Art. 930-4 du code civil : Modalités et délais applicables à la révocation de la RAAR

Cet article détermine les conditions selon lesquelles la révocation de la RAAR peut être obtenue.

? Il précise tout d'abord que la révocation n'a jamais lieu de plein droit .

? Ensuite, le projet de loi indique que la demande de révocation doit être formée :

- au plus tard un an après l'ouverture de la succession lorsqu'il s'agit d'une révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ;

- au plus tard un an après le début du manquement du disposant à ses obligations alimentaires envers le renonçant, ou un an après que ce manquement a été connu des héritiers du renonçant.

La brièveté de ces délais est justifiée par la volonté de limiter les risques de remise en cause abusive de la RAAR par le renonçant.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu que la révocation pour crime et délit serait également insérée dans ce délai d'un an.

L'Assemblée nationale a enfin précisé, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que la révocation fondée sur l'état de besoin du renonçant ne se ferait qu'à concurrence de la couverture des besoins du renonçant. Les effets de la renonciation ne disparaîtront donc pas totalement.

Art. 930-5 du code civil : Opposabilité de la renonciation aux représentants du renonçant

Cet article prévoit que la renonciation est opposable aux représentants du renonçant.

En cas de prédécès du renonçant, les héritiers qui le représentent dans la succession à laquelle il a renoncé sont tenus de respecter le pacte de renonciation .

Cette règle distingue nettement la RAAR de la renonciation effectuée à l'ouverture de la succession, laquelle ne prive pas les descendants du renonçant de leur part successorale, reçue en remplacement du renonçant.

Cette différence s'explique avant tout par la recherche de sécurité juridique.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 14 ainsi modifié .

Article 15 (art. 952, 960 à 966 du code civil)
Absence d'automaticité de la révocation des donations entre vifs pour cause de survenance d'enfants

Cet article a pour objet de modifier diverses dispositions du chapitre IV (« Des donations entre vifs ») du titre II du livre III du code civil, afin d'actualiser les règles applicables au droit de retour conventionnel des biens ayant fait l'objet d'une donation et, surtout, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant.

1. L'actualisation des règles applicables au droit de retour conventionnel des biens donnés ou légués

L'article 951 ouvre à l'auteur d'une donation entre vifs la faculté de stipuler, dans la donation ou dans un acte séparé, le droit de retour des biens donnés , à son seul profit, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants. Il s'agit d'une cause résolutoire purement casuelle qui ne porte donc pas atteinte à l'irrévocabilité de la libéralité.

Ce droit de retour, qualifié de conventionnel pour le distinguer du droit de retour légal prévu par l'article 368-1 lorsqu'un enfant adopté par voie d'adoption simple décède sans postérité, se rencontre dans la plupart des donations. Si cette clause est usuelle, c'est parce qu'elle correspond à une psychologie commune : le donateur veut gratifier une personne déterminée mais il n'entend pas qu'à la suite du décès de celle-ci, les biens qu'il donne passent entre des mains étrangères.

Le a pour objet de réécrire l'article 952, relatif aux conséquences du droit de retour des biens donnés.

Celui-ci a pour effet de résoudre toutes les aliénations des biens donnés , et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypothèques . La rétroactivité de la résolution est cependant soumise aux limites du droit commun : d'une part, tous les actes d'administration accomplis par le donataire sont maintenus ; d'autre part, s'il s'agit de meubles corporels, l'article 2279 181 ( * ) viendra au secours de l'acquéreur et le protégera contre la revendication du donateur. S'agissant d'immeubles, l'acquéreur pourra se prévaloir d'une prescription acquisitive. Mais la clause étant normalement publiée, cet acquéreur sera de mauvaise foi et ne pourra donc invoquer que la prescription trentenaire. En outre, ce délai ne peut courir avant le décès du donataire. Le bénéfice de la prescription est donc largement illusoire. En revanche, si la clause de retour n'a pas été publiée, la résolution sera inopposable aux tiers.

Une seule exception est ménagée à cette règle. Elle concerne l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales, si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas, et dans le cas seulement où la donation lui a été faite par le même contrat de mariage duquel résultent ces droits et hypothèques.

