II. UN PROJET DE LOI CONFORME AUX ORIENTATIONS PRÉCONISÉES PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES EN 2003
Au vu de l'important travail fourni par la mission d'information sur les enjeux économiques et environnementaux des OGM mise en place par la commission des affaires économiques du Sénat de février 2002 à mai 2003, votre rapporteur a jugé utile d'examiner le contenu du présent projet de loi au regard des positions qui avaient alors été arrêtées et approuvées par l'ensemble des groupes politiques du Sénat.
La mission d'information avait formulé onze propositions . La première d'entre elles était de « respecter et, au besoin, protéger la recherche, dès lors qu'elle se plie comme de juste au principe de précaution ». Le présent projet de loi s'inscrit dans cette perspective, en particulier dans la transposition de la directive 98/81/CE et des dispositions de la directive 2001/18/CE relatives aux essais au champ 16 ( * ) . Quant aux cultures de PGM ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, elles ne concernent pas spécifiquement le champ de la recherche.
La deuxième proposition consistait à « encadrer les cultures de PGM » afin de limiter leur présence fortuite dans les autres cultures. Incontestablement, le projet de loi apporte, pour la première fois, un cadre défini à la coexistence . Il convient de rappeler, en particulier, que les dispositions proposées pour l'article L. 663-8 du code rural imposent le « respect de conditions techniques visant à éviter la présence accidentelle d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres productions ». S'ajoutent à cela les dispositions de l'article 22 du projet de loi qui punissent de deux ans de prison et 75.000 euros d'amende la méconnaissance de ces prescriptions techniques 17 ( * ) . Votre rapporteur considère donc que cette deuxième proposition est satisfaite par le dispositif du projet de loi .
La troisième proposition consistait à « fixer des seuils d'étiquetage de présence d'OGM réalistes ». La mission d'information estimait en 2003 que le seuil de 0,9 %, qui n'était alors qu'en discussion, était déjà très bas 18 ( * ) . Votre rapporteur se contentera de rappeler ici que le règlement communautaire n° 1829/2003 du 22 septembre 2003 a effectivement fixé ce seuil à 0,9 % 19 ( * ) .
La quatrième proposition appelait à « soutenir au plus vite la recherche par un soutien économique aux entreprises, un rétablissement des budgets de recherche publique, un encouragement des partenariats de recherche public/privé, mais aussi un signe politique de soutien moral aux scientifiques de notre pays ». Cette proposition ambitieuse dépasse le cadre de ce seul projet de loi et renvoie en partie aux dispositions du projet de loi de programme pour la recherche. Toutefois, il n'est pas inutile de rappeler cette position de la mission d'information et votre rapporteur souhaite que la discussion du présent projet de loi par le Parlement soit aussi l'occasion d'adresser ce signe de soutien à la communauté scientifique . Il estime, du reste, qu'un très large consensus existe au sein de votre commission sur ce point .
La mission d'information avait souhaité, en cinquième lieu , « clarifier la situation en distinguant différents risques ». De fait, le projet de loi réserve un traitement particulier au risque économique. Il n'écarte pas les autres dimensions, en laissant ouvertes toutes les voies de recours de droit commun.
La sixième proposition était de « défendre farouchement, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales » le certificat d'obtention végétale (COV). Votre rapporteur, qui avait été désigné rapporteur au nom de la commission des affaires économiques du projet de loi relatif aux obtentions végétales 20 ( * ) , adhère toujours pleinement à cet objectif et croit l'avoir montré à cette occasion. Il se félicite, en outre, de la grande convergence des points de vue, au sein de votre commission, sur cette question.
La mission d'information avait souhaité, en septième lieu, « la création d'une instance symétrique à l'instance d'évaluation et de contrôle scientifique qui permette la pleine expression de la société civile ». Cette proposition est satisfaite par la création, au sein du nouveau conseil des biotechnologies d'une section socio-économique spécifique à côté de la section scientifique.
La huitième proposition consistait à « soutenir la mise en place d'une biovigilance dans tous les pays du monde, et notamment dans ceux en voie de développement dans le cadre d'une agence mondiale de l'environnement (AME) dont la FAO pourrait tenir le rôle avant sa mise en place ». Cette proposition ne reçoit pas d'écho dans le projet de loi, mais votre rapporteur attirera l'attention du Gouvernement sur ce point en séance publique.
La neuvième proposition tendait à « rendre effective l'information des élus locaux, notamment par l'élaboration de plans d'occupation des champs (POC) ». Votre rapporteur rappelle que l'information des maires est d'ores et déjà complète en matière d'essais au champ. Pour ce qui est des cultures, le texte du projet de loi lui paraît insuffisamment précis et votre commission vous formulera deux propositions sur ce point 21 ( * ) .
La mission d'information avait formulé comme dixième proposition l'adoption d'une « loi fondatrice sur les biotechnologies ». Votre rapporteur constate que tel n'est pas l'objet du présent projet de loi, qui consiste pour l'essentiel à transposer deux directives européennes. Il émet toutefois le souhait que l'examen du présent texte soit l'occasion d'un large débat sur les enjeux des biotechnologies pour notre pays, dans l'attente de cette loi fondatrice. Une telle loi permettrait d'inscrire pleinement les sciences de la vie dans l'ambition européenne de développement que porte la stratégie de Lisbonne.
Enfin, la mission d'information souhaitait, en dernier lieu , « que soit levé le moratoire » sur les OGM qui était en vigueur en 2003. Votre rapporteur rappelle que ce moratoire a été levé en mai 2004. Il ne peut donc naturellement pas souscrire aux demandes de ceux qui souhaitent aujourd'hui un nouveau moratoire.
Au vu de ces éléments, votre rapporteur considère que le projet de loi soumis à votre Haute assemblée s'inscrit, pour l'essentiel, dans les orientations définies par la mission d'information de votre commission, ce dont il se félicite vivement.
* 16 Cf. par exemple, le huitième considérant de la directive 2001/18/CE : « il a été tenu compte du principe de précaution lors de la rédaction de la présente directive et il devra en être tenu compte lors de sa mise en oeuvre ».
* 17 Votre rapporteur souhaite souligner l'importance de ces sanctions en rappelant, à titre de comparaison, que la mise en danger de la vie d'autrui est punie d'un an de prison.
* 18 Op. cit . p. 17.
* 19 Cf . règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, article 12.
* 20 Ce projet de loi a été examiné par votre Haute assemblée au mois de février 2006.
* 21 Cf. infra . III.