européen (FSE).
Les crédits relatifs aux actions de formation font l'objet dans le cadre de la réforme budgétaire d'une gestion déconcentrée à l'échelon régional et les crédits FSE sont gérés par les préfets de région.
Ce dispositif particulièrement lourd et complexe ne permet pas aux responsables pénitentiaires de conduire une politique ambitieuse et dynamique de formation professionnelle en direction des détenus.
Option 2 : Expérimenter un transfert aux régions de l'organisation et du financement des actions de formation professionnelle continue en faveur des détenus
Plusieurs arguments militent en faveur d'une expérimentation de transfert aux régions de l'organisation et du financement des actions de formation professionnelle continue en faveur des personnes détenues :
- les régions ont depuis la loi du 7 janvier1983 une compétence de droit commun dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle continue et d'apprentissage. Cette compétence a été élargie par la loi quinquennale pour l'emploi du 20 décembre 1993, à la formation qualifiante et pré qualifiante des jeunes de moins de 26 ans. Elle a été confortée par la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
- confier aux régions la gestion et le pilotage des actions de formation professionnelle des personnes détenues permettrait de mener une véritable politique de proximité en facilitant le dialogue local et l'organisation de réseaux institutionnels d'acteurs de terrain.
L'État a conservé au terme de l'évolution mentionnée plus haut des compétences propres en matière de formation professionnelle continue qui touchent des « publics spécifiques » confrontés à des difficultés particulières : les détenus, les réfugiés, les résidents de l'outre-mer, les militaires en reconversion, les Français établis hors de France, les illettrés, les personnes handicapées...L'expérimentation de ce dispositif de formation en faveur des détenus s'inscrit dans le cadre de l'article 37-1 de la Constitution et est fondée sur le volontariat des collectivités territoriales. L'expérimentation pourrait, en l'état des discussions, concerner trois régions et démarrer en 2009.
3.4.2. Mener une action éducative adaptée en milieu pénitentiaire
La formation des mineurs
L'accès des mineurs à une activité éducative pendant le temps d'incarcération constitue un enjeu particulièrement important en termes d'éducation, de réinsertion et de lutte contre la récidive. Il est également de nature à prévenir les tensions qui découlent de la situation d'oisiveté et donc à apaiser le climat dans les établissements pénitentiaires accueillant des mineurs, lesquels connaissent habituellement plus d'actes de violences que les établissements pénitentiaires accueillant les majeurs. C'est la raison pour laquelle il apparaît utile de faire obligation aux détenus mineurs de poursuivre une activité à caractère éducatif.
3.4.3. Favoriser la réinsertion sociale
Toute personne privée de liberté doit pouvoir suivre les enseignements et les actions de formation professionnelle organisées au sein des établissements pénitentiaires. Elle doit également être en mesure de participer aux actions culturelles, et aux activités sportives et de loisirs. Ces actions contribuent au développement de la personnalité, à l'insertion dans la vie sociale et professionnelle et à l'exercice de la citoyenneté.
a) Favoriser l'accès aux prestations d'aide sociale légale par la domiciliation au sein d'un établissement pénitentiaire
Le code de l'action sociale et des familles soumet l'attribution de nombreuses prestations d'aide sociale légale à une condition de résidence. Il met les dépenses qui résultent de l'attribution de ces prestations à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours.
Si elle n'est pas une condition d'attribution des prestations, la détermination du domicile de secours constitue en pratique pour les détenus une difficulté importante dans l'accès aux prestations, le séjour en établissement pénitentiaire étant interprété par les collectivités territoriales comme une absence de domicile de secours.
Les difficultés dans l'imputation financière mettent ainsi en cause l'accès aux droits d'autant que les conditions de la domiciliation prévues pour les personnes sans domicile stable auprès des centres d'action sociale ou d'associations (article 51 de la loi du 5 mars 2007) ne permettent qu'à une infime minorité de détenus d'en bénéficier. Il s'avère notamment difficile d'instruire durant l'incarcération un dossier d'aide sociale.
En conséquence, il est proposé que les détenus sans domicile de secours avant leur incarcération élisent domicile auprès de l'établissement pénitentiaire. Les dépenses d'aide sociale seront ainsi clairement mises à la charge du département d'implantation de l'établissement pénitentiaire.
La situation reste inchangée pour les détenus qui disposaient d'un domicile de secours avant leur incarcération (articles L.122-1 et L. 122-3 du code de l'action sociale et des familles).
b) Fournir une base légale à l'aide aux indigents
L'indigence est une situation temporaire ou durable, liée à l'absence de ressources sur la part disponible du compte nominatif du détenu.
Elle crée une dépendance qui pèse psychologiquement et économiquement tant sur la personne détenue que sur son environnement familial. Cette situation est souvent conjuguée à d'autres formes de carences notamment sur les plans culturel et sanitaire. Elle constitue un handicap pour la personne détenue dans sa vie en détention, dans le maintien de ses liens avec ses proches et pèse sur ses éventuels projets en matière de réinsertion.
En outre, si certaines personnes détenues étaient indigentes dès l'incarcération, d'autres le deviennent rapidement par la perte de minima sociaux dans les premiers mois d'incarcération, par la rupture des liens familiaux, par l'absence ou la perte d'un emploi en détention.
L'administration pénitentiaire se doit d'être vigilante quant au repérage des personnes en situation d'indigence et ne doit pas laisser cette situation se perpétuer dans le temps.
Sont actuellement reconnus indigents les détenus ayant des rentrées financières inférieures à 45 € par mois.
Environ 35 % de la population pénale est concernée par cette situation d'indigence.
La circulaire du 20 juillet 2001 relative à la lutte contre l'indigence prévoit la mise en place d'une commission d'indigence au sein de chaque établissement, chargée d'étudier la situation des détenus concernés et de proposer des solutions telles que l'accès prioritaire aux activités rémunérées, le signalement aux associations d'aide aux détenus ou la mise à disposition d'une télévision...
Il serait souhaitable d'ériger en un véritable droit ce qui n'est actuellement qu'une pratique, afin d'étendre les prestations fournies aux détenus indigents.
3.4.4. Aménagements de peine
Les statistiques sur la récidive démontrent que l'aménagement de la fin de la peine des condamnés est le meilleur outil de lutte contre la récidive.
Même si les aménagements de peine se sont fortement accrus depuis 3 ans, une marge importante de progression demeure.
Option 1 : L'automaticité des aménagements de peine
A l'instar de ce qui existe dans plusieurs pays européens ou au Canada, la libération conditionnelle pourrait être attribuée de façon automatique au deux tiers de la peine, sauf cas particulier justifié par la nature de l'infraction et la personnalité du détenu.
Dans ce système où les réductions de peines n'existent pas, le contrôle mis en place est très strict et la libération conditionnelle loin d'être considérée comme une mesure de faveur, constitue véritablement la poursuite de l'exécution de la peine.
Il oblige en outre l'administration pénitentiaire à s'investir dans l'accompagnement des détenus les plus désinsérés alors que le système actuel conduit plutôt à accorder des aménagements de peine aux condamnés présentant les meilleures chances d'insertion.
Une réforme d'une telle ampleur, aussi séduisante qu'elle soit, constituerait une véritable « rupture » dans notre droit de l'application des peines fondé actuellement sur la judiciarisation d'une part, et l'individualisation de l'autre.
Elle poserait en outre des difficultés au regard de la décision du Conseil constitutionnel n°2004-492 DC du 2 mars 2004 reconnaissant les prérogatives constitutionnelles des autorités judicaires s'agissant de l'exécution des peines.
La préparation d'une telle réforme complexe et ambitieuse nécessiterait enfin des délais incompatibles avec ceux fixés pour la loi pénitentiaire.
C'est pourquoi elle ne peut, nous semble-t-il, être retenue. Il convient plutôt d'aménager le dispositif actuel.
Option 2 : Une amélioration du système d'aménagements des peines actuellement en vigueur
Le principe de la nécessaire mise en oeuvre d'un aménagement de peine au cours de l'incarcération, sous réserve de la faculté pour le juge de pouvoir en décider autrement par décision motivée, pourrait être inscrit dans la loi. Actuellement, il s'agit d'une simple possibilité. Cette nouvelle orientation se traduirait par une modification du troisième alinéa de l'article 707 du CPP.
Cette disposition devra être considérée comme créant une obligation de moyens à l'encontre de l'administration pénitentiaire.
Afin de favoriser le développement des mesures prononcées au cours de l'incarcération, en particulier dans les maisons d'arrêt, où leur mise en oeuvre est le plus aisé, le quantum d'un an ou le reliquat de peine maximum d'un an actuellement exigé pour en bénéficier, pourrait être porté à deux ans.
Cette disposition serait étendue aux condamnations non encore exécutées. (actuel article 723-15 du CPP)
Cette modification est en outre justifiée par l'adoption du quantum de 2 ans retenus pour le maintien des condamnés en maison d'arrêt.
Enfin, afin de faciliter l'organisation matérielle des aménagements de peine, sans remettre en cause le principe selon lequel ils sont accordés par le juge de l'application des peines, la loi pourrait prévoir que leurs modalités pratiques sont définies par les directeurs de services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ou les chefs d'établissement, afin notamment de favoriser le développement des formations en alternance.
Le Gouvernement entend s'appuyer en la matière sur les conférences régionales semestrielles portant sur les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération, instituées par les circulaires du ministre de la justice des 27 juin et 13 juillet 2007 visant à évaluer et promouvoir le développement des aménagements de peine.
4- ANALYSE DE L'IMPACT DU PROJET DE LOI
4.1. Impact juridique
Le projet de loi pénitentiaire va modifier de façon conséquente l'ordonnancement juridique actuel du droit pénitentiaire.
Il élève un nombre conséquent de normes du niveau réglementaire au niveau législatif.
Il renvoie à des décrets en Conseil d'Etat ou à des décrets simples la mise en oeuvre de grands principes énoncés par voie législative (code de déontologie, etc...)
4.2. Effets attendus de la loi pénitentiaire
4.2.1. Effets sur la récidive
De nombreuses dispositions du projet de loi pénitentiaire permettront de lutter efficacement contre la récidive, d'une part, en améliorant la prise en charge des détenus tout au long de leur incarcération, d'autre part, en favorisant leur réinsertion notamment par le développement des aménagements de peines.
Sont ainsi au nombre de ces mesures améliorant la prise en charge des détenus au cours de leur incarcération :
1) L'expérimentation de transfert aux régions de l'organisation et du financement d'actions de formation professionnelle continue en faveur des détenus qui permettra de renforcer l'efficacité de ces actions et de lutter ainsi contre la désinsertion sociale.
2) L'obligation faite aux mineurs de poursuivre une activité éducative en détention, en ce qu'elle permet de mettre à profit le temps de l'incarcération, est sera donc de nature d'une part à contribuer à la lutte contre la récidive, d'autre part à contribuer à prévenir les tensions en détention liées à l'oisiveté.
3) Le parcours d'exécution de peine qui aura pour effet de rendre le détenu acteur de l'exécution de sa peine en lui assignant des objectifs et en dressant un bilan à échéance régulière.
L'ensemble des mesures facilitant la réinsertion des détenus oeuvrent également à prévenir la récidive :
1) La possibilité de maintenir par exception les condamnés en maison d'arrêt devrait favoriser le maintien des liens familiaux et faciliter l'accès des condamnés aux aménagements de peine.
Cette réforme, qui régularise la situation de 2600 condamnés qui subissent une peine ou reliquat de peine comprise entre 1 et 2 ans et se trouvent actuellement incarcérés en maison d'arrêt en violation des dispositions législatives existantes, est indispensable pour éviter la condamnation de l'Etat (la jurisprudence Boussouar du Conseil d'Etat admettant la recevabilité de recours contre le maintien des condamnés en maison d'arrêt). Cette solution est la plus pertinente car elle devrait s'accompagner d'un développement des aménagements de peine facteurs essentiels de prévention de la récidive.
