Article 1er bis (nouveau)
(art. L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle)

Droit d'auteur : exceptions nouvelles et insertion du test en trois étapes

Cet article résulte d'un amendement n° 272 présenté par le Gouvernement lors de la reprise de la discussion du projet de loi en mars 2006. L'Assemblée nationale l'a adopté le 9 mars, après l'avoir complété par quatre sous-amendements.

I. Analyse de l'amendement gouvernemental

L'amendement n° 272 du Gouvernement a vocation à se substituer à l'article 1 er du projet de loi, supprimé par l'Assemblée nationale. Il reprend une partie de ses dispositions, et les complète sur d'autres points.


• L'amendement n° 272 reprend à l'identique les dispositions de l'ancien article 1 er relatives à l'exception technique ainsi qu'à la transposition du test en trois étapes .


• Il complète le dispositif relatif à l'exception en faveur des handicapés en y intégrant l'apport des amendements n° 14 et 114 de l'ancien article 1 er qui avaient respectivement pour objet d'actualiser sa rédaction au regard de l'entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 sur le handicap, et de compléter la liste des personnes morales habilitées à réaliser des supports adaptés à toute une série d'établissements ouverts au public : bibliothèques, centres de documentation et espaces culturels multimédia.

Il le complète en outre par un alinéa supplémentaire, destiné à faciliter la réalisation par ces personnes morales et établissements susvisés, de supports adaptés pour les personnes handicapées, en prévoyant le dépôt systématique, dans un standard ouvert 91 ( * ) , du fichier numérique de l'oeuvre, de façon à les dispenser d'avoir à procéder à une nouvelle saisie ou à un scannage.

Cette disposition est encadrée :

- elle ne concerne que les documents imprimés, mis à la disposition du public, et qui existent déjà sous la forme de fichiers numériques ;

- cet accès se fait par l'intermédiaire d'organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l'autorité administrative ;

- les personnes morales et établissements bénéficiaires devront en garantir la confidentialité et la sécurisation.


• L'amendement n° 272 ne reprend en revanche pas le dispositif des amendements n°  153 et 154 qui étendaient le champ de l'exception de copie privée aux reproductions effectuées à partir d'un service de communication en ligne, dans la perspective de l'instauration d'un système de licence globale .


• L'amendement gouvernemental prévoit en revanche deux exceptions nouvelles .

Il complète tout d'abord le dispositif de l'article L. 122-5 par un nouvel alinéa 8°) créant une exception en faveur des bibliothèques et services d'archives accessibles au public .

Cette nouvelle exception est autorisée par l'article 5-2c de la directive du 22 mai 2001.

L'amendement n° 272 dans sa rédaction initiale, encadre strictement ce droit de copie :

- elle ne peut porter que sur des oeuvres appartenant aux collections de ces établissements ;

- elle est subordonnée à la condition que le support sur lequel est fixée l'oeuvre ne soit plus disponible à la vente, ou que le format de lecture soit devenu obsolète ;

- ces copies ne doivent viser aucun avantage commercial ou économique, et respecter les limites posées par l'article L. 122-6-1 relative aux logiciels (exceptions de décompilation, copie de sauvegarde).

Il complète en outre l'article L. 122-5 par un nouvel alinéa 9°) créant une nouvelle exception au droit d'auteur en matière d'information .

Cette nouvelle exception est ainsi délimitée :

- elle ne porte que sur la reproduction, intégrale ou partielle, d'une oeuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne ;

- elle est subordonnée à un but d'information, pour rendre compte d'évènements d'actualité ;

- elle est subordonnée à l'obligation d'en indiquer, dans la mesure du possible, la source et l'auteur ;

- elle est en outre assortie de deux conditions supplémentaires alternatives : la reproduction de l'oeuvre est accessoire, ou l'oeuvre a été réalisée pour être placée en permanence dans un lieu public.

Ce dispositif opère une fusion originale de deux des exceptions autorisées par la directive du 22 mai 2001 :

- l'exception de l'article 5-3 c) qui autorise la reproduction ou la communication par la presse et les médias d'information soit d'articles publiés sur un thème d'actualité, soit d'autre objets protégés, mais à condition que ce soit afin de rendre compte d'évènements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi, et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur ;

- l'exception de l'article 5-3 h) qui autorise l'utilisation d'oeuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.

Il s'inspire en outre de la jurisprudence des tribunaux français qui admet la reproduction d'oeuvres situées sur la voie publique lorsque l'oeuvre reproduite n'apparaît que de manière accessoire par rapport au sujet principal.

