Art. 808 du code civil : Mise à la charge de la succession des frais engagés avant la renonciation

L'article 808 modifié prévoit enfin que les frais légitimement engagés par l'héritier avant sa renonciation sont à la charge de la succession, conformément aux dispositions actuelles de l'article 797.

CHAPITRE V - DES SUCCESSIONS VACANTES ET DES SUCCESSIONS EN DÉSHÉRENCE

Le projet de loi a pour objet de simplifier le régime des successions non réclamées, vacantes ou en déshérence.

1. Le droit en vigueur

• Une accumulation de textes

Les règles applicables à ces successions sont anciennes, nombreuses et éparses :

- les articles 539 et 724 du code civil ont trait au transfert à l'Etat de la propriété des biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont les successions sont abandonnées, et à l'exigence de l'envoi en possession de l'État en cas de défaut des héritiers ;

- les articles 768 à 770 et 772, composent le chapitre IV (« Des droits de l'Etat » du titre Ier (« Des successions ») du livre troisième du même code ;

- les articles 811 à 814 du même code, concernent les successions vacantes ;

- les articles 998 à 1002 du code (ancien) de procédure civile composent le titre dixième (« Du curateur à une succession vacante »), du livre II (« Des procédures relatives à l'ouverture d'une succession ») ;

- une loi du 20 novembre 1940 confie à l'administration des domaines -originellement administration de l'enregistrement, des domaines et du timbre- la gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes. Le code civil prévoyait, avant 1940, que les successions abandonnées devaient être gérées par un curateur désigné à la discrétion des tribunaux, et placé sous leur contrôle. Ce régime a perduré jusqu'en 1940, année au cours de laquelle la curatelle des successions vacantes a été confiée au service des domaines, en raison de la négligence et de l'inertie d'un grand nombre de curateurs, mais aussi de la constatation de nombreuses malversations, notamment en matière de perception des honoraires sur les actes d'administration pratiqués ;

- un arrêté interministériel du 2 novembre 1971 relatif à l'administration provisoire et à la curatelle des successions a été pris en application de la loi du 20 novembre 1940.

Les départements d'outre-mer sont soumis à un régime spécifique fixé par un décret du 27 janvier 1855 sur l'administration des successions vacantes dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, qui a été modifié par un arrêté du 20 juin 1864, et un décret du 14 mars 1890 sur le service des successions et biens vacants.

• Une juxtaposition de procédures : les successions non réclamées, vacantes et en déshérence

De cette multiplicité de règles découle une juxtaposition de procédures.

L'héritier dispose aujourd'hui de trois mois pour faire inventaire à compter du jour de l'ouverture de la succession, puis de quarante jours pour accepter celle-ci ou y renoncer.

Tant que ces deux délais ne sont pas expirés, si personne ne se présente pour réclamer une succession et s'il n'existe pas d'héritiers connus, ou encore si les héritiers connus y ont renoncé ou restent dans l'inaction, la succession est réputée non réclamée ; elle est également dite administrée car elle est placée sous administration provisoire.

Une fois ces délais expirés, si personne ne se présente pour appréhender la succession, deux situations peuvent se rencontrer : soit il existe des héritiers connus mais qui restent dans l'inaction, auquel cas la succession est également considérée comme non réclamée ; soit il n'y a pas d'héritiers connus ou les héritiers connus y ont renoncé, auquel cas la succession est cette fois réputée vacante.

L'article 768 du code civil prévoit qu'à défaut d'héritiers, la succession est acquise à l'Etat. Les successions que le service des domaines appréhende ainsi sont dites en déshérence. Pour les appréhender, il doit demander l'envoi en possession. Cet envoi en possession peut intervenir alors même que les délais précités ne sont pas expirés, donc sans recours préalable à la procédure de la vacance.

L'article 770 du code civil, qui se réfère aux successions visées par l'article 768, prévoit également que le service des domaines doit demander au tribunal de grande instance l'envoi en possession desdites successions.

L'article 724 du code civil dispose quant à lui qu'à défaut d'héritiers légaux, de légataires ou de donataires universels, la succession est acquise à l'État, sous réserve pour lui de se faire envoyer en possession.

• Une administration par le service des domaines

Lorsqu'une succession est considérée comme non réclamée ou vacante, il y a lieu de nommer, dans le premier cas un administrateur provisoire, dans le second un curateur, pour gérer ce patrimoine.

