CHAPITRE III
DE LA MESURE D'ACCOMPAGNEMENT JUDICIAIRE

Le nouveau chapitre III du titre XI du code civil, tel qu'il est prévu par l'article 5 du projet de loi, institue une « mesure d'assistance judiciaire », ordonnée par le juge, se substituant à l'actuelle tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), prévue par les articles L. 167-1 à L. 167-5 du code de la sécurité sociale et supprimée par l'article 22 du présent projet de loi.

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité substituer à cette dénomination celle de mesure « d'accompagnement » judiciaire, afin de marqué une continuité avec la mesure d'accompagnement social personnalisé prévue par l'article L. 271-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles dans la rédaction proposée par l'article 9 du projet de loi.

La mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) a vocation à remplir l'objectif assigné dès la loi n° 66-774 du 18 octobre 1966 par le législateur à la TPSA, à savoir substituer un tiers à la personne en difficulté dans la gestion de tout ou partie de ses prestations sociales. Il présente néanmoins plusieurs différences majeures avec le système actuel :

-- d'une part, ce nouveau dispositif est inséré dans le code civil , ce qui permet d'assurer une certaine unité avec l'ensemble des mesures de protection qui peuvent être décidées, à l'égard d'un majeur, par le juge des tutelles ;

- d'autre part, dans le souci d'apporter une réponse graduelle aux difficultés, essentiellement de nature sociale, rencontrées par un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens, la mesure d'accompagnement judiciaire ne pourra être mise en oeuvre qu'en cas d'échec des mesures d'accompagnement social définies par les articles L. 271-1 à L. 271-4 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de l'article 8 du présent projet de loi ;

- ensuite, ce nouveau dispositif ne pourra pas se cumuler avec une mesure de protection juridique telle que la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle , évitant ainsi certains doublons connus en pratique aussi inefficaces pour la protection des intéressés que coûteux pour la collectivité ;

- enfin, la saisine du juge aux fins du prononcé de cette mesure ne pourra provenir que du seul procureur de la République , sur la base d'une évaluation préalable opérée par les services sociaux du département.

Art. 495 du code civil : Conditions d'ouverture et objet
de la mesure d'accompagnement judiciaire

L'article 495 du code civil, entièrement réécrit par rapport à sa rédaction actuelle, définit les conditions d'ouverture de la mesure d'accompagnement judiciaire ainsi que son objet. Il n'a fait l'objet que de modifications d'ordre rédactionnel lors de son examen à l'Assemblée nationale.

• Les conditions d'ouverture de la mesure d'accompagnement judiciaire

Le texte proposé soumet l'ouverture par le juge d'une mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) à trois conditions cumulatives :

- en premier lieu, l'échec des mesures d'accompagnement social préalablement mises en oeuvre.

Contrairement à la TPSA, qui peut actuellement intervenir sans qu'ait été tenté au préalable un accompagnement social de nature administrative et non judiciaire, la MAJ se positionne à l'issue d'une sorte de « parcours de prise en charge », de nature graduelle et dont il constitue le dernier échelon.

Aussi la MAJ ne pourra-t-elle être ordonnée que si la mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) -prévue à l'article L. 271-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles tel que rédigé par l'article 8 du présent projet de loi- ou l'affectation directe des prestations sociales au bailleur du logement de l'intéressé -prévue par l'article L. 271-4 nouveau du même code résultant du même article 8- n'a pas permis à celui-ci de gérer ses prestations de façon satisfaisante .

Une telle situation rend en effet nécessaire de poursuivre l'assistance de la personne dans la gestion de ses prestations, cet accompagnement intervenant dans le cadre de la MAJ ;

- en deuxième lieu, le fait que la mauvaise gestion des prestations sociales compromette la santé ou la sécurité de l'intéressé .

La nature même des prestations sociales, quelle qu'en soit la forme, est en effet d'assurer la qualité de vie de leurs bénéficiaires, en les préservant autant que possible des atteintes à leur santé ou leur sécurité. Dès lors, il apparaît pertinent de prévoir l'administration des prestations sociales par un tiers pour le compte d'un bénéficiaire qui n'est pas en mesure d'utiliser de façon satisfaisante ses prestations.

Tel est déjà l'objet de la TPSA. Toutefois, la condition d'ouverture retenue par le présent article se distingue sensiblement de celle actuellement prévue par l'article L. 167-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit l'ouverture d'une TPSA, non seulement lorsque les prestations ne sont pas utilisées dans l'intérêt du bénéficiaire, mais aussi lorsque, en raison de son état mental ou d'une déficience physique, celui-ci vit dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses.

Ce second cas d'ouverture disparaît dans le cadre de la MAJ qui n'est donc qu'une assistance à des personnes connaissant des difficultés dans la gestion de leurs ressources qui ne sont pas liées à leur état mental ou physique. Aussi, si les difficultés constatées de la personne à pourvoir seule à ses intérêts est la résultante d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles, la MAJ ne pourra pas être prononcé par le juge, les procédures adaptées à une telle situation étant, à titre exclusif, la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.

- en dernier lieu, l'absence de possibilité de faire gérer les prestations sociales de l'intéressé par son conjoint. Cette condition résulte en réalité de l'application généralisée à l'ensemble des régimes de protection des majeurs du principe de subsidiarité. Il n'est en effet pas pertinent de prévoir une procédure judiciaire, lourde par nature, si d'autres règles moins contraignantes peuvent déjà s'appliquer.

Or, sur ce point, le code civil comporte plusieurs dispositions susceptibles de permettre au conjoint d'une personne qui n'est pas en mesure de gérer de façon autonome les prestations sociales qui lui sont versées de les gérer dans son intérêt. Il s'agit des dispositions relatives aux droits et devoirs respectifs des époux, définies aux articles 217 à 220-1 du code civil. Ces dispositions autorisent en effet l'un des époux à agir pour le compte et au nom de l'autre dans des circonstances déterminées, après avoir reçu mandat de celui-ci ou sur autorisation du juge.

Le texte proposé ne définit pas le juge compétent pour prononcer la mesure. Votre commission souhaite, pour lever toute ambiguïté, confier cette compétence au juge des tutelles et vous soumet un amendement en ce sens.

• L'objet de la mesure d'accompagnement judiciaire : le rétablissement de l'autonomie de l'intéressé dans la gestion de ses ressources.

Si l'une des conditions d'ouverture de la MAJ tient à l'incapacité de gestion, par l'intéressé, de ses seules prestations sociales, l'objet de cette mesure est, aux termes du texte proposé, plus étendue, puisqu'il s'agit d'une mesure d'accompagnement judiciaire « destinée à rétablir l'autonomie de l'intéressé dans la gestion de ses ressources ».

A priori , la rédaction retenue par le présent article implique que la mesure ne portera pas uniquement sur une aide à la gestion des prestations sociales ; elle pourra s'appliquer aux autres ressources que la personne pourrait tirer de son travail voire de son patrimoine. Une telle interprétation semblait cependant remise en cause par le texte proposé par l'article 495-4 nouveau du code civil qui, dans la version initiale du projet de loi, limitait l'objet de la MAJ à la seule gestion des prestations sociales.

Ce manque de cohérence -soulevé par de nombreux intervenants des régimes de protection des majeurs qui ont estimé que la MAJ interviendrait alors de façon seulement marginale et conduirait le juge des tutelles à préférer ouvrir une mesure de curatelle ou de tutelle permettant d'assister ou de suppléer la personne dans la gestion de l'ensemble de ses revenus- a été supprimé par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, grâce à une extension du dispositif prévu à l'article 495-4 nouveau du code civil.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page