Il n'est pas sûr que la conjonction de ces trois sources d'inspiration aboutisse à une synthèse très harmonieuse.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a simplifié le dispositif relatif à l'exception en faveur des bibliothèques , des musées et des archives qu'elle a sensiblement élargi. Le sous-amendement n° 311 qu'elle a adopté supprime une partie des restrictions apportées par la rédaction initiale, et ouvre le bénéfice de l'exception aux « actes de reproduction spécifiques » effectués par ces établissements, sous la seule condition qu'ils ne recherchent aucun avantage commercial ou économique.

L'Assemblée nationale a en outre complété l'amendement n° 272 du Gouvernement par trois sous-amendements qui, contrairement à celui-ci, n'ont pas vocation à compléter ou modifier l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, et n'entretiennent de ce fait, que des relations assez lointaines avec la définition des exceptions au droit d'auteur.

Un sous amendement n° 302 présenté par Mme Marland-Militello (UMP- Alpes Maritimes) devenu le II du premier article insère dans le code de la propriété intellectuelle, un nouvel article L. 131-8-1 précisant que « l'auteur est libre de choisir le mode de rémunération et de diffusion de ses oeuvres ou de les mettre gratuitement à la disposition du public. »

Un sous-amendement n° 381 présenté par M. Dutoit (CR - Bouches du Rhône), devenu le III du présent article annonce, à travers l'obligation d'un rapport au Parlement, la création d'une plateforme publique de téléchargement privilégiant la diffusion des oeuvres des jeunes créateurs, moyennant une juste rémunération.

Un sous-amendement n° 383 présenté par M. Baguet (UDF - Hauts-de-Seine), devenu le IV du présent article porte sur la protection sociale des « auteurs d'oeuvres photographiques journalistes professionnels », plus communément appelés « reporters photographes ». L'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale procède à leur affiliation obligatoire au régime général de la sécurité sociale, dans les mêmes conditions que les salariés, pour les revenus qu'ils tirent de l'exploitation de leurs oeuvres photographiques en dehors de la presse, ainsi que pour les revenus complémentaires qu'ils tirent de l'exploitation de leurs oeuvres dans la presse. La prise en compte de ces revenus complémentaires est cependant subordonnée à un accord collectif de branche qui devait intervenir avant le 30 juin 1995, aux termes de l'article 22 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 ou, à défaut, à la parution d'un décret en Conseil d'Etat.

Les divergences de positions entre agences de presse et journalistes n'ont permis la parution d'aucun de ces deux textes. Le Gouvernement a indiqué en séance que « de récentes négociations menée entre les partenaires sociaux ont permis d'aboutir fin 2005 à un accord entre les syndicats de journalistes et l'une des deux organisations professionnelles des agences de presse. » Plusieurs points restent cependant en discussion avec la seconde organisation professionnelle représentative des employeurs.

L'amendement n° 383 a pour objet de permettre la conclusion d'un nouvel accord sectoriel (et non plus collectif de branche) entre les agences de photographie et les syndicats de reporters.

Un sous-amendement n°382 qui se proposait de réactualiser la date butoir fixée dans la loi du 27 janvier 1993, a été déclaré irrecevable laissant la réforme inaboutie.

Le ministre s'est cependant engagé à revenir sur ce point lors de la discussion du texte au Sénat.

III. Position de votre commission

A- EXCEPTIONS AU DROIT D'AUTEUR

Votre commission vous propose d'apporter plusieurs modifications d'inégale importance au dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour le I du présent article.


Exception en faveur des handicapés

Outre quelques amendements d'ordre rédactionnel, elle vous propose d'apporter deux modifications au dispositif relatif à l'exception en faveur des handicapés :

- la première, pour renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer le taux d'incapacité ouvrant droit au bénéfice de l'exception ; cette précision relève du domaine réglementaire et le recours à un décret permettra de moduler le taux en fonction de la nature du handicap, et de son impact sur l'accès aux oeuvres ;

- la seconde, pour substituer à l'obligation d'un dépôt systématique du fichier numérique de tout texte imprimé, l'obligation pour les éditeurs, de répondre dans les meilleurs délais aux demandes de dépôt formulées par les personnes morales et les établissements réalisant des supports adaptés ; la production éditoriale étant de 50 000 titres par an, une obligation de dépôt systématique risquerait de s'avérer inutilement lourde.


Exception en faveur des bibliothèques, musées et archives

Votre commission souhaite, en outre, mieux préciser le champ de l'exception en faveur des bibliothèques, des musées et des archives.

La notion « d'actes de reproduction spécifiques », retenue par l'Assemblée nationale, figure dans la directive du 22 mai 2001 mais n'a pas de signification précise en droit français.

