Article 23 sexies - Encadrement de l'activité des généalogistes successoraux

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a pour objet d'encadrer l'activité des généalogistes successoraux.

Ces derniers sont peu nombreux et mal connus -il y aurait environ une centaine d'études en France employant environ 600 personnes pour un chiffre d'affaires annuel d'environ 80 millions d'euros : ils interviennent lorsqu'une personne meurt sans laisser d'héritier identifié ou lorsque le notaire chargé de la succession n'est pas certain de connaître l'ensemble des ayants droits.

L'article 745 du code civil permettant d'hériter jusqu'au sixième degré, il est en effet possible de bénéficier du patrimoine laissé par les petits-enfants des frères et soeurs de ses grands-parents.

Le généalogiste intervient généralement à la demande du notaire chargé du règlement de la succession. Un nombre important de dossiers -entre 30 % et 50 % selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels lui sont toutefois confiés par d'autres personnes : administrateurs judiciaires, syndics de copropriété, établissements financiers, compagnies d'assurance, collectivités territoriales, sociétés commerciales. Il peut également entreprendre des recherches proprio motu dès lors qu'une succession est notoirement vacante.

Ces recherches consistent dans la consultation de divers documents (registres de l'état civil, listes électorales...) et des démarches auprès des connaissances du défunt. S'il découvre un héritier, le généalogiste lui soumet un « contrat de révélation » avant de lui révéler le nom du défunt, aux termes duquel il perçoit une rémunération comprise entre 10 % à 15 % de l'actif brut selon l'Union des syndicats de généalogistes professionnels.

La profession de généalogiste n'est pas réglementée et le ministère de la justice s'est toujours opposé à ce qu'elle le devienne .

Son activité n'en est pas moins soumise à un certain nombre de règles destinées à concilier deux impératifs parfois contradictoires : permettre à ceux qui ont des droits à faire valoir mais sont inconnus du notaire d'en bénéficier et respecter la vie privée des familles .

Ainsi, la consultation directe des registres de l'état civil datant de cent ans et moins, dont la garde et la conservation sont assurées par les officiers de l'état civil, n'est permise qu'aux agents de l'Etat habilités à cet effet et aux personnes munies d'une autorisation écrite du procureur de la République, les recherches étant faites par les dépositaires des registres eux-mêmes 240 ( * ) .

« Consciente de l'intérêt que peuvent présenter certaines consultations, notamment celles nécessaires à la recherche d'héritiers pour la liquidation de successions, la Chancellerie, par une circulaire du 29 septembre 2004, a invité les procureurs à répondre favorablement aux requêtes lorsqu'elles sont formulées par des généalogistes présentant toutes garanties de compétence et de discrétion . L'objet de cette circulaire est de simplifier et d'accélérer l'instruction des demandes d'autorisation en indiquant les critères qui doivent conduire les parquets à les accueillir favorablement, notamment l'indication de la finalité des recherches entreprises, l'affiliation du requérant à une association de généalogistes ou l'existence d'un mandat donné par un notaire 241 ( * ) . ».

Par ailleurs, « la convention de révélation de succession est encadrée par un régime rigoureux et protecteur des héritiers, emprunté au droit civil général, ainsi qu'au droit de la consommation 242 ( * ) ». La jurisprudence considère en effet que cette convention constitue non pas un contrat aléatoire mais un contrat commutatif de prestation de services, qualification qui a une double incidence :

- en premier lieu, la convention de révélation de succession obéit aux dispositions du code de la consommation qui régissent le démarchage à domicile, notamment en organisant pour les particuliers une faculté de renonciation dans le délai légal et qui soumettent, à peine de nullité, le contrat à un formalisme destiné à protéger les consommateurs en assurant leur complète information ;

- en second lieu, la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 5 mai 1998 que, par application de la théorie de la cause, le juge pouvait réduire les honoraires du généalogiste successoral apparaissant exagérés au regard des services rendus par celui-ci.

