Sous-section 4
Des effets de la curatelle et de la tutelle
quant à la protection de la personne

Cette sous-section fixe le régime primaire de la protection de la personne du majeur, commun à la curatelle et à la tutelle. Elle subordonne les décisions relatives à la personne au consentement du majeur, et modifie les conditions dans lesquelles celui-ci peut fixer sa résidence, se marier, et conclure ou rompre un pacte civil de solidarité.

Art. 457-1 (nouveau) : Information du majeur en curatelle ou en tutelle

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'instituer une obligation d'information du majeur protégé à la charge de son curateur ou de son tuteur.

Il reprend le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 5 du projet de loi pour l'article 459 du code civil. La commission des lois de l'Assemblée nationale a en effet jugé opportun de regrouper dans un article spécifique l'obligation d'information qui incombe au curateur ou au tuteur quant à la protection de la personne, afin de rendre cette obligation applicable quelle que soit la nature des actes en cause.

Avant toute décision relative à la personne du majeur protégé, le curateur ou le tuteur devra l'informer sur sa situation personnelle et sur l'utilité, le degré d'urgence et les conséquences des actes envisagés.

Il est précisé que cette obligation d'information s'ajoute à celle que la loi impose à des tiers, notamment afin de maintenir le droit du majeur protégé de recevoir lui-même une information sur son état de santé, prévu par l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

Art. 458 et 459 du code civil : Consentement du majeur
en curatelle ou en tutelle aux décisions relatives à sa personne

Ces articles fixent les conditions dans lesquelles les décisions relatives à la personne du majeur protégé requièrent son consentement.

1. Le droit en vigueur

La loi du 3 janvier 1968, contrairement aux textes antérieurs qui prévoyaient une « tutelle à la personne » aussi autoritaire que la tutelle sur les biens n'a pas organisé complètement la protection des intérêts personnels du majeur protégé : elle a seulement régi quelques aspects purement civils ou juridiques de cette protection : le mariage, le testament, le divorce, l'autorité parentale...

Elle a également institué deux principes, applicables à tous les régimes de protection : d'une part, le droit inconditionnel du procureur et du juge des tutelles de visiter et de faire visiter les majeurs protégés par la loi, d'autre part, le droit de la personne protégée à la conservation du logement et des meubles et objets à caractère personnel.

Elle a, pour le surplus, renvoyé non pas à l'autorité parentale mais aux pouvoirs du tuteur sur le mineur : le conseil de famille décide des grandes orientations dans le respect de ce qu'auraient fait les parents ; le tuteur assume les actes plus quotidiens. Ce schéma est parfois applicable pour un majeur mais, le plus souvent, composer un conseil de famille est artificiel et se référer à la volonté présumée des parents ou de la famille n'est pas de circonstance.

Des dispositions légales extérieures au code civil fixent, de manière ponctuelle et sans véritable cohérence, le statut personnel du majeur protégé :

- les restrictions apportées aux droits civiques du majeur figurent dans le code électoral, dont l'article L. 5 prévoit une radiation des listes électorales sauf autorisation de voter délivrée par le juge des tutelles, et dans le code de procédure pénale, dont l'article 256 prévoit une incapacité d'être juré ;

- le « statut médical » du majeur protégé est fixé par le code de la santé publique, qui interdit le prélèvement d'organe du vivant du majeur 80 ( * ) , encadre la recherche médicale sur le majeur 81 ( * ) , sa stérilisation à des fins contraceptives 82 ( * ) et les modalités de son hospitalisation à la demande d'un tiers 83 ( * ) , et consacre ses droits à l'information sur sa santé et à consentir aux actes relatifs à sa santé 84 ( * ) .

En l'absence de régime légal, la jurisprudence a progressivement esquissé les contours d'un statut de la personne protégée.

Depuis 1989, la Cour de cassation considère ainsi que les régimes civils d'incapacité ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la protection non seulement des biens du majeur, mais aussi de sa personne 85 ( * ) .

En 1993, elle a affirmé que « le gérant de tutelle ne peut accomplir, seul, les actes relatifs à la personne du majeur protégé, tel celui de consentir à la reproduction de son image. Il lui appartient, à cet effet, de saisir le juge des tutelles qui pourra soit l'autoriser à faire ces actes, éventuellement sous les conditions qu'il déterminera, soit de décider de constituer une tutelle complète 86 ( * ) ».

Le partage des tâches a été précisé en 1997 87 ( * ) : si le majeur protégé n'est pas dépourvu de volonté propre, il faut respecter ses choix ; dans le cas contraire, le juge des tutelles peut imposer à un tuteur une décision importante relative à la personne du majeur.

En pratique, les juges des tutelles appliquent cette jurisprudence en essayant de recueillir l'avis du majeur, s'il est capable d'exprimer sa volonté, avant d'autoriser un acte relatif à la personne. Dans l'hypothèse contraire, ils exigent du tuteur un certificat médical constatant que le majeur n'est pas en mesure de consentir à l'acte envisagé. En cas d'urgence, l'acte peut être accompli en l'absence de consentement du majeur et de constatation médicale de son inaptitude à exprimer sa volonté.

2. Le dispositif proposé

Le projet de loi consacre et précise le statut bâti par la jurisprudence. Il crée deux régimes de protection de la personne en distinguant les décisions strictement personnelles qui ne peuvent être prises que par le majeur seul , et celles pour lesquelles le consentement du majeur peut être obtenu avec l'assistance ou par la représentation de la personne chargée de la protection .