Aussi, votre commission préfère-t-elle lui substituer la notion d'actes de reproduction d'une oeuvre « effectués à des fins de conservation ou de consultation sur place » qui lui paraissent plus explicites.


Exception en faveur de la presse

Le dispositif relatif à l'exception en faveur de la presse lui paraît également devoir être refondu.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale emprunte certains de leurs éléments à deux exceptions distinctes de la directive, et y ajoute des considérations tirées de la jurisprudence française. La fusion de ces trois sources hétérogènes aboutit à un dispositif qui manque à la fois de clarté et de cohérence.

La première source à laquelle elle emprunte figure à l'article 3 c) de la directive précitée. Celle-ci autorise les Etats à prévoir une exception aux droits protégés : « lorsqu'il s'agit de la reproduction par la presse, de la communication au public ou de la mise à disposition d'articles publiés sur des thèmes d'actualité à caractère économique, politique, religieux ou d'oeuvres radiodiffusées ou d'autres objets protégés présentant le même caractère, dans les cas où cette utilisation n'est pas expressément réservée et pour autant que la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée, ou lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'évènements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi et sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur ».

Cette disposition de la directive appelle plusieurs remarques :

- elle ne vise pas spécifiquement les oeuvres d'art graphiques, plastiques ou architecturales ; elle porte plutôt, en priorité, sur des articles consacrés à des thèmes d'actualité, sur des oeuvres radiodiffusées, ou d'une façon générale, sur d'autres objets protégés présentant tous pour caractéristique de porter sur des thèmes d'actualité à caractère économique, politique ou religieux ;

- ce n'est que dans la seconde partie de son dispositif qu'elle autorise également « l'utilisation d'oeuvres ou d'autres objets protégés afin de rendre compte d'évènements d'actualité » sans donner plus de précisions sur la nature de ces oeuvres. Elle assortit cette autorisation de deux conditions restrictives que reprend littéralement le dispositif adopté par l'Assemblée nationale : cette utilisation n'est licite que « dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi » et « sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur ».

La seconde exception à laquelle puise le dispositif adopté par l'Assemblée nationale figure à l'article 5.3 h) de la directive précitée. Celle-ci autorise les Etats à prévoir une exception aux droits protégés : « lorsqu'il s'agit de l'utilisation d'oeuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics. »

Cette seconde exception présente une visée très différente :

- elle n'est, tout d'abord, absolument pas subordonnée à un but d'information ;

- elle n'impose pas la mention de l'auteur ou de la source ;

- la notion de réalisations architecturales et de sculptures paraît plus étroite que celle d'oeuvres « graphiques, plastiques ou architecturales ».

La troisième source à laquelle puise le dispositif adopté par l'Assemblée nationale provient de la jurisprudence des tribunaux français.

Le juge français considère d'une façon générale que l'exception de citation, qui autorise la reproduction de courts extraits d'une oeuvre, à la condition que l'auteur, et la source en soient clairement indiqués, ne s'applique qu'aux oeuvres littéraires ; les hypothèses où il a paru étendre cette exception aux oeuvres d'art sont trop exceptionnelles, marginales et sans lendemain pour fonder une jurisprudence.

Le juge se montre en revanche plus ouvert à l'égard des photographies d'oeuvres d'art situées sur la voie publique. Il admet une certaine forme de liberté de reproduction lorsque le monument en cause se trouve dans le décor d'une manifestation publique 92 ( * ) ou lorsque l'oeuvre reproduite n'apparaît que de manière accessoire par rapport au sujet principal traité 93 ( * ) ; ou lorsque l'oeuvre s'incorpore pour l'essentiel au sol de l'espace public, à propos de la place des Terreaux, à Lyon 94 ( * ) .

Ces décisions ne se rattachent cependant pas à l'exception de citation, et n'exigent pas la mention du nom de l'auteur. Dès lors que la représentation de l'oeuvre en question est accessoire, il serait en effet peut-être paradoxal de la tirer de l'arrière plan où elle est reléguée par la mention explicite de son auteur, qui ramènerait l'attention sur elle.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne parvient pas à fondre en un tout cohérent les éléments disparates empruntés à ces sources différentes.

Son ambiguïté provient en particulier du fait que si l'exception « information » reprise dans la première partie du dispositif requiert les mentions de l'auteur et de la source, l'exception « monuments publics » et la théorie jurisprudentielle de « l'accessoire » semblent a priori l'exclure.

