N° 264
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 2008 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense ,
Par M. André DULAIT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
Voir le numéro :
Sénat : 324 (2006-2007)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le dispositif des emplois réservés, qui consiste dans un accès dérogatoire à la fonction publique pour différentes catégories de bénéficiaires, a été instauré au début du vingtième siècle, avec l'objectif de récompenser certains soldats en leur garantissant une forme de « reconversion » par l'accès à l'emploi public.
Avec la première guerre mondiale, ce dispositif a changé de nature et a été réorienté au service des pensionnés militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Antérieur à la mise en place du droit de la fonction publique et du statut général des militaires, conçu dans un environnement économique largement disparu (manufactures d'Etat), il a fait l'objet de prorogations et d'adjonctions successives qui en font un mécanisme « sédimenté » dont des pans entiers sont obsolètes.
Pour autant, la pertinence et la nécessité d'un tel dispositif ne sont pas en cause et une modernisation de la procédure d'accès aux emplois réservés de la fonction publique s'imposait.
C'est cette refonte qu'opère le projet de loi soumis à l'examen du Sénat tout en opérant des aménagements juridiques ponctuels sur divers sujets intéressant la Défense.
I. LE DISPOSITIF DES EMPLOIS RÉSERVÉS
A. LES EMPLOIS RÉSERVÉS : SOLIDARITÉ ET RECONVERSION
1. Les origines du dispositif
Mis en place à l'origine pour les militaires de l'armée de terre par la loi du 21 mars 1905, modifiant la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée, le dispositif des emplois réservés a été étendu aux marins par la loi du 8 août 1913.
La mise en place d'un accès privilégié aux emplois publics correspond alors à une logique de reconnaissance des services rendus, reprise par la loi du 18 juillet 1924.
La première guerre mondiale conduit à assigner au dispositif un second objectif : l'emploi des invalides de guerre. La loi du 17 avril 1916 réserve préférentiellement des emplois, pour une durée de cinq ans à compter de la cessation des hostilités, aux militaires et marins réformés n°1, retraités par suite de blessures ou d'infirmités contractées au service pendant la guerre. Ce droit de préférence provisoire a été reconduit à plusieurs reprises à partir de 1923. Il a été reconduit pour la dernière fois en 1983, jusqu'en 1989. Des nominations sont néanmoins intervenues sur cette base depuis cette date.
Initialement conçu pour offrir un débouché aux militaires, le dispositif des emplois réservés s'est donc très rapidement vu assigner un second objectif d'emploi des invalides de guerre.
Ce second objectif, qui demeure, est aujourd'hui devenu plus marginal en volume. Le dispositif des emplois réservés s'inscrit désormais dans la problématique plus large de la reconversion, laquelle a pris une dimension nouvelle avec la professionnalisation des armées.
2. La problématique de reconversion : une actualité particulière
Préoccupation ancienne du ministère de la défense, la problématique de la reconversion des militaires se pose avec une acuité particulière depuis la professionnalisation des armées.
Toutes les conséquences de la professionnalisation n'ont certainement pas été tirées dans ce domaine si l'on considère, d'une part le nombre important des militaires qui quittent le service sans droit à pension militaire, (19 422 en 2005 contre 9 971 en 2000) et, d'autre part, l'augmentation significative du nombre d'allocataires du chômage (10 000 fin 2005, soit un quasi-doublement par rapport à 2000) et, par conséquent du coût de cette indemnisation, 85 millions d'euros en 2005.
De surcroît, l'ancienneté moyenne actuelle des hommes du rang n'est que de 4,4 ans, les effets de la professionnalisation ne sont donc pas encore pleinement perceptibles.
En raison de la nécessité de maintenir une moyenne d'âge compatible avec les spécificités de la mission des militaires, 30 000 militaires sont rendus à la vie civile chaque année, les deux-tiers étant des militaires du rang, titulaires de contrats courts.
Sur ce total, les militaires ayant servi pendant plus de quatre ans (environ 18 000 par an, dont environ 7 000 militaires du rang) sont éligibles au dispositif de reconversion de la Défense. Environ 9 000 personnes demandent à en bénéficier chaque année.
Ce dispositif, qui mobilise environ 100 millions d'euros par an, comprend une vaste gamme d'outils dont deux modalités d'accès à l'emploi public prévues par le statut général des militaires :
- l'accès à la fonction publique sans concours par voie de détachement institué par la loi du 2 janvier 1970, pérennisé et ouvert à l'ensemble des militaires de carrière et sous contrat par la révision du statut général des militaires (article L 4139-2 du code de la défense) ; cette procédure permet de reconvertir entre 200 et 300 personnes chaque année ;
- l'accès par la voie des emplois
réservés, prévu par l'article L. 4139-3 du code de la
défense, selon lequel «
le militaire, à l'exception
de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se
porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur
demande agréée, dans les conditions prévues par le code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
En
cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services
effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans
pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de
catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée
des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans
le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B »
.
