II. L'ACTE II DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. LES CINQ AXES ESSENTIELS DU PROJET DE LOI

1. La nouvelle architecture

La première innovation introduite par le présent projet de loi organique tient à l'architecture de la loi de financement.

Actuellement, le Parlement examine les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans leur ordre chronologique. Il était retenu comme usage de faire figurer d'abord les dispositions relatives aux recettes, puis celles relatives aux dépenses des différentes branches avant de finir par les mesures permanentes et celles relatives à la trésorerie.

Pour sa part, le Sénat a expérimenté, puis pris l'habitude d'organiser, par cohérence, l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale autour de plusieurs thèmes : en priorité, les dispositions relatives aux recettes et à la trésorerie ; puis, les dispositions consacrées à chacune des branches.

Le projet de loi propose d'organiser désormais une césure stricte entre :

- une première partie consacrée aux recettes et aux tableaux d'équilibre des régimes et des organismes concourant à leur financement ;

- une seconde partie consacrée aux mesures dépensières.

2. L'universalité de la loi de financement sur la sécurité sociale

Compromis technique mettant en oeuvre un compromis politique, la loi de financement dans sa version première de 1996 n'abordait les enjeux de la protection sociale que de manière parcellaire. Ainsi, son champ n'était étendu ni à l'ensemble de la protection sociale - qui inclut la totalité des régimes obligatoires et facultatifs - ni même à la totalité de la sécurité sociale de base.

Le projet de loi corrige l'essentiel de cette défaillance de champ. Mais il ne prévoit pas, votre commission s'en félicite à ce stade, d'extension de la compétence de la loi sur la totalité des assurances sociales.

a) L'extension à l'ensemble des régimes obligatoires de base

Comme il a été expliqué ci-dessus, le champ retenu en 1996 par le législateur organique, pour un premier exercice, était volontairement limité aux régimes les plus importants, c'est-à-dire ceux justifiant de plus de 20.000 titulaires de droits propres.

Ce choix posait de nombreuses difficultés dont une de taille : l'impossibilité, de fait, de confronter les recettes de ces régimes à leurs dépenses puisque les prévisions de recettes, établies par catégorie, incluent l'ensemble des recettes des régimes et des fonds sociaux, y compris celles de ces petits régimes ne relevant pas du champ de la loi de financement.

La réforme proposée par le présent projet de loi met fin à cette dichotomie en étendant le champ de la loi de financement à l'ensemble du domaine de la sécurité sociale de base. Désormais tous les régimes de base de sécurité sociale seront concernés par la loi de financement de la sécurité sociale.

b) La prise en compte de la protection sociale agricole

Avant le vote de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les comptes de la protection sociale agricole étaient examinés dans deux cadres différents :

- un cadre traditionnel par le vote du BAPSA en loi de finances ;

- un cadre « confidentiel » en loi de financement de la sécurité sociale. Le régime de protection sociale des exploitants agricoles comportant plus de 20.000 ressortissants, les dépenses du BAPSA étaient approuvées par catégorie de risque, en même temps que les objectifs de dépenses des différentes branches (vieillesse, maladie, famille). La loi de financement de la sécurité sociale fixait également le plafond d'emprunt du régime agricole. Le BAPSA était approuvé par le Parlement en loi de financement avant qu'il ne soit débattu en loi de finances, même si cette particularité restait méconnue.

La LOLF a modifié ce partage de compétences puisqu'elle a entraîné la suppression du BAPSA et son remplacement par un fonds social, le FFIPSA. Sa disparition prive le Parlement d'un débat annuel important car si la loi de finances ne présente plus d'accroche pour un tel débat, la loi de financement n'en offrait pas véritablement. La seule ligne budgétaire propre à la protection sociale agricole est le plafond d'emprunt de la Mutualité sociale agricole, sur laquelle il semblerait artificiel de greffer une discussion. Comment, dès lors, débattre de l'équilibre de ce régime ?

La discussion spécifique, en loi de financement, des dépenses que retrace le FFIPSA pose toutefois une difficulté de principe. Ce fonds présente les dépenses et les recettes d'un régime transversal qui assure des prestations familiales, de retraite et de maladie. Or, l'approche générale de la loi de financement consiste à prévoir l'approbation des dépenses par branche, y compris celles de la prestation sociale agricole. Le risque est donc de voter deux fois les mêmes dépenses.