La modification proposée par le projet de loi initial consistait à substituer la référence à « l'hypothèque légale des époux 182 ( * ) » à celle de « l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales », le régime de la dot ayant été supprimé en 1965.

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture complète de l'article 952 afin de simplifier l'ensemble de sa rédaction, sans rien changer aux règles applicables.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

2. La suppression de l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfant

L'article 953 prévoit actuellement trois causes permettant de déroger à la règle générale de l'irrévocabilité des donations entre vifs , posée par l'article 894 :

- l' inexécution des conditions sous lesquelles la donation a été faite ;

- l' ingratitude du donataire envers le donateur , c'est-à-dire s'il a attenté à sa vie, s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ou encore s'il lui refuse des aliments ;

- la survenance d'enfants du donateur , même posthumes .

Dans cette dernière hypothèse , l'article 960 dispose que les donations sont révoquées de plein droit , même si le donateur en avait expressément disposé autrement -à l'inverse, la révocation pour cause d'inexécution des conditions, ou pour cause d'ingratitude, n'a jamais lieu de plein droit 183 ( * ) . Il en résulte qu'aucune action en justice n'est nécessaire, qu'aucune confirmation de la libéralité n'est possible et qu'aucune renonciation du donateur n'est autorisée.

Il n'y a à tenir compte ni de sa forme -sont révocables aussi bien les donations notariées que les dons manuels ou les donations indirectes ou déguisées- ni de son montant -seuls les présents d'usage échappent à toutes les causes de révocation.

La résolution de la donation est toutefois subordonnée à une double condition :

- l'absence d'enfant , quel que soit le lien de filiation, au jour de la donation -une interrogation subsiste toutefois, en l'absence de jurisprudence, sur le point de savoir si la présence d'un enfant adopté simple au moment de la donation empêche cette cause de révocation de jouer ;

- la naissance d'un enfant légitime , même posthume , ou la légitimation d'un enfant naturel , lui-même né après la donation . « Il est généralement enseigné que l'adoption simple ou plénière d'un enfant par le donateur ne peut produire le même résultat. En effet, l'adoption permettrait alors au disposant de révoquer à sa convenance la donation, ce qui viendrait contredire le principe de l'irrévocabilité. Pareillement, n'emporte pas révocation la reconnaissance après que la donation a été consentie d'un enfant né antérieurement 184 ( * ) . » 185 ( * )

Le donataire est alors tenu de restituer les biens donnés et les fruits qu'il a perçus , de quelque nature qu'ils soient, à compter du jour où l'existence de l'enfant lui a été signifiée. En revanche, il peut conserver le bénéfice des fruits perçus avant cette date car il est un possesseur de bonne foi 186 ( * ) . La rétroactivité de la révocation est opposable aux tiers : l'article 963 précise que le donateur reprend les biens francs et libres de toutes charges. Les actes de disposition sont anéantis mais pas les actes d'administration. Le donataire, ses héritiers ou ayants cause, ou les autres détenteurs des choses données, peuvent toutefois invoquer une prescription après une possession de trente ans . Ce délai ne peut courir que du jour de la naissance du dernier enfant du donateur, même posthume 187 ( * ) .

L'article 960 réserve une exception importante à cette règle : les donations entre futurs époux à l'occasion du mariage ou entre époux pendant le mariage . La survenance d'un enfant est alors un événement qui a nécessairement été envisagé par le donateur et il serait absurde d'en faire une cause de révocation.

A l'origine, cette règle impérative était destinée à protéger la volonté du disposant. Aujourd'hui, elle apparaît comme une entrave à la liberté de transmettre et une source d'insécurité juridique. L'institution de la réserve suffit à protéger les enfants du donateur, quelle que soit la date des libéralités consenties par leur auteur.