2) L'élévation à 2 ans du reliquat de peine ouvrant le droit à un aménagement de peine tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé qui devrait considérablement augmenter les mesures prononcées.
3) Donner une qualification juridique au support d'engagement permettra une évolution qualitative dans la reconnaissance du statut individuel du détenu et constituera une première étape de la démarche visant à installer formellement la relation de travail qui intervient à la sortie de détention.
4) L'entreprise d'insertion, l'atelier et le chantier d'insertion permettent de faire accéder au marché du travail des personnes sans emploi qui, en raison des difficultés sociales et professionnelles qu'elles connaissent ne peuvent être embauchées dans un premier temps par une entreprise de droit commun. L'exercice d'une activité professionnelle dans ces structures constitue un facteur de stabilisation et l'amorce d'une insertion véritable, et contribuera de façon significative à la lutte contre la récidive.
5) La domiciliation des détenus outre qu'elle rétablit le respect de l'égalité de traitement entre les citoyens, constitue un élément important pour la préparation à la sortie et la prévention de la récidive, dans la mesure où le retour à la liberté de personnes sans ressources ou sans assistance sociale les place dans une position favorisant un nouveau passage à l'acte délinquant.
En termes de flux, sur une période d'un an, le nombre de personnes détenues susceptibles de bénéficier d'une domiciliation en établissement pénitentiaire peut être estimé à environ 15000 dont :
- 5200 justifiées par un besoin de carte nationale d'identité ou d'autres démarches administratives,
- 4600 fondées sur la nécessité d'accéder à des partenaires associatifs ou institutionnels,
- 2800 résultant de demandes de prestations sociales,
- 2400 liées à l'accès à des soins.
4.2.2. Effets sur les violences en prison
La différenciation des régimes de détention au sein d'un même établissement contribue à un meilleur équilibre au sein des détentions, en permettant l'adaptation des règles applicables, notamment des mesures de surveillance et de sécurité, à la personnalité de chaque détenu.
Elle permet notamment d'alléger les mesures de sécurité pour une majorité de détenus alors qu'elles sont actuellement imposées de façon générale et indifférenciée, tout en favorisant la mise en place de programmes spécifiques adaptés au profil de chaque détenu.
Ainsi, dans les établissements s'étant engagés à titre expérimental dans cette voie, il a été constaté une diminution du nombre d'incidents et de violences.
La légalisation de la différenciation des régimes de détention permettra, de surcroît, de faire face aux risques contentieux liés à l'affectation des détenus dans différents régimes mis en place à titre expérimental dans certains établissements.
4.2.3. Effets sur le taux des suicides
Le risque suicidaire dans les établissements pénitentiaires est plus élevé d'une part au moment de l'arrivée en détention, d'autre part en cas de placement au quartier disciplinaire. Par conséquent, plusieurs dispositions de la loi améliorent la prévention du suicide en détention en renforçant la prise en charge des détenus lors de ces périodes plus sensibles.
1) Les modifications apportées aux textes concernant le respect de la vie familiale permettent de prévenir la désinsertion et le suicide des détenus notamment lorsqu'ils sont prévenus ou placés au quartier disciplinaire, en facilitant le maintien des liens affectifs.
2) La possibilité offerte au détenu de demander à partager sa cellule avec une autre personne s'il le souhaite, étendue à l'ensemble des condamnés incarcérés en maison d'arrêt ou en établissement pour peines, est de nature à prévenir le risque suicidaire, en permettant de ne pas laisser un détenu seul en cellule.
4.2.4. Moyens supplémentaires résultant de la création d'une réserve civile pénitentiaire et usage envisagé en priorité
La création d'une réserve civile pénitentiaire permettra le déploiement de moyens humains supplémentaires pour la sécurisation des juridictions et des services pénitentiaires d'insertion et de probation, mission qui n'est pas assurée actuellement dans des conditions satisfaisantes.
4. 3. Coûts pour l'Etat
L'impact budgétaire qui pourrait résulter de certaines des mesures proposées peut être estimé comme suit à titre indicatif, sans prétendre apporter une analyse globale des moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de la future loi.
a. Intervention des entreprises d'insertion, des chantiers et ateliers d'insertion dans les établissements pénitentiaires
Pour bénéficier d'un contrat d'insertion, la personne détenue devra se situer à 2 ans de sa fin de peine ou dans les conditions de la libération conditionnelle, les contrats d'insertion ayant en droit commun une durée de 12 mois renouvelable une fois.
Si l'on retient ces critères de délai, 33.000 personnes détenues environ remplissent les conditions, dont les deux tiers sont écroués en maison d'arrêt, pour bénéficier de cette mesure.
Sur ces bases, et compte tenu de ce que 60% des entrants sont sans activité ou chômeurs, 20.000 détenus seraient susceptibles de relever de l'intervention de structures d'insertion par l'activité économique.
Par conséquent, pour la première année, la création de 600 postes en insertion serait à envisager, qui correspondent à 3% du public concerné.
Pour 600 postes en insertion, le coût global s'élèverait donc à 4.600.000 € à raison de 7.663 € par poste.
b. Gestion des SPIP
Actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (dont 2.500 sont en charge de suivi de dossiers), soit environ 80 dossiers par travailleur social.
Au regard de la politique mise en place visant à l'augmentation du nombre d'aménagements de peine, notamment de l'augmentation à 2 ans du reliquat de peine maximal pour être admissible à un aménagement de peine sous écrou, ab initio ou en fin de peine, on peut estimer que le nombre de personnes devant être suivies par les travailleurs sera porté au minimum à 210.000 par an.
Afin de faciliter le mise en oeuvre des aménagements de peine, il apparaîtrait nécessaire de passer de 80 à 60 dossiers par conseiller d'insertion et de probation, ce qui nécessiterait la création de 1.000 postes de CIP pour un coût salarial total de 32 844 000 euros outre le coût d'investissement.
4.4. Incidences sur les collectivités territoriales
4.4.1. Expérimentation de transfert de l'organisation et du financement d'actions de formation professionnelle continue pour les détenus
Des discussions ont été engagées avec l'Association des Régions de France et les Conseils Régionaux afin d'évaluer l'impact du transfert aux régions de la formation professionnelle, dont la charge budgétaire globale pesant actuellement sur l'Etat est d'un montant de 7.000.000 d'euros.
Cette expérimentation permettra d'évaluer, pour une durée limitée à trois ans et dans les collectivités qui se porteront candidates, les conséquences positives ou négatives d'un tel transfert et d'apprécier l'opportunité d'une généralisation ultérieure. Un rapport d'évaluation sera établi par le Gouvernement avant le terme de cette expérimentation.
4.5. Effets sociaux
4.5.1. La situation des familles des personnes détenues
Les familles des personnes détenues subissent souvent des désagréments liés à l'incarcération d'un de leurs proches, alors même que la sanction pénale ne les concerne pas.
Diverses mesures sont destinées à favoriser l'amélioration de leur situation :
- la généralisation de l'accès au téléphone pour tous les détenus
- le possible maintien en maison d'arrêt des condamnés purgeant une peine ou un reliquat inférieurs à 2 ans (au lieu d'un an) permettant une incarcération plus proche du domicile de la famille
4.5.2. L'insertion de la prison dans la cité
La rédaction d'un article associant les services de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et autres personnes publiques ou privées à la réalisation des missions du service public pénitentiaire contribue à faire de la prison un service intégré dans la société.
Les mesures rapprochant le détenu du citoyen de droit commun devraient permettre une moindre stigmatisation. Tel est le cas de la domiciliation permettant non seulement l'exercice simplifié du droit de vote, mais aussi le maintien de la qualité d'allocataire de prestations sociales. Tel est le cas également du recours renforcé aux aménagements de peine, qui par nature permettent au détenu de s'insérer dans la société et donc d'y retrouver toute sa place.
L'intervention en établissements pénitentiaires des acteurs de droit commun (régions pour la formation professionnelle continue, entreprises d'insertion, services sociaux) permet de décloisonner la prison et d'en faire le bénéficiaire de politiques publiques au même titre que d'autres.
Fiche d'impact
Le recours aux alternatives à la détention provisoire et aux aménagements des peines privatives de liberté
1. Assignation à résidence avec surveillance électronique
1.1. Historique et description du droit actuel
Le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des courtes peines d'emprisonnement a été créé par la loi du 19 décembre 1997.
La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, avec pour objectif de diminuer les atteintes à la présomption d'innocence résultant de l'incarcération découlant d'une détention provisoire, a prévu que cette détention pourrait également s'exécuter sous forme d'un placement sous surveillance électronique.
Ces dispositions n'ont toutefois quasiment jamais été appliquées dans la mesure où si une détention provisoire paraissait indispensable à titre de mesure de sûreté ou en raison des nécessités de l'instruction, elle impliquait nécessairement l'incarcération de la personne, et dans le cas contraire un contrôle judiciaire, aussi strict que possible, était suffisant.
C'est pourquoi la loi du 2 septembre 2002 d'orientation pour la justice a supprimé la détention provisoire/placement sous surveillance judiciaire, et a institué à la place la possibilité d'assortir le contrôle judiciaire d'un placement sous surveillance électronique dans le cadre de l'astreinte à domicile prévue par l'article 138-2° du code de procédure pénale.
Ces nouvelles dispositions sont applicables depuis l'entrée en vigueur du décret du 17 mars 2004 .
Alors que le placement sous surveillance électronique, à titre de mesure d'exécution des peines privatives de liberté, a connu un développement significatif depuis sa généralisation (cf. infra), en revanche, le placement sous surveillance électronique dans le cadre du contrôle judiciaire ( PSE-CJ ) s'est peu développé.
Au 1° avril 2008, seulement 245 mesures de PSE-CJ avaient été prononcées et 69 personnes sont actuellement placées sous ce régime.
Plusieurs paramètres expliquent cette situation :
Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ne dispose pas, la plupart du temps, des informations nécessaires à la mise en place d'un placement sous surveillance électronique. En effet il est difficile qu'une enquête de faisabilité ait été réalisée au moment de la comparution du prévenu devant ces magistrats.
La durée du placement sous surveillance électronique n'est pas limitée dans le temps en matière de contrôle judiciaire alors qu'elle est limitée à un an en tant que modalité d'exécution d'une peine privative de liberté.
Enfin et surtout, le temps passé sous surveillance électronique dans le cadre d'un contrôle judiciaire ne compte pas comme de la peine exécutée et n'est pas décompté, comme la détention provisoire, de la peine prononcée .
Cette situation constitue sans doute le frein principal au développement du placement sous surveillance électronique dans le cadre pré-sentenciel.
Le PSE-CJ est plus contraignant qu'un contrôle judiciaire simple même assorti d'obligations et le fait pour le prévenu d'ignorer pour combien de temps il doit consentir au port du bracelet et donc aux horaires d'assignation peut également constituer une réticence à la mesure.
1.2. Impact prévisible des nouvelles dispositions
En instituant comme modalité intermédiaire entre le contrôle judiciaire d'une part et la détention provisoire, l'assignation à résidence avec surveillance électronique, dont le régime, les modalités de prononcé et les effets seront, selon les cas, proches de celui du contrôle judiciaire ou de celui de la détention provisoire, le projet de loi répond aux difficultés pratiques et juridiques actuellement constatées.
Il est dès lors prévisible que plusieurs centaines de personnes qui sont chaque année placées ou maintenues en détention provisoire pourront faire l'objet d'une assignation à résidence avec surveillance électronique.
Dans un premier temps, il est vraisemblable que cette mesure sera utilisée pour libérer des personnes placées en détention provisoire, et qui éviteront de ce fait la prolongation de leur détention, avant d'être prononcée dès la mise en examen d'une personne, à la place d'une détention.
2. Dispositions tendant à favoriser le recours aux aménagements de peines
2.1. Historique et description du droit actuel
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant d'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a achevé le processus de juridictionnalisation de l'application des peines. Les principes généraux du droit processuel sont désormais parfaitement reconnus en matière d'application des peines et le juge de l'application des peines, autorité juridictionnelle à part entière, a vu ses pouvoirs renforcés.
