Article 23
(article L. 132-2 et L. 132-2-1 [nouveau] du code du patrimoine)

Organisation du dépôt légal
des informations communiquées publiquement en ligne

I. Texte du projet de loi

Cet article tend à compléter la liste des personnes physiques ou morales assujetties à l'obligation de dépôt légal définie à l'article 4 de la loi n° 92-546 du 20 juin 1992 désormais codifié à l'article L. 132-2 du code du patrimoine et à créer un nouvel article déterminant les modalités de collecte par les organismes dépositaires des contenus diffusés sur Internet.

Le I de cet article est un paragraphe de coordination visant à tenir compte des modifications rédactionnelles apportées par l'article 21 du présent projet de loi au second alinéa de l'article 2 de la loi du 20 juin 1992 fixant la liste des produits de l'édition informatique soumis à l'obligation de dépôt légal.

Il propose de substituer à l'énumération « les progiciels, les bases de données, les systèmes experts et les autres produits de l'intelligence artificielle » celle, plus générique, évoquant « les logiciels et les bases de données ».

Afin de tenir compte de l'extension de l'obligation de dépôt légal aux contenus diffusés sur Internet, le II de cet article propose de compléter la liste des personnes physiques ou morales assujetties à cette obligation fixée à l'article 4 de la loi du 20 juin 1992 désormais codifié à l'article L. 132-2 du code du patrimoine. Sont par conséquent désormais déclarées responsables au titre de cette obligation les personnes qui éditent ou produisent des documents diffusés sur Internet.

Votre rapporteur tient à rappeler que le cadre législatif relatif aux éditeurs de services de communication au public en ligne, c'est à dire de l'ensemble des services diffusés sur la toile à l'exception des services de télévision ou de radio, est fixé au paragraphe III de l'article 6 la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique 144 ( * ) qui énumère notamment les renseignements obligatoirement mis à disposition du public par les éditeurs afin que ces derniers puissent être aisément identifiés.

Le III de cet article propose quant à lui d'insérer dans la loi du 20 juin 1992 un nouvel article définissant les modalités d'application du dépôt légal des contenus diffusés sur Internet. Les dispositions du présent paragraphe tiennent compte des caractéristiques du réseau afin de définir et d'organiser un dépôt légal original dans sa forme comme dans son champ.

Sur la forme, le présent projet de loi propose d'instituer un régime de collecte mixte reposant principalement sur l'utilisation de procédures automatiques complétées par le dépôt d'extraction ou de copies de sites préalablement sélectionnés.

Il habilite en premier lieu les organismes dépositaires à collecter eux-mêmes les documents selon des procédures automatiques. Ce dépôt « passif » reposant sur l'enregistrement automatique des contenus s'apparente aux méthodes de collecte développées par l'Institut national de l'audiovisuel pour les programmes de radio et de télévision. Cette collecte est réalisée par des robots capables de parcourir la « surface » de la Toile afin de définir sa cartographie, de repérer les fréquences de mise à jour des sites traités et de collecter les documents.

Le projet de loi prévoit en second lieu la possibilité de recourir au dépôt des sites afin de remédier aux insuffisances de la collecte automatique liées aux restrictions d'accès, aux obstacles techniques éventuels et d'avoir ainsi un accès direct au « web profond ». Ces modalités de dépôt restent à définir. En effet, alors que l'article 3 de la loi du 20 juin 1992 codifié à l'article L. 132-1 du code du patrimoine établit avec précision les modalités d'application du dépôt légal traditionnel 145 ( * ) , le présent article propose d'associer les éditeurs ou les producteurs de sites à la détermination des modalités d'exercice du dépôt légal de la toile étant entendu, aux dires des personnalités auditionnées par votre rapporteur, qu'il appartiendra aux organismes dépositaires de supporter le poids technique et économique du dépôt.

Votre rapporteur souligne avec satisfaction qu'aux termes du présent projet de loi tous les éditeurs ou producteurs de documents diffusés sur Internet effectivement soumis au dépôt légal seront informés des procédures de collecte mises en oeuvre par les organismes dépositaires. Cette information est d'autant plus nécessaire pour les opérations de collecte automatique que le travail du robot est susceptible d'entraîner des dysfonctionnements du service en raison de la consommation de bande passante.

