3. Approuver la proposition de créer un groupe de travail sur les modalités d'un contrôle parlementaire des services de renseignements
En première lecture à l'Assemblée nationale, trois amendements présentés respectivement par les membres du groupe socialiste, le député Pierre Lellouche et le rapporteur de la commission des lois ont eu pour objet, sous des formes différentes, de créer un organe de contrôle des services de renseignement composé de parlementaires.
La France est pratiquement la dernière démocratie occidentale avec le Portugal à ne pas disposer d'une structure parlementaire de contrôle des services de renseignement.
Cette exception française a longtemps été justifiée par la crainte qu'un contrôle parlementaire entrave ou gêne l'action des services de renseignements intérieurs et extérieurs. Le contexte particulier de la guerre froide a longtemps été avancé en défaveur d'un tel organe.
Toutefois, l'environnement géopolitique a aujourd'hui totalement changé. En outre, le Parlement exerce d'ores et déjà un contrôle sur les forces armées ou sur la diplomatie française sans que cela constitue un obstacle à l'action de la France. En matière de renseignements, les expériences étrangères démontrent qu'il en va de même.
Ce projet de loi qui renforce notablement les moyens des services de renseignement intérieur est donc apparu à juste titre comme l'occasion de poser enfin ce débat. La contrepartie naturelle de ces nouveaux pouvoirs est un renforcement des contrôles.
Les trois amendements proposaient des solutions assez différentes : une délégation parlementaire commune aux deux assemblées, une commission de contrôle composée en partie de parlementaires nommés par chaque assemblée, une commission de contrôle composée exclusivement de parlementaires nommés par le premier ministre.
Face à ces propositions, le Gouvernement a donné un accord de principe sur la création d'un organe de contrôle. Toutefois, ne s'estimant pas capable de départager entre ces solutions, il a souhaité ne pas prendre une décision hâtive afin de mettre au point la rédaction qui combine au mieux discrétion, transparence et démocratie.
Il a donc proposé la création d'un groupe de travail réunissant les représentants des groupes parlementaires des deux assemblées et les fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignement. Les conclusions de ce groupe de travail devrait être rendus avant le 15 février, afin qu'une proposition ou un projet de loi puisse être rapidement déposé.
Cette proposition du Gouvernement a reçu l'accord de la quasi-totalité des groupes à l'Assemblée nationale.
Votre commission des lois se félicite que ce débat nécessaire soit enfin engagé et souhaite que le Sénat prenne toute sa part à ce groupe de travail.
Il semble préférable en effet qu'une réflexion approfondie précède la création d'un tel organe. S'il devait être mal conçu dès sa naissance, il ne servirait à rien et il faudrait probablement attendre longtemps avant que les services de renseignement acceptent de jouer le jeu de ce contrôle.
Pour qu'un tel organe fonctionne et soit donc utile, une relation de confiance doit s'établir entre les services de renseignements et les parlementaires membres de l'organe de contrôle. Si les conditions du secret ne sont pas réunies, les services de renseignement refuseront de collaborer et ne donneront que les informations qu'ils souhaitent donner.
Ces conditions très particulières font qu'un tel organe de contrôle ne peut pas fonctionner selon les règles habituelles d'organisation des délégations parlementaires ou des offices.
A ces questions juridiques s'ajoutent également des problèmes matériels. Une commission de contrôle des services de renseignements ne peut avoir accès à des données confidentielles que si les locaux sont sécurisés et satisfont aux normes habituellement requises. Se pose également la question de l'habilitation des parlementaires à accéder à des documents classifiés. Devront-ils être soumis à une enquête préalable ? C'est à ces questions et à bien d'autres que devra répondre le groupe de travail.
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Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié.