TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution ;
Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Préparer le "bilan de santé" de la PAC réformée », COM [2007] 722 final ;
Vu la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et (CE) n° .../2008 en vue d'adapter la politique agricole commune, la proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013) - Bilan de santé, (COM [2008] 306 final/n° E 3878) ;
Considérant que l'agriculture se situe au coeur des enjeux stratégiques, économiques, énergétiques, environnementaux et sociétaux de demain et peut légitimement, à ce titre et en tant que de besoin, faire l'objet des mesures d'encadrement et de régulation nécessitées par ces intérêts supérieurs ;
Considérant que cette place prééminente de l'agriculture dans les équilibres internationaux ne peut que se renforcer au cours des décennies à venir en raison du triple défi démographique, environnemental et énergétique auquel devra faire face notre planète ;
Considérant que l'Union européenne possède les atouts, tant humains que naturels et technologiques, indispensables pour relever ce défi en produisant une agriculture à la fois productive, respectueuse des écosystèmes et territorialisée ;
Considérant que les marchés agricoles sont, dans un environnement aujourd'hui globalisé, soumis à des aléas naturels, économiques, financiers et sanitaires rendant erratique, à la hausse comme à la baisse, la variation des cours des matières premières et appelant des instruments de gestion des risques ;
Considérant que la PAC doit constituer un outil d'accompagnement des marchés indispensable à leur bon fonctionnement, à leur orientation vers des types de production adaptés à leur évolution et à la pérennisation de leurs acteurs ;
Considérant la crise économique dans laquelle sont plongés les éleveurs, notamment ovins et bovins, en raison de la hausse des charges et des conséquences des crises sanitaires ;
Considérant que les questions liées au financement de la PAC et à son cadre budgétaire, certes d'une extrême importance, ne doivent cependant pas primer sur celles relatives au contenu de cette politique intégrée, mais s'ajuster à ces dernières ;
Considérant qu'en tout état de cause, le bon fonctionnement des outils d'intervention relevant de la PAC, dont l'absence engendrerait des charges collectives bien plus importantes que leur seul coût, implique qu'y soient consacrés des moyens financiers suffisants ;
Considérant que l'Union européenne, qui a déjà procédé à des réformes d'ampleur de sa politique agricole au cours de la dernière décennie, est à présent en droit d'exiger, lors des négociations multilatérales du cycle de Doha, un effort comparable de la part de ses partenaires majeurs et une réciprocité dans les contraintes sociales, sanitaires et environnementales à l'import et à l'export ;
Reconnaît la nécessité d'adapter l'actuelle PAC sans attendre sa réforme à l'horizon 2013, afin notamment de mieux prendre en compte l'évolution des marchés secteur par secteur et d'optimiser le soutien de ceux confrontés à une conjoncture délicate ;
Partage les objectifs généraux fixés à la PAC par la Commission européenne, à savoir une agriculture productive, respectueuse de l'environnement et ancrée dans les territoires ;
Rappelle que les principaux objectifs de la PAC doivent être :
- d'assurer la sécurité alimentaire de l'Union européenne, y compris dans sa dimension sanitaire ;
- de construire une agriculture qui concilie performance économique et efficacité écologique ;
- de contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux ;
- de préserver les équilibres des espaces ruraux pour maintenir une cohésion territoriale ;
Insiste sur la nécessité de conserver un socle productif et une dimension économique permettant aux agriculteurs de vivre essentiellement de leur activité de production. En conséquence, s'oppose au projet de modulation proposé par la Commission à l'horizon 2012 en ce qu'il viderait substantiellement le premier pilier des moyens financiers nécessaires au maintien d'une agriculture productive forte. Propose de minorer ce taux de modulation supplémentaire, d'augmenter le taux de cofinancement communautaire des actions ainsi soutenues dans le cadre du deuxième pilier et d'ouvrir le champ des actions ainsi finançables au-delà des seuls « nouveaux défis » ;
Estime que doit être introduite une limite maximale pour l'attribution des aides directes d'un montant de 300.000 euros. Ce plafond maximal devrait être pondéré en fonction du nombre d'emplois crées sur l'exploitation agricole afin de ne pas pénaliser les exploitations qui jouent un rôle majeur dans le tissu économique et social d'un territoire ;