Cette réforme a redonné de la crédibilité aux alternatives à l'incarcération et de l'effectivité aux peines restrictives de liberté en favorisant le prononcé de ces mesures ab initio par la juridiction de jugement.
Elle a permis en outre au juge de l'application des peines en vertu du principe de fongibilité de substituer dans certaines conditions une autre peine à celle prononcée par le tribunal.
L'article 707 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel les peines d'emprisonnement ont vocation à être aménagées et renforce ainsi le principe de l'individualisation des peines.
La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a ajouté à ce dispositif plusieurs dispositions visant à améliorer l'efficacité de la prévention de la récidive, en définissant notamment les objectifs de réinsertion et de prévention de la peine (article 132-24 du code pénal) et en augmentant la durée des emprisonnements assortis partiellement d'un sursis avec mise à l'épreuve ainsi que la durée de l'épreuve s'il s'agit d'un condamné en état de récidive légale .
Elle a également introduit le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) qui peut être prononcé dans le cadre d'un suivi socio judiciaire, de la surveillance judiciaire et de la libération conditionnelle.
Les juridictions de jugement ainsi que celles de l'application des peines disposent désormais, en fonction des procédures qui leur sont soumises, de tout un choix de mesures substitutives à l'emprisonnement.
Une circulaire en date des 27 avril 2006 a donné une nouvelle impulsion à la politique pénale en matière d'aménagements de peine et d'alternatives à l'incarcération et une seconde circulaire en date du 27 juin 2007 a appelé l'attention des procureurs généraux sur la nécessité d'organiser des conférences régionales semestrielles portant sur leur développement.
Le décret du 16 novembre 2007 a institué l'article D.48-5-1 du CPP qui consacre ces conférences régionales semestrielles sur les aménagements de peine et les alternatives à la détention.
Les rapports des premières conférences régionales semestrielles ont fait état d'un bilan positif des aménagements de peine qui, en 2007, sont en hausse dans toutes les cours d'appel, avec une augmentation comprise entre 13,9 et 37,5% .
La loi prévoit différents seuils en fonction de l'aménagement de peine envisagé :
L'article 723-15 du code de procédure pénale permet l'aménagement des peines ou reliquats de peine inférieurs ou égaux à un an.
Le seuil d'un an s'applique également aux aménagements de peine suivants : semi-liberté, placement à l'extérieur et placement sous surveillance électronique.
L'article 729 du code de procédure pénale ne permet l'octroi de la libération conditionnelle qu'après que la peine exécutée soit au moins égale à la peine restante à subir ou au double de la peine restant à subir en cas de récidive.
Une évolution significative des aménagements de peine :
Le placement sous surveillance électronique :
Le placement sous surveillance électronique est en très forte progression sur l'ensemble du territoire . Le Parc de bracelets n'est jamais limité, il y a toujours la possibilité d'en commander davantage si des demandes vont en ce sens.
En 2007, 7900 mesures de placement sous surveillance électronique ont été prononcées dont 7 065 pour des quanta inférieurs ou égaux à un an, soit 89%.
Au 1 er avril 2008, 26 795 mesures de PSE avaient été prononcées depuis le début de l'expérimentation en octobre 2000 et 3 024 personnes exécutaient leur peine sous surveillance électronique.
La semi-liberté et le placement à l'extérieur :
Les mesures de semi-liberté augmentent également, toutefois dans une moindre proportion que le placement sous surveillance électronique, tandis que le recours au placement à l'extérieur est très variable et dépend principalement des moyens mis en oeuvre pour établir des conventions avec le partenariat local.
En 2007 :
• 5 283 mesures de semi-liberté ont été prononcées, dont 3 641 pour des quanta inférieurs ou égaux à un an, soit 69%.
• 2 289 mesures de placement à l'extérieur ont été prononcées dont 1 150 pour quanta inférieurs ou égaux à un an, soit 50%.
A la date du 1° avril 2008 :
• 1894 personnes exécutaient leur peine en semi-liberté
• 865 personnes exécutaient leur peine en placement extérieur
Le nombre de personnes écrouées dont la peine est aménagée a augmenté de près de 30% en un an : - Les mesures de semi-liberté ont augmenté de 18% - Les mesures de placement à l'extérieur ont augmenté de 11% - Les mesures de placement sous surveillance électronique ont augmenté de 45% |
Les aménagements de peine peuvent encore se développer :
Il ressort des comptes rendus des premières conférences régionales semestrielles que la libération conditionnelle, les aménagements de peine pour les mineurs et les aménagements de peine prononcés ab initio par les tribunaux correctionnels peuvent encore connaître une marge de progression importante.
2.2. Impact prévisible des nouvelles dispositions
a) Observations générales
Les nouvelles dispositions modifiant le code pénal ou le code de procédure pénale ont pour objet essentiel de porter de un an à deux ans le seuil d'emprisonnement permettant le prononcé d'une mesure d'aménagement, soit au moment de la condamnation par la juridiction de jugement, soit après cette condamnation par le juge de l'application des peines avant ou après la mise à exécution de la peine.
Un nombre plus important de condamnés sera donc susceptible de bénéficier de ces aménagements, d'autant plus que les conditions factuelles de leur prononcé sont élargies et que les procédures permettant d'y recourir sont simplifiées.
Il n'est toutefois évidemment pas possible d'évaluer avec précision l'augmentation des aménagements qui résultera des nouvelles dispositions pour plusieurs raisons.
D'une part, les statistiques actuelles ne permettent pas de distinguer dans le nombre des aménagements de peines prononcés chaque année ceux qui concernent des peines inférieures ou égales à un an, et ceux qui concernent des peines plus importantes, mais dont le reliquat était inférieur ou égal à un an.
D'autre part, les statistiques actuelles relatives aux peines prononcées n'indiquent pas la partie de ces peines qui a été exécutée dans le cadre d'une détention provisoire, période pendant laquelle un aménagement n'est pas possible.
Il est cependant possible de faire une première projection, très approximative, au vu des condamnations prononcées, telles qu'elles figurent dans le tableau ci-après.
2 000 |
2 004 |
2 005 |
2 006 |
|
]0-6mois] |
75198 (75,2%) |
82080 (72,5%) |
88184 (73,3%) |
89517 (74,5%) |
]6mois-1an] |
12656 (12,7%) |
15919 (14,1%) |
16454 (13,7%) |
15992 (13,3%) |
]1an-2ans] |
5643 (5,6%) |
7429 (6,6%) |
7534 (6,3%) |
7058 (5,9%) |
]2ans-3ans] |
2107 (2,1%) |
2904 (2,6%) |
2969 (2,5%) |
2744 (2,3%) |
plus de 3 ans |
4368 (4,4%) |
4958 (4,4%) |
5160 (4,3%) |
4785 (4,0%) |
Ensemble |
99972 (100%) |
113290 (100%) |
120301 (100%) |
120096 (100%) |
En 2006, 105 509 personnes avaient été condamnées à une peine ferme inférieure ou égale à un an d'emprisonnement, et 7058, soit environ 7% de plus, pour une peine de un à deux ans.
Si on prend pour base les 11 856 aménagements de peines de 2007 concernant des peines de moins d'un an, on peut donc estimer qu'au moins environ 800 aménagements de plus (7 % de 11 856) pourront intervenir du seul fait de l'élévation du seuil à deux ans.
Cette évaluation minimale ne tient pas compte de l'augmentation qui résultera de la simplification des critères d'octroi ni de la simplification des procédures.
En pratique, il convient de considérer que les nouvelles dispositions permettront l'octroi de plusieurs milliers de mesures d'aménagement supplémentaires.
Elles permettront par ailleurs, pour les reliquats de peine compris entre un et deux ans, un aménagement plus rapide de la peine d'emprisonnement, ce qui, en avançant le moment de ces aménagements, contribuera à diminuer la surpopulation carcérale.
b) Observations concernant la nouvelle procédure simplifiée d'aménagement de peine applicable aux condamnés détenus
Le projet de loi prévoit l'extension et le renforcement de la cohérence de la nouvelle procédure d'aménagement des peines (NPAP) instituée par la loi du 9 mars 2004.
Seront concernés tous les condamnés à une peine inférieure ou égale à deux ans, ou pour lesquels il reste moins de deux ans à exécuter, dès lors que la peine prononcée n'excède pas cinq ans. Les distinctions complexes de l'article 723-20, qui constituaient un frein à la mesure, sont donc supprimées.
Toutefois, à la différence du droit actuel, la demande d'homologation au juge d'application des peines serait faite par le procureur de la République, auquel le directeur du SPIP adresserait la proposition, et non directement par ce dernier. La nouvelle procédure d'aménagement des peines concernera également les mesures de libération conditionnelle.
Cette solution présente de très nombreux avantages :
- Elle évite une certaine incohérence découlant des textes actuels, qui permet au directeur du SPIP de faire une proposition d'aménagement de peine au juge d'application des peines (qui va peut-être l'accepter, ou n'y pas répondre et permettre sa mise en oeuvre), alors même que le parquet y serait opposé. On organise ainsi une possibilité de divergence entre l'appréciation de deux autorités qui sont pourtant toutes les deux sous l'autorité du garde des sceaux.
- Elle supprime la complexité des textes actuels, qui prévoient notamment deux possibilités de recours suspensifs du parquet contre la décision d'aménagement : puisque le parquet est favorable à la mesure, ces possibilités seront supprimées par le nouveau texte, qui devient donc plus court, plus clair et plus lisible.
- Elle donne aux magistrats du parquet un rôle moteur dans les aménagements de peines, conformément aux instructions figurant dans les circulaires qui leur sont adressées par le garde des sceaux, en leur permettant de prendre à son compte la proposition du directeur du SPIP, de la relayer, et de lui donner par la même une force particulière.
- Elle est conforme à l'évolution récente de notre droit, qui voit les juges du siège homologuer des propositions du ministère public, comme dans les procédures de composition pénale et de comparution préalable de culpabilité.
- Elle est ainsi de nature à prévenir les pratiques constatées consistant pour le juge d'application des peines, s'il est d'accord avec la proposition du directeur du SPIP, plutôt que de l'homologuer, à basculer dans la procédure contradictoire : l'homologation de la proposition d'un magistrat sera plus aisée à accepter que l'homologation de la proposition d'un fonctionnaire, puisque c'est ce qui se passe désormais, sans problème, pour la composition pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
- Elle permettra enfin qu'en cas de non homologation dans le délai de trois semaines, le directeur du SPIP n'hésite plus, comme cela peut être le cas actuellement, à mettre en oeuvre la mesure d'aménagement, car il le fera sur instruction du parquet.