Dans un contexte d'annonce de restructuration des implantations de la défense, la dynamisation d'un mécanisme de reconversion dans la fonction publique présente un intérêt évident.
D'une ampleur inégalée puisque, selon les estimations, 30 000 à 50 000 emplois pourraient être supprimés dans les armées sur la prochaine période de programmation, ces suppressions d'emplois devraient s'opérer principalement par non-renouvellement de contrats.
Il importe que la Défense puisse rendre ces personnels à la vie civile dans de bonnes conditions dans la mesure où, parallèlement, elle devra poursuivre ses recrutements dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
3. Le fonctionnement actuel des emplois réservés
Ce dispositif, qui constitue à l'origine un droit accessoire du droit à pension, est inséré dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Pour définir le nombre des emplois réservés, un pourcentage est appliqué au flux de recrutement dans des catégories d'emplois énumérées par une liste limitative. Cette nomenclature précise, pour chaque emploi, les pourcentages offerts aux ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité. Sur ce total, 10 % sont réservés aux publics prioritaires.
Le dispositif distingue trois catégories de bénéficiaires par ordre de priorité, à qui sont opposées des conditions d'âge, de délai et de durée de service différentes :
- les personnes prioritaires : invalides de guerre et militaires blessés en opérations, veuves et orphelins. Ont été progressivement ajoutés à ces personnes prioritaires d'autres publics comme les conjoints de militaires, policiers, douaniers décédés en service, les orphelins de sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires ou, plus récemment les victimes d'attentats terroristes ;
- les militaires réformés pour cause de blessure, de maladie ou d'infirmité ;
- les militaires en reconversion.
Les candidats doivent remplir des conditions d'aptitude physique et professionnelle.
La procédure repose sur la sélection des bénéficiaires par la voie d'un examen professionnel réparti en catégories, B et C.
Lors de leur inscription, les candidats choisissent un corps et deux départements d'affectation.
Ces choix ne correspondant pas forcément aux postes disponibles, le ministre chargé des anciens combattants prend un arrêté de répartition fixant le nombre, la nature et la répartition géographique des postes. Seuls sont ainsi organisés des examens donnant accès à des emplois pour lesquels des recrutements sont avérés.
L'ensemble des candidats ayant réussi l'examen ne figure donc pas automatiquement sur les listes de classement. Les candidats non retenus conservent le bénéfice de leur réussite au titre des deux années suivantes pour solliciter leur inscription sur une liste de classement. En revanche, les personnes classées conservent le bénéfice de leur classement jusqu'à l'obtention d'un emploi.
Les listes de classement sont établies par catégorie d'emploi en fonction des résultats à l'examen pondérés par une série de bonifications qui font une large place à l'ancienneté des candidats.
Les personnes qui figurent sur les listes sont affectées dans l'ordre de classement : l'administration d'accueil n'a par conséquent pas le choix des personnes, qui leur sont imposées. Celles-ci disposent d'un délai d'un mois pour faire connaître leur décision sur la proposition qui leur est faite.
En cas d'acceptation, les administrations disposent de deux mois pour procéder à la nomination des intéressés. Cette règle de nomination dans l'ordre de la liste de classement permet un traitement des bénéficiaires dans le strict respect de l'ordre de priorité mais elle induit aussi des effets pervers, les administrations d'accueil étant réticentes à accueillir des personnes recrutées selon ces modalités.
Dans l'hypothèse où le nombre de candidats inscrits sur les listes de classement est inférieur au nombre de vacances dans les administrations concernées, les postes sont remis à la disposition des administrations dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire par concours.
En moyenne, sur la période 1999-2004, 2241 candidats ont été convoqués, 1536 se sont présentés et 743 ont été admis.
En moyenne sur la même période, 775 désignations sont intervenues chaque année.
Il convient de rappeler que les bénéficiaires des emplois réservés sont pris en compte au titre de l'obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées fixée par la loi du 10 juillet 1987 et reprise dans le code du travail. Ces dernières ne relèvent plus, depuis la loi du 11 février 2005, du dispositif des emplois réservés dont 6 % des postes leur étaient précédemment réservés. Elles sont désormais intégrées à la fonction publique par la voie du contrat. De fait, ce système avait marqué ses limites puisqu'en 2002, près de 5 000 personnes handicapées, classées avant 1999, étaient toujours en attente de nomination.