Toute personne intéressée au règlement de la succession, notamment un créancier successoral, peut solliciter cette nomination au moyen d'une requête adressée au tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession. La nomination du service des domaines peut également s'opérer sur réquisition du ministère public ou à la demande du service lui-même.

En toute hypothèse, l'administration des domaines ne peut pas refuser sa nomination en qualité d'administrateur ou de curateur.

Elle prend alors possession des éléments d'actif et acquitte le passif, à concurrence de la valeur de l'actif qu'elle a recueilli, et peut vendre les biens meubles ou immeubles de la succession, avec des modalités et des conditions qui diffèrent suivant les procédures.

Ainsi, dans le cas des successions non réclamées, la désignation du service des domaines ne l'habilite pas à vendre l'ensemble des biens de la succession pour désintéresser les créanciers. Ses pouvoirs sont en principe limités aux seuls actes d'administration de la succession. Il doit obtenir préalablement l'autorisation du juge pour vendre les biens autres que le mobilier et les objets périssables ou coûteux à conserver.

En revanche, dans le cas des successions vacantes, lorsque le produit de la vente des meubles est insuffisant, le service des domaines peut vendre les biens de toute nature sans autorisation du juge. A l'exception des valeurs mobilières, le service a en outre la faculté, sous certaines conditions de montant, de procéder lui-même à la vente en la forme domaniale.

Si, après règlement complet du passif et paiement des droits de succession, il subsiste un reliquat, celui-ci est consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

Le service rend compte de sa gestion à l'autorité judiciaire qui l'a désigné.

Ultérieurement, le reliquat qui a été consigné peut être appréhendé par l'État au titre des successions en déshérence, et donc être traité en recettes non fiscales du budget de l'Etat.

• Un enjeu administratif et financier important

Dans son rapport spécial 53 ( * ) sur les services financiers, établi au nom de votre commission des Finances à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, notre collègue M. Bernard Angels a mis en exergue l'enjeu administratif et financier que représentent les successions administrées, vacantes et en déshérence :

- les effectifs affectés à la gestion des successions, dans les départements et en administration centrale s'élevaient à un total de 276 agents, toutes catégories confondues, la masse salariale globale correspondante pouvant être évaluée à 12,5 millions d'euros ;

- au 31 décembre 2002, 22.456 successions étaient gérées par le service des domaines au plan national, soit 9.510 successions administrées, 10.799 successions vacantes et 2.147 successions en déshérence. Dans son rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, M. Sébastien Huyghe relève que, de 1995 à 2004, le « flux » annuel est passé de 8.060 dossiers à 10.780 dossiers -soit une hausse de plus d'un quart- dont la moitié de successions vacantes (5.298), 40 % de successions administrées, et 10 % environ de successions en déshérence ;

- la durée moyenne de traitement pouvait être estimée à environ deux ans et six mois pour les successions non réclamées, deux ans et trois mois pour les successions vacantes et un peu moins de deux ans pour les successions en déshérence ;

- le montant des recettes au titre des droits de succession, issues de l'appréhension par l'État des successions en déshérence a varié entre 14 et 23 millions d'euros.

Les éléments statistiques les plus récents des successions gérées par le domaine figurent dans les tableaux ci-après.

Nombre de dossiers gérés

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

9.123

10.421

1.935

21.479

2005

8.270

9.387

2.028

19.685

Source : Administration des domaines

Nombre de dossiers traités

Année

Successions administrées

Successions vacantes

Successions en déshérence

Total

2004

4.063

5.136

1.085

10.274

2005

3.900

4.832

1.055

9.787

Source : Administration des domaines

En ce qui concerne les successions administrées ou vacantes, les reliquats sur successions restant après apuration du passif dont ces patrimoines sont grevés sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations. À l'expiration de la prescription trentenaire, pour les sommes consignées d'un montant supérieur à 77 euros, la Caisse informe les ayants droit de la survenance de la prescription. En l'absence de réclamation, les sommes déchues augmentées des intérêts de consignation sont reversées au budget général. Les encours numéraires en capital s'élevaient à 211 millions d'euros à la fin 2002, à raison de 78 millions d'euros auprès du siège de la Caisse, et d'environ 143 millions d'euros dans le réseau des préposés. Les reversements annuels au Trésor après l'échéance de la prescription sont en revanche modestes, puisqu'ils n'ont varié, ces dernières années, qu'entre 200.000 et 600.000 euros.