ANNEXE 3 BILAN D'APPLICATION DES TRENTE MESURES URGENTES PRÔNÉES PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES EN FRANCE (JUIN 2000)
La lutte contre la surpopulation des maisons d'arrêt |
|
1. interdire strictement le maintien en maison d'arrêt des personnes condamnées définitivement à plus d'un an d'emprisonnement ; |
Recommandation restée sans effet |
2. permettre le placement en établissements pour peine des prévenus dont l'instruction est achevée ou qui sont en attente d'appel ou de cassation ; |
Recommandation restée sans effet |
3. déconcentrer la gestion des affectations des détenus en établissements pour peine et supprimer le centre national d'observation ; |
- Mesure non normative s'agissant de la gestion des détenus -les articles D. 81-1 et D. 81-2 CPP mentionnent toujours le CNO |
4. accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique ; |
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a opéré une réforme du placement sous surveillance électronique |
5. permettre une suspension de peine pour les détenus souffrant d'une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ; |
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a créé l'article 720-1-1 CPP en ce sens |
6. renforcer les unités fermées des hôpitaux psychiatriques et doubler au minimum le nombre de lits en UMD (unités pour malades difficiles) ; |
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a inséré un chapitre IV dans le code de la santé publique (art. L. 3214-1 à L. 3214-5 nouveaux) ayant pour objet l'hospitalisation des détenus atteints de troubles mentaux dans des établissements de santé, au sein d'unités spécialement aménagées. |
La nécessaire remotivation des personnels |
|
7. pourvoir l'ensemble des postes de personnels actuellement vacants ; |
Mesure non normative |
8. développer la formation continue pour les personnels ; |
Mesure non normative |
9. revaloriser les métiers de l'administration pénitentiaire, afin de les rendre plus attractifs ; |
Mesure non normative |
10. aider les personnels à trouver des logements, en particulier en région parisienne et dans les grands centres urbains ; |
Mesure non normative |
Les bâtiments : détruire, rénover et construire |
|
11. lancer un plan de réhabilitation sur cinq ans du parc pénitentiaire sous la forme d'une loi de programme ; |
Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice : - programme de 13.200 places avec la construction d'une quinzaine d'établissements pénitentiaires et de sept établissements pour mineurs - depuis 1998 programme de rénovation des quatre plus grands établissements pénitentiaires de France (les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et Paris-La Santé, le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes). |
12. créer une agence pénitentiaire, structure publique chargée de gérer de manière autonome les investissements et la maintenance ; |
Le décret n° 2001-798 du 31 août 2001 a créé l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice Cet établissement public national est chargé de la maîtrise d'ouvrage des opérations de construction, d'aménagement, de mainte-nance, de réhabilitation, de restauration, de gros entretien, d'exploitation ou de réuti-lisation d'immeubles appartenant à l'Etat, y compris d'immeubles remis en dotation à des établissements publics de l'Etat, destinées aux services pénitentiaires, aux juridictions ainsi qu'aux établissements d'enseignement relevant du ministère de la justice. |
13. doubler les crédits consacrés à l'entretien des bâtiments ; |
Recommandation restée sans effet |
Les droits et les devoirs des détenus |
|
14. instituer un minimum carcéral pour les indigents ; |
Recommandation restée sans effet |
15. harmoniser à la baisse les tarifs des cantines ; |
Mesure non normative |
16. instituer la gratuité de la télévision dans les cellules ; |
Mesure non normative |
17. supprimer le prélèvement sur le produit du travail des détenus destiné à les faire participer à leurs frais d'entretien ; |
Le décret n° 2003-259 du 20 mars 2003 a abrogé l'article D. 112 CPP prévoyant que les détenus participaient à leurs frais d'entretien |
18. favoriser le travail à l'extérieur de l'établissement et faire participer les détenus à des travaux bénéfiques pour la collectivité ; |
Mesure non normative |
19. allonger la durée des activités proposées aux détenus au cours de la journée de détention pour concilier le travail pénitentiaire, la formation et les activités socio-éducatives ; |
Mesure non normative |
20. harmoniser les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires par catégorie d'établissement ; |
Mesure non normative |
21. réformer la procédure disciplinaire en permettant au détenu d'être assisté par un avocat et en interdisant le placement au quartier disciplinaire pour les fautes les moins graves ; |
Recommandation partiellement restée sans effets : - Possibilité pour le détenu d'être assisté par un avocat lors d'une procédure disciplinaire (décret n° 2003-259 du 20 mars 2003 modifiant l'article D. 250-4 CPP) - Maintient de la possibilité de placer un détenu en cellule disciplinaire quelle que soit la faute commise (Art. D. 251 CPP) |
22. réduire à 20 jours la durée maximale de placement au quartier disciplinaire ; |
Recommandation restée sans effets
|
23. permettre l'accès des visiteurs de prison au quartier disciplinaire; |
Le décret n° 2008-546 du 10 juin 2008 a modifié l'article D. 251-3 CPP permettant désormais l'accès des visiteurs aux détenus placés en cellule disciplinaire une fois par semaine |
24. faire respecter la discipline quotidienne ; |
Mesure non normative |
25. améliorer l'accueil des familles, notamment celles qui viennent de loin, et favoriser les projets des associations visant à améliorer cet accueil ; |
Depuis septembre 2003, sept unités de vie familiales ont été créées |
La modernisation des méthodes de gestion |
|
26. expérimenter la transformation, déjà possible, d'établissements pénitentiaires en établissements publics administratifs dotés d'un conseil d'administration ; |
Mesure non normative |
27. mettre en place un dispositif d'évaluation du fonctionnement des établissements prenant en compte des critères liés non seulement à la sécurité, mais aussi aux conditions de détention ; |
Mesure non normative |
Le renforcement des contrôles |
|
28. créer un organe de contrôle externe et indépendant des établissements pénitentiaires, doté de larges pouvoirs d'investigation ; |
Un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été créé par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 |
29. relancer l'exercice des contrôles des magistrats dans les établissements pénitentiaires ; |
Mesure non normative |
30. renforcer la coopération entre l'autorité judiciaire et l'administration pénitentiaire |
Mesure non normative |
ANNEXE 4 LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA CONDITION PÉNITENTIAIRE
Sous l'égide de notre collègue, M. Robert Badinter, ont été créés, en mars 2006, à l'initiative d'une dizaine d'organisations 198 ( * ) , les états généraux de la condition pénitentiaire afin de favoriser la mise en oeuvre d'une profonde réforme du système carcéral. Sur la base d'une consultation individuelle des détenus organisée avec le soutien du Médiateur de la République et dont le principe a été accepté par le ministère de la justice 199 ( * ) , les états généraux ont adopté le 14 novembre 2006 un « manifeste » recommandant en particulier l'adoption d'ici la fin 2008 d'une loi pénitentiaire .
La consultation s'est faite sur la base d'un questionnaire le plus souvent remis en mains propres aux détenus par les délégués du Médiateur de la République dans 115 établissements. 15.530 questionnaires ont pu être exploités (soit un taux de retour de 25 %).
Parallèlement, les différents acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire ont été consultés en ligne. 5.397 personnes ont participé à cette consultation (le taux de retour pour les personnels de surveillance n'a pas dépassé 1 %.
Les actions prioritaires souhaitées par les détenus visent à 200 ( * ) :
- rapprocher le lieu de détention du domicile ou de la famille (88,1 %) ;
- mettre en place des installations sanitaires préservant l'intimité (86,2 %) ;
- permettre un accès quotidien aux activités, à la formation et au travail (85,5 %) ;
- systématiser les sorties en cas de circonstances familiales graves (85,3 %) ;
- permettre les rencontres avec la famille et les proches dans le respect de l'intimité (85,3 %) ;
- augmenter la fréquence et la durée des parloirs (83,9 %) ;
- faciliter l'obtention des permis de visites pour la famille et les proches (82,5 %).
ANNEXE 5 LE MAINTIEN DES LIENS FAMILIAUX DES DÉTENUS EN EUROPE
______________
Pour favoriser le maintien des liens du détenu avec sa famille, la plupart de nos pays voisins s'efforcent de mettre en place des dispositifs allant au-delà du traditionnel droit de visite au parloir collectif.
En Angleterre et en Italie, quelques établissements pénitentiaires ont aménagé leurs locaux pour favoriser la visite des enfants (aires de jeux...).
Certains pays, comme le Danemark et la Suède, ont mis en place un système de parloirs individuels meublés ; aux Pays-Bas et en Allemagne, ce système est réservé aux détenus purgeant de longues peines.
D'autres, comme l'Espagne et la Suède ont créé des structures spécialement aménagées équivalentes à nos unités de vies familiales.
ANNEXE 6 LE TRAVAIL DES DÉTENUS EN EUROPE
Allemagne |
Angleterre et Pays de Galles |
Espagne |
Italie |
|
Principe du travail obligatoire |
Obligation de travailler |
Obligation d'accomplir un travail « utile » |
Liberté de travailler mais obligation d'accomplir une activité personnelle |
Obligation de travailler |
Taux d'accès au travail |
Environ 50% des détenus |
58% des détenus |
16,7% des détenus |
25% des détenus |
Types d'emplois |
- Travail lié au fonctionnement de la prison obligatoire (3 mois maxi) - Travail « productif » |
- Travail lié au fonctionnement de la prison - Travail « productif » |
- Travail lié au fonctionnement de la prison - Travail « productif » |
- 287 - - Travail lié au fonctionnement de la prison obligatoire - Travail « productif » |
Procédure d'octroi
|
Existence d'un service du travail |
Existence d'un service spécialisé et dans chaque établissement d'une commission d'affectation des détenus sur les postes de travail |
- Liste de postes de travail établi par l'organisme autonome de travail et de prestation pénitentiaire - Commission d'affectation |
Commission d'affectation |
- Aucune motivation de non-attribution - Recours hiérarchique |
- Aucune motivation de non-attribution - Recours auprès du Governor, puis en cas de confirmation par ce denier devant l'Ombudsman |
- Décision de refus motivée par écrit - Recours formel prévu auprès de la commission d'affectation |
- Aucune motivation de non-attribution - Pas de recours possible |
|
Pas de contrat de travail, application des règles de droit public |
Pas de contrat de travail mais relation de travail sui generis |
Possibilité de contrat de travail spécial toujours à durée déterminée |
Hormis le cas du travail lié au fonctionnement de la prison, possibilité de contrat de travail classique |
|
Durée du travail |
Application des règles de la fonction publique : 38,5 h à 40 h maximum par semaine |
10 heures maximum par jour En pratique : 24h /semaine en moyenne |
Application des règles de droit commun En pratique, horaire variable de 10 à 25h /semaine |
Pas plus de huit heures/jour |
Rémunération |
- Taux minimum de rémunération toujours inférieur au salaire minimum - Rémunération de base servant de référence égale à 9% du salaire moyen - Rémunération minimale pour le travail « domestique » |
Pas de salaire minimum sauf pour les détenus âgés |
- Fixation annuelle des taux horaires minimum en fonction de l'activité, taux proches du salaire minimum applicable hors prison - Rémunération minimale pour le travail « domestique » |
- Revenu déterminé en fonction de la qualité et de la quantité et jamais inférieur aux 2/3 de ce qui est prévu par les conventions collectives - 288 - - Rémunération minimale pour le travail « domestique » |
Droits sociaux |
Droit à un congé annuel de 24 jours ouvrables avec versement d'une indemnité |
Aucun congé payé ou non |
Droit à un congé annuel de 30 jours ouvrables rémunérés |
Droit à un congé ou à défaut à indemnité |
Procédure Disciplinaire en cas de faute professionnelle |
En cas de faute grave à caractère professionnel, une conférence de direction détermine une sanction adéquate |
Entretien préalable au prononcé de la sanction, droit de présenter sa défense, sanction notifiée par écrit |
Notification écrite et motivation de la sanction |
- Si contrat de travail avec employeur extérieur : règles de droit commun - Autres détenus ne bénéficiant pas de contrat de travail : application des règles disciplinaires de la prison |
Possibilité d'exercer un recours auprès de la direction. En cas de confirmation de la sanction, recours possible devant la juridiction chargée du suivi de l'application des peines |
Recours possible devant l'Ombudsman après exercice d'un recours interne |