Le tend à modifier l'article 960 afin :

- d'une part, de mettre fin à l'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants. La révocation des donations antérieurement consenties deviendrait une faculté offerte au donateur, qu'il ne pourrait exercer qu'à la condition de l'avoir prévue dans l'acte de donation et en cas de survenance d'un enfant, même posthume, dont il serait l'auteur ou qu'il aurait adopté en la forme plénière ;

- d'autre part, de tirer les conséquences de l'évolution des règles de la filiation . Les modifications prévues par le projet de loi initial consistaient, au nom du principe de l'égalité des filiations, à mettre un terme à la distinction entre « la naissance d'un enfant légitime » et la « légitimation d'un enfant naturel (...) né depuis la donation ». Constatant qu'elles avaient été déjà opérées par l'article 17 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, dont les dispositions entreront en vigueur le 1 er juillet 2006, l'Assemblée nationale a effectué de simples corrections matérielles.

L'adoption plénière d'un enfant après la donation deviendrait ainsi une cause permettant la révocation de la libéralité. Le projet de loi exclut l'hypothèse de l'adoption simple pour éviter une remise en cause trop aisée des donations. Cette distinction est justifiée par les effets qui s'attachent à ces deux formes d'adoption.

Le jugement d'adoption plénière attribue un nouveau lien de filiation avec la famille adoptive et supprime les liens de la famille biologique. L'adoption plénière a un caractère irrévocable et ne peut être annulée. L'enfant adopté, doit être âgé de moins de 15 ans et accueilli depuis au moins six mois dans la famille de l'adoptant. Cependant, l'adoption plénière d'un enfant de plus de 15 ans est possible si l'enfant a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes ne remplissant pas les conditions pour l'adopter ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple par les mêmes personnes.

La loi permet une adoption simple sans limite d'âge. A la différence de l'adoption plénière, l'accueil de l'adopté au foyer de l'adoptant et le placement en vue de l'adoption ne sont pas nécessaires. L'adopté conserve ses liens juridiques avec sa famille biologique. L'adoption ne lui fait pas perdre sa nationalité d'origine. Les parents biologiques perdent l'autorité parentale mais peuvent bénéficier d'un droit de visite. Ils ont la possibilité de demander la révocation de l'adoption simple et doivent être consultés si leur enfant fait l'objet d'une adoption plénière. Si l'adopté conserve dans sa famille biologique tous ses droits successoraux, il acquiert dans sa famille adoptive les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime. L'adopté, ainsi que ses descendants sont des héritiers réservataires dans les deux familles, sauf vis-à-vis des ascendants (parents et grands-parents) de l'adoptant.

Droits successoraux respectifs

Au décès de

Adoption "plénière"

Adoption "simple"

l'adoptant
(ou autre membre de sa famille)

L'adopté, totalement assimilé à un enfant légitime, bénéficie des mêmes droits successoraux, tant à l'égard de l'adoptant que des autres membres de la famille :

- qualité d'héritier réservataire,

- possibilité de succéder par représentation, etc.

L'adopté bénéficie :

- des mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime dans la famille de l'adoptant,

- mais n'a pas la qualité d'héritier réservataire vis-à-vis des père et mère (ou autres ascendants) de l'adoptant.

l'adopté

Réciproquement, l'adoptant bénéficie des mêmes droits successoraux que les père et mère (qualité d'héritier réservataire notamment, si l'adopté décède sans laisser d'enfant).

Les autres membres de la famille peuvent également être appelés à succéder.

De façon générale :

- si l'adopté décède en laissant des enfants (ou autres descendants), sa succession est réglée selon le droit commun,

- sinon, sa succession est partagée par moitié entre sa famille d'origine et sa famille adoptive.

Tout en souscrivant à ces dispositions, votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer une disposition inopérante figurant à l'article 960 du code civil et maintenue par le projet de loi. Elle consiste à exclure la révocation des donations faites à l'occasion du mariage à l'un des futurs conjoints par un ascendant. Il y a là une erreur évidente : si l'un des époux reçoit une donation de l'un de ses ascendants, la preuve est faite que le donateur avait au moins un enfant à la date de la libéralité. La révocation est donc exclue par les données mêmes de l'hypothèse.

Les et ont pour objet d'effectuer aux articles 961 et 962 de simples coordinations avec les modifications que le 2° tend à opérer à l'article 960, pour supprimer l'automaticité de la révocation pour cause de survenance d'enfant et tenir compte de l'absence de distinction entre enfant naturel et légitime. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 962.

