II. AUDITIONS

Audition de M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
(mercredi 2 mars 2005)

La commission a procédé à l'audition de M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l' Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

M. Alain Vasselle s'est enquis de l'avis formulé par le conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité d'élever au niveau organique le principe prévu à l'article L. 1371 du code de la sécurité sociale d'une compensation, par l'État à la sécurité sociale, des exonérations de cotisations et contributions.

En préambule, M. Pierre Burban a déclaré que le conseil d'administration de l'ACOSS, bien que saisi pour avis du projet de loi, n'avait pu être réuni dans les délais nécessaires pour l'examiner. En conséquence, la commission de législation et de simplification de l'agence, qui était chargée de procéder à cet examen, s'est prononcée de manière positive, lors de sa réunion du 11 février : cinq voix se sont exprimées en faveur du projet, soit celles des délégations de l'Union professionnelle artisanale (UPA), de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) ainsi que d'une personnalité qualifiée, trois voix s'y sont opposées et quatre délégations se sont abstenues ou n'ont pas pris part au vote.

Il a observé qu'au-delà des votes, et de manière générale, les appréciations portant sur le projet lui-même sont plutôt positives : celui-ci améliore les conditions d'examen par le Parlement des lois de financement, en traçant par exemple une correspondance entre le champ des dépenses et celui des recettes. Il a noté, en outre, que l'examen du projet de loi n'avait pas donné lieu à la résurgence d'un débat sur la potentielle «étatisation» de la sécurité sociale, l'amélioration de la loi de financement étant désormais considérée comme un acquis positif par tous les acteurs de la sécurité sociale.

Il a ensuite estimé que les relations financières entre l'État et la sécurité sociale représentent une question stratégique, tant pour les partenaires sociaux que pour l'ACOSS, dont l'une des missions directes est de recueillir, auprès de l'État, la compensation des exonérations de cotisations. L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale constitue désormais un acquis essentiel à l'équilibre financier de la sécurité sociale, puisque grâce à cette disposition législative, le montant des exonérations non compensées est resté stable au cours de la dernière décennie, avant de commencer à diminuer dernièrement en valeur absolue. Elles ne représentent plus désormais que 2,089 milliards d'euros, contre 2,227 milliards en 2002.

M. Pierre Burban a toutefois insisté sur le fait qu'une loi ordinaire peut déroger au principe de compensation et qu'en conséquence, la seule proposition portée par le projet de loi organique d'instaurer une annexe informative sur cette question demeure une avancée encore trop timide. Les membres de la commission de législation ont spontanément mis l'accent sur cette question. L'Union professionnelle artisanale (UPA), le mouvement des entreprises de France (MEDEF), Force ouvrière (FO) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) souhaitent que le législateur intègre cette règle dans la partie normative du projet de loi organique. La Confédération française démocratique du travail (CFDT) a, pour sa part, rappelé la distinction qu'elle opère entre les dépenses relevant de la solidarité nationale, qui doivent être financées par l'État, et celles relevant d'une solidarité entre les cotisants, prises en charge par la sécurité sociale.

Il a déploré que la tentation reste forte de faire financer des politiques de l'emploi par des exonérations de cotisations sociales non compensées, sous prétexte que les emplois créés apportent des recettes supplémentaires à la sécurité sociale : la loi de cohésion sociale, qui a posé une dérogation aux principes de la compensation, avait conduit le conseil d'administration de l'ACOSS à adopter, le 26 novembre 2004, une motion réclamant la compensation de l'exonération prévue au profit des contrats d'avenir.

Enfin, il a abordé la question de l'apurement des créances que détient la sécurité sociale sur l'État. Celles-ci n'ont pas vocation à être annulées, les impayés les plus anciens, parmi lesquels figurent les mesures d'accompagnement du plan textile, faisant l'objet d'une relance annuelle. L'ACOSS a signé avec l'État une convention financière qui régit leurs relations, mais cette dernière ne concerne que les créances les plus importantes. Le paiement régulier de ses dettes par l'État constituant un élément de bonne gestion des finances publiques, il a considéré que l'inscription, dans la loi, des délais dans lesquels devraient avoir lieu les remboursements, pourrait permettre de favoriser un apurement rapide des créances les plus anciennes.

M. François Autain a demandé quelles pouvaient être les modalités d'insertion d'une telle disposition dans le projet de loi et les délais qu'il conviendrait d'accorder à l'État pour s'acquitter de ses dettes.

M. Pierre Burban a considéré que la loi doit fixer un principe et laisser les modalités de son application aux relations partenariales entre la sécurité sociale et l'État, rappelant que celui-ci est encore redevable à celle-là de plus de 2,1 milliards d'euros au titre de la compensation des exonérations de cotisations.

M. Michel Esneu a déploré que l'État puisse être régulièrement considéré comme un partenaire non vertueux et s'est interrogé sur les moyens de le contraindre à davantage de rigueur budgétaire.

M. Pierre Burban a estimé que la situation s'était beaucoup améliorée depuis le vote des dispositions de la loi du 25 juillet 1994, mais que demeure posé le problème des reliquats. Il a déploré que la dérogation posée par l'État pour le financement des contrats d'avenir ait porté atteinte à la permanence de cette règle, sans justification convaincante.

