B. QUELLE APPLICATION POUR LA « CLAUSE DE RÉEXAMEN » ?
Les chefs d'État et de gouvernement réunis lors du Conseil européen du 16 décembre 2005 ont donc invité la Commission « à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'UE, y compris la PAC, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume Uni, et à faire rapport en 2008-2009 » .
Cette clause a, pour l'heure, principalement donné lieu à deux initiatives émanant du Parlement européen et de la Commission .
1. Les initiatives de la Commission et du Parlement européen
a) La résolution du 29 mars 2007
Dès 2005, le Parlement européen s'est saisi de la question du volet recettes du réexamen du budget. Au terme de nombreux échanges avec les Parlements nationaux, il a adopté, sur le rapport de notre collègue député européen Alain Lamassoure, la résolution du 29 mars 2007 , dont certains développements sonnent comme un véritable réquisitoire contre le système des ressources propres existant.
Cette résolution pointe en effet un certain nombre de « lacunes » de la situation actuelle, et en particulier la prépondérance des contributions nationales sur les ressources propres , à laquelle il est imputé d'exacerber « le débat à courte vue relatif aux contributeurs nets qui ne tient pas compte des avantages apportés par l'Union dans le domaine de la paix, de la liberté, de la prospérité et de la sécurité » . Elle reprend, par ailleurs, la plupart des critiques traditionnellement adressées au mode de financement du budget communautaire en vigueur, parmi lesquelles l'absence de lisibilité et de lien avec les citoyens, ainsi que l'insuffisance des crédits nécessaires à la mise en oeuvre des politiques communes.
Sur le fondement de ces constats, la résolution propose une réforme en deux phases à mettre en oeuvre au sein d'une seule et même décision .
La première phase viserait une amélioration transitoire du système des contributions nationales , fondée sur les principes d'égalité entre les États membres (compris comme l'absence de tout privilège budgétaire au profit d'un ou plusieurs d'entre eux), de simplicité de présentation pour les élus et les citoyens, de solidarité et d'égale dignité entre les États membres (interdisant toute forme de compensation obtenue au terme de « marchandages humiliants à huis clos ») et d'instauration d'un lien politique entre réforme des recettes et réexamen des dépenses.
Cette amélioration pourrait se traduire par la suppression de la ressource TVA et du rabais britannique au profit d'une seule ressource RNB , dans la lignée de la proposition formulée par la présidence finlandaise en avril 2004.
La seconde phase aurait pour but la mise en place d'un nouveau système de ressources propres à compter de 2014 . Si la résolution du Parlement européen énumère les principes auxquels ce système devrait obéir (respect de la souveraineté fiscale des États membres, neutralité fiscale, ordre de grandeur du budget de l'Union inchangé, mise en oeuvre progressive et, à nouveau, établissement d'un lien clair entre recettes et dépenses), elle ne détaille en revanche par les types de ressources qu'il devrait mobiliser.
Ne manquent en outre pas d'intérêt les considérations finales qui, si elles reconnaissent que « le temps n'est pas encore venu, dans un avenir proche, d'un nouvel impôt européen » , admettent que « le nouveau système de ressources propres devrait reposer sur un impôt déjà en vigueur dans les États membres ». Dès lors, « un certain pourcentage d'un impôt existant alimenterait directement le budget de l'UE en tant que ressource propre, créant ainsi un lien direct entre l'Union et les contribuables européens ». Cet « impôt existant » pourrait être l'impôt sur les bénéfices des sociétés 29 ( * ) , la taxe sur la valeur ajoutée ou une taxe environnementale ou énergétique.
b) « Réformer le budget, changer l'Europe » pour la Commission européenne
La Commission a, pour sa part, rendu publique une communication du 12 septembre 2007 intitulée « Réformer le budget, changer l'Europe » et ayant pour objet « d'engager une vaste consultation des parties intéressées au niveau local, régional ou national, ainsi qu'au niveau européen, afin de susciter un débat ouvert sur les finances européennes ».
S'agissant plus particulièrement des recettes, la communication de la Commission :
1) réitère le constat selon lequel les ressources actuelles ont le caractère de contributions nationales et sont parfois présentées comme des dépenses dans les budgets nationaux, ce qui incite les États membres à juger les politiques et initiatives communautaires en termes de « retour sur investissement » plutôt qu'en considérant la valeur globale de ces politiques au niveau européen ;
2) pose la nécessité de revoir si et dans quelle mesure les divers mécanismes de correction existants et les principes qui les sous-tendent sont toujours justifiés ;
3) rappelle qu'un consensus sur les dépenses faciliterait grandement la réforme des recettes ;
4) précise qu'il « conviendra d'envisager très sérieusement le recours à d'autres ressources propres » . Ce recours devra être évalué au regard de ses impacts sur la souveraineté nationale en matière de politique fiscale, la mobilité transfrontalière de certaines bases d'imposition et l'incidence sur les politiques communautaire associées.