Un compromis proposé consiste à voter les comptes de la protection sociale agricole autour du tableau d'équilibre du FFIPSA.

c) L'inclusion partielle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Créée par la loi du 20 juillet 2001, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) a profondément modifié l'organisation institutionnelle de la prise en charge de la dépendance. Auparavant, celle-ci était financée par l'aide sociale départementale, dont la prestation spécifique dépendance (PSD) avait réformé les contours. Avec l'APA, le financement de la dépendance relève, pour la première fois, d'un cadre global financé pour partie par la sécurité sociale à laquelle il fut alors soustrait une fraction de CSG.

Pour autant, le fonds destiné au financement de l'autonomie (FFAPA) n'est entré ni dans le champ des lois de finances ni dans celui des lois de financement de la sécurité sociale, et a échappé à ce titre à tout examen parlementaire.

La loi du 1 er juillet 2004, relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, a accru l'acuité du problème en transformant le FFAPA en caisse nationale, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette CNSA est dotée d'une nouvelle recette fiscale et sa mission s'est trouvée étendue par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

A ce stade, on peut légitimement considérer anormal que plus de 2 milliards d'euros échappent à un examen annuel systématique. En même temps, dès lors que le législateur n'a pas fait de l'autonomie un cinquième risque de la sécurité sociale, il pouvait paraître tout aussi anormal que l'examen des comptes de la CNSA soit effectué en loi de financement. Le présent projet de loi organique a tranché ce débat en proposant que le tableau d'équilibre de cette Caisse nationale donne lieu à un vote en loi de financement.

Ce choix n'était pas simple à opérer. Une fraction des dépenses de la CNSA est versée au bénéfice de l'ONDAM, au titre des sommes dévolues à la prise en charge du secteur médico-social. L'examen en loi de financement de cette fraction des sommes ne pose aucune difficulté d'ordre constitutionnel. En revanche, les prestations en nature que finance la Caisse à destination des personnes âgées et handicapées relèvent de prestations sociales hybrides, qui n'appartiennent ni à l'aide sociale ni à la sécurité sociale et sont d'ailleurs gérées par les départements.

Demeure dès lors posée la question de savoir si le législateur au législateur pourra modifier les règles relatives à ces prestations elles-mêmes en loi de financement. Stricto sensu , la Constitution ne le prévoit pas. Au nom de la cohérence globale de l'équilibre de la Caisse, votre commission propose de verser un élément nouveau au débat en prévoyant cette faculté.

d) L'exclusion des régimes complémentaires obligatoires de retraite et de l'UNEDIC

Le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, défini par la loi organique, exclut l'examen d'un certain nombre d'organismes sociaux dont les résultats participent pourtant à la fixation des soldes des administrations de sécurité sociale présentés, par la France, aux autorités européennes dans le cadre de ses obligations communautaires.

A l'inverse, dans sa décision n° 2001-453 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil constitutionnel a confirmé l'exclusion de la protection sociale complémentaire obligatoire du champ de la sécurité sociale en censurant une disposition relative aux régimes de retraite AGIRC et ARRCO.

Logique au regard des dispositions de la loi organique, cette attitude restrictive soulève toutefois deux difficultés :

- une difficulté d'ordre comptable tenant à l'existence d'interférences entre le champ de la loi de financement et ces régimes. Le remboursement à ces régimes, par le FSV, des validations de certaines périodes de chômage l'illustre de manière permanente ;

- une difficulté d'ordre intellectuel car les comptes de ces régimes creusent ou améliorent, selon leurs résultats, un solde que les pouvoirs publics nationaux doivent justifier au niveau international.

Pour autant, l'approbation par le Parlement des dépenses et recettes des régimes complémentaires présente cette difficulté que leur équilibre financier relève exclusivement des partenaires sociaux qui finiraient, dans cette hypothèse, par être dessaisis d'une compétence qu'ils exercent effectivement. A l'inverse, si une entière liberté de gestion leur était laissée, un vote en loi de financement de la sécurité sociale se résumerait à une ratification peu valorisante pour le Parlement.

La présente réforme organique ne remet pas en cause cette règle mais résout la difficulté posée par les missions du fonds de solidarité vieillesse (FSV) à l'égard des régimes complémentaires. En votant le tableau d'équilibre du FSV, le Parlement enregistrera ces dépenses sans pour autant entrer dans l'examen des comptes des régimes complémentaires.

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