Art. 495-3 du code civil : Principe d'absence d'incapacité
liée à la mesure d'accompagnement judiciaire

L'article 495-3 nouveau du code civil pose le principe d'absence d'incapacité, liée à la MAJ, de la personne intéressée.

Contrairement à la sauvegarde de justice -lorsqu'il est désigné un mandataire spécial-, à la curatelle et à la tutelle, la MAJ ne constitue pas une mesure entraînant une incapacité plus ou moins large de l'intéressé dans ses actes juridiques. C'est d'ailleurs cette différence qui a justifié, aux yeux du Gouvernement, le fait que cette mesure qui s'apparente davantage à une action éducative et sociale ne figure pas au chapitre II du titre IX nouveau du code civil qui traite des « mesures de protection juridique ».

En posant le principe que le bénéficiaire de la MAJ reste une personne majeure capable, la présente disposition ne fait donc que consacrer formellement et juridiquement cette différence essentielle.

Pour autant, le texte proposé réserve très justement l'application des dispositions de l'article 495-7 nouveau du code civil dans sa rédaction issue du présent article. En effet, la MAJ emporte la gestion directe des prestations sociales de l'intéressé par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs désigné par le juge : il s'agit donc, sur cette question, d'une véritable incapacité du majeur à gérer lui-même les prestations dont il bénéficie et qui font l'objet de la MAJ.

Art. 495-4 et 495-5 du code civil : Prestations concernées par la mesure d'accompagnement judiciaire - pouvoirs du juge lors de l'exécution de la mesure

Les articles 495-4 et 495-5 nouveaux du code civil définissent les catégories de revenus qui pourront être concernées par la MAJ si elle est prononcée par le juge.

• Les catégories de revenus susceptibles d'être soumis à la mesure d'accompagnement judiciaire

A la suite de l'adoption de cet article à l'Assemblée nationale, la MAJ peut concerner tant les prestations sociales perçues par la personne protégée que d'autres ressources du majeur.

- Prestations sociales susceptibles de faire l'objet de la mesure

La MAJ ne peut, en tout état de cause, porter sur l'ensemble des prestations dont l'intéressé est bénéficiaire.

En premier lieu, en vertu de l'article 495-4 nouveau , les prestations de retraite sont d'office exclues de la mesure. Le Gouvernement justifie cette exclusion par l'existence d'un doute sur l'interprétation de la notion de « prestation sociale », qui ne bénéficie ni d'une réelle définition textuelle ni d'une réelle définition jurisprudentielle.

Il est en effet fait valoir que, sans cette précision, la rédaction de l'article 495-4 pourrait laisser accroire que toutes les pensions de retraite pourraient faire l'objet de la MAJ alors que le souhait du Gouvernement est de ne permettre une gestion dans le cadre de la MAJ que des allocations de retraites suivantes :

- l'allocation supplémentaire vieillesse servie par le Fonds national de solidarité ;

- l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS) ;

- de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mise en place par l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse.

Votre commission relève toutefois qu'à l'inverse, l'exclusion générale des prestations de retraite par le projet de loi pourrait se comprendre comme excluant l'intégralité des allocations versées au titre de la retraite, en ce compris les allocations que le Gouvernement souhaiterait voir soumises, sur décision du juge des tutelles, à la MAJ.

Aussi, vous propose-t-elle de supprimer, par amendement, l'exclusion expresse des prestations de retraite. Le Gouvernement pourra en conséquence, par décret, sans contestation juridique, introduire les allocations versées à certains retraités dans le dispositif de la MAJ .

En deuxième lieu, la liste des prestations sociales pouvant faire l'objet de la mesure sera définie par le Gouvernement par la voie d'un décret simple .

Sur ce point, le Gouvernement a fait connaître à votre rapporteur que les prestations sociales concernées devraient être :

- d'une part, celles qui peuvent actuellement faire l'objet d'une mesure de tutelle aux prestations sociales, à savoir : l'allocation de revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation aux adultes handicapés (AAH), prestation de compensation du handicap (PCH), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'allocation supplémentaire vieillesse servie par le Fonds national de solidarité, et l'allocation de vieillesse aux vieux travailleurs salariés (AVTS) ;

- d'autre part, les allocations destinées à payer un loyer, c'est-à-dire : l'aide personnalisée au logement (APL), l'allocation de logement familiale (ALF), l'allocation de logement sociale (ALS) ;

- en troisième lieu, les prestations familiales définies par l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale, à savoir la prestation d'accueil du jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation logement, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'allocation de soutien familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de parent isolé, et l'allocation journalière de présence parentale ;

- la rente d'orphelin versée en cas d'accident du travail (article L. 434-10 du code de la sécurité sociale) ;

- l'allocation supplémentaire d'invalidité (article L. 815-24 du code de la sécurité sociale) ;

- l'allocation de solidarité aux personnes âgées et le complément de ressources compris dans la garantie de ressources créée par la loi du 11 février 2005 en faveur des personnes handicapées.