M. Guy Fischer a considéré que le projet de loi, qui traite d'un sujet aride et complexe, découle de la première loi organique votée dans le cadre du plan Juppé, et que le projet de loi se place dans le prolongement du vote de la loi organique relative aux lois de finances et de celle relative à l'assurance maladie. Il s'est inquiété du fait que ces lois puissent être en réalité des outils pour contraindre la dépense sociale. Il a souhaité connaître les raisons qui ont conduit certains des partenaires sociaux à s'opposer au projet de loi. Il s'est enfin interrogé sur l'évolution des recettes de l'ACOSS pour l'année 2004.

M. Paul Blanc a jugé opportun de prévoir, en loi de financement, un cadre de discussion pour les comptes de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

M. Pierre Burban a déclaré que la Confédération générale du travail (CGT) avait voté contre le projet de loi, parce qu'elle réclame une co-élaboration des lois de financement, tout en dénonçant le risque d'étatisation du système de sécurité sociale que comporte le principe même de ces lois. Il a ensuite précisé que les encaissements réalisés par l'ACOSS au titre de l'année 2004 ne sont pas exceptionnels, même si le taux de reste à recouvrer est excellent, puisqu'il est revenu en dessous de 1 %. Cette amélioration du recouvrement résulte de deux raisons complémentaires : le perfectionnement des méthodes de travail de certains organismes, notamment de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris, et la conduite d'actions visant à parfaire, grâce à des actions privilégiées à l'égard des travailleurs indépendants, le recouvrement des cotisations dues par eux.

Il a ensuite considéré que les conseils d'administration des caisses ont fait valoir, lors de la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), que le dispositif mis en oeuvre par cette caisse relève en réalité des risques gérés, au moins en partie, par la sécurité sociale.

M. Bernard Cazeau a souhaité connaître le détail et l'ancienneté des 2,1 milliards d'euros de créances détenues par la sécurité sociale sur l'État. Il s'est en outre interrogé sur la situation présente de la trésorerie du régime général.

M. Pierre Burban s'est engagé à remettre une liste exhaustive de ces créances à la commission. Il a ensuite fait état des prévisions réalisées par la commission financière de l'ACOSS : fin janvier, le compte du régime général présentait un solde de trésorerie positif de 6,4 milliards d'euros, partant en réalité d'une situation excédentaire en début d'année de 3,3 milliards. Les encaissements réalisés en janvier ont été plus importants qu'anticipés en raison d'une distribution des primes de fin d'année dans le secteur privé plus généreuse qu'il avait été initialement envisagé. En revanche, le résultat du premier trimestre 2005 devrait dégrader la situation du compte du régime général auprès de l'ACOSS pour la réduire à un niveau négatif de 100 millions d'euros, puis à - 6,1 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre.

M. François Autain a rappelé que la Cour des comptes avait considéré dans son rapport sur la sécurité sociale que l'État bénéficie d'une base de calcul indûment avantageuse pour la fixation de ses cotisations patronales.

M. Louis-Charles Viossat, directeur de l'ACOSS, a déclaré n'avoir pas connaissance des observations de la Cour des comptes sur ce sujet, mais a souligné que les modalités retenues par l'État et, en son nom, par la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), pour la déclaration des obligations d'employeur, ne relèvent pas du droit commun. Un travail de standardisation, qui implique l'ACOSS et cette direction générale, progresse lentement sur ce sujet.

Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS)
(mercredi 2 mars 2005)

La commission a procédé ensuite à l'audition de Mme Danièle Karniewicz , présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

En préambule, Mme Danielle Karniewicz a exposé les points ayant fait l'objet d'un large débat au sein du conseil d'administration de la CNAVTS : celui-ci s'est ainsi félicité que la réforme de la loi organique permette la mise en oeuvre d'un processus plus rationnel et plus complet du pilotage des comptes sociaux, rendant possible la fixation pour la sécurité sociale d'un solde global d'une part, et par régime, d'autre part. Ce conseil s'est également déclaré satisfait à la fois de l'octroi d'une dimension pluriannuelle à la loi de financement de la sécurité sociale et du contenu de certaines annexes, notamment celle qui prévoit l'instauration de projets et d'indicateurs de performances.

Elle a néanmoins rappelé que le conseil a exprimé les craintes que lui inspire le risque d'un renforcement du rôle de l'État dans la sécurité sociale, qui ne doit en aucun cas aboutir à l'extension, à toutes ses branches, du modèle de gouvernance instauré par la loi du 13 août 2004 pour l'assurance maladie.

Elle a en outre observé que les coûts et les charges supplémentaires que représente, pour les services statistiques de la CNAVTS, la programmation pluriannuelle des dépenses de retraite seront significatifs, car ils réclameront des travaux d'actualisation réguliers. Elle a enfin mentionné la mise en garde du conseil contre les risques forts d'absence d'articulation entre le contenu et les objectifs du cadrage pluriannuel des lois de financement d'une part, et les dispositions prévues pour chaque branche du régime général par les conventions d'objectifs et de gestion (COG), d'autre part.