• L'interdiction de l'assistance et de la représentation du majeur protégé pour les actes strictement personnel

L'article 458 exclut du champ de l'assistance et de la représentation du majeur les actes strictement personnels : ceux-ci ne pourront être accomplis que par le majeur seul, sans que le juge puisse autoriser le curateur ou le tuteur à assister le majeur, ni a fortiori à le représenter.

Il ménage cependant la possibilité de dérogations législatives à cette exclusion des actes strictement personnels du champ de la protection. Cette réserve vise à permettre l'application de règles - actuelles ou futures - spécifiques à certaines situations. Ainsi, le code de la santé publique contient des dispositions relatives au consentement à l'acte médical.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que, faute de dispositions législatives particulières, l'interdiction d'assister ou de représenter la personne protégée pour l'accomplissement d'actes strictement personnels ne pourra connaître aucune dérogation.

Le projet de loi n'énumère pas les actes strictement personnels, laissant ainsi à la jurisprudence ce soin. Néanmoins, deux séries d'actes sont réputées strictement personnels et ne pourront donc être accomplies que par le majeur protégé :

- les actes relatifs à la filiation, c'est-à-dire la déclaration de naissance d'un enfant et sa reconnaissance, le choix et le changement de son nom, ainsi que le consentement du majeur à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que tout changement du nom d'un enfant constitue un acte strictement personnel.

- les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne de l'enfant du majeur protégé. A cet égard, le projet de loi ne modifie pas les règles de l'exercice de l'autorité parentale par un majeur protégé. La protection d'un majeur n'a pas pour effet de le priver de son autorité parentale . En application de l'article 373, la privation de l'autorité parentale suppose que le parent soit hors d'état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause. Cet article doit être interprété comme visant une incapacité de fait à exercer l'autorité parentale, et non la simple constatation de l'incapacité juridique résultant de la mesure de protection. La perte de l'autorité parentale liée à la qualité de tutélaire, et a fortiori de curatélaire, n'est donc pas automatique, mais suppose une appréciation de la situation de fait. L'altération des facultés personnelles ne rend pas nécessairement impossible l'expression de la volonté. Un majeur protégé peut donc conserver l'autorité parentale, et, dans ce cas, les actes qui touchent à la personne de ses enfants relèvent de son consentement strictement personnel.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.

• Possibilité d'assistance et de représentation du majeur pour les autres actes relatifs à sa personne

Pour les actes relatifs à la personne du majeur qui ne sont pas des décisions strictement personnelles, l'article 459 lie l'obligation de recueillir le consentement de celui-ci au degré d'altération de ses facultés. Trois hypothèses sont envisagées :

- si le majeur est capable d'une décision éclairée, il prend seul les décisions relatives à sa personne , sans assistance ni représentation de la personne chargée de sa protection ;

- dans le cas contraire , la personne chargée de sa protection peut, sur autorisation du conseil de famille ou du juge, assister le majeur . L'autorisation est donnée d'avance dans la décision d'ouverture de la mesure, ou ultérieurement. Elle est soit générale (l'ensemble des actes relatifs à la personne est couvert), soit ponctuelle (seuls les actes énumérés sont autorisés) ;

- si, malgré l'assistance que lui apporte la personne qui le protège, le majeur n'est pas en état de prendre la décision, le conseil de famille ou le juge peut autoriser un tuteur à représenter le majeur, c'est-à-dire à prendre la décision en son nom .

Votre commission vous soumet un amendement de précision .

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions relatives à l'obligation d'information du majeur protégé à la charge de son curateur ou de son tuteur, par coordination avec leur insertion dans un nouvel article 457-1. Dans le même souci de clarification de la structure du texte, elle a également adopté deux amendements de précision.

En outre, un régime particulier est prévu en cas de danger . Dans la rédaction initiale du projet de loi, le curateur ou le tuteur pouvait prendre seul, à condition d'informer sans délai le juge, les mesures de protection rendues nécessaires par le danger auquel le majeur s'exposerait, du fait de son comportement. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a limité ses pouvoirs aux mesures strictement nécessaires à la disparition du danger.

Les actes les plus graves seront néanmoins soumis à des règles particulières auxquelles il ne pourra être dérogé qu'en cas d'urgence. Il est en effet interdit au curateur ou au tuteur de prendre, sans y être préalablement autorisé, les décisions portant gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée :

- l'article 16-3 du code civil pose en effet le principe, d'ordre public, du consentement de l'intéressé à l'atteinte portée à son intégrité corporelle et il ne peut y être dérogé que dans le cas où l'état de la personne rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir ;

- le droit au respect de la vie privée est protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui limite toute ingérence d'une autorité publique en la matière aux mesures nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de prévoir que le curateur ou le tuteur, lorsqu'il prend les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger auquel s'expose le majeur protégé, du fait de son comportement, doit en informer sans délai non seulement le juge mais également le conseil de famille s'il a été constitué.

* 80 Articles L. 1231-2 et L. 1241-2.

* 81 Article L. 1122-2.

* 82 Article L. 2123-2.

* 83 Articles L. 3212-1 et L. 3212-2.

* 84 Articles L. 1111-2, L. 1111-4 et L. 1111-7.

* 85 Cass. 1 ère civ, 18 avril 1989.

* 86 Cass. 1 ère civ, 24 février 1993.

* 87 Cass. 1 ère civ, 25 mars 1997.

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