Art. 794 du code civil : Modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux et recours des créanciers

Cet article détermine les modalités de conservation ou d'aliénation des biens successoraux, ainsi que les recours ouverts aux créanciers n'ayant pu être totalement désintéressés et qui incrimineraient le prix trop faible du bien conservé ou aliéné.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que l'héritier doit informer le greffe du tribunal de grande instance dans un délai de huit jours , ce qui est extrêmement bref, de chaque aliénation ou décision de conserver le bien. Le greffier est chargé d'en assurer la publicité.

Votre commission vous propose de le porter à 15 jours par amendement .

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement rédactionnel.

? Le deuxième alinéa ouvre aux créanciers successoraux la faculté de contester devant le président du tribunal de grande instance la valeur du bien conservé ou le prix de l'aliénation , à charge pour eux de prouver que la valeur réelle du bien est supérieure.

Ce recours n'est logiquement ouvert qu'aux créanciers successoraux, ce qui exclut les créanciers personnels de l'héritier, et suppose que les créanciers n'aient pas déjà été désintéressés.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a pallié une lacune du texte en prévoyant que ce recours doit s'exercer dans les trois mois suivant la publicité de la déclaration de conservation ou d'aliénation.

Le recours ne pourra porter que sur le prix de la vente ou la valeur du bien déclaré conservé, et non sur le choix de conserver ou non le bien.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, supprimé la référence à la valeur « réelle » du bien, jugée trop ambiguë.

Si le bien est aliéné ou conservé à la valeur fixée dans l'inventaire, il sera sans doute difficile pour le créancier de la contester, à moins de prouver une évolution du marché ou du bien, ou de mettre en cause l'estimation du notaire, de l'huissier ou du commissaire-priseur ayant réalisé l'estimation. Si en revanche le bien est vendu à un prix inférieur, l'héritier devra démontrer qu'il ne s'est pas présenté d'acquéreur à ce prix. Il pourrait être plus prudent de recueillir l'accord des créanciers, notamment hypothécaires, en cas de vente amiable.

Le juge aura cependant une liberté souveraine pour apprécier la valeur du bien.

Le projet de loi n'étend pas la faculté reconnue à l'article 810-3 nouveau du code civil en matière de succession vacante au créancier d'exiger que la vente soit faite par adjudication lorsqu'il est envisagé une vente amiable. Elle parait en effet trop lourde, puisqu'elle impliquerait de publier un projet de vente pour chaque bien, meuble ou immeuble. Elle vise surtout à éviter des recours de créanciers contre l'Etat du fait de ventes accomplies par le service des domaines.

Votre commission des lois vous propose cependant par amendement de prévoir que la contestation du prix n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques.

? Le troisième et dernier alinéa de l'article 794 modifié précise que lorsque la demande du créancier est accueillie par le juge, l'héritier doit :

- s'agissant d'un bien aliéné, compenser la différence de valeur sur ses biens personnels ;

- s'agissant d'un bien conservé, soit y renoncer s'il le souhaite, soit compenser la différence de valeur.

Le projet de loi ne prévoit aucune sanction particulière, seule la compensation de la différence des valeurs étant due . Pour autant, le créancier pourra demander des dommages et intérêts en cas de faute de l'héritier.

Cette action n'a donc normalement aucun effet sur l'acquéreur du bien successoral.

L'Assemblée nationale a cependant précisé à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement que ce recours se cumulerait avec l'action paulienne (art. 1167 du code civil), qui permet à un créancier d'attaquer un acte fait par un débiteur (ici l'héritier) en fraude de ses droits. Cette action est utilisée notamment pour faire réintégrer dans le patrimoine du débiteur des biens aliénés à un tiers généralement complice dans le but d'empêcher le créancier de s'en saisir.

Précisons enfin que la non-affectation du prix de la vente de biens conservés par un héritier en l'absence de déclaration et alors que le passif n'a pas été entièrement apuré expose l'héritier aux sanctions prévues à l'article 800, c'est-à-dire la déchéance de son acceptation à concurrence de l'actif net.

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