Section 2
Des dispositions communes aux mesures judiciaires
Art. 428 du code civil : Nécessité, subsidiarité et proportionnalité
des mesures judiciaires

Cet article soumet l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection juridique (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice) au respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.

Le principe de nécessité a été une création jurisprudentielle avant d'être consacré par le Conseil de l'Europe. La Cour de cassation exige ainsi depuis longtemps du juge, outre la preuve d'une altération des facultés personnelles du majeur, la vérification du besoin de protection. Ainsi, il convient d'établir que l'intéressé a besoin d'être soit « représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile 56 ( * ) » dans le cas d'une demande de tutelle, soit « conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile 57 ( * ) », dans le cas d'une demande de curatelle, soit « protégé dans les actes de la vie courante » dans le cadre d'une procédure de placement sous sauvegarde de justice. En disposant que la mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée qu'en cas de nécessité, le projet de loi consacre cette jurisprudence.

Le principe de subsidiarité se déduit de l'actuel article 498 qui interdit l'ouverture d'une tutelle si l'application du régime matrimonial, notamment des articles 217, 219, 1426 et 1429 du code civil, permet de pourvoir aux intérêts de la personne à protéger.

Lorsque l'un des époux est hors d'état de manifester sa volonté, l'article 217 autorise l'autre époux, tant dans le régime matrimonial primaire que dans la communauté légale, à demander au tribunal de grande instance d'accomplir seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire. L'époux qui réclame l'application de cet article doit avoir partiellement le pouvoir d'effectuer l'acte projeté. Il peut s'agir d'un acte de disposition (vente d'un immeuble par exemple) ou d'administration (mise en location du logement familial notamment) portant sur un bien indivis ou commun.

Sur le fondement de l'article 219, l'époux peut même demander au tribunal de l'habiliter à représenter son conjoint, d'une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial. Les conditions et l'étendue de cette représentation sont fixées par le tribunal.

Sous le régime de communauté, en application des articles 1426 et 1429, si un des époux est hors d'état de manifester sa volonté, l'administration des biens sera conférée par jugement à l'autre époux.

Le décret n° 2004-1158 du 29 octobre 2004 portant réforme de la procédure en matière familiale tend à favoriser l'application du droit commun des régimes matrimoniaux à la place de l'ouverture d'une mesure de protection. Il prévoit, dans son article 13, que le juge des tutelles peut être saisi par un époux pour être autorisé, en application des articles 217 et 219 du code civil, à représenter, de manière durable ou à l'occasion d'un acte particulier, son conjoint hors d'état de manifester sa volonté sans qu'une mesure de protection juridique soit pour autant ouverte.

Le projet de loi élargit sensiblement le principe de subsidiarité, en prévoyant qu'une mesure judiciaire de protection ne peut être ouverte qu'en cas d'insuffisance du recours non seulement aux règles des régimes matrimoniaux, mais aussi au droit commun de la représentation, aux règles fixant les droits et devoirs entre époux, notamment les devoirs de secours et d'assistance mutuels prévus par l'article 212 du code civil, et à une autre mesure de protection judiciaire ou conventionnelle.

Saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection juridique, le juge devra donc vérifier désormais si les difficultés du majeur peuvent être réglées par le jeu d'une procuration, par l'application des droits et des devoirs de son conjoint, et par le recours à un régime de protection moins incapacitant : qu'il s'agisse d'une mesure judiciaire, y compris la sauvegarde de justice 58 ( * ) , du d'une mesure conventionnelle comme le mandat de protection future.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité prévoir explicitement que le mandat de protection future s'impose au juge, s'il assure une protection suffisante du majeur .

La définition d'un principe de proportionnalité est une novation du projet de loi, destinée à adapter la mesure à la situation du majeur. Elle se traduit par une double exigence :

- d'une part, le choix de la mesure doit dépendre du degré d'altération des facultés de la personne à protéger ;

- d'autre part, le contenu de la mesure doit être individualisé en fonction de cette altération.

Cette dernière exigence est déclinée dans la suite du texte par plusieurs dispositions autorisant le juge à adapter le contenu de chaque mesure.

Votre commission vous soumet un amendement de précision et un amendement rédactionnel.

* 56 Cass. 1 ère civ, 12 mai 1981.

* 57 Cass. 1 ère civ, 24 oct. 1995.

* 58 Si l'article 509 soumet la curatelle, comme la tutelle, au constat de l'insuffisance du droit commun des régimes matrimoniaux, la sauvegarde de justice n'est pas soumise à cette exigence.

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