Le vise à modifier l'article 963 afin, d'une part, d'y effectuer des coordinations avec la nouvelle rédaction des articles 952 et 960 résultant du 1° et du 2° (modernisation de la référence à l'ancien régime dotal et absence d'automaticité de la révocation des donations pour survenance d'enfants), d'autre part, de supprimer une référence à la pratique, disparue avec le régime dotal, par laquelle le donateur pouvait se porter caution de l'exécution du contrat de mariage -ce qui permettait à l'époux doté, en cas de décès de son conjoint ou de divorce, d'obtenir que la dot lui soit restituée. Tout en souscrivant à ces modifications, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article 963.

Votre commission vous soumet un amendement de précision.

Le tend à réécrire les articles 964 à 966 du code civil afin de prévoir :

- à l'article 964, que la mort de l'enfant du donateur est sans effet sur la révocation des donations . La précision actuelle selon laquelle seule une nouvelle disposition permettrait au donateur de donner à nouveau les mêmes biens -ceux dont la première donation a été révoquée- au même donataire serait supprimée. Elle ne semble plus guère utile dans la mesure où le donateur pourrait désormais décider, dans l'acte de donation, s'il entend ou non se réserver la faculté de la révoquer en cas de survenance d'enfant ;

- à l'article 965, que le donateur peut renoncer à exercer la révocation pour survenance d'enfant, à tout moment -c'est-à-dire avant ou après la naissance de l'enfant. Les dispositions actuelles prévoyant la nullité de toute renonciation du donateur à cette forme de révocation n'ont en effet plus lieu d'être dès lors que la révocation constitue une simple faculté pour le donateur. En l'absence de précision, la renonciation pourrait être opérée par tout moyen, et pas nécessairement par acte authentique, et porter sur tout ou partie des biens donnés -sous réserve, bien entendu, que l'acte de donation ait expressément prévu la possibilité de révocation pour survenance d'enfant ;

- à l'article 966, que l'action en révocation se prescrit par deux ans à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant et ne peut être exercée que par le donateur . L'absence de référence à la procédure d'adoption constitue une lacune du texte actuel que le projet de loi vient heureusement combler. Surtout, le délai actuel de trente ans constitue un facteur d'insécurité juridique pour les donataires. Un délai de deux ans semble suffisant pour laisser au donateur, puisqu'il serait le seul à pouvoir exercer l'action en révocation, le temps de déterminer les conséquences qu'il entend tirer de l'existence de l'enfant. L'Assemblée nationale a rejeté un amendement, présenté par sa commission des lois, tendant à étendre aux héritiers du donateur la possibilité d'introduire une action en révocation des donations entre vifs pour survenance d'enfant. M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir pour justifier l'opposition du Gouvernement à cet amendement, que : « La donation est un acte strictement personnel, la décision de la révoquer également. Élargir la possibilité de faire révoquer les donations ne va pas dans le sens de la réforme 188 ( * ) . » Pour que la naissance posthume d'un enfant conduise à la révocation d'une donation consentie à un tiers, il faudrait donc que le donateur ait engagé l'action en révocation peu après sa conception. En tout état de cause, il ne pourrait être porté atteinte aux droits réservataires de cet enfant.

Votre commission vous propose d' adopter l'article 15 ainsi modifié .

* 181 « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »

* 182 Art. 2121 et 2136 et suivants du code civil. Lorsque l'un des époux a une créance à faire valoir contre l'autre, il peut demander au tribunal d'ordonner qu'une hypothèque légale soit inscrite sur les biens de son conjoint. Le tribunal peut également décider qu'une hypothèque sera prise sur les biens de l'époux qui se fait transférer l'administration des biens de l'autre.

* 183 Art. 956 du code civil.

* 184 Tribunal de grande instance de Saintes, 7 mai 1996. La reconnaissance a un effet déclaratif donc l'enfant naturel reconnu est réputé être l'enfant de l'auteur de la reconnaissance dès sa naissance.

* 185 Droit patrimonial de la famille - Dalloz Action - 2001-2002 - page 738.

* 186 Art. 962 du code civil.

* 187 Art. 966 du code civil.

* 188 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 22 février 2006.

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