IV. BULGARIE ET ROUMANIE : LES NOUVELLES FRONTIÈRES DE L'UNION

L'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie clôt le cycle d'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale ainsi que Malte et Chypre. Elle représente aussi l'adhésion d'Etats des Balkans, alors qu'une « perspective européenne » a été ouverte aux Etats des Balkans occidentaux. Ces deux pays devraient ainsi contribuer à renforcer la dimension méridionale de l'Union européenne.

La Bulgarie appartient culturellement au monde slave et la langue roumaine est d'origine latine, mais la francophonie est très présente et vivante dans ces deux pays.

Ces deux Etats, qui sont la nouvelle frontière de l'Union européenne du Sud-Est, aux confins de l'Ukraine et de la Turquie, partagent cependant de nombreux traits communs, tant sur le plan économique et social que sur leurs principales préoccupations en matière de politique extérieure.

A. UN CONSENSUS POLITIQUE POUR L'ADHÉSION

En Bulgarie, la victoire du PSB (parti socialiste) aux dernières élections législatives du 25 juin 2005 n'a pas défini de majorité parlementaire et les trois principaux partis représentés au Parlement ont finalement conclu un accord le 7 août suivant, ouvrant la voie à la formation d'un gouvernement de « grande coalition », lui donnant ainsi une ample majorité (169 sièges sur 240) nécessaire aux réformes difficiles encore attendues pour entrer dans l'Union. Le chef du PSB, Serguei Stanichev, a été nommé Premier ministre par le Parlement.

Ce gouvernement de « grande coalition » est d'abord un gouvernement d'adhésion à l'Union européenne, comme en témoignent le maintien à leur poste de ministres présents sous la législature précédente dans des secteurs déterminants pour l'adhésion : à l'intégration européenne, Mme Kouneva, et à la Justice, pierre d'achoppement essentielle du processus d'adhésion, M. Petkanov.

La question de l'adhésion à l'Union européenne devrait tenir une place essentielle dans le débat pour l'élection présidentielle du 22 octobre 2006, où l'actuel président, M. Parvanov, candidat à sa propre succession, devrait être jugé sur son bilan dans ce domaine face à une opposition qui reste cependant faible et divisée.

En Roumanie, les élections de novembre-décembre 2004 ont conduit à une véritable alternance politique.

Aux élections législatives du 26 novembre 2004, l'union au pouvoir PSD-PUR (parti social démocrate - parti humaniste) est arrivée en tête avec 36,61% des suffrages, tandis que l'alliance PNL-PD (parti national libéral - parti démocratique) appelée « D.A. » (« justice et vérité ») en a obtenu 31,33%. Le PRM, parti d'extrême droite (parti de la grande Roumanie) a vu sa perte de vitesse confirmée par rapport aux dernières élections, avec un résultat de 12,92%. L'UDMR, parti de la minorité hongroise (union des Magyars démocrates de Roumanie), a obtenu quant à lui 6,17% des suffrages.

L'élection présidentielle a été remportée par M. Basescu, maire de Bucarest, président du PD et candidat de l'alliance « D.A. ».

Alors que les élections législatives n'avaient pas permis de dégager de majorité claire (sur les 332 sièges que compte la Chambre des députés, le PSD en a remporté 114 et l'alliance « D.A. » 112), la formation d'un gouvernement par l'alliance « D.A. » a été rendue possible grâce au ralliement du PUR (rebaptisé PC, Parti Conservateur) et de l'UDMR, parti de la minorité hongroise, après l'élection de M. Basescu. Le Premier Ministre Tariceanu a été nommé le 28 décembre 2004.

Le gouvernement mène une politique de réforme, axée sur l'achèvement de la préparation de l'adhésion de la Roumanie à l'UE, sur fond de dissension entre le Président (PD) et le Premier Ministre (PNL).

B. DES ÉCONOMIES EN RATTRAPAGE

Après des années de transition difficiles, les économies bulgare et roumaine bénéficient depuis plusieurs années d'une croissance parmi les plus élevées d'Europe soutenue par une forte progression des investissements directs étrangers, qui s'accompagne de taux d'inflation et de chômage qui restent élevés.

