III. L'ADAPTATION DU DISPOSITIF FRANÇAIS EST NÉCESSAIRE ET DÉSORMAIS POSSIBLE
A. LA FRANCE NE BÉNÉFICIE TOUJOURS PAS DES AVANCÉES DES ANNÉES 1990, CE QUI FRAGILISE SA POSITION
N'ayant pas ratifié la convention de 1991, notre pays connaît trois retards principaux : sur la durée des COV, sur l'articulation des COV avec les brevets et sur le principe des semences de ferme.
1. Les obtenteurs français sont fragilisés par les durées de validité des certificats
Si certaines variétés développées par les obtenteurs français bénéficient des durées de protection communautaires, tel n'est pas le cas en revanche pour celles qui ne sont protégées qu'en France 11 ( * ) . En effet, les certificats de protection valables dans notre pays sont délivrés pour des durées de 20 et 25 ans 12 ( * ) , soit cinq ans de moins que pour les protections communautaires. Cela équivaut à une perte de protection de 20 à 25 %.
A titre d'exemple, pour les obtenteurs des variétés de pommes de terre Charlotte et Mona Lisa dont la protection expire en 2006, le coût annuel de cette carence pourrait s'élever respectivement à 670.000 euros et 225.000 euros, du fait des pertes de redevance en résultant. Il en est de même du blé tendre Galaxie et de l'orge Flika qui perdraient leur protection le 6 mars de cette année.
Or, la protection de ces variétés est essentielle pour les 77 entreprises de sélection de notre pays. Elles en font en effet le premier producteur et exportateur européen « semences et plants ».
2. Par sa non reconnaissance de la notion de « variété essentiellement dérivée », la France affaiblit sa position
Cette notion, introduite dans la convention de 1991, marque une avancée dans l'articulation entre le système du brevet et celui du COV .
Or, quinze ans après l'adoption de ce texte, la France ne s'est toujours pas dotée de dispositions permettant d'éviter que l'introducteur d'un gène breveté dans une variété végétale puisse avoir un droit de propriété total sur la nouvelle variété obtenue. Pourtant, il y a urgence : les capacités d'invention biotechnologiques sont aujourd'hui sans commune mesure avec ce qu'elles étaient au début des années 1990 et elles bénéficient désormais d'un cadre juridique plus favorable depuis la transposition de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques 13 ( * ) .
Le retard dans la ratification de la convention est dommageable en soi, mais il affecte aussi la position de la France qui, étant depuis plus de quarante ans la principale inspiratrice du système du COV, est aujourd'hui appelée à jouer un rôle central dans la reconnaissance internationale dudit système par rapport à celui du brevet. En effet, l'augmentation du nombre des pays signataires de la convention UPOV ne signifie pas pour autant qu'il existe un consensus international sur l'intérêt des COV par rapport aux brevets. Depuis que l'OMC autorise la mise en place de systèmes de propriété intellectuelle en matière végétale 14 ( * ) , plusieurs pays en développement s'interrogent sur les mérites respectifs des deux dispositifs, dont l'un (le brevet) est promu principalement par les Etats-Unis 15 ( * ) et l'autre (le COV) par les européens.
L'une des questions centrales de ce débat réside dans la capacité du COV à s'articuler harmonieusement avec le système des brevets, déjà très répandu 16 ( * ) . Le fait que la France, pays emblématique de l'UPOV, n'applique toujours pas le mode d'articulation posé par la convention UPOV de 1991 affecte non seulement sa crédibilité au sein de l'union, mais fragilise également l'ensemble du système vis-à-vis des pays tiers.
* 11 Ou dans d'autres pays offrant eux aussi des protections moins favorables.
* 12 Article L. 623-13 du code de la propriété intellectuelle.
* 13 Même s'il est vrai que le législateur français a veillé à préserver l'exemption du sélectionneur pour les variétés obtenues à partir de variétés incorporant elles-mêmes des inventions biotechnologiques brevetées. Ainsi, aux termes de la loi n° 2004-1338 du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, si une nouvelle variété résultant d'un travail de sélection ne contient pas l'invention biotechnologique (un gène breveté), elle peut être exploitée librement par celui qui l'a créée. Si, à l'inverse, le gène breveté s'exprime dans la nouvelle variété créée, une licence du détenteur du gène breveté doit être obtenue pour pouvoir l'exploiter.
* 14 Accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) signé à Marrakech le 15 avril 1994.
* 15 Membres de l'UPOV, les Etats-Unis pratiquent un système mixte : ils protègent certaines de leurs variétés par des COV et d'autres par le système du brevet, qu'ils promeuvent clairement au niveau international.
* 16 Le progrès biotechnologique conduit précisément à impliquer dans le domaine agricole de plus en plus d'entreprises (souvent multinationales) des secteurs de la chimie ou de la pharmacie, dont l'essentiel du modèle économique et des pratiques courantes repose sur l'utilisation de brevets.