En troisième lieu, en vertu du texte proposé pour l'article 495-5 nouveau du code civil, si une mesure de tutelle aux prestations sociales versées pour les enfants coexiste avec une MAJ, les prestations versées du chef de la première sont exclues de plein droit du champ de la seconde .

Cette exception vise en réalité la mesure d'aide à la gestion du budget familial instituée à l'article L. 375-9-1 nouveau du code civil tel qu'il résulte actuellement de l'article 12 du projet de loi réformant la protection de l'enfance, adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 10 janvier 2007 et inscrit dans les prochains jours à l'ordre du jour du Sénat. Cette disposition prévoit qu'un « délégué aux prestations familiales » pourra, sur décision du juge des enfants, percevoir les prestations familiales perçues par un parent si celles-ci ne sont pas employées « pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaît pas suffisant ».

Par souci de précision, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de M. Emile Blessig, préféré viser les articles L. 552-6 et L. 755-4 du code de la sécurité sociale qui, eux-mêmes réécrits par le projet de loi réformant la protection de l'enfance, précisent les conditions de financement de la mesure d'aide à la gestion du budget familial et ont l'avantage d'être déjà inscrits dans le droit positif.

Cette exception vise à prévenir tout risque de cumul entre deux régimes de protection obéissant à des logiques proches mais néanmoins dissemblables et impliquant l'intervention d'acteurs judiciaires ou sociaux différents.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture du texte proposé pour l'article L. 495-5 nouveau tendant à en améliorer la rédaction afin qu'elle puisse mieux prendre en compte la nature de la future mesure d'aide à la gestion du budget familial.

En dernier lieu, parmi les prestations susceptibles de faire l'objet de la MAJ, il reviendra au juge de déterminer, en fonction d'une appréciation in concreto de la situation de l'intéressée, celles qui seront effectivement gérées pour son compte dans le cadre de la mesure . Cette possibilité de modulation permettra au juge d'ajuster la mesure au plus près de la situation personnelle de l'intéressé.

- Autres ressources susceptibles de faire l'objet de la mesure

Contre l'avis de sa commission des lois et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Mme Patricia Adam et plusieurs de ses collègues socialistes, tendant à permettre la gestion, dans le cadre de la MAJ, de tout ou partie des ressources du majeur .

Cette possibilité ne pourra être mise en oeuvre qu'à trois conditions :

- l'insuffisance pour assurer la santé ou la sécurité d'une mesure limitée à la seule gestion des prestations sociales ;

- le caractère exceptionnel du recours à cette possibilité ;

- l'obligation pour le juge de motiver spécialement sa décision d'étendre la MAJ à d'autres ressources.

En séance, cette modification a en particulier été soutenue par M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Votre commission tient à préciser que le choix fait initialement par le Gouvernement de limiter la MAJ à la gestion des seules prestations sociales s'inscrit dans la continuité de la TPSA. Toutefois, la majorité des personnes entendues par votre rapporteur lors de ses auditions a jugé ce dispositif trop restrictif.

Il est certain que, alors que le projet de loi tend à instaurer une démarche de protection graduelle, la mesure judiciaire qu'est la MAJ peut sembler marque un certain retrait par rapport à la mesure administrative que constitue la mesure d'accompagnement social personnalisée (MASP). En effet, aux termes de l'article L. 271-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles, la MASP vise non seulement la gestion des prestations sociales de l'intéressé mais également, plus largement, son « accompagnement social ». Cette situation s'explique cependant par le passage d'un dispositif fondé sur le contrat -qui préserve donc le consentement de la personne en difficulté- à un dispositif coercitif mis en place sur décision judiciaire.