Selon les cas : - possibilité de recours devant le juge de l'exécution des peines - possibilité de recours devant le juge du travail après recours hiérarchique |
NC |
Source : Commission des Lois d'après le travail pénitentiaire en question de Ph. Auvergnon et C. Guillemain
ANNEXE 7 LES AMÉNAGEMENTS DE PEINES
_________
Aménagements de peines décidés par la juridiction de jugement
Mesure |
Droit en vigueur |
Projet de loi |
Semi-liberté (SL)
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
Suspension ou fractionnement
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
Aménagements de peines
décidés
ou mis en oeuvre par la juridiction de l'application des peines
Mesure |
Droit en vigueur |
Projet de loi |
Toute mesure
|
|
|
Permission de sortie
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Sans changement
|
Autorisation de sortie sous
escorte
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Sans changement
|
Semi-liberté
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Suspension ou fractionnement
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Suspension de peine pour motif médical
grave
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Sans changement
|
Libération conditionnelle
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Conditions liées à la peine
prononcée
|
Conversion
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
Conditions liées à la peine
prononcée :
|
ANNEXE 8 LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
___________
Par la commission des lois
Mme Rachida Dati , garde des sceaux, ministre de la justice
M. Martin Hirsch , haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté
M. Jean-Marie Delarue , Contrôleur général des lieux de privation de liberté
M. Jean-Olivier Viout , procureur général près la cour d'appel de Lyon, président du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire
Par le rapporteur
Ministère de la justice
Direction des affaires criminelles et des grâces
M. Jean-Marie Huet , directeur
Direction de l'administration pénitentiaire
M. Claude D'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire
M. Jean-François Beynel , sous-directeur des ressources humaines
M. Jean-Marc Chauvet , inspecteur des services pénitentiaires
Mme Marie-Christine Dewailly , sous-directeur adjoint des ressources humaines
M. Martin Parkouda , sous-directeur de l'Etat Major de Sécurité
M. Laurent Ridel , sous-directeur des personnes placées sous main de justice
M. Michel Wicquart , directeur du service de l'emploi pénitentiaire
Ministère de la santé
M. Didier Houssin , directeur général de la santé
Mme Annie Podeur , directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins
Direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle
Mme Isabelle Eynaud Chevalier , chef du service des politiques de l'emploi et de formation professionnelle
M. Yvan Postel-Vinay , chef de la mission politique de formation et de qualification
Magistrats
M. Eric Senna , conseiller à la cour d'appel de Montpellier
Association nationale des juges de l'application des peines
Mme Martine-Michelle Lebrun , présidente
M. Ludovic Fossey , magistrat
FO - Magistrats
M. Emmanuel Poinas, membre du bureau national
Union syndicale des magistrats
M. Xavier Pavageau , secrétaire général adjoint
Mme Virginie Valton , secrétaire nationale
Syndicat de la magistrature
Mme Emmanuelle Perreux , présidente
M. David De Pas , secrétaire général adjoint
GIE Avocats
Me Gérard Tcholakian , membre du Conseil national des Barreaux
Me Dominique Tricaud pour le Barreau de Paris
Me Christine Visier-Philippe , ancien Bâtonnier de Chambéry pour la Conférence des Bâtonniers
Comité européen pour la prévention de la torture
M. Xavier Ronsin, procureur de la République près le TGI de Nantes, membre du Comité
Commission nationale consultative des droits de l'Homme
M. Jean-Yves Montfort , membre
M. Michel Forst , secrétaire général
Caisse des dépôts et consignations
M. Patrick Baquin , directeur du département développement économique et économie sociale
Société d'investissements, de gestion, de services (SIGES)
M. Jacques-André Jolly , directeur général
Institut Montaigne
M. Claude Heurteux , président du groupe de travail sur les prisons
M. Jean-Jacques Prompsy , rapporteur du groupe de travail sur les prisons
Médecins
Collège des soignants intervenant en prison
Dr Catherine Paulet , présidente de l'association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire
Dr Laura Harcouet, Dr Sophie Dupont-Martin, Dr Anne Henry et Dr Valérie Kanoui
Dr Roland Coutanceau , président de la ligue française de santé mentale
Dr Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie, auteur d'un rapport sur la prévention du suicide des personnes détenues
Dr Véronique Vasseur , médecin à l'hôpital Saint-Antoine, ancien médecin-chef à la prison de la Santé
Personnalités qualifiées
M. Alain Bauer , criminologue, président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance
M. Jean-Marie Delarue , Contrôleur général des lieux de privation de liberté
M. Jean-Paul Delevoye , Médiateur de la République
M. Jean-Jacques Dupeyroux , professeur honoraire de l'université Paris II-Assas, ancien directeur des études de l'ENA
Mme Isabelle Gorce , conseiller à la Cour de cassation chargée d'un audit sur l'évolution du métier des conseillers d'insertion et de probation
Mme Catherine Herszberg , auteur de « Fresnes, prison de fous »
M. Yazid Kherfi , consultant en prévention urbaine, ancien détenu
M. Pierre-Victor Tournier , chercheur
Mme Charlotte Trabut , inspectrice des services judiciaires chargée d'une réflexion sur les missions des conseillers d'insertion et de probation
Aumôniers
M. Pierre-Yves Bauer, aumônier israélite des prisons
M. Jean-Marc Dupeux , aumônier national protestant des prisons
M. Moulay el Hassan El Alaoui Talibi , aumônier national musulman des prisons
M. Jean-Louis Reymondier , aumônier national catholique des prisons
Organisations syndicales de l'administration pénitentiaire
CGT pénitentiaire
Mme Céline Verzeletti , secrétaire générale
M. Jérôme Marthouret , secrétaire national
Interco CFDT
M. Jean-Philippe Guilloteau
Syndicat national des cadres pénitentiaires (SNP-CFE-CGC)
M. Sébastien Cauwel , vice-président
M. Jean-Christophe Senez , secrétaire général adjoint
SNP-FO direction
M. Jean-Simon Mérandat , directeur des services pénitentiaires
M. Morgan Tanguy , directeur des services pénitentiaires
M. Pascal Vion , directeur des services pénitentiaires
SNP-FO des personnels de surveillance
M. Christophe Marques , secrétaire général
SNP-FO des personnels d'administration et d'intendance
Mme Annie Scotton , secrétaire générale
SNP-FO des personnels techniques
M. Adhérald Hournon, secrétaire général adjoint
SNEPAP - FSU
M. Olivier Boudier , secrétaire général
Mme Sophie Desbruyère , secrétaire nationale
UFAP
M. Jean-François Forget , secrétaire général
Associations et groupements
Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT)
Mme Florence Boreil , membre
Assemblée des départements de France
M. Jean-Michel Rapinat , chef de service des affaires sociales
M. Augustin Rossi , chargé de mission
Association nationale des visiteurs de prison
M. Michel Jouannot, vice-président
Association des Régions de France
M. François Langlois , délégué général
Fédération des Associations Réflexion Action Prison Et Justice (FARAPEJ)
M. Georges Sobieski , président
M. Jean-Pierre Bousseau, membre du conseil d'administration
Fédération Citoyens et Justice
M. Christian Fournier , membre du bureau
M. Jean-Marie Picquard, membre
Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (FNARS)
Mme Sophie Alary, responsable des missions
M. Charles-Edouard Leroy, chargé de mission
Groupement Étudiant National d'Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI)
M. Arnaud Philippe , président
Institut National d'Aide aux Victimes et de Médiation
M. Hubert Bonin , président
Observatoire des libertés
M. Jean-Jacques Prompsy , membre
M. Bernard Vernes , membre
Observatoire international des prisons
M. Patrick Marest, délégué national
ANNEXE 9 LISTE DES DÉPLACEMENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
_______
Jeudi 27 septembre (avec M. Dreyfus-Schmidt)
- Maison d'arrêt de Lyon
- Centre de semi-liberté de Lyon
- Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Lyon
- Unité hospitalière sécurisée interrégionale de Lyon
Lundi 1 er octobre 2007 (avec M. Richard Yung)
- Maison d'arrêt de Fleury-Mérogis
Mercredi 17 octobre 2007 (avec M. Yves Détraigne et Mme Catherine Troendle)
- Etablissement public de santé national de Fresnes
- Centre national d'observation de la maison d'arrêt de Fresnes
Vendredi 19 octobre 2007
- Centre pénitentiaire de Caen
- Maison d'arrêt de Caen
Lundi 5 novembre 2007
- Centre de détention de Mauzac (Corrèze)
Jeudi 15 novembre 2007 (avec M. Nicolas Alfonsi)
- Maison d'arrêt de Seysses
- Centre de détention de Muret
- Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Lavaur
Jeudi 22 novembre 2007 (avec Mmes Michèle André, Alima Boumediene-Thiery et M. Pierre-Yves Collombat)
- Etablissement pénitentiaire à Londres
Vendredi 23 novembre 2007 (avec Mme Catherine Troendle)
- Maison d'arrêt de Mulhouse
- Maison d'arrêt de Colmar
- Maison centrale d'Ensisheim
Lundi 17 décembre 2007
- Maison centrale de Château-Thierry (Aisne)
Vendredi 4 janvier 2008 (avec MM. Yves Détraigne et Richard Yung)
- Maison centrale de Clairvaux (Aube)
Vendredi 21 mars 2008 (avec Mme Nicole Borvo Cohen-Seat)
- Centre pénitentiaire de Liancourt
Vendredi 4 avril 2008 (avec MM. Jean-Jacques Hyest et Richard Yung)
- Centre de détention de Melun
Mardi 29 avril 2008
- Maison centrale de Poissy
Jeudi 18 septembre 2008
- Maison d'arrêt de Lille-Sequedin
- Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Quièvrechain
- Centre de détention de Lille-Loos
- Maison d'arrêt de Valenciennes
Vendredi 19 septembre 2008
- Centre de semi-liberté d'Haubourdin
- Maison d'arrêt de Béthune
- Maison d'arrêt de Bapaume
Jeudi 25 septembre 2008 (avec Mme Alima Boumediene-Thiery)
- Ecole nationale de l'administration pénitentiaire d'Agen
Jeudi 23 octobre 2008
- Maison d'arrêt de Nanterre
Jeudi 13 novembre 2008 (avec Mme Alima Boumediene-Thiery)
- Établissement public de santé national de Fresnes et Centre socio médico-judiciaire de sûreté de Fresnes
Vendredi 14 novembre 2008 (avec Mme Alima Boumediene-Thiery)
- Maison d'arrêt de Rouen
Lundi 17 novembre 2008 (avec Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Dominique de Legge)
- Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes
* 1 La loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire n'a en effet qu'une portée limitée.
* 2 Prisons : une humiliation pour la République, commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France ; MM. Jean-Jacques Hyest, président, et Guy-Pierre Cabanel, rapporteur ; rapport du Sénat n°449 tome 1 , tome 2 : annexes (1999-2000) ; La France face à ses prisons, commission d'enquête sur les prisons françaises ; MM. Louis Mermaz, président, et Jacques Floch, rapporteur ; rapport de l'Assemblée nationale, n°2521, onzième législature ; Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, commission présidée par M. Guy Canivet, mars 2000, Documentation française.
* 3 Voir les développements consacrés à cette jurisprudence dans l'avis présenté par votre rapporteur sur les crédits de l'administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances pour 2009, rapport pour avis n° 104, tome III (2008-2009).
* 4 Rapport cité, p. 72.
* 5 CEDH, 12 juin 2007, Frérot c/France.
* 6 L'Italie (loi pénitentiaire du 26 juillet 1975), l'Espagne (loi organique générale pénitentiaire du 26 septembre 1979), l'Allemagne (loi pénitentiaire du 16 mars 1976), les Pays Bas (loi régissant l'administration pénitentiaire du 1 er janvier 1988). Dans sa résolution du 17 décembre 1998, le Parlement européen a invité tous les Etats membres à élaborer une « loi fondamentale sur les établissements pénitentiaires qui définisse dans un cadre réglementant à la fois le régime juridique, le droit de réclamation ainsi que les obligations des détenus et prévoie un organe de contrôle indépendant auquel les détenus puissent s'adresser en cas de violation de leurs droits ».
* 7 Voir l'avis de votre rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2009, p. 27 et 28.
* 8 Selon M. Martin Parkouda, responsable de la sous direction de l'état major de sécurité de l'administration pénitentiaire, il convient de distinguer les détenus condamnés pour des faits de terrorisme islamiste (73), les prosélytes actifs (une centaine) et les détenus en voie de radicalisation (estimés à 213).
* 9 Le Sénat, par un amendement adopté à la loi de finances pour 2008, à l'initiative de M. Roland du Luart, avait abondé cette dotation de 150.000 euros
* 10 Part des affaires poursuivables ayant fait l'objet d'une poursuite, d'une mesure alternative ou d'une composition pénale.
* 11 En particulier avec les modes de saisine rapide du tribunal correctionnel.
* 12 Voir le rapport d'information de la commission des lois n° 17 (2005-2006) sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, « Juger vite, juger mieux ? Les procédures rapides de traitement des affaires pénales, état des lieux ».
