Art. 1049 du code civil : Objet de la liberalité graduelle
Cet article prévoit que la libéralité graduelle emporte pour le premier gratifié -appelé le « grevé » puisque la libéralité est grevée d'une charge- l' obligation d'une conservation en nature des biens qui en sont l'objet : il ne peut donc ni les aliéner ni en disposer à titre gratuit.
Il est prévu, en conséquence, que les biens doivent être « identifiables » au moment de la transmission et, s'il s'agit d'immeubles, que la charge grevant la libéralité doit faire l'objet d'une publicité. En pratique, cette publicité devrait être assurée au fichier immobilier tenu par la conservation des hypothèques qui permet, par immeuble, d'obtenir : la liste des copropriétaires, les actes de vente, les baux commerciaux, les états exacts des hypothèques de chacun des lots.
Ces dispositions seraient également applicables aux libéralités résiduelles, en application de l'article 1061.
Dans leur ouvrage « Des libéralités - une offre de loi » paru en 2003, MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin préconisaient de prévoir la conservation en valeur des biens faisant l'objet d'une libéralité graduelle, à défaut de volonté contraire du disposant, afin d'éviter les inconvénients économiques d'une obligation de conservation en nature. Lors de leur audition par votre rapporteur, M. Pierre Catala a confirmé et M. Philippe Malaurie a marqué une préférence pour cette solution.
Sans doute cette solution est-elle séduisante. On peut en effet concevoir qu'une libéralité graduelle ait pour seul objet de protéger son enfant (le grevé) et ses petits-enfants (les seconds gratifiés) contre la prodigalité ou l'incompétence du premier. Toutefois, il n'est pas certain qu'une simple obligation de conservation en valeur permette d'atteindre ce résultat, le premier gratifié pouvant plus aisément dilapider son patrimoine. De surcroît, l'un des principaux objets de la substitution fidéicommissaire reste d'assurer la conservation de certains biens au sein de la famille. Enfin et surtout, l'obligation d'une conservation en nature des biens donnés ou légués semble nécessaire pour maintenir la fiction juridique selon laquelle le second gratifié est réputé tenir ses biens du disposant et non du premier gratifié, posée à l'article 1051 et qui permet de justifier son statut fiscal avantageux. Aussi est-il préférable de conserver cette obligation.
Votre commission vous soumet toutefois un amendement ayant pour objet, lorsqu'une libéralité résiduelle ou graduelle porte sur un portefeuille de valeurs mobilières, de permettre que la cession et le rachat de valeurs mobilières emportent subrogation sur les valeurs acquises en remploi .
En effet, si elle devait être interprétée comme portant non pas sur le portefeuille mais sur les titres eux-mêmes, l'obligation de conserver le bien en nature pour que la libéralité produise son effet aurait pour conséquence d'empêcher toute gestion du portefeuille.
Votre commission vous soumet également un amendement de coordination.