Art. 795 du code civil : Conditions d'opposabilité de la déclaration de conserver un bien

L'article 795 modifié précise les conditions d'opposabilité de la déclaration de conservation d'un bien par l'héritier et la sanction du manquement à l'obligation d'information de l'aliénation.

? Le projet de loi prévoit que la déclaration de conservation d'un bien n'est opposable aux créanciers que lorsqu'elle a été « dénoncée », c'est-à-dire publiée , ainsi que l'a clarifié l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Les créanciers successoraux et les légataires de sommes d'argent ne pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur les biens déclarés comme conservés (art. 878 modifié). En revanche, les créanciers personnels pourront poursuivre le recouvrement de leur créance sur ces biens.

La publication de cette décision de conservation fait en outre courir le délai d'un mois (deux mois dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale) à l'issue duquel l'héritier doit payer les créanciers (art. 798 modifié).

? Le second alinéa de ce texte sanctionne par ailleurs le défaut de déclaration de l'aliénation par l'engagement de la responsabilité de l'héritier sur son patrimoine personnel à hauteur du prix de l'aliénation .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que ce défaut de déclaration s'apprécie à l'issue du délai prévu à l'article 794 (huit jours dans la rédaction de l'Assemblée nationale, quinze jours dans la rédaction proposée par votre commission).

Cette sanction s'ajoute à la transformation d'office de l'option en acceptation pure et simple prévue à l'article 800 modifié 43 ( * ) .

Art. 796 du code civil : Ordre de règlement des créanciers et légataires

Le projet de loi de 1995 relatif aux successions avait proposé d'instaurer un juge-commissaire chargé d'assurer la régularité et l'exécution rapide des opérations et prévu de renforcer la protection des créanciers par analogie avec les dispositions des procédures collectives. Il prévoyait enfin de distinguer les modalités de règlement du passif selon qu'il était assuré par l'héritier bénéficiaire lui-même ou par un administrateur nommé en justice.

Le présent projet de loi n'a pas repris ces propositions, par souci d'alléger la procédure, et a au contraire pris l'option de renforcer le rôle de l'héritier dans le règlement du passif de la succession.

Il prévoit ainsi que l'héritier règle le passif de la succession .

Si le droit en vigueur (actuel art. 808 du code civil) prévoit déjà que l'héritier paie des créanciers, l'article 796 modifié pallie désormais l'absence d'organisation de cette procédure.

? Le projet de loi précise expressément l'ordre de paiement des créanciers.

Le deuxième alinéa de l'article 796 modifié indique ainsi que les créanciers privilégiés sont payés selon le rang de leur sûreté respective . Ils exercent leur privilège sur le prix du bien aliéné ou conservé sur lequel porte leur créance. Cette précision ne figure actuellement s'agissant de la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire qu'à l'article 991 de l'ancien code de procédure civile.

S'agissement du paiement des autres créanciers -c'est-à-dire les créanciers chirographaires, les créanciers privilégiés ayant une sûreté sur un autre bien que celui aliéné ou conservé, ou n'ayant pas déclaré leur créance, ou dont la créance dépasserait la valeur du bien sur lequel porte leur sûreté-, le troisième alinéa de l'article 796 modifié précise qu'ils sont désintéressés dans l'ordre des déclarations, à condition qu'ils aient déclaré leur créance .

On distingue deux modalités de paiement des créanciers chirographaires :

- le paiement au prix de la course*, qui peut se résumer par l'adage « premier arrivé, premier servi », avec pour conséquence que le créancier moins diligent peut se voir opposer l'épuisement du passif, alors que son prédécesseur plus rapide aura été totalement désintéressé ;

- le paiement au marc l'euro*, qui permet de rémunérer chaque créancier au prorata de sa créance en cas d'insuffisance de l'actif net, quel que soit son ordre d'arrivée. Les risques d'insolvabilité sont donc partagés également.

