B. UNE RÉUSSITE PARTIELLE SUR LE PLAN MACROÉCONOMIQUE ET SOCIAL

1. La création d'un nouveau mode de financement pérenne de la protection sociale

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, de nombreux rapports successifs ont préconisé d'améliorer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées. Dès l'origine, le débat a porté essentiellement sur l'opportunité d'étendre les missions de la sécurité sociale à la gestion de ce risque.

Après un dispositif expérimental, c'est au Sénat qu'est finalement revenue l'initiative de confier aux départements le soin de gérer une prestation permettant aux personnes âgées disposant de revenus modestes de faire face à ce problème : la prestation spécifique dépendance (PSD). Le gouvernement de Lionel Jospin a ensuite greffé l'allocation personnalisée autonomie (Apa) sur la PSD, dont il a élargi le public visé, en assouplissant les conditions de dépendance et de ressources requises pour bénéficier du droit aux prestations.

Mais cette réforme ambitieuse n'était pas financée. Sous la précédente législature, les pouvoirs publics ont donc dû créer la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), d'une part, la journée de solidarité, d'autre part, pour dégager des moyens supplémentaires et améliorer l'allocation des ressources publiques entre les collectivités locales.

Evolution des deux principales recettes collectées
au titre de la contribution de solidarité pour l'autonomie

(en millions d'euros)

2004 (réalisation)

2005 (réalisation)

2006 (réalisation)

2007 (prévision PLFSS 2007)

CSA sur les revenus d'activité

804

1 687

1 773

1 813

CSA sur le « patrimoine »

CSA sur les placements financiers

31

100

148

170

CSA sur les revenus du patrimoine foncier

76

161

160

195

Sous-total

107

261

308

365

Produit total

911

1 948

2 081

2 178

Source : Annexes 8. PLFSS 2006 et 2007 et document remis au Conseil de la CNSA le 27 mars 2007

Plus de 2 milliards d'euros sont désormais recouvrés chaque année dans le cadre de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA). Cette ressource comprend quatre composantes distinctes dont les produits s'additionnent. Il s'agit :


• d'une contribution de 0,3 % sur la masse salariale versée par les employeurs publics et privés ;


• d'une contribution de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et des placements. Ce prélèvement s'applique sur les patrimoines financiers à l'exception des livrets A et des livrets bleus ;


• d'une contribution de 0,1 % sur le produit des contributions sociales non déductibles ;


• d'une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse représentative d'une fraction des sommes qu'ils ont consacrées, en 2000, aux dépenses d'aide ménagère à domicile des personnes âgées dépendantes.

En définitive, les montants collectés grâce à la CSA ont enfin donné à la politique de la dépendance l'assise financière qui lui manquait. Mais cet apport de financements nouveaux sera insuffisant pour faire face à la croissance prévisionnelle des dépenses des prochaines décennies.

2. La préservation du pouvoir d'achat des salariés

La loi du 30 juin 2004 avait également pour objectif de préserver les revenus des ménages. De fait, si la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération supplémentaire, les salariés mensualisés, auxquels les jours fériés sont déjà payés, ne subissent aucune perte de salaire.

Au-delà de sa dimension solidaire, cette réforme soulignait également le constat qu'il n'est plus possible désormais d'augmenter la pression fiscale ou les cotisations sociales à chaque fois que des ressources doivent être trouvées. Deux autres raisons justifiaient d'ailleurs elles aussi pleinement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires :

- la consommation qui constitue le principal moteur de la croissance française depuis le début des années 2000. Déjà pénalisé par la modération salariale qui fut une contrepartie des négociations ayant permis l'application des trente-cinq heures, le revenu des salariés ne devait pas être diminué davantage ;

- l'augmentation des charges qui se traduit par une augmentation des coûts salariaux, conduisant in fine à une perte de compétitivité de l'économie française, très largement dépendante du commerce international.

3. Un impact macroéconomique difficile à apprécier

La création de la journée de solidarité reposait sur le pari qu'il est possible de préserver les comptes des entreprises, en leur donnant les moyens de compenser les effets de la création de la CSA grâce à l'augmentation de la durée de travail des salariés de sept heures supplémentaires chaque année.

Ce pari est fondé sur l'hypothèse, élaborée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'un jour travaillé en plus se traduira à terme au minimum par un surcroît de valeur ajoutée dans le secteur marchand, de l'ordre de 0,3 %.

L'assujettissement du secteur public pose bien évidemment une autre question, puisque n'étant pas producteur de biens et de services marchands, celui-ci ne peut envisager de dégager des recettes supplémentaires. L'augmentation des charges pesant sur les salaires se traduit donc inévitablement par un recours accru au contribuable national et local. Il serait toutefois réducteur de limiter l'impact de la journée de solidarité à une augmentation d'impôt : dès lors que le dispositif est appliqué avec suffisamment de souplesse, il pourrait permettre de limiter la création d'emplois publics ultérieurs.

4. Une insertion difficile dans le droit social

L'option d'une application uniforme de la réforme, comme en Allemagne, ayant été abandonnée dès 2004, l'institution de la journée de solidarité s'est traduite par une myriade de « microdifficultés » individuelles, notamment pour les salariés en intérim ou pour ceux relevant de statuts particuliers comme les assistantes maternelles.

Mais l'enracinement de cette innovation juridique dans notre droit social s'est également heurté aux problèmes rencontrés par les employeurs.

De nombreuses entreprises font en effet travailler leur personnel les jours fériés en échange de contreparties. Dès lors, la suppression du caractère chômé du lundi de Pentecôte n'a pas entraîné pour elles systématiquement une production supplémentaire. Cette difficulté est particulièrement nette dans le cas des entreprises travaillant en continu, notamment dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration ou dans les structures industrielles dont les chaînes de production fonctionnent en permanence. Non seulement l'institution de la journée solidarité n'accroît pas, ou seulement à la marge, la production, mais elle risque de rendre plus difficiles certaines convergences en augmentant la durée du travail de salariés qui effectuent déjà un nombre d'heures bien supérieur à la durée légale.

Une solution alternative, envisagée lors des travaux préparatoires de la loi du 30 juin 2004, aurait pu constituer en la suppression d'une journée de réduction du temps de travail (RTT). Mais là encore, cette option n'aurait pu revêtir un caractère simple et universel, ne serait-ce que parce que la réduction du temps de travail ne concerne que les deux tiers des salariés du secteur marchand.

En outre, de nombreux commerces sont traditionnellement fermés le lundi tandis, que beaucoup d'assurés sociaux souhaitent conserver l'habitude de passer la période de la Pentecôte en famille et posent un jour de congé à cet effet.

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