* 13 Ce nombre, d'après M. Pierre-Victor Tournier, s'obtient en faisant la différence entre le nombre de personnes détenues et le nombre de places opérationnelles dans les seuls établissements où la densité carcérale dépasse 100 %. Il convient en effet d'éviter les compensations arithmétiques entre établissements surpeuplés et ceux dotés de places libres.
* 14 Journal officiel, 18 novembre 2008, Assemblée nationale, p. 997, Question écrite n° 27201.
* 15 Voir commentaire de l'article 59 du projet de loi.
* 16 Arrêt du tribunal administratif de Rouen du 27 mars 2008 confirmé par la Cour administrative de Douai le 24 juin dernier. Le médecin hygiéniste, qui avait expertisé les sept cellules litigieuses, avait relevé que celles-ci présentaient une double série de risques sur le plan sanitaire, d'une part, la transmission de germes d'origine fécale, d'autre part, la transmission de pathogènes broncho pulmonaires par voie aérienne. Il faisait également état de dangers d'intoxication au monoxyde de carbone en raison de l'utilisation d'appareils chauffants non contrôlés sans évacuation du gaz et sans que la cellule puisse être efficacement aérée.
* 17 Voir l'avis de votre rapport sur le projet de loi de finances pour 2009, p. 24 et 25.
* 18 Les différents programmes sont inscrits dans l'avis présenté par votre rapporteur au projet de loi de finances pour 2009, tome III, Justice - Administration pénitentiaire.
* 19 Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, p. 25.
* 20 Voir le rapport de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, au nom de la commission des lois, sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses : Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques, rapport du Sénat n° 420, 2005-2006 .
* 21 Le coût de la construction (17,5 millions d'euros) est pris en charge à 85 % par la santé et à 15 % par la justice.
* 22 Voir le tableau des effectifs en annexe.
* 23 Le délai de prescription de l'action publique a été porté par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 à 20 ans pour les crimes ainsi que pour certains délits d'agression ou d'atteinte sexuelle aggravée et à 10 ans pour les autres délits visés à l'article 706-47 du code de procédure pénale.
* 24 Ainsi, dans le cadre du placement extérieur, une convention a été signée le 27 décembre 2006 entre le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris et la Croix-Rouge française afin de réserver cinq places pour le placement à l'extérieur au centre d'hébergement et de réadaptation sociale de Corbeil-Essonnes.
* 25 Dans le cadre de l'objectif « favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus » associé au programme « Administration pénitentiaire », l'indicateur « taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée est fixé à 40,8 % en 2008 et à 41,5 % en 2011.
* 26 L'article 53 du code des marchés publics prévoit ainsi un droit de préférence « attribué, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production, par un groupement de producteurs agricoles, par un artisan, par une société coopérative d'artisans ou par une société coopérative d'activités ou par une entreprise adaptée ».
* 27 Sur 5.687 détenus adultes candidats à un examen scolaire ou universitaire, 74 % ont été reçus.
* 28 En avril 2007, 155.235 parloirs avaient été réservés dont 80.194 par borne et 75.041 par téléphone.
* 29 Trois maisons centrales -Rennes, Saint-Martin de Ré et Poissy- et quatre centres de détention -Avignon (Le Pontet), Liancourt, Meaux (Chauconin), Toulon (La Farlède).
* 30 « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison » : rapport de la mission parlementaire auprès de Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, confiée à Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes - La Documentation française - 2004 - p. 44.
* 31 Circulaires du 27 avril 2006 et du 27 juin 2007 et décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007 instituant les conférences régionales sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération.
* 32 En principe, la durée de la libération conditionnelle peut dépasser d'une année la durée de la peine non subie au moment de la libération.
* 33 Il existe en France 13 centres autonomes de semi-liberté dans les régions pénitentiaires suivantes : 4 à Paris, 3 à Strasbourg, 2 à Toulouse, 2 à Lyon, 1 à Dijon et 1 à Lille.
* 34 Trois centres pour peines aménagées fonctionnent actuellement à Metz, Marseille et Villejuif.
* 35 Au 25 juillet 2008, vingt-trois mesures avaient été prononcées treize étaient toujours en cours. Sur les dix placements terminés, on compte une libération conditionnelle révoquée partiellement, une libération conditionnelle révoquée totalement, un retrait total de surveillance judiciaire et quatre retraits partiels de surveillance judiciaire. Trois libérations conditionnelles seulement étaient parvenues à leur terme.
* 36 Rapport du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire - novembre 2007 - La Documentation française - page 9.
* 37 Ce décret a notamment supprimé la nécessité de constituer un dossier spécifique -une côte dans le dossier de l'intéressé suffit- ainsi que le principe de l'accord préalable du détenu qui n'est demandé que lors de la proposition d'un projet.
* 38 L'ENAP présente pour spécificité de former toutes les filières de l'administration pénitentiaire, des surveillants aux personnels de direction, en passant par les conseillers d'insertion et de probation. De même, elle assure la formation initiale et continue.
* 39 Le dernier, situé à Meaux-Chauconin, doit être mis en service en janvier 2009.
* 40 Pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois, ce seuil serait fixé aux deux tiers de la peine à exécuter.
* 41 Prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, cette protection fonctionnelle se traduit par une assistance juridique au cours de la procédure, l'octroi d'autorisations d'absence, et la prise en charge des frais de justice, y compris les honoraires d'avocats. S'agissant plus particulièrement des attaques dont un agent peut être victime à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il appartient à l'administration non seulement de les faire cesser, mais aussi d'assurer à l'agent une réparation adéquate des torts qu'il a subis (CE, 18 mars 1994 Rimasson).
* 42 Ainsi une personne pourra-t-elle être condamnée à exécuter une peine d'un an d'emprisonnement en subissant six mois d'incarcération et six mois de placement sous surveillance électronique.
* 43 Cette dernière disposition été introduite par un amendement sénatorial.
* 44 Aux termes de l'article 132-24 (2 ème alinéa) : « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixées de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».
* 45 Un premier bilan de son action a été dressé par votre rapporteur dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2008, p. 29 à 31 : http://www.senat.fr/rap/a07-096-4/a07-096-4.html .
* 46 Référence qui serait en conséquence abrogée parle quatrième paragraphe de l'article 56 du projet de loi.
* 47 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
* 48 La région PACA devrait être destinataire de la moitié de cette somme.
* 49 L'article 430 du code de procédure pénale pose d'ailleurs le principe selon lequel, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements.
* 50 La règle n° 8 énonce que « le personnel pénitentiaire exécute une importante mission de service public et son recrutement, sa formation et ses conditions de travail doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus », tandis que la règle n° 72-4 dispose que « le personnel doit exercer son travail en respectant des normes professionnelles élevées ».
* 51 Il s'agit par exemple des bénévoles qui, dans les hôpitaux, viennent aider à l'exécution du service (Conseil d'Etat, 31 mars 1999, hospices civils de Lyon).
* 52 Article 2 de la loi n°48-1504 du 28 septembre 1948 relative au statut spécial des personnels de police. Article 42 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale.
* 53 Ce principe est actuellement énoncé à l'article D. 216 du code de procédure pénale.
* 54 De même, le service de l'emploi pénitentiaire a été installé à Tulle.
* 55 3.600 personnes suivent chaque année la formation continue.
* 56 Le processus de labellisation se distingue d'une certification qui impliquerait que ces objectifs soient définis par un organisme extérieur.
* 57 L'administration ne peut refuser cette protection à un agent lorsque les conditions en sont remplies (CE, 17 janvier 1996, Melle Lair, req. n°128950). Si les conditions d'octroi de la protection juridique sont réunies, seul un intérêt général dûment justifié, dont la jurisprudence retient une conception particulièrement restrictive, peut fonder un refus de protection (CE, 14 février 1975, Teitgen, req. n°87730 ; CE, 18 mars 1994, Rimasson, req. n°92410). Le refus de protection illégal engage la responsabilité de l'administration si l'agent subit, de ce fait, un préjudice (CE, 17 mai 1995, Kalfon, req n°141635).
* 58 La jurisprudence considère que cette liste, qui figure au troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, n'est pas exhaustive.
* 59 Membres du corps préfectoral et du cadre national des préfectures, fonctionnaires de la police nationale, gendarmes, adjoints de sécurité, agents des douanes, sapeurs-pompiers professionnels...
* 60 CE, 18 mars 1994 Rimasson, req. n°92410. L'agent a ainsi le droit d'obtenir directement auprès d'elle le paiement de sommes couvrant la réparation du préjudice subi du fait des attaques, avant même qu'il n'ait engagé une action contentieuse contre leur auteur.
* 61 La loi n°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a supprimé l'obligation faite à ces agents d'attendre le 1 er janvier de l'année suivante pour que leur demande au bénéfice d'une pension de l'Etat soit admise.
* 62 Ces aumôniers sont désignés par le directeur régional des services pénitentiaires qui consulte à cet effet l'autorité religieuse compétente, et après avis du préfet (article D. 433 du code de procédure pénale).
* 63 En vertu de l'ancien article 720 du code de procédure pénale, « les condamnés à des peines privatives de liberté pour des faits qualifiés de crimes ou délits de droit commun sont astreints au travail ».
* 64 Rapport précité, p. 176.
* 65 La jurisprudence a encadré l'interprétation de cette disposition -ainsi la sélection des personnes astreintes au travail ne doit pas reposer sur des critères discriminatoires, sous peine de conférer au travail un caractère anormal et donc illégal.
* 66 Institut Montaigne, rapport cité, p. 58.
* 67 Voir annexe 4.
* 68 L'interdiction des droits civiques est fixée à une durée maximale de 10 ans en matière criminelle et de 5 ans en matière correctionnelle.
* 69 Aux termes du 1° de l'article L. 11 du code électoral, sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande, tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins.
* 70 Décret n° 2007-1627 du 16 novembre 2007.
* 71 Si le domicile de secours se perd en principe par une absence ininterrompue de trois mois, l'article L. 122-3 du code de l'action sociale prévoit, lorsque cette absence résulte de « circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour » que ce délai ne commence à courir que du jour où ces circonstances -en l'espèce l'incarcération- n'existent plus. Cependant, en pratique, la personne détenue disposait rarement d'une domiciliation stable avant le placement sous écrou.
* 72 Exception faite de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur pour lesquels un contrat de travail peut être signé.
* 73 En matière de chômage partiel, certains contrats de concession prévoient que si le détenu a travaillé moins de six heures par jour mais plus de quatre heures, il a droit pour chaque heure de chômage à une indemnité égale à la moitié de son salaire horaire, et s'il a travaillé moins de quatre heures, son indemnité de chômage s'élève à 60 % de son salaire horaire pour les heures qu'il n'a pas faites.
* 74 Plusieurs témoignages relatés dans le film A côté soulignent les difficultés pratiques ou les inquiétudes qu'entraîne pour les familles l'annulation inopinée et inexpliquée des visites au moment où elles se présentent aux parloirs.
* 75 Dans les centres pour peines aménagées, les condamnés peuvent appeler, à leurs frais ou aux frais de leur correspondant, les personnes de leur choix (article D. 419-2).
* 76 Rapport au gouvernement relatif à la visite du CPT effectuée entre le 27 octobre et le 8 novembre 1991.
* 77 Conseil d'État, 10 octobre 1990, garde des Sceaux, ministre de la justice c/Hyver.
* 78 Aux termes de l'article 63-5 introduit dans le code de procédure pénale par l'article 6 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, « lorsqu'il est indispensable pour les nécessités de l'enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue , celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet ». Comme le rappelle la circulaire (CRIM 00-13 F1) du 4 décembre, le législateur avait souhaité « renforcer la protection de la dignité des personnes gardées à vue, notamment au vu de pratiques relativement courantes de recherche d'objets dans l'intimité des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants ».
* 79 CEDH, Frérot c. France).
* 80 CEDH, Valasinas c/Lituanie (24 juillet 2001) et Iwarczukc c/Pologne (15 novembre 2001).
* 81 Conseil d'Etat, 14 novembre 2008.
