D. LA SOCIÉTÉ DE PRISES DE PARTICIPATIONS DE L'ETAT (SPPE) : RECAPITALISER LES BANQUES VIA UN EMPRUNT GARANTI PAR L'ETAT
Le III de l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative autorise l'Etat à accorder sa garantie aux financements levés par une société dont l'Etat est l'unique actionnaire. Elle a un objet limité à la souscription à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres règlementaires . Les dirigeants de la société sont nommés par décret. La société n'est pas soumise aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
Le montant maximal de garantie de l'Etat s'établirait selon le Président de la République à 40 milliards d'euros , mais ce plafond spécifique n'est pas défini par le présent projet de loi de finances rectificative qui ne définit qu'un montant maximal global de 360 milliards d'euros pour l'ensemble des dispositions de l'article 6.
Cette société a été créée avant même l'intervention du présent projet de loi de finances rectificative. Elle se dénommerait « Société de prises de participation de l'Etat » et aurait déjà pris une participation dans Dexia. Son activité, voire son existence même, ont vocation à ne pas excéder une durée limitée au court ou moyen terme, et à se limiter à la résolution des difficultés exceptionnelles intervenues au sein du secteur bancaire.
Le niveau d'intervention maximal de la « Société de prises de participation de l'Etat » apparaît important, mais pas disproportionné par rapport à d'autres opérations de recapitalisation menées dans un passé récent (9 milliards d'euros d'endettement pour l'ERAP dans le cas de la recapitalisation de France Télécom).
1. Une structure ad hoc de portage de la dette et des titres, faute de ressources suffisantes du compte d'affectation spéciale en 2008
Sur un plan budgétaire et comptable, rien n'empêchait que la recapitalisation éventuelle de certains établissements bancaires passe par le budget de l'Etat - non par le budget général, mais par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » -, qui n'a pas d'impact sur les indicateurs maastrichtiens.
C'est ainsi qu'a été réalisée à l'été 2004 la prise de participation de l'Etat au sein d'Alstom, à hauteur de 21 % du capital, pour un montant de 720 millions d'euros. Les titres ont été cédés, toujours par le biais du compte d'affectation spéciale, en juin 2006, au groupe Bouygues pour 2 milliards d'euros, soit une plus-value de 1,26 milliard d'euros. L'Etat s'était engagé vis-à-vis de la Commission européenne à céder l'intégralité de sa participation dans les douze mois suivant l'obtention par Alstom d'une notation « investment grade » et en tout état de cause avant juillet 2008.
La situation actuelle du compte d'affection spéciale ne permet pas un financement de grande ampleur d'opérations de participation, puisque sa trésorerie libre d'emploi n'était au 30 septembre 2008 que de 234 millions d'euros 19 ( * ) .
La situation du compte d'affectation spéciale
« Participations financières de l'Etat »
au 30
septembre 2008 (PLF 2008 + reports)
L'Etat détient encore évidemment des participations substantielles dans des entreprises cotées qu'il pourrait céder pour financer la recapitalisation d'autres entreprises. Malgré la baisse des marchés boursiers, la valeur de ses participations directes ou indirectes dans des entreprises cotées représentait le 13 octobre 2008 113,1 milliards d'euros. Mais le contexte, et l'urgence, n'apparaissent pas pertinents pour procéder à des cessions de parts d'entreprises.
Il y avait donc la nécessité pour le gouvernement de créer une nouvelle structure, destinée à porter les titres d'entreprises pour lesquelles une recapitalisation pourrait apparaître nécessaire, et l'endettement correspondant.
2. Les précédents d'entreprises recapitalisées via un emprunt garanti par l'Etat : le cas de l'investissement de l'ERAP dans France Télécom en 2003
Ce n'est pas la première fois que l'Etat est amené à superviser une opération de recapitalisation d'entreprises françaises, financée par l'emprunt d'un établissement public garanti par l'Etat. Le précédent le plus récent est celui de France Télécom.
L'Etat a ainsi participé en 2003 au renforcement des fonds propres de France Télécom, à hauteur de sa part dans le capital, soit un investissement public de 9 milliards d'euros sur une augmentation en capital s'établissant au total à 15 milliards d'euros .
L'ERAP, établissement public industriel et commercial, a vu ses statuts modifiés par décret, afin de lui permettre de détenir des participations financières dans France Télécom. L'ERAP a souscrit à l'opération de renforcement des fonds propres de France Télécom à hauteur de la part détenue par l'Etat dans le capital de l'entreprise, en contractant des emprunts. L'établissement a, à la fois, porté la dette nécessaire au renforcement des fonds propres de France Télécom et les titres de l'entreprise . Le remboursement des emprunts de l'ERAP a été financé par des produits de cession de titres détenus par l'Etat et par la cession directe de titres de France Télécom.
Afin de procéder, dans les meilleures conditions, aux emprunts nécessaires, l'ERAP a obtenu la garantie explicite de l'Etat, en application de l'article 80 de la loi de finances rectificative pour 2002 20 ( * ) . Avant l'émission d'emprunts obligataires, il avait auparavant obtenu un financement auprès de la trésorerie de l'Etat. Les conditions d'emprunt de l'ERAP ont supporté un écart de taux de 40 points de base par rapport aux conditions qu'aurait obtenu l'Etat sur le même emprunt.
L'investissement n'a pas pesé sur les déficits publics, car l'acquisition de titres d'une entreprise relève, en comptabilité européenne, de la catégorie des « opérations financières », qui n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens du Traité de Maastricht . Il n'a pas modifié l'équilibre budgétaire présenté par le gouvernement pour l'exercice 2003.
En revanche, il s'est traduit dans le décompte de la dette publique car l'endettement nécessaire pour souscrire au renforcement des fonds propres devait être retracé dans la dette des administrations publiques, ce qui a représenté une augmentation de cette dette de l'ordre de 0,6% du PIB en 2003 .
Deux enseignements peuvent être tirés de cette opération financière réalisée par l'ERAP pour le compte de l'Etat.
D'une part, même lorsque la vocation d'une structure n'est pas de conserver durablement sa participation, la cession définitive de l'ensemble des parts d'une entreprise de taille importante peut prendre du temps . Après avoir acquis pour le compte de l'Etat 26,57 % de France Télécom en 2003, l'ERAP a progressivement ramené sa participation à 19,07 % en 2004 après une première cession, puis à 14,28 % en 2005 après une deuxième cession, et sans avoir participé à l'augmentation de capital de septembre 2005 liée à l'acquisition d'AMENA en Espagne, et enfin en 2007 à 9,23 %. Cinq après l'acquisition des titres, l'ERAP reste au capital de France Télécom.
D'autre part, sur un plan patrimonial, une opération de recapitalisation - c'est le cas pour l'ERAP - peut s'avérer financièrement équilibrée, voire bénéficiaire . Les dividendes cumulés ont couvert les frais financiers des emprunts garantis par l'Etat et les cessions ont dégagé des plus-values nettes. En endettement brut, seule variable prise en compte au titre de la dette publique par Eurostat, le montant de l'emprunt correspondant à la prise de participation dans France Télécom est passé de 9,4 milliards d'euros de 2003 à 2005 inclus , puis à 6,4 milliards d'euros sur la période 2006-2007 , et enfin à 2,4 milliards d'euros à la suite d'un remboursement en principal de 4 milliards d'euros le 25 avril 2008 .
* 19 3.687 millions d'euros sont par ailleurs prévus au titre de l'Opération Campus de rénovation des universités.
* 20 Il dispose que « les emprunts contractés par l'Etat, dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Telecom, bénéficient, en principal et intérêts, de la garantie de l'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros en principal ».