Les recouvrements réalisés dans le cadre de la gestion des successions administrées et vacantes sont fréquemment destinés à apurer le passif dont sont grevés ces patrimoines. Ces encaissements ne constituent pas des recettes pour le budget de l'État, mais permettent néanmoins le remboursement de certaines créances publiques. Les données établies par le ministère des Finances montrent que les dépenses annuelles des successions vacantes ou non réclamées (impôts, gaz et électricité, charges de copropriété, téléphone, loyers...) recouvrées grâce à la gestion des successions vacantes, représentent de 110 à 120 millions d'euros.

Sans remettre en cause la pertinence d'une gestion publique des successions vacantes, rendue nécessaire par l'exigence de préservation de manière égale des intérêts de tous les créanciers des successions, notre collègue proposait deux séries de réformes :

- réduire la prescription trentenaire -le projet de loi y procède de manière plus générale en ramenant la prescription du droit de revendication d'une succession de trente à dix ans ;

- unifier les procédures, « la coexistence du régime des successions non réclamées et du régime des successions vacantes se [révélant], à l'expérience, une source d'inutile complexité tant sur le plan pratique que du point de vue juridique, alors qu'il n'existe pas de différence profonde de nature entre ces deux régimes ».

Il évoquait également les pistes d'évolution préconisées par le service des domaines :

- la généralisation de la désignation du service par ordonnance du président du tribunal de grande instance, afin d'accélérer la procédure ;

- la désignation de l'administration des domaines exclusivement en qualité de curateur, afin de permettre au service de prendre à la fois des actes d'administration et des actes de disposition ;

- l'abrogation du régime dit de « la curatelle coloniale », encore actuellement en vigueur dans les départements d'outre-mer, afin que les successions abandonnées y soient gérées selon les mêmes modalités que celles applicables sur l'ensemble du territoire.

Lors de l'examen de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, le Sénat avait proposé, à l'initiative de votre commission des lois, d'unifier le régime des successions non réclamées, vacantes et en déshérence . L'Assemblée nationale s'y était opposée, sans même examiner le bien-fondé des mesures proposées, prétextant de l'encombrement du calendrier parlementaire et exprimant sa crainte de voir retardée la réforme des droits du conjoint survivant.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale s'inspire opportunément des propositions du Sénat.

2. La réforme proposée

Sur la forme, il tend à rassembler les règles applicables en un seul chapitre du code civil composé de deux sections respectivement consacrées aux successions vacantes et aux successions en déshérence 54 ( * ) .

L'actuel chapitre IV, consacré aux droits de l'État, et la section 4 du chapitre V, consacrée aux successions vacantes, seraient ainsi unifiés, tandis que seraient codifiées plusieurs dispositions de la loi du 20 novembre 1940 et celles de l'arrêté du 2 novembre 1971 revêtant une valeur législative.

En conséquence, l'article 25 prévoit l'abrogation de la loi du 20 novembre 1940. Les dispositions de nature réglementaire de l'arrêté du 2 novembre 1971 seraient soit reprises dans le décret d'application de la présente loi, soit abrogées. Les articles 998 à 1002 de l'ancien code de procédure civile devraient être abrogés, en application du 2° de l'article 25 du projet de loi, pour être remplacés par des mesures réglementaires prises par décret.

L'article 25 du projet de loi tend également à abroger le régime propre aux départements d'outre-mer, de sorte que ces collectivités territoriales seraient désormais soumises au droit commun.

Sur le fond, le dispositif proposé tend à améliorer la procédure de la vacance, d'une part en prévoyant sa publicité ( article 809-1 ), d'autre part en permettant une gestion allégée et plus dynamique du patrimoine de la succession, notamment au moyen d'une nouvelle procédure de vente des biens successoraux permettant un règlement plus rapide des créanciers de la succession ( article 810-3 ). Ces derniers pourraient en outre s'opposer aux ventes réalisées de gré à gré et demander qu'elles soient remplacées par une vente par adjudication.

Il vise également à éviter, à l'avenir, que les héritiers ne laissent l'État gérer la succession vacante avant de la réclamer lorsque, au terme de la procédure, est constaté un actif net une fois le passif réglé ( article 807 ). Ainsi, une fois l'Etat envoyé en possession, il deviendrait impossible de révoquer la renonciation par une acceptation pure et simple. L'héritier hésitant serait donc légitimement incité à accepter la succession à concurrence de l'actif net et à la liquider, soit lui-même, soit par l'intermédiaire d'un mandataire successoral, à son choix.

* 53 Rapport n° 73 (Sénat, 2003-2004).

* 54 L'article 23 du projet de loi tend également à reprendre le premier alinéa de l'article 16 de l'arrêté du 2 novembre 1971.

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