Elles sont marquées par le poids du secteur agricole, qui emploie 37 % de la population active roumaine et 23 % de la population active bulgare.

Le revenu par habitant ne représente que 30 % de la moyenne de l'UE-25 , la Bulgarie devenant le pays le plus pauvre de l'Union européenne en termes de PIB par habitant.

Bulgarie

PNB per capita

6324 € per capita (en parité de pouvoir d'achat), soit 30.8% de la moyenne UE-25 en 2004

Taux de croissance

4.9% en 2002; 4.5% en 2003; 5.6% en 2004

Taux d'inflation

6.1% en 2004

Taux de chômage

11.9%

Monnaie

1 lev = 100 stotinki
1 Euro = 1.95583 leva (BGN)

Budget

Excédent budgétaire de 1.3% du RNB en 2004

Balance des paiements (2004)

-1452.8 million d'euros, soit 7.4% du RNB

Dette extérieure

55.9 % du RNB en 2004

Commerce avec l'UE (2004)

54.2% du total des exportations

Importations de l'UE

48.2 % du total des importations

Roumanie

PNB per capita (2004)

7000 euro, soit 31.4% de la moyenne UE-25

Taux de croissance

5% en 2002; 5.2% en 2003; 8.3% en 2004

Taux d'inflation (2004)

11.9%

Taux de chômage

6.8% in 2004

Monnaie

Lei 1 leu = 100 bani.
octobre 2005: 1 EUR = 1 € = 3.6503 RON

Budget

-1.4% du PNB en 2004

Balance des paiements (2004)

-7.5% du PNB

Dette extérieure

18.5% du PNB en 2004

Commerce avec l'UE-25 (2003 )

Exportations: 74%
Importations: 68%

C. QUELLE CONTRIBUTION À LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE ?

Les deux nouveaux entrants représentent une nouvelle frontière extérieure pour l'Union européenne. La Roumanie est ainsi frontalière de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Serbie, de la Hongrie et de la Bulgarie. La Bulgarie est frontalière de la Turquie, de la Macédoine et de la Serbie et de la Roumanie. Les deux Etats occupent une position géographique privilégiée de carrefour entre l'Europe, le monde slave et le Proche et Moyen-Orient. Pour cette raison, ils ont aussi eu une histoire émaillée de conflits et d'occupations. Ils représentent un pôle de stabilité remarquable dans une région marquée par la présence de minorités ethniques et des découpages territoriaux propices aux irrédentismes.

L'histoire et la persistance d'un environnement régional instable ont conduit à faire de l'adhésion à l'Alliance atlantique une des priorités premières de la politique étrangère de la Roumanie et de la Bulgarie.

Les deux Etats sont devenus membres de l'OTAN en avril 2004, la décision de principe ayant été prise au sommet de Prague de 2002. Tous deux ont participé à la coalition conduite par les Etats-Unis en Irak. Le Parlement bulgare a finalement voté, le 5 mai 2005, une proposition du Gouvernement de retrait du contingent bulgare d'Irak à la fin de la même année, 150 hommes ayant été maintenus sur le terrain. Un débat s'est ouvert en Roumanie sur ce sujet à la suite des prises de position publiques du ministre de la défense en faveur d'un retrait des troupes roumaines d'Irak. Après la Roumanie qui avait signé un tel accord en décembre 2005, la Bulgarie a par ailleurs finalisé un accord avec Washington, le 24 mars 2006, permettant l'utilisation, par les forces américaines, de trois bases militaires.

Les deux Etats ont aussi un intérêt particulier à la stabilisation de la situation de la région des Balkans occidentaux dont ils subissent le contrecoup notamment, ainsi que l'a souligné l'ambassadeur de Bulgarie à Paris devant votre rapporteur, en termes de trafics et de criminalité organisée. Ils développent une politique régionale active et plaident pour une politique européenne active en mer noire, devenue, du fait de l'élargissement, une mer européenne.

Dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, les deux Etats recherchent une complémentarité entre l'appartenance à l'OTAN, alliance de défense collective et à l'Union européenne, acteur de politique étrangère et de défense d'autre part.