* 82 Les 3 % restant se répartissent entre les procédures de nature indéterminée au moment de l'écrou, les contraintes judiciaires et les procédures extraditionnelles.
* 83 Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.
* 84 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 11 juin 1969.
* 85 Philippe Bonfils, professeur à l'université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, La réforme de l'ordonnance de 1945 par la loi relative à la prévention de la délinquance, Actualité Juridique Pénale 2007, p. 209.
* 86 Mesure alternative à la poursuite que le ministère public peut proposer à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre principal d'une amende ou d'un emprisonnement n'excédant pas 5 ans.
* 87 « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs » - Rapport de la Commission de propositions de réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants remis à Mme le garde des sceaux ministre de la justice - décembre 2008.
* 88 Avis n°104 (2008-2009) - tome III - http://www.senat.fr/rap/a08-104-3/a08-104-3.html
* 89 Avis n°104 (2008-2009) - tome V - http://www.senat.fr/rap/a08-104-5/a08-104-5.html
* 90 « Les droits de l'homme dans la prison - Volume 1 » - Commission nationale consultative des droits de l'homme - La Documentation française - 2007 - page 130.
* 91 Sauf opposition d'une ou plusieurs communes représentant la moitié de la population totale concernée.
* 92 Les peines privatives de liberté sont la réclusion criminelle, qui sanctionne les crimes de droit commun, la détention criminelle, qui sanctionne les crimes politiques, et l'emprisonnement, qui sanctionne les délits.
* 93 La valeur constitutionnelle de ce principe ne paraît plus faire de doute depuis que le Conseil constitutionnel l'a mentionné dans une décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, en précisant qu'il découlait de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui énonce le principe de nécessité des peines. Pour autant, ce principe ne revêt pas de valeur absolue et doit se concilier avec les autres exigences constitutionnelles.
* 94 Selon une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation : « La détermination de la peine par les juges, dans les limites fixées par la loi, relève d'une faculté dont ils ne doivent aucun compte et à laquelle l'article 132-24 du code pénal n'a apporté aucune restriction » (21 octobre 1997).
* 95 Cf exposé général.
* 96 L'article 131-10 du code pénal se borne à donner une définition générale des différentes catégories de peines complémentaires susceptibles d'être prévues par la loi pour sanctionner les crimes et les délits. Elles peuvent emporter « interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation d'un animal, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci, soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. »
* 97 Loi n° 94-89 du 1 er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale.
* 98 Recommandation R(99)22 : « La privation de liberté devrait être considérée comme une sanction ou mesure de dernier recours et ne devrait dès lors être prévue que lorsque la gravité de l'infraction rendrait toute autre sanction ou mesure manifestement inadéquate. »
* 99 Préconisation n° 1 : « adjoindre à l'article 132-24 du code pénal un troisième paragraphe énonçant que « la privation de liberté doit être considérée comme une sanction de dernier recours, lorsque la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent toute autre sanction manifestement inadéquate ».
* 100 Décision n° 73-80 L du 23 novembre 1973 : « il résulte des dispositions combinées du Préambule, des alinéas 3 et 5 de l'article 34 et de l'article 66 de la Constitution que la détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables est du domaine réglementaire lorsque lesdites peines ne comportent pas de mesure privative de liberté. »
* 101 Selon les précisions recueillies par votre rapporteur, rien n'interdit au tribunal correctionnel de prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée deux ans, dont un an ferme, et d'aménager lui-même la partie ferme de cette peine.
* 102 Celui-ci doit préalablement avoir été informé qu'il avait la possibilité de demander à être assisté d'un avocat, le cas échéant désigné d'office par le bâtonnier à sa demande. S'il s'agit d'un mineur non émancipé, la décision ne peut être prise qu'avec l'accord des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Ce formalisme et ces garanties particulières s'expliquent par le contenu de la mesure, considérée comme particulièrement contraignante même si elle évite l'incarcération.
* 103 A cet effet, le juge de l'application des peines doit rendre une ordonnance non susceptible de recours dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue exécutoire. Le non respect de ce délai de quatre mois n'est toutefois assorti d'aucune sanction et ne saurait être considéré comme instituant une forme de prescription abrégée de la peine, qui ne pourrait plus être ramenée à exécution après quatre mois (circulaire JUS-D-05-30064C du 11 avril 2005).
* 104 Article 723-2 du code de procédure pénale.
* 105 Le retrait doit être ordonné après débat contradictoire, dans les conditions prévues à l'article 712-6 du code de procédure pénale.
* 106 Article 723-2 du code de procédure pénale. La substitution doit être ordonnée après débat contradictoire, dans les conditions prévues à l'article 712-6 du code de procédure pénale.
* 107 « Photographie du quotidien de l'application des peines », M. Janas et E. Martin, AJ pénal avril 2007.
* 108 Article 132-25 du code pénal pour la semi-liberté et le placement à l'extérieur, article 132-26-1 du code pénal pour le placement sous surveillance électronique.
* 109 Article 132-27 du code pénal.
* 110 « Art. 131-4. - L'échelle des peines d'emprisonnement est la suivante : 1° Dix ans au plus ; 2° Sept ans au plus ; 3° Cinq ans au plus ; 4° Trois ans au plus ; 5° Deux ans au plus ; 6° Un an au plus ; 7° Six mois au plus ; 8° Deux mois au plus. »
* 111 Rapport du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire - La Documentation française - 2007 - page 44.
* 112 Le travail d'intérêt général peut également constituer l'obligation d'un sursis ou résulter de la conversion d'une peine d'emprisonnement déjà prononcée (articles 132-54 à 132-57 du code pénal). Pour certains délits, il constitue une peine complémentaire (par exemple, en vertu de l'article L. 234-2 du code de la route, pour le délit de conduite en état d'ivresse) et parfois même une peine principale (en vertu des articles 322-1 à 322-3 du code pénal, pour les « tags »).
* 113 Article 20-5 de l'ordonnance du 2 février 1945.
* 114 Avant le 1 er janvier 2005, ce plafond était de 240 heures. Il a été réduit par l'article 174 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité car, selon les explications avancées par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « L'objectif est non pas de donner la possibilité de demander dix ou vingt heures de plus à effectuer mais d'avoir un jugement applicable et appliqué très rapidement. » (Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - 23 mai 2003).
* 115 La décision est alors prise, en vertu du deuxième alinéa de l'article 131-22 du code pénal, par le juge de l'application des peines dans le ressort duquel le condamné a sa résidence habituelle ou, s'il n'a pas en France sa résidence habituelle, par le juge de l'application des peines du tribunal qui a statué en première instance.
* 116 Dans ces deux hypothèses, le condamné se trouve en effet dans l'impossibilité d'accomplir le travail d'intérêt général.
* 117 Seules peuvent faire l'objet d'un tel sursis les peines d'emprisonnement d'une durée maximum de cinq ans pour crime ou délit de droit commun.
* 118 Ces obligations particulières sont celles prévues par l'article 132-45 du code pénal en cas de sursis avec mise à l'épreuve : exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle, établir sa résidence en un lieu déterminé, se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation...
* 119 Rapport n° 441 (2002-2003), page 458. http://www.senat.fr/rap/l02-441/l02-441.html
* 120 Ce délai avait été réduit à douze mois par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 précitée, contre l'avis de votre commission des lois. Notre collègue François Zocchetto avait ainsi indiqué, dans son rapport de deuxième lecture n° 148 (2003-2004), qu'« une certaine souplesse est nécessaire en cette matière, afin de permettre aux condamnés disposant d'un emploi d'effectuer leur peine pendant leurs vacances. Faute d'une telle souplesse, le nombre de peines de travail d'intérêt général prononcées pourrait se réduire alors qu'il est déjà trop faible. Le juge de l'application des peines pourrait en outre être conduit à utiliser plus souvent qu'il ne le faudrait la possibilité que lui ouvre le projet de loi de convertir un travail d'intérêt général en jours-amende. » Toutefois, avant que cette réduction n'entre en vigueur, la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales l'a remise en cause.
* 121 Alors que la « conversion TIG » s'apparente à une mise à l'épreuve, la conversion en peine de jours-amende fait totalement disparaître la peine d'emprisonnement initiale. L'institution de cette possibilité de conversion est toutefois cohérente avec la possibilité de remplacer un sursis-TIG par une peine de jours-amende.
* 122 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 4 avril 1991, B. n° 162 : « Ne peut faire l'objet d'une conversion sur le fondement de l'article 747-8 du code de procédure pénale la partie ferme d'une peine d'emprisonnement qui est, en outre, partiellement assortie du sursis. »
* 123 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 26 mai 1999, B. n° 108 : « Ne peut faire l'objet de la conversion prévue par l'article 132-57 du code pénal la peine d'emprisonnement prononcée avec sursis qui est devenue ferme à la suite d'une décision de révocation. »
* 124 Ce travail pourrait ainsi être prescrit, pour une durée de vingt à quatre cents heures, au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitée.
* 125 Au demeurant le VI de l'article 55 du projet de loi modifie l'article 733-1 du code de procédure pénale pour permettre au juge de l'application des peines de substituer une peine de jours-amende au travail d'intérêt général y compris lorsque ce dernier a été partiellement exécuté.
* 126 68 placés au 1 er juin 2008.
* 127 Crimes commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration, crimes commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravées, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravée.
* 128 Articles 505 et 548 du code de procédure pénale : ce délai court à compter du jour du prononcé du jugement.
* 129 Article 498 du code de procédure pénale : ce délai court à compter de la signification du jugement.
* 130 Article 465 du code de procédure pénale.
* 131 Article 397-4 du code de procédure pénale.
* 132 Article 367 du code de procédure pénale.
* 133 Article 22 de l'ordonnance du 2 février 1945.
* 134 Article 471 du code de procédure pénale.
* 135 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 1 er mars 1988, BC n° 110.
* 136 Le tribunal de l'application des peines a succédé à la juridiction régionale de la libération conditionnelle.
* 137 Article 712-3 du code de procédure pénale.
* 138 Rapport du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire - La Documentation française - 2007 - page 46.
* 139 Placement à l'extérieur, semi-liberté, fractionnement et suspension des peines, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle, suivi socio-judiciaire, interdiction de séjour, travail d'intérêt général, emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve ou de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve.
* 140 Libération conditionnelle et suspension de peine pour raisons médicales relatives aux peines privatives de liberté de plus de dix ans, sauf lorsqu'il reste au condamné moins de trois ans de détention à subir, relèvement des périodes de sûreté.
* 141 Il s'agit des personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru (les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie, d'actes de tortures et de barbarie, de viols et d'agressions sexuelles, d'enlèvement et de séquestration, de corruption de mineurs et d'atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans, de destructions, dégradations et détériorations dangereuses) à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans. Constituant une alternative au suivi-socio judiciaire et à la libération conditionnelle, la surveillance judiciaire ne peut être ordonnée si la personne fait l'objet de l'une de ces deux mesures.
* 142 Le placement sous surveillance judiciaire ne peut être ordonné que sur réquisitions du procureur de la République, et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré, au vu d'une expertise médicale du condamné faisant apparaître sa dangerosité.
* 143 Ainsi, une personne condamnée à douze ans de réclusion et dont la peine a commencé à courir (compte tenu de la détention provisoire) à compter du 1 er janvier 2000, et qui devrait être libérée en fin de peine, du fait des différentes réductions de peine, par exemple courant 2008, pourrait faire l'objet d'un placement sous surveillance judiciaire jusqu'au 1 er janvier 2012.
* 144 Les dispositions de l'article 712-17 du code de procédure pénale permettant la délivrance d'un mandat d'amener ou d'arrêt contre le condamné sont applicables.