Plusieurs personnalités entendues ont ainsi émis la crainte qu'en cas d'échec d'une MASP, la tentation soit grande pour le juge, à l'égard d'une personne dont les facultés mentales ou corporelles ne sont pas altérées mais qui n'est malgré tout pas à même de gérer l'ensemble de ses ressources, y compris celles ne résultant pas de ses prestations sociales, d'ouvrir une mesure de protection judiciaire plus lourde telle qu'une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle. Elles ont fait valoir qu'une telle situation remettrait en cause l'un des principaux objectifs de la réforme qui est de recentrer l'accompagnement social sur des mesures telles que la MASP et la MAJ.

Votre commission comprend ces préoccupations mais relève les difficultés soulevées par le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Il ressort en effet du texte proposé que le seul fait de percevoir des prestations sociales exposera la personne qui bénéficie par ailleurs d'autres revenus pourra se voir interdire de gérer l'ensemble de ses revenus, sans son consentement. Or, on peut légitimement s'interroger sur ce qui justifie réellement l'instauration d'une telle mesure de contrainte pour ces seules personnes.

En réalité, c'est finalement la philosophie d'une mesure de protection applicable aux majeurs qui ne connaissent pas d'altération de leurs facultés mentales ou corporelles qui doit être posée :

- soit la MAJ constitue une mesure de protection des personnes qui se trouvent démunies et n'ont d'autres ressources que les prestations sociales qui leur permettent de vivre dans une situation de dignité, de décence et de santé minimale ;

- soit la MAJ apparaît comme une aide à la gestion budgétaire de toute personne dont les difficultés à gérer ses ressources l'exposent à tomber dans le besoin et à solliciter le bénéfice de minima sociaux. Dans une telle hypothèse, la MAJ n'apparaît ni plus ni moins que comme une forme « rénovée » de la curatelle renforcée pour prodigalité... que le Gouvernement souhaite supprimer. Or, ce type de curatelle pour prodigalité n'est plus prononcé par le juge des tutelles : en pratique, il n'ouvre de procédure de protection que si le prodigue est dans un état d'altération de ses facultés mentales.

C'est la raison pour laquelle votre commission vous invite à supprimer, par amendement de réécriture globale de l'article L. 495-4, la possibilité d'appliquer la mesure d'accompagnement judiciaire à d'autres éléments de revenus que les seules prestations sociales.

• Les pouvoirs du juge lors de l'exécution de la mesure

Le projet de loi, dans le cadre du dernier alinéa de l'article 495-4 nouveau du code civil, entend permettre au juge des tutelles, une fois la mesure prononcée, de surveiller sa bonne exécution.

Aux termes du second alinéa du texte proposé pour l'article 495-4 nouveau du code civil, il appartiendra au juge ayant prononcé la MAJ de statuer sur les éventuelles difficultés survenant dans la mise en oeuvre de la mesure.

Au cours de la MAJ, des difficultés peuvent en effet survenir dans la gestion effectuée par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, qui peut notamment être remise en cause par la personne bénéficiaire des prestations.

Par ailleurs, afin d'adapter la mesure d'accompagnement à l'évolution de la situation de la personne, la même disposition reconnaît au juge la possibilité d'en modifier l'étendue .

Ainsi, le juge pourra décider d'étendre la MAJ à d'autres prestations que celles initialement prévues lors de son prononcé, s'il s'avère que la situation de l'intéressé s'est aggravée. A l'inverse, il pourra « alléger » la MAJ en redonnant à l'intéressé la gestion des certaines prestations sociales confiée par jugement au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, afin de renforcer graduellement son autonomie.

De la même manière, le juge pourra mettre fin, à tout moment, à la mesure. Tel sera le cas, notamment, s'il s'avère que l'autonomie de l'intéressé dans la gestion de ses ressources est rétablie avant l'arrivée du terme de la mesure.

Le texte proposé ne définit cependant pas les conditions de saisine du juge. Toutefois, s'agissant d'une mesure ouverte par le juge et sur laquelle il exerce son contrôle, le juge pourra se saisir d'office. Le Gouvernement a fait connaître à votre rapporteur que les points de procédure, en particulier l'audition de l'intéressé et du mandataire, seront définies par le décret d'application de la loi.

Votre commission vous propose, par un amendement de réécriture globale de l'article 495-5, de clarifier ce point et de préciser que le juge pourra, à tout moment, être se saisir d'office ou être saisi par les personnes susceptibles de solliciter le renouvellement de la MAJ au-delà de sa durée initiale, après avoir entendu ou dûment appelé la personne .

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