4. Peut-on en rester là ?
a) Les plans de relance européens sont-ils suffisamment massifs ?
Une question essentielle concernant les plans de relance européens est celle de leur calibrage.
Selon le consensus des conjoncturistes, les perspectives de croissance du PIB en 2009 pour l'Union européenne et les Etats-Unis sont inférieures de, respectivement, 3 points 18 ( * ) et 4 points 19 ( * ) à leur potentiel. Si l'on retient l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien légèrement supérieur à l'unité 20 ( * ) à l'échelle de l'Union européenne et des Etats-Unis, cela signifie que pour atteindre une croissance « normale », il faudrait dans chaque cas une relance de l'ordre de 3 points de PIB.
Dans un récent article 21 ( * ) , M. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, estimait, par un raisonnement analogue, que le plan de relance américain devrait être d'au moins 4 points de PIB.
Si l'on en croit la presse 22 ( * ) , la nouvelle administration américaine envisagerait un plan de relance de l'ordre de 700 milliards de dollars, soit 5 points de PIB.
On rappelle que l'objectif fixé par la Commission européenne est de seulement 1,5 point de PIB . Dans ces conditions, une augmentation du montant des plans de relance par rapport à ceux annoncés ne semble pas devoir être écartée a priori .
b) Faut-il davantage soutenir la consommation ?
Un autre sujet de discussion est de savoir s'il faut davantage soutenir la consommation.
(1) Une recommandation de la Commission européenne et de certains économistes
Avant même que les différents Etats membres annoncent le contenu de leurs plans de relance, MM. Jean Pisani-Ferry, André Sapir et Jakob von Weizsäcker, dans un article de l'institut Bruegel 23 ( * ) , préconisaient un plan de relance européen de 1 point de PIB, constitué essentiellement d'une baisse de 1 point de la TVA dans tous les Etats membres. En France, le point de TVA est estimé à 9,6 milliards d'euros en 2008 (tous taux confondus). Ce plan de relance, de l'ordre de 20 milliards d'euros pour la France, aurait donc été constitué pour la moitié d'une baisse de TVA.
De même, dans une communication largement médiatisée 24 ( * ) , la Commission européenne recommande, en particulier :
- des dépenses publiques ciblées sur les ménages qui sont particulièrement touchés par le ralentissement . Elle cite comme exemples des augmentations temporaires des prestations aux chômeurs, ou une augmentation temporaire de la durée de l'indemnisation du chômage ;
- une réduction de l'imposition des revenus du travail, pour soutenir le pouvoir d'achat, en particulier des personnes à faibles revenus ;
- une diminution temporaire de la TVA.
On a vu que le Royaume-Uni est, à ce stade, le seul grand pays membre de l'Union européenne à prévoir une baisse de la TVA.
(2) La nécessité d'une approche pragmatique
Il semble nécessaire d'adopter vis-à-vis de la question du soutien de la consommation une approche pragmatique.
Tout d'abord, si le problème actuel ne semble pas être celui du revenu des ménages, mais celui de leur taux d'épargne, l'évolution de leur revenu pourrait redevenir un enjeu important au cours des prochains mois. On peut rappeler, à cet égard, que le plan de relance français ne comprend quasiment aucune mesure de soutien de la consommation 25 ( * ) , ce qui distingue le plan français de ceux de ses principaux partenaires 26 ( * ) . D'une manière générale, au niveau de l'Union européenne, un soutien de la consommation améliorerait l'efficacité des mesures déjà prises en faveur des entreprises, qui si elles améliorent leur trésorerie semblent peu susceptibles, dans le contexte économique actuel, de susciter des investissements.
Ensuite, la question du redevable apparent des différentes taxes doit être relativisée. Ainsi, la TVA n'est pas économiquement supportée par les seuls ménages, mais aussi par les entreprises, qui ne répercuteraient probablement pas immédiatement sur le consommateur l'impact d'un allègement de la fiscalité. Telle est d'ailleurs vraisemblablement l'une des raisons du choix du Royaume-Uni de diminuer la TVA.
Enfin, s'il apparaissait nécessaire d'augmenter significativement le montant global du plan de relance, il serait probablement inévitable, d'un simple point de vue quantitatif, d'alléger la fiscalité des ménages.
Les dépenses en faveur des personnes aux plus faibles revenus sont habituellement considérées comme ayant un effet multiplicateur élevé, du fait du faible taux d'épargne de ces personnes.
Par ailleurs, certaines études suggèrent que les allégements fiscaux ayant le multiplicateur keynésien le plus élevé seraient ceux de cotisations sociales salariales 27 ( * ) .
Une politique de soutien de la consommation des ménages devrait cependant être coordonnée au niveau européen.
* 18 - 0,7 % au lieu de 2,2 %.
* 19 - 1,3 % au lieu de 3 %.
* 20 On a vu que, compte tenu de l'impossibilité d'augmenter indéfiniment les investissements publics, les plans de relance étaient essentiellement constitués en pratique de mesures ayant un faible multiplicateur.
* 21 Paul Krugman, « Stimulus Maths », 10 novembre 2008.
* 22 Cf. en particulier « Le Monde », 25 novembre 2008.
* 23 Jean Pisani-Ferry, André Sapir, Jakob von Weizsäcker, « A European Recovery Programme », Bruegel policy brief, novembre 2008.
* 24 Commission européenne, « A European Economic Recovery Plan », communication au Conseil européen, COM(2008) 800 final, 26 novembre 2008.
* 25 La seule disposition de ce type, centrée sur les personnes à faibles revenus, est la prime exceptionnelle de solidarité active de 200 euros, qui doit être versée en avril 2009 pour anticiper la mise en place du RSA, pour un montant global de seulement 760 millions d'euros.
* 26 Qui consacrent environ 20 % de leur montant au soutien de la consommation privée.
* 27 Olivier Biau, Elie Girard, « Politique budgétaire et dynamique économique en France : l'approche var structurel », Economie et prévision, 2005.