* 145 Le compte rendu de cette visite figure dans l'avis n° 104 (2008-2009) de votre rapporteur, au nom de votre commission des lois, sur les crédits du projet de loi de finances pour 2009 consacrés à l'administration pénitentiaire. http://www.senat.fr/rap/a08-104-3/a08-104-3.html
* 146 Les catégories de personnes pouvant obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire sont énumérées à l'article 776 du code de procédure pénale, qui délègue au pouvoir réglementaire le soin de fixer leur liste. Sont notamment visés « les administrations ou organismes chargés par la loi ou le règlement du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale lorsque cet exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales ou de sanctions disciplinaires ».
* 147 « Toute personne frappée d'une interdiction, déchéance ou incapacité quelconque qui résulte de plein droit, en application de dispositions particulières, d'une condamnation pénale, peut, par le jugement de condamnation ou par jugement ultérieur, être relevée en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, de cette interdiction, déchéance ou incapacité, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale. »
* 148 « Le tribunal qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 soit dans le jugement de condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné instruite et jugée selon les règles de compétence et procédure fixées par les articles 702-1 et 703 » sauf, depuis la loi du 9 mars 2004, en matière de crime ou de délit sexuel. Il est à noter qu'en vertu du deuxième alinéa de cet article, l'exclusion de la mention d'une condamnation au bulletin n° 2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation, qui deviennent en pratique largement ineffectives.
* 149 A notamment été abrogé l'article l'article L. 128-1 du code de commerce, en vertu duquel une personne ayant fait l'objet depuis moins de dix ans d'une condamnation définitive pour l'une des infractions limitativement énumérées par cet article -à savoir tout crime et certaines infractions lorsqu'elles ont donné lieu au prononcé d'une peine de trois mois d'emprisonnement sans sursis- ou à raison d'une destitution d'une charge d'officier public ou ministériel ne pouvait, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, entreprendre l'exercice d'une profession commerciale ou industrielle, diriger, administrer, gérer ou contrôler, à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
* 150 A titre d'exemple, l'interdiction d'exercer la profession de cafetier, prévue par l'article L. 3336-2 du code de la santé publique, demeure.
* 151 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, à propos de la perte des points du permis de conduire qui, si elle n'est pas une peine, relève néanmoins de la matière pénale.
* 152 Il s'agit d'éviter un morcellement excessif de l'exécution de la peine.
* 153 Il s'agit d'éviter un allongement excessif du temps nécessaire à l'exécution de la peine.
* 154 Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné, recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations, le prévenir de ses changements d'emploi, de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et lui rendre compte de son retour, exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle, établir sa résidence en un lieu déterminé, se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné...
* 155 Après avoir jugé que le pronostic vital devait nécessairement être engagé « à court terme » pour que l'article 720-1-1 puisse être appliqué (28 septembre 2005, BC n° 247), la chambre criminelle de la Cour de cassation pourrait être revenue sur cette analyse quelques mois plus tard (15 mars 2006, BC n° 80). La doctrine diverge cependant sur la portée de ce dernier arrêt.
* 156 Dans son ouvrage intitulé « La suspension médicale de peine », paru en 2007 et édité par l'Harmattan, M. Laurent Mortet relève que « les juridictions retiennent de manière générale la conception objective de l'incompatibilité : un détenu ne sera relâché que s'il ne peut être soigné efficacement en prison » (page 103).
* 157 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 12 février 2003, Papon.
* 158 La circulaire JUS D-06-30080 du 16 juin 2006 indique toutefois que « cette disposition a vocation à n'être utilisée que de façon très exceptionnelle, puisque dans la plupart des cas, la situation de santé du condamné lui interdira de commettre de nouvelles infractions ».
* 159 Avis n° 175 (Sénat, 2001-2002) de M. Pierre Fauchon au nom de la commission des lois du Sénat, page 35.
* 160 La suspension médicale de peine - L'Harmattan - 2007 - page 119.
* 161 Article 720-2 du code de procédure pénale et article 132-23 du code pénal.
* 162 Article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945.
* 163 Ces infractions, nombreuses, sont énumérées dans divers articles du code pénal.
* 164 La durée de la période de sûreté peut être portée : aux deux tiers de la peine (article 132-23 du code pénal) ; à vingt-deux ans, en cas de condamnation à la réclusion perpétuelle (article 132-23 du code pénal) ; à trente ans ou même à la durée totale de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, en cas d'assassinat ou de meurtre d'un mineur de quinze ans précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (articles 221-3 et 221-4 du code pénal).
* 165 En pratique, chaque fois que la réclusion perpétuelle est encourue, le législateur a également prévu une période de sûreté de plein droit.
* 166 Article 731-1 du code de procédure pénale.
* 167 Suppression de l'exigence « d'efforts sérieux de réadaptation sociale » et de la mention selon laquelle une activité professionnelle, un stage ou un emploi temporaire doit être exercé « en vue de l'insertion sociale », qui s'avèrent redondantes avec la possibilité d'accorder la libération conditionnelle pour permettre au condamné d'accomplir tout projet sérieux d'insertion ou de réinsertion, et précision selon laquelle le traitement devant être subi par le condamné est un traitement médical.
* 168 La recherche active d'un emploi, pour le moins difficile pour un détenu, ne constituerait pas un motif d'octroi de la libération conditionnelle, alors qu'elle serait un élément à prendre en compte par la juridiction de jugement qui envisagerait d'accorder au condamné le bénéfice de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique.
* 169 Article 144 du code de procédure pénale.
* 170 Il s'agit des sections VII (« de la mise à exécution de certaines peines privatives à l'égard des condamnés libres ») et VIII (« dispositions applicables aux condamnés en fin de peine »), qui sont respectivement composées des articles 723-15 à 723-19 et des articles 723-20 à 723-28.
* 171 En conséquence, l'actuel article 723-14, qui fait actuellement partie de la section VI, relative au placement sous surveillance électronique et confie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités d'application des règles légales, deviendrait l'article 723-13-1.
* 172 « Photographie du quotidien de l'application des peines », M. Janas et E. Martin, AJ pénal, avril 2007.
* 173 Dans cette hypothèse, l'article 474 du code de procédure pénale, auquel il serait désormais expressément fait référence, prévoit qu'il est remis au condamné présent à l'issue de l'audience un avis de convocation à comparaître devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne saurait être inférieur à dix jours ni excéder trente jours, en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine ; cet avis doit préciser que, sauf exercice par le condamné des voies de recours, la peine prononcée contre lui sera mise à exécution en établissement pénitentiaire s'il ne se présente pas, sans excuse légitime, à cette convocation. L'article 55 du projet de loi pénitentiaire prévoit la suppression de ce délai minimum de dix jours.
* 174 L'article 55 du projet de loi pénitentiaire modifie l'article 474 du code de procédure pénale afin de prévoir que l'avis de convocation remis au condamné présent à l'issue de l'audience doit comporter une convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un délai maximum de quarante-cinq jours.
* 175 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 1 er mars 2006, bull. crim. n° 63.
* 176 Pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois, ce seuil serait fixé aux deux tiers de la peine à exécuter.
* 177 Etant rappelé qu'il s'agirait d'un détenu condamné dont la durée de détention restant à subir serait inférieure ou égale à deux ans.
* 178 Ainsi qu'il l'a déjà été indiqué, la juridiction de jugement qui condamne une personne à une peine inférieure ou égale à un an d'emprisonnement ne peut ordonner l'exécution de cette peine sous le régime du placement sous surveillance électronique qu'avec l'accord de l'intéressé (article 132-26-1 du code pénal).
* 179 L'article 723-7-1 du code de procédure pénale permet déjà au juge de l'application des peines, « si la personnalité du condamné ou les moyens disponibles le justifient », de substituer à la mesure de placement sous surveillance électronique ordonnée par la juridiction de jugement une mesure de semi-liberté ou de placement à l'extérieur.
* 180 Il s'agit des maisons d'arrêt de Béthune et d'Angoulême (depuis le mois de septembre). L'expérience devrait être étendue à l'ensemble des maisons d'arrêt situées dans le ressort des cours d'appel de Douai et de Bordeaux, ainsi que dans les maisons d'arrêt du Mans, d'Orléans de Béziers, du Puy, de Fontenay-le-Comte et de La Roche-sur-Yon.
* 181 L'appel doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement. Il est porté devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, qui statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l'avocat du condamné, le cas échéant après audition de ce dernier. Le jugement est exécutoire par provision ; toutefois, lorsque l'appel du ministère public est formé dans les vingt-quatre heures de la notification, il suspend l'exécution de la décision jusqu'à ce que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel ou son président ait statué. L'affaire doit être examinée au plus tard dans les deux mois suivant l'appel du parquet, faute de quoi celui-ci est non avenu.
* 182 La mesure est alors octroyée, sans débat contradictoire, par ordonnance motivée. Lorsqu'elle est rendue par le juge de l'application des peines, cette ordonnance peut faire l'objet d'un appel de la part du condamné ou du procureur de la République dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa notification.
* 183 Cf commentaire de l'article 42.
* 184 Voir l'avis présenté par votre rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2008, p. 40 à 50.
* 185 Conseil d'Etat, 17 février 1995, Marie.
* 186 Conformément aux réserves formulées par la France lors de la signature du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, la règle non bis in idem consacrée par l'article 4 de ce protocole ne vaut que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.
* 187 L'article D. 251-4 du code de procédure pénale prévoit que « la sanction est suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu ».
* 188 Semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement, sursis simple, sursis avec mise à l'épreuve, sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, dispense de peine, ajournement.
* 189 Suspension ou annulation du permis de conduire, interdiction temporaire de conduire certains véhicules, interdiction temporaire d'exercer une activité professionnelle ou sociale, interdiction temporaire de fréquenter certains lieux ou certaines personnes, travail d'intérêt général, sanction-réparation...
* 190 Cette expression vise les personnes ayant été placées en détention provisoire.
* 191 Cette décision peut être prise d'office, à la demande de l'intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République. Elle doit intervenir à l'issue d'un débat contradictoire, selon la procédure prévue à l'article 712-6 du code de procédure pénale, et doit être motivée.
* 192 L'article 35 du projet de loi étend ces possibilités de conversion.
* 193 L'exclusion de la mention d'une condamnation au bulletin n° 2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation.
* 194 La personne arrêtée doit être immédiatement avisée par l'officier de police judiciaire qu'elle peut exercer les droits prévus en cas de garde à vue : faire prévenir par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet (article 63-2 du code de procédure pénale), être examinée par un médecin (article 63-3 du code de procédure pénale), s'entretenir avec un avocat (article 63-4 du code de procédure pénale).
* 195 Assemblée nationale n°2521 du 28 juin 2000 : rapport au nom de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises. M Louis MERMAZ, président, M Jacques FLOCH, rapporteur
Sénat n°449 du 29 juin 2000 : rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France. M Jean-Jacques HYEST, président, M Guy Pierre CABANEL, rapporteur
* 196 Par 3 arrêts du 14 décembre 2007, l'assemblée du contentieux a précisé les critères à retenir pour savoir si une catégorie de décision de l'administration pénitentiaire est ou non susceptible de recours pour excès de pouvoir. Cette distinction s'apprécie en fonction de la nature de la décision ainsi que l'importance des ses effets sur les détenus. Cette nouvelle jurisprudence trouvera notamment à s'appliquer à l'affectation dans un régime de détention spécifique au sein d'un même établissement.
* 197 Rapport remis par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, au garde des sceaux relatif à l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, La Documentation française, 2000.
* 1 Commission nationale consultative des droits de l'homme, Etude sur les droits de l'homme dans la prison-Propositions, 2004, La Documentation française.
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, rapport u 21 décembre 2005 au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le CPT dans le département de La Réunion du 13 au 20 décembre 2004.
* 198 CGT pénitentiaire, le Conseil national des barreaux, Emmaüs France, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la Ligue des droits de l'homme, l'Observatoire international des prisons, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire et l'Union syndicale des magistrats.
* 199 Il faut souligner que l'administration pénitentiaire a parfaitement « joué le jeu » afin de permettre le bon déroulement de cette consultation ce qui dément les images trop souvent caricaturales véhiculées à propos de cette institution.
* 200 Source : BVA-Etats généraux de la condition pénitentiaire.