Bulgarie et Roumanie ont décidé de participer à un « groupement tactique 1500 hommes » à partir du second semestre 2007, avec la Grèce en nation cadre, renforçant ainsi son positionnement dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. La Bulgarie a également annoncé l'envoi d'un contingent au Liban et sa participation à la reconstruction.

Lors de la visite de votre rapporteur, ses interlocuteurs roumains et bulgares ont fait part de leur intention d'être acteurs de l'ensemble des politiques communes et, singulièrement de la politique étrangère et de sécurité commune. Mieux que quiconque, ils ont pu mesurer les effets désastreux de l'absence de cohésion européenne dans le conflit d'ex-Yougoslavie et prendre conscience de sa nécessité. Pôles de stabilité dans une région difficile, ils seront des partenaires précieux. L'équilibre Nord-Sud, le projet euro méditerranéen et la politique de voisinage rencontrent un écho particulier dans ces pays.

D. UNE DÉMOGRAPHIE PRÉOCCUPANTE

Bulgarie et Roumanie forment un ensemble de près de trente millions d'habitants.

La Bulgarie compte près de huit millions d'habitants. Au cours de la décennie 1990, la population bulgare est passée, de 8,8 à 7,9 millions d'habitants sous l'effet d'une forte émigration et d'une baisse du taux de fécondité. Le pays, à majorité slave et orthodoxe, comprend une forte minorité turcophone (11%) ainsi qu'une minorité tzigane (8 %).

La Roumanie comptait 21, 65 millions d'habitants au 1 er janvier 2005, ce qui la place au septième rang des pays de l'Union en termes de population. Les minorités les plus importantes sont la minorité hongroise (8%) et la minorité rom (environ 2%). La population roumaine diminue, conjuguant un accroissement naturel négatif et une migration nette également négative.

En 2004, le taux de fécondité des deux pays est en légère augmentation, il s'établit à 1,29, soit nettement en dessous du taux de fécondité moyen dans l'UE-25 (1,5 enfant par femme) où, en tout état de cause, aucun Etat membre n'atteint le seuil de renouvellement des générations.

Préoccupante à terme pour le dynamisme de ces deux pays, leur démographie conduit à relativiser les craintes d'une migration massive en Europe occidentale.

E. QUELS PARTENAIRES POUR LA FRANCE ?

Les relations bilatérales de la France avec la Bulgarie et la Roumanie sont anciennes et de qualité. Elles sont servies par une francophonie vivante et active dans les deux pays.

1. Bulgarie : des relations qui s'intensifient

La France bénéficie traditionnellement d'un fort capital de sympathie. Les contacts politiques se sont développés à partir de 2003, notamment avec les visites à Paris du Président Parvanov (novembre 2003) et du Premier Ministre Siméon de Saxe-Cobourg Gotha à Paris (octobre 2004).

Ces rencontres ont permis de donner une nouvelle impulsion au dialogue politique et à la coopération, axée sur la préparation de l'adhésion de ce pays à l'UE.

Dans le dossier des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien emprisonnés en Lybie depuis huit ans et accusés à tort d'avoir volontairement inoculé le sida à des enfants libyens, la Bulgarie apprécie, ainsi que votre rapporteur a pu le constater sur place, le soutien de la France sur une question sensible.

Les relations économiques ont longtemps été contrariées par le contexte financier défavorable en Bulgarie, ainsi que par la relative lenteur de la réorientation des flux de l'économie bulgare (il a fallu attendre la fin de l'année 1997 pour que le volume des échanges avec l'UE dépasse celui des échanges avec les pays de l'ex-CAEM).

L'amélioration de la conjoncture économique en Bulgarie (5,5% de croissance en 2005) a permis une progression sensible des échanges commerciaux avec la France, qui ont doublé en six ans. La France est le sixième partenaire commercial de la Bulgarie, avec une part de marché de 5,3% en 2005. Le volume des investissements français, bien que faible, est en progression, plaçant notre pays au 13ème rang, avec la présence de grandes entreprises (Framatome, Danone, Schneider, Ciments français, Air liquide, BNP-Paribas, Société générale). Par ailleurs, un important contrat de vente d'hélicoptères militaires, a été conclu à la fin du mois de décembre 2005 par la société Eurocopter. Notre pays est également actif dans le secteur de l'énergie avec la participation d'Alstom Power à la réalisation d'une nouvelle centrale thermique (Maritza) et son cofinancement par BNP-Paribas, et le consortium AREVA est candidat pour le projet de construction d'une nouvelle centrale nucléaire (Béléné).