Actuellement, le paiement au prix de la course n'intervient qu'en l'absence d'opposition des créanciers, donc en pratique très rarement, le paiement au marc l'euro étant de fait généralisé (art. 808 du code civil). La jurisprudence considère d'ailleurs que l'opposition est présumée dès lors que la dette est inscrite à l'inventaire signé par l'héritier bénéficiaire.

Le projet de loi modifie donc profondément le droit en vigueur en le généralisant.

Le dernier alinéa de l'article 796 modifié précise enfin que les légataires de biens fongibles 44 ( * ) reçoivent leur legs après que tous les créanciers ont été payés .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, adopté un amendement de coordination afin de viser les legs de sommes d'argent.

? Le paiement des créanciers n'est pas subordonné à l'expiration du délai de déclaration des créances prévu par l'article 792 modifié, qui ne retarde donc pas la liquidation de la succession. L'héritier acceptant doit payer les créanciers au fur et à mesure de leur présentation. Ce délai, qui suspend les voies d'exécution, permet au contraire à l'héritier acceptant de procéder plus facilement à cette liquidation.

? La solution choisie par le projet de loi rompt donc délibérément avec le formalisme actuel et les propositions tant du projet de loi de 1995 que de la proposition sénatoriale de 2001, qui préconisaient un délai de déclaration des créances court au terme duquel serait organisé un paiement des créanciers au marc l'euro .

Pourtant la solution qu'ils avaient proposée pouvait paraître plus équitable entre les créanciers. En effet, les créanciers professionnels, plus coutumiers de la lecture du BODACC, risquent de se manifester plus rapidement que les particuliers, et donc d'avoir plus de chances d'être complètement désintéressés au détriment des derniers à se présenter.

La Chancellerie l'a pourtant écartée, la jugeant incompatible avec la volonté de déjudiciarisation et de simplification de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net.

En effet, attendre deux ans pour connaître l'ensemble des créances pour pouvoir organiser une mini-procédure collective et commencer à désintéresser les créanciers parait très contraignant pour les personnes dont les créances sont modestes, et en particulier les personnes physiques.

Eviter cet écueil en réduisant drastiquement le délai de déclaration des créances en s'inspirant du délai de déclaration de deux mois prévu pour les procédures collectives pourrait s'avérer défavorable pour ces mêmes personnes, peu familières du BODACC, et qui risquent donc, à l'exception de la famille proche, de rester dans l'ignorance du décès et de voir leurs créances éteintes.

En outre, l'organisation d'une mini-procédure collective obligerait par sa technicité l'héritier à recourir à un professionnel, ce qui alourdirait le coût de la liquidation, et conduirait à recourir au juge pour établir un relevé de forclusion.

Le projet de loi a donc écarté cette solution, en estimant qu'elle aboutirait en fait aux mêmes travers que l'acceptation sous bénéfice d'inventaire et qu'elle limiterait cette nouvelle procédure aux successions importantes comprenant des entreprises à la solvabilité incertaine, tandis que les particuliers continueraient de détourner la loi en renonçant à la succession après avoir détourné discrètement quelques biens de valeur marchande ou sentimentale en espérant éviter la sanction de la déclaration d'acceptation pure et simple. Au contraire, le projet de loi incite à la diligence.

* 43 Par exemple, si un bien a une valeur de 100 et le créancier une créance de 200, le créancier pourra obtenir de l'héritier qui aliène le bien pour 60 qu'il soit engagé sur ses biens personnels à hauteur des 40 manquants (art. 794 modifié). Si le créancier a omis de déclarer l'aliénation, et n'a pas affecté le prix au remboursement des créanciers, l'héritier pourra en plus être déchu de l'acceptation à concurrence de l'actif (art. 800) et le créancier pourra poursuivre l'héritier sur ses biens personnels pour les 200 de sa créance.

* 44 portant sur des biens autres que les corps certains, ces derniers étant eux immédiatement propriétaires de leur legs.

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