Ces quelques règles s'avèrent toutefois insuffisantes pour prévenir des abus qui, s'ils ne sont pas légion, n'en sont pas moins regrettables . La presse s'est ainsi plusieurs fois fait l'écho d'ententes entre un généalogiste et un notaire, un opérateur de pompes funèbres, un gérant de tutelle ou encore un employé d'une maison de retraite...

Pour remédier à ces abus, les syndicats représentatifs de la profession ont, d'une part, soumis leurs adhérents à une obligation de souscription d'assurance en responsabilité civile professionnelle et de garantie financière, d'autre part, entrepris d'élaborer avec l'AFNOR une norme professionnelle de qualité. De son côté, le Conseil supérieur du notariat a élaboré un code de bonne conduite en mars 2004.

Afin d' encadrer l'activité des généalogistes sans pour autant les transformer en une profession réglementée , l'Assemblée nationale propose la création d'un mandat de recherche d'héritier, qui s'inspire du dispositif mis en place par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet », pour l'exercice de l'activité d'agent immobilier :

- seul serait valable le mandat donné par l'un des cohéritiers ou par le notaire chargé de la succession ;

- si une personne se livrait à une activité de recherche d'héritier sans disposer d'un tel mandat, elle ne pourrait pas recevoir de rémunération pour ses démarches.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré en séance publique : « Cet amendement permettra de faire disparaître certaines pratiques douteuses. Il présente en outre l'avantage de créer les conditions d'une moralisation de l'activité des généalogistes successoraux, sans créer une nouvelle profession réglementée. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable 243 ( * ) . »

Tout en souscrivant pleinement à l'objectif recherché, votre commission juge trop restrictive la liste des mandants. Elle est critiquée par une partie de la profession au motif :

- d'une part, qu'elle placerait les généalogistes sous la « tutelle » des notaires ;

- d'autre part, qu'elle empêcherait certaines recherches d'héritiers sans que cela paraisse justifié -par exemple, lorsqu'un bien immobilier a été omis dans la liquidation, lorsque la vacance de la succession est prononcée...

Votre rapporteur a reçu de nombreuses propositions d'amendement émanant des divers représentants de la profession, dont certaines se sont avérées contradictoires.

Il ne lui a semblé possible ni de dresser une liste limitative des mandants potentiels, sous peine de s'exposer à des oublis, ni de prévoir la désignation par le juge du mandataire, au risque de faire des généalogistes une profession réglementée et de réintroduire une judiciarisation du règlement des successions que le projet de loi cherche à juste titre à éviter.

L' amendement qui vous est soumis tend à permettre à toute personne de demander le concours de ce professionnel dès lors que la détermination des héritiers et le règlement de la succession revêt pour elle un réel intérêt. Cette rédaction devrait permettre d'éviter les abus les plus criants émanant de certains professionnels qui n'ont pas d'intérêt direct à la découverte des héritiers.

La recherche d'héritiers serait possible non seulement dans les successions ouvertes, mais encore dans les successions liquidées mais dont un bien a été omis dans le partage.

Enfin, l'obligation d'un mandat préalable serait maintenue sauf pour les successions vacantes ou en déshérence. Il paraît important de laisser aux généalogistes la liberté d'entreprendre des recherches, sans mandat préalable, uniquement dans le cas de successions auxquelles l'Etat peut prétendre et dont la liste est donc publique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 23 sexies ainsi modifié .

* 240 Les registres de l'état civil datant de plus de cent ans peuvent être librement consultés dans les archives départementales dans lesquelles ils sont versés en application de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.

* 241 Réponse à la question écrite n° 64057 de M. André Berthol, député, publié au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 11 octobre 2005, page 9550.

* 242 Réponse à la question écrite n° 13920 de notre collègue M. Jean-Pierre Sueur, publiée au Journal officiel du Sénat du 25 novembre 2004, page 2696.

* 243 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

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