De deux choses l'une en effet :

- ou bien l'exception couvre la représentation des oeuvres qui, étant situées à l'arrière-plan ne sont pas le sujet du reportage ; la représentation de l'oeuvre relève bien dans ce cas de « l'accessoire » et il est paradoxal de la tirer de l'arrière champ où elle se fond en exigeant la mention explicite de son auteur ;

- ou bien l'exception couvre la représentation des oeuvres spécifiées en tant que telles par la mention de leur auteur, et il semble que l'on sorte alors du cadre de la représentation « accessoire », sauf à en distendre inconsidérément les propositions.

Ces considérations conduisent votre commission à vous proposer, par amendement , une nouvelle rédaction.

Celle-ci s'attache tout d'abord à réparer une omission qui aurait pu être lourde de conséquences.


• Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui souhaitait faire bénéficier de cette exception non seulement la presse écrite, mais aussi la presse audiovisuelle ou en ligne, n'a ciblé cette exception que sur la reproduction des oeuvres. Or, la diffusion télévisuelle ne relève pas du droit de reproduction, mais du droit de représentation comme le confirme explicitement l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle. Si l'on ne veut donc pas exclure l'information télévisée du bénéfice de cette exception, il convient alors de viser la reproduction et la représentation d'une oeuvre.


• Votre commission vous propose de subordonner le bénéfice de l'exception à un « but d'information immédiate », formule qui a le mérite d'avoir déjà été dégagée par la jurisprudence française (notamment TGI Paris, 13 mars 1986) et qui lui paraît moins redondante et tout aussi explicite que l'expression « dans un but d'information... lorsqu'il s'agit de rendre compte d'évènements d'actualité, dans la mesure justifiée par le but d'information poursuivi » directement issu du glossaire de la directive.


• Le dispositif adopté par votre commission privilégie la notion de « représentation accessoire ou fugitive », qui lui paraît le mieux à même de répondre aux besoins concrets de la presse, pour compenser les effets préjudiciables de l'absence d'exception de citation, pour les oeuvres d'art graphiques. Cette consécration législative de deux notions jurisprudentielles françaises lui paraît en effet mieux garantir la sécurité juridique, sans entraîner des remises en cause susceptibles de provoquer un préjudice injustifié aux intérêts des auteurs d'oeuvres graphiques, plastiques ou architecturales, dont la légitimité est incontestable, et qui d'ailleurs, appartiennent aussi parfois au monde de la presse, comme par exemple les reporters photographes.

Votre commission s'est délibérément abstenue de reprendre l'exigence de la mention de l'auteur et de la source, estimant que son caractère systématique pourrait être contraire à l'objectif poursuivi, et qu'il devait revenir au juge de décider, en fonction des circonstances de l'espèce, comme il le fait déjà aujourd'hui, si cette mention est, ou non, nécessaire en fonction du lien avec le sujet traité.


Exception en faveur de l'éducation et de la recherche

L'exception en faveur de l'enseignement et de la recherche scientifique est la première des exceptions que l'article 5.3 de la directive autorise les Etats à reconnaître dans leur droit interne.

Il s'agit d'une exception assez largement répandue en Europe et au-delà de notre continent. A s'en tenir à nos partenaires européens : l'Allemagne, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Belgique et le Portugal l'ont déjà instituée.

Le Gouvernement n'a cependant pas souhaité s'engager dans une voie qui paraît, il est vrai, novatrice par rapport à la tradition française, lui préférant la voie de la négociation collective pour faire sortir de la « zone grise » un certain nombre de pratiques actuelles qui sont plus tolérées que véritablement autorisées.

Votre commission avait jugé encourageante la signature d'une déclaration commune, le 14 janvier 2005, par le ministre de l'éducation nationale, et celui de la recherche. Mais elle s'est étonnée des retards successifs que prenait la publication des accords, maintes fois annoncée, et maintes fois repoussée. Ceux-ci sont parus tardivement, alors que le débat était déjà largement engagé à l'Assemblée nationale.

Or ces accords ne paraissent pas pleinement satisfaisants :

- malgré leur publication tardive, leur négociation semble avoir été précipitée : comment expliquer autrement, que la Conférence des présidents d'université n'ait pas été consultée, comme l'ont révélé nos dernières auditions ?

- le contenu des accords est parfois exagérément restrictif : ainsi, par exemple, l'utilisation d'une oeuvre musicale enregistrée est limitée à 30 secondes, dans le cadre de la classe comme pour un sujet d'examen.

Ces raisons conduisent votre commission à vous proposer d'introduire dans l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle une nouvelle exception au droit d'auteur en faveur de l'enseignement et de la recherche, strictement encadrée :

- cette exception ne peut porter que sur la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres, ou d'extraits d'oeuvres, à l'exclusion des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques ; ces dernières étant en effet conçues pour être utilisées dans un cadre scolaire, il a paru à votre commission que les inclure dans le champ de l'exception pourrait constituer une atteinte à leur exploitation normale, peu conforme aux exigences du « triple test ».