Juge indispensable de conserver une politique agricole commune et forte, financée majoritairement par des fonds communautaires. En conséquence, s'attache à une pérennisation du budget consacré à l'agriculture et s'oppose à toute volonté de renationaliser les aides européennes, qui aurait pour conséquence d'accroître les différences de développement entre territoires qu'une politique commune affirmée a jusqu'à présent permis de réduire. S'oppose également à toute régionalisation des aides, qui aboutirait à des différences de soutien discriminatoires et irrationnelles entre espaces régionaux ;
Souligne l'attachement de l'Union européenne à un modèle d'agriculture équilibré, économiquement viable et écologiquement responsable, porté par des exploitations de taille moyenne occupant y compris les espaces les plus reculés, garant de produits alimentaires de qualité accessibles au plus grand nombre de consommateurs ;
Salue le consentement de la Commission européenne au maintien de la possibilité d'aides couplées aux productions animales dans le cadre du premier pilier. S'oppose en revanche vivement à son projet d'instaurer un système d'aides entièrement découplées en 2010 pour certaines cultures, qui aurait pour conséquence une réduction de la production européenne dans ces filières et favoriserait la déprise agricole et la progression de la jachère volontaire dans certaines zones rurales ;
Estime impératif, parallèlement à la simplification du régime des paiements uniques, de procéder à une remise à plat de l'intensité des soutiens pour l'ensemble des filières afin de rééquilibrer les aides au profit de celles en bénéficiant faiblement alors qu'elles font face à une situation difficile, voire de crise. Demande à cet égard que le montant de ces soutiens soit réactualisé, filière par filière, à des échéances plus resserrées afin de tenir compte d'une évolution des marchés de plus en plus rapide et différenciée. Demande également que fassent l'objet d'un soutien accru les filières présentant des externalités positives en termes de préservation de l'environnement ou d'entretien des paysages, comme par exemple l'élevage de montagne ou les productions de qualité ;
Appelle à l'introduction de mesures d'aide d'urgence pour le secteur ovin européen, qui traverse une crise économique et sanitaire sans précédent, et à l'amélioration de la capacité de réaction de l'Union européenne face à des épizooties animales aussi graves que la fièvre catarrhale ovine qui sévit actuellement, par le biais du financement de la recherche, de l'indemnisation des pertes, d'avance sur les paiements afin de rééquilibrer les trésoreries ;
Se félicite de la volonté de la Commission d'élargir le mécanisme de l'article 68, permettant de redistribuer l'enveloppe d'aide au sein du premier pilier à de nouvelles productions et de nouveaux instruments. Demande toutefois à ce que soit augmenté le montant maximal pouvant être alloué à ce mécanisme ;
Lie l'augmentation progressive des quotas laitiers et leur disparition programmée à l'horizon 2015 à une évaluation du marché du lait en 2010, à une hausse modérée des quotas d'ici 2013 et à l'instauration d'instruments de substitution propres à réguler la filière, et notamment de mesures de soutien spécifiques dans les régions d'élevage laitier, qui dépendent largement de ce type de production, ainsi que de la possibilité d'une contractualisation en volume pour les producteurs dans les zones AOP. Demande parallèlement le maintien des aides pour le stockage privé du beurre ;
Appelle au maintien de mécanismes publics d'intervention sur les marchés, « filets de sécurité » seuls à même de permettre leur stabilisation en cas de crise. Rejette notamment à ce titre la modification des régimes d'intervention pour le lait et les céréales. Propose toutefois de « discipliner » l'usage du mécanisme d'intervention en limitant dans le temps ou dans les volumes le recours pouvant y être fait ;
Demande à ce que soit encouragé le développement de l'assurance récolte et la mise en place de fonds sanitaires mobilisant des moyens professionnels et des fonds publics. Ces nouveaux outils doivent être financés dans le cadre du premier pilier ;
Appelle également au renforcement de la gouvernance des filières, à travers le développement des organisations de producteurs et des interprofessions, ainsi qu'à la mise en place d'une politique de contractualisation à la fois en amont et en aval, comme moyen pour les producteurs d'augmenter et de mieux répartir la valeur ajoutée au sein des filières ;
Souligne le nécessaire appui à l'innovation dans le secteur agricole, dans la lignée des préconisations de la stratégie de Lisbonne, comme moyen d'accroître la productivité tout en respectant mieux les équilibres écologiques et en valorisant davantage les productions. Préconise à cet égard la mise en oeuvre de politiques publiques intégrant recherche, formation et développement, et soutenant la diffusion d'itinéraires techniques durables.