En matière culturelle, la Bulgarie a adhéré, en 1993, à l'Organisation Internationale de la Francophonie lors du Sommet de l'Ile Maurice. Le dispositif de coopération culturelle et linguistique repose sur un Institut français et le Lycée français de Sofia, huit Alliances françaises, cinquante neuf sections bilingues dans le secondaire et huit filières universitaires francophones, relayées par un vaste programme de bourses d'études.

La Bulgarie se place au deuxième rang des pays d'Europe centrale et Orientale enseignant le français, avec 10% des effectifs de l'enseignement secondaire.

Dans la perspective de l'adhésion, la coopération française a eu pour objectif de renforcer la capacité administrative de la Bulgarie, condition indispensable pour reprendre l'acquis communautaire, en privilégiant l'appui aux projets de nature à faciliter l'intégration européenne (par exemple à travers les jumelages) et, d'autre part, à renforcer les positions du français.

La France a remporté 14 jumelages institutionnels PHARE depuis le début de l'exercice en 1998 et s'est classée première en 2005 avec l'attribution d'un tiers des projets. La France apporte donc son soutien à la Bulgarie dans de nombreux domaines, notamment dans ceux de l'agriculture, de la justice et des affaires intérieures, des affaires sociales, de la réforme de l'administration et de la fonction publique. Les questions liées à la justice et aux affaires intérieures font l'objet d'une attention toute particulière.

2. Roumanie : une tradition de relations privilégiées

Les relations de la France et de la Roumanie s'inscrivent dans une tradition de relations privilégiées.

En matière économique, notre pays figure, depuis 1997, au 3ème rang des investisseurs étrangers, avec 11% de part de marché. De grandes entreprises françaises se sont implantées en Roumanie ces dernières années (Elf, Michelin, Eurocopter et Carrefour) s'ajoutant à celles déjà présentes (France Télécom, Lafarge, Renault, Société Générale). Les flux d'investissements directs étrangers français continuent de progresser, soit en raison des nouveaux investissements des entreprises implantées, soit en raison de la venue de nouvelles sociétés. Ces investissements recouvrent l'ensemble des activités économiques, industrielles, traditionnelles et Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC), ainsi que les services. Si la présence économique en Roumanie a jusqu'ici été surtout le fait de grands groupes, les PME sont de plus en plus nombreuses à s'intéresser au marché roumain. La France est (sur les neuf premiers mois de 2005) le 4ème partenaire commercial de la Roumanie avec une part de marché de 6,8%.

En dépit de la très importante progression de la pratique de l'anglais, la francophonie reste vivante et le français est aujourd'hui étudié par plus de la moitié des élèves et parlé par un Roumain sur cinq . Le sommet de la francophonie s'est tenu à Bucarest le 27 septembre 2006.

Cette francophonie s'appuie sur un réseau d'établissements dense : un Institut français à Bucarest, trois Centres culturels et cinq Alliances françaises en province, et un lycée français. A ceux-ci s'ajoutent des sections bilingues dans l'enseignement secondaire (59), des filières francophones (10), des modules d'enseignement francophone de 3ème cycle (17) et dans le supérieur (70), le tout appuyé par un très important programme de bourses d'études. La France est le premier pays d'accueil des étudiants roumains.

En matière de coopération militaire, la Roumanie est, hors Afrique, le seul Etat où la France soutient une école nationale à vocation régionale de formation des gendarmes.

Enfin, la préparation du pays a été soutenue par un grand nombre de programmes de coopération, tant communautaires que bilatéraux, dans les domaines de l'agriculture, du développement rural, du contrôle fiscal ou encore du renforcement des capacités administratives avec le concours de fonctionnaires français, dont un préfet.

Cette coopération s'est ajoutée à des partenariats très actifs dans le domaine de la recherche et de la santé.

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