2. Des atermoiements de plus en plus visibles
Il ne faut pas se dissimuler le caractère sensible du débat à venir sur le réexamen du budget. Le « flou » volontairement entretenu par la décision des chefs d'État et de gouvernement de 2005, qui fixe son horizon temporel aux années « 2008-2009 », traduit d'ailleurs la difficulté pressentie de l'exercice.
La question se pose, dès lors, de l'attitude qu'adoptera la présidence française de l'Union, dans un contexte d'attentisme de plus en plus marqué.
a) Les « interférences » redoutées entre réforme du budget et ratification du traité de Lisbonne
Votre rapporteur observe tout d'abord que la consultation lancée par la Commission européenne , censée prendre fin le 15 avril 2008, a été récemment prolongée de deux mois et devrait s'achever le 15 juin 2008. La conférence de présentation des résultats, initialement prévue le 27 mai 2008, a par conséquent été reportée à l'automne.
Selon la Commission, cette prolongation est due au succès rencontré par le processus et a pour objet de permettre à toutes les parties concernées de soumettre leur contribution 30 ( * ) . Il n'est toutefois pas exclu qu'elle vise également à retarder le début des échanges sur la question, de manière à ce que le délicat débat sur le réexamen du budget ne « télescope » pas le processus de ratification du traité de Lisbonne 31 ( * ) .
Ces modifications d'agenda semblent avoir suscité des réactions contrastées de la part des députés européens membres de la commission des budgets (COBU). Si certains souhaitent faire débuter les travaux sans tarder, d'autres redoutent effectivement que le thème de la réforme budgétaire ne vienne interférer avec la ratification du traité 32 ( * ) et mettent en cause les conditions particulières dans lesquelles est intervenue l'adoption de la clause de réexamen , soit au terme d'âpres négociations sur les perspectives financières.
Enfin, votre rapporteur se demande si la tenue d' élections au Parlement européen et le renouvellement de la Commission européenne en 2009 ne constitueront pas un motif supplémentaire pour différer la mise en oeuvre effective de la clause de réexamen.
b) Une « frilosité » française ?
Dans son dernier rapport sur le prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes 33 ( * ) , votre rapporteur observait que la position adoptée par la France à l'égard de la clause de réexamen manifestait un certain retrait. Cette « frilosité » semble confirmée par les réponses au questionnaire adressé au Secrétariat d'État aux affaires européennes dans le cadre de la préparation du présent rapport.
Aux termes de ces réponses, il apparaît tout d'abord urgent d'attendre , dans la mesure où « la capacité pour la prochaine présidence française d'engager ou non les travaux au sein des institutions sur le réexamen des politiques et du budget est largement tributaire du calendrier de la Commission », dont on sait qu'elle vient de reporter la fin de la consultation en cours...
Par ailleurs, la France semble redouter que la mise en oeuvre de la clause de réexamen ne serve de déclencheur à une renégociation des perspectives financières 2007-2013 34 ( * ) .
Pour votre rapporteur, la clause de réexamen n'a pas vocation à interférer avec le cadrage fixé pour 2007-2013. La France, qui voit dans cet exercice l'occasion « d'entamer une réflexion prospective sur l'avenir des politiques communautaires, le financement de l'Union et la gouvernance du budget communautaire, hors du cadre contraint des négociations budgétaires traditionnelles », pourrait prendre l'initiative de dissiper cette ambiguïté et mettre à profit sa présidence pour amorcer sérieusement les débats.
* 29 L'harmonisation des assiettes des impôts nationaux sur les bénéfices fait actuellement l'objet de travaux qui pourraient déboucher sur une proposition de directive à la fin de l'année 2008.
* 30 246 contributions avaient été enregistrées à la date du 18 avril 2008.
* 31 Le référendum irlandais sur le traité aura notamment lieu le 12 juin 2008, soit trois jours seulement avant la fin reportée de la consultation.
* 32 Ainsi des propos, rapportés par voie de presse, du député grec Margaritis Schinas (PPE-DE) : « Ces questions d'argent ne doivent pas contaminer le processus de ratification ».
* 33 Rapport général n° 91 (2007-2008) sur le projet de loi de finances pour 2008, tome II, fascicule 2.
* 34 En tout état de cause, d'autres facteurs pourraient conduire à une telle renégociation, tels que les effets de la situation mondiale des marchés agricoles sur les dépenses du premier pilier de la PAC.