Si les modalités de collecte des sites Internet sont définies par le présent projet de loi, le champ exact de cette collecte reste à définir. En ce domaine, deux interrogations majeures ne pouvaient être esquivées. D'une part était-il envisageable de perpétuer un dépôt légal sur des bases nationales 146 ( * ) alors que la notion de frontière est antinomique des concepts fondateurs de l'Internet ? D'autre part, était-il possible de concilier l'exhaustivité historiquement attachée au dépôt légal tant avec les volumes énormes de données numériques diffusées sur le réseau (plus de 8 milliards de pages librement accessibles et près de 62 millions de sites dont près de 360 000 sites « .fr » ont ainsi été recensés dans le monde en avril 2005) qu'avec les problèmes juridiques que cela engendrerait au regard de la protection des données personnelles notamment.

En réponse à ces questions, le projet de loi semble rompre avec la tradition nationale et prendre parti en faveur de la sélection contre l'exhaustivité. Il appartiendra ainsi au pouvoir réglementaire, après avis de la Commission nationale informatique et liberté compte tenu du caractère automatisé des procédures, de définir les conditions de sélection et de consultation des informations collectées.

Concrètement, selon les informations fournies à votre rapporteur, le processus de collecte retenu par la Bibliothèque nationale de France et l'Institut national de l'audiovisuel devrait être complémentaires tant au niveau des moyens qu'au niveau du champ.

La Bibliothèque nationale de France a ainsi décidé de s'attacher à la collecte des sites publics dont le nom de domaine a été déposé par une personne physique ou morale française et, par défaut, à celle de tous les sites du domaine « .fr » et des territoires français d'outre mer « .re », « .pf », « .tf », « .pm », « .wf » et « .yt », soit une cible potentielle de 500 000 sites à environ.

L'Institut national de l'audiovisuel se chargera, quant à lui, de la collecte automatique du domaine de la communication audiovisuelle, c'est-à-dire de l'ensemble des sites de radio et de télévision ainsi que des sites de médias associés. Ces 10 000 sites dont seulement 30 % se situent dans le domaine « .fr », représentent près de 50 % du volume total du web français.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur de la commission des lois M. Christian Vanneste, a adopté un amendement de rédaction globale du présent article tendant à :

- garantir aux organismes dépositaires que des codes d'accès ou des procédés techniques ne pourront faire obstacle à la collecte par robot du dépôt légal de la Toile ;

- préciser que les organismes chargés du dépôt légal de l'Internet pourront obtenir du CSA et des organismes gérant des noms de domaine sur Internet les informations nécessaires à la sélection des sites à archiver ;

- préciser les contraintes s'imposant aux organismes dont les sites font l'objet d'une collecte, de façon à éviter que le dépôt ne soit rendu impossible par la simple utilisation d'un code d'accès ou clef de cryptage ;

- corriger une erreur de référence ;

- effectuer des coordinations avec le code du patrimoine et l'article 1 er de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

III. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination.

Il convient de rappeler que le (f) de l'article L. 132-2 du code du patrimoine détermine la liste des services de radio et de télévision soumis à une obligation de dépôt légal auprès de l'Institut national de l'audiovisuel. Initialement, tous les services de radio et de télévision y étaient soumis, mais les évolutions technologiques et la diversification des modes de diffusion ont rendu ces dispositions pour partie obsolètes : les chaînes du satellite et les nouvelles chaînes numériques du service public n'entrent par exemple pas dans le périmètre du dépôt légal, faute d'actualisation de l'article L. 132-2 du code du patrimoine.

Votre commission vous propose donc de rédiger le (f) de l'article L. 132-2 du code du patrimoine en renvoyant aux définitions de services de radio et de télévision telles qu'adoptées par la loi sur la confiance en l'économie numérique. Ainsi, tous les services de radio et de télévision seront soumis, en principe, à une obligation de dépôt légal.

Comme aujourd'hui toutefois, la détermination précise des services de communication audiovisuelle soumis à l'obligation de dépôt légal appartiendra au pouvoir réglementaire, le code du patrimoine prévoyant, en son article L. 132-1, qu'un décret en Conseil d'État fixe  (...) « les modalités d'application particulières à chaque catégorie de personnes mentionnées à l'article L. 132-2, ainsi que les conditions dans lesquelles certaines de ces personnes peuvent être exemptées de l'obligation de dépôt légal ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 144 « 1- Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert :

a) S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription ;

b) S'il s'agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s'il s'agit d'entreprises assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l'adresse de leur siège social ;

c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée.

d) Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I.

2 - Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d'identification personnelle prévus au 1. »

* 145 Celui-ci, sauf exception fixée par décret en Conseil d'État, « est effectué par la remise du document à l'organisme dépositaire ou par son envoi en franchise postale, en un nombre limité d'exemplaire. »

* 146 Le dépôt légal concernait jusqu'ici en effet tous les documents effectivement mis à la disposition de la collectivité nationale et non, comme c'est le cas avec Internet, potentiellement mis à la disposition de la collectivité nationale.

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