Cette exception est subordonnée à des fins d'analyse ou d'illustration de l'enseignement et de la recherche, la notion d'analyse renvoyant aussi bien aux sujets d'examen qu'aux explications de texte. Les activités ludiques ou récréatives en sont exclues et leur utilisation ne doit donner lieu à aucune exploitation commerciale.

A l'image de l'exception « représentation dans le cercle de famille » elle est limitée au cercle des élèves, étudiants, enseignants, et chercheurs, directement concernés. Cette notion de cercle, qui est destinée à circonscrire le champ de ses bénéficiaires, doit être interprétée à la lumière de la directive, dont le considérant n° 42 n'exclut pas l'enseignement à distance .

Dans un esprit d'équité, conforme à l'esprit de la directive, et notamment à son considérant n° 35, votre commission propose que cette exception soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire, sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie instituée par l'article L. 122-10 du code de la propriété intellectuelle.

B- DISPOSITIONS ADDITIONNELLES AJOUTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les dispositions figurant au II, au III et au IV du présent article, ont été ajoutées par l'Assemblée nationale et sont étrangères à la transposition de la directive .


Liberté de l'artiste dans l'exploitation de son oeuvre

Le principe posé dans le II par le nouvel article L. 131-8-1 du code de la propriété intellectuelle, est à la fois sympathique et ambigu. Il tend, à première vue, à affirmer que l'auteur est libre de mettre son oeuvre à la disposition du public de façon payante ou de façon gratuite.

Il ne ferait alors que confirmer ce qu'indique déjà l'article L. 122-7 du code précité qui dispose que les droits qu'a l'auteur sur son oeuvre sont cessibles « à titre gratuit ou à titre onéreux ».

Toutefois, en ajoutant que l'auteur est « libre de choisir son mode de rémunération », il risque de remettre en question certains principes généraux de la rémunération des auteurs, comme par exemple, celui de la « rémunération proportionnelle aux recettes » alors que celui-ci est généralement considéré comme une disposition protectrice pour les auteurs face à des partenaires plus puissants qui pourraient être tentés de leur imposer, par exemple, une rémunération forfaitaire.

Il convient en outre d'éviter qu'une affirmation trop unilatérale du libre choix de l'auteur n'entraîne des dommages collatéraux sur les droits de ses co-auteurs et des tiers, ou ne fragilise les conventions qu'il aurait pu conclure.

Aussi, votre commission vous proposera-t-elle par un amendement , d'assortir la rédaction de cette disposition d'un minimum de précautions.


Rapport sur une plateforme publique de téléchargement

Le III demande au Gouvernement de transmettre au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux modalités de mise en oeuvre d'une plateforme publique de téléchargement destinée à favoriser la diffusion des oeuvres des jeunes créateurs, tout en assurant leur juste rémunération.

Cette initiative est intéressante, même si certaines précisions mériteraient d'être apportées sur ce projet, en particulier sur les modalités de la rémunération des jeunes créateurs, ainsi que sur l'origine de leur financement.

La notion de « jeune créateur » étant par nature difficile à définir, sans doute conviendrait-il de lui préférer celle de nouveau créateur.

Plutôt que de faire l'objet d'un rapport spécifique, prévu au présent article, votre commission considère que la présentation de cette plateforme devrait plutôt prendre place dans le rapport qu'elle demandera au Gouvernement de présenter sur l'application de l'ensemble des dispositions de la présente loi , dans les 18 mois qui suivront sa promulgation.

Aussi votre commission vous propose-t-elle de supprimer le III.


Protection sociale des reporters photographes

Malgré les demandes répétées de votre rapporteur, le ministère de la culture ne lui a fourni aucune précision sur l'état d'avancement des négociations menées sur le sujet avec les organisations professionnelles représentatives, pour lui permettre de déterminer s'il est opportun ou non de réactualiser la date butoir fixée dans la loi du 27 janvier 1993, afin de donner au dispositif du IV tout son sens.

D'après certaines indications, le Gouvernement semblerait décidé à prendre une initiative en ce sens, dans un domaine où une initiative parlementaire pourrait se heurter, comme à l'Assemblée nationale à une exception d'irrecevabilité.

Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous demande d'adopter cet article.

* 91 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique - article 4 : « on entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérables et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en oeuvre. »

* 92 T. civil Mirecourt - 10 juillet 1924

* 93 TGI Nanterre - 12 novembre 1997

* 94 TGI Lyon - 4 avril 2001

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