Art. 429 du code civil : Application aux mineurs
des mesures judiciaires de protection

Cet article permet d' ouvrir une mesure de protection judiciaire pour un mineur émancipé ou se trouvant dans la dernière année de sa minorité . Il reprend le régime prévu par l'actuel article 494 pour la tutelle, et l'étend à toutes les mesures judiciaires de protection.

Il peut paraître paradoxal de placer sous protection un mineur qui vient d'être émancipé. Sauf lorsqu'elle résulte du mariage, l'émancipation requiert en effet une décision du juge des tutelles qui vérifie sa maturité. Néanmoins, un mineur émancipé peut avoir besoin d'être représenté dans les actes de la vie civile en raison d'une maladie ou d'une infirmité. En outre, l'émancipation peut échouer, le mineur se révélant inapte à gérer ses biens.

La possibilité d'ouvrir une protection dans la dernière année de la minorité avec effet le jour de la majorité répond quant à elle au souci de ne pas interrompre la prise en charge du mineur.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision.

Art. 430 du code civil : Personnes autorisées à demander l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection

Cet article fixe la liste des personnes autorisées à demander l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection.

Actuellement, en application de l'article 493, seuls la personne qu'il y a lieu de protéger, ses proches parents (conjoint, ascendants, descendants, frères et soeurs), le ministère public et le curateur, s'il y a lieu de transformer une curatelle en tutelle, ont qualité pour demander l'ouverture d'une mesure de protection. Les autres parents, les alliés ou les amis, le médecin traitant ou le directeur de l'établissement qui héberge la personne à protéger peuvent simplement donner un avis au juge qui a la possibilité de se saisir d'office.

Aux termes de l'article 1244 du nouveau code de procédure civile, la requête doit désigner la personne à protéger, énumérer ses proches parents, si le requérant connaît leur existence, et indiquer le médecin traitant et les faits qui justifient la protection. Son auteur n'a pas à préciser le régime de protection sollicité, dont le choix incombe au juge.

La liste des personnes pouvant saisir le juge est délibérément restreinte : la requête est un acte fort, à la fois protecteur et non dénué d'une certaine agressivité, le juge n'ayant pas de possibilité légale de garder le secret sur l'auteur de la demande. Par surcroît, le droit de faire requête ouvre d'autres droits, notamment celui de faire appel.

En pratique, la moitié des dossiers sont ouverts par le juge des tutelles à la suite d'une requête de l'intéressé ou de sa famille. Dans les autres cas, les services sociaux (des communes, des offices d'habitations à loyer modéré, des départements) ou hospitaliers, les médecins, plus rarement les banques et les notaires ont pris l'habitude d'envoyer au juge des signalements.

Semblable pratique répond à une nécessité dès lors qu'il s'agit d'une personne seule, sans entourage familial et en grande difficulté. Face à cette situation, le juge, à partir d'un signalement, peut utiliser la possibilité de se saisir d'office afin de vérifier si la mesure de protection répond à un besoin réel.

Toutefois, la pratique du signalement par l'intermédiaire des services sociaux est devenue une facilité, même lorsqu'elle ne se justifie pas par la carence de l'entourage familial. Le juge bénéficie ainsi de documents correctement rédigés, la famille évite une formalité qu'elle estime toujours très lourde et les services sociaux mettent en oeuvre une procédure bien rôdée.

Comme le soulignent M. Michel Bauer, M. Thierry Fossier et Mme Laurence Pecaut-Rivolier dans leur ouvrage précité : « les juges des tutelles ont ainsi eu à faire face, il y a quelques années, à une recrudescence des demandes de mise sous protection de personnes dont la seule incapacité résidait dans leur surendettement ou, pis encore, dans la modestie de leurs ressources (...) Les services sociaux et les intéressés eux mêmes voyaient en effet dans la curatelle une bouée de sauvetage. Seulement, les résultats se sont avérés désastreux : certains se sont trouvés complètement déresponsabilisés, d'autres se sont révoltés, accusant leur curateur de les priver d'argent quand la privation était en réalité tout simplement une privation indue de liberté, quant aux curateurs, ils étaient pris dans une situation extrêmement difficile en tentant d'assumer un mandat judiciaire dont la justification leur échappait 59 ( * ) . »

Le projet de loi supprime la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d'office , qui pourrait être jugée contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Que le même juge puisse se saisir de la situation d'une personne, instruire le dossier puis rendre la décision, en étant seul à chacun de ces stades de la procédure, va en effet à l'encontre de la conception traditionnelle du juge arbitre.

En contrepartie, le projet de loi élargit le cercle des personnes habilitées à former une requête aux formes de conjugalité autres que le mariage et à l'ensemble des parents. Le partenaire pacsé ou le concubin de la personne vulnérable pourront saisir le juge à condition, comme pour le mariage, que la communauté de vie n'ait pas cessé. Tout parent ou allié et, à condition de résider avec le majeur et d'entretenir avec lui des liens étroits et stables, un proche sans lien de parenté pourront également former une requête.

La requête des familles ne saurait en effet être l'unique mode de saisine du juge car les personnes qui ont le plus besoin d'une mesure de protection sont souvent seules ou à la merci d'un entourage peu bienveillant ou en pleine mésentente.

Par ailleurs, le projet de loi maintient la possibilité d'une requête par le ministère public , soit d'office, soit à la demande d'un tiers, très utile si la famille reste passive, et habilite un mandataire de protection future à demander au juge de remplacer la mesure conventionnelle dont il a la charge par une mesure judiciaire .

Le médecin traitant et le directeur de l'établissement d'hébergement de la personne à protéger n'auront plus à donner systématiquement avis au juge des causes pouvant justifier l'ouverture d'une mesure de protection.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l' Assemblée nationale a permis :

- à toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables de demander au juge des tutelles l'ouverture d'une mesure de protection, même lorsque cette personne ne réside pas avec le majeur . M. Guy Geoffroy a indiqué que cette disposition permettrait, par exemple, aux voisins d'une personne vivant dans des foyers-résidences, de demander une mesure de protection en faveur de cette personne, ce qui peut être utile lorsque la personne en question n'est pas entourée par sa famille ;

- à toute personne exerçant une mesure de protection juridique (mandataire spécial dans le cadre d'une sauvegarde de justice, curateur, tuteur, mandataire de protection future) de demander au juge de la modifier .

La rédaction retenue interdit à la personne chargée d'une mesure d'accompagnement judiciaire de demander sa transformation en une mesure de protection juridique. Il s'agit en effet d'éviter que les services sociaux aient la possibilité de saisir directement le juge, ce qui limiterait les garanties procédurales que la réforme instaure pour assurer un meilleur respect du principe de subsidiarité.

La personne chargée d'une mesure d'assistance judiciaire souhaitant obtenir sa transformation devra donc saisir le procureur de la République, qui exercera son contrôle. Le rôle de filtre du parquet civil semble en effet essentiel, à la condition qu'il en ait les moyens, pour assurer en amont la sauvegarde des libertés individuelles.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

* 59 « La réforme des tutelles - ombres et lumières » - Dalloz juin 2006 - page 86.

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