M. Alain Vasselle s'est enquis des conséquences du déficit persistant du fond de solidarité vieillesse sur les comptes de la CNAVTS, puis s'est interrogé sur l'opportunité d'élever au niveau organique le principe prévu à l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale d'une compensation, par l'État à la sécurité sociale, des exonérations de cotisations et contributions décidées par lui.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité connaître les propositions envisageables pour assurer la concordance entre le cadrage pluriannuel de la loi de financement et le calendrier retenu pour la signature de la COG et de la CNAVTS.

Mme Danielle Karniewicz a considéré que la création d'une annexe au projet de loi de financement récapitulant l'ensemble des mesures d'allégement ou d'exonération de cotisations donnant lieu à une compensation par l'État ne constitue pas, pour ce dernier, une obligation de paiement à la sécurité sociale, qu'elle juge par ailleurs nécessaire.

Elle a ensuite observé que la situation du fonds de solidarité vieillesse (FSV) souligne les limites du financement des prestations sociales et témoigne de l'urgence à fonder ce financement sur des bases nouvelles. Elle a enfin estimé que le calendrier initialement prévu pour la signature de la COG de la branche vieillesse pourrait être aménagé afin d'être en phase avec le cadrage pluriannuel de la loi de financement.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur l'aggravation potentielle de la situation financière de la branche retraite qu'a pu occasionner l'adossement, à cette dernière, des pensions des industries électriques et gazières (IEG).

Mme Danielle Karniewicz a affirmé que le montage finalement adopté par le Parlement s'était traduit par une stricte neutralité pour la CNAVTS : une fraction de la soulte destinée à financer cette neutralité lui est versée annuellement, l'autre fraction étant bloquée au sein du fonds de réserve des retraites (FRR) pour permettre le financement des droits futurs des salariés des IEG. Elle s'est en revanche inquiétée des conséquences financières qu'occasionne le transfert au FSV du financement des avantages familiaux de retraite de ces salariés.

Mme Bernadette Dupont a déploré les conditions dans lesquelles est intervenue la réforme des pensions de réversion et a dénoncé la modification des bases de prise en compte des ressources dont dispose le conjoint survivant afin d'apprécier la pension à laquelle il a droit.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur la capacité du Parlement à assurer, grâce à la réforme de la loi organique, le respect des objectifs votés dans la loi de financement.

M. Dominique Leclerc a fait valoir que la réforme des pensions de réversion avait paradoxalement débouché sur un accroissement du coût de ces pensions pour la collectivité.

Mme Danielle Karniewicz a observé que, grâce à la réforme de la loi organique, le Parlement disposerait d'une vue plus globale du financement de la sécurité sociale. Elle a enfin attiré l'attention de la commission sur les problèmes et les inquiétudes que suscite la situation des régimes spéciaux n'ayant pour l'instant fait l'objet d'aucune réforme. La gestion de la régie autonome des transports parisiens (RATP) doit être transférée à la région Ile-de-France d'ici à la fin du premier semestre 2005, sans que la question du financement de ce régime spécial de retraite ait été résolue. Elle a souhaité que la commission demeure vigilante à ce que l'évolution des grandes entreprises nationales ne porte aucun préjudice financier au régime général d'assurance vieillesse.

Audition de M. Philippe Georges,
directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)
(mercredi 2 mars 2005)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

En préambule, M. Philippe Georges a déclaré que, lors de sa séance du 1 er février 2005, le conseil d'administration de la CNAF a examiné pour avis le projet de réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cet examen a donné lieu à un vote partagé, neuf membres du conseil se prononçant d'ailleurs contre le projet de loi et sept membres se contentant d'en prendre acte.

Il a justifié cette dispersion des suffrages par le contexte dans lequel est intervenu le débat : la saisine de la caisse a été tardive et précédée d'aucune concertation avec les organisations syndicales.

Puis il a précisé que si les organisations membres du conseil ont accueilli favorablement la mise en perspective pluriannuelle de la loi de financement, elles ont en revanche critiqué la démarche conduisant à y introduire des objectifs de résultats dont l'articulation, avec ceux prévus par les conventions d'objectifs et de gestion, reste encore à définir. Il a également observé que l'ensemble de ces mêmes délégations a regretté qu'aucune garantie normative ne soit apportée par le projet de réforme en matière de respect du principe de compensation des allégements et exonérations défini par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Il a ensuite détaillé d'autres motifs qui ont conduit certains des partenaires sociaux siégeant au conseil à s'opposer à la réforme de la loi de financement : FO considère le principe même de cette loi comme un instrument d'étatisation de la sécurité sociale ; la CGT réclame pour sa part un mécanisme de co-élaboration des projets de loi ou, à tout le moins, des propositions de négociations ; l'Union nationale des associations familiales (UNAF) dénonce, quant à elle, le risque d'accroître les divergences entre démocratie représentative et participative et expose ses craintes de voir la politique familiale sacrifiée au bénéfice des autres politiques sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a rappelé que la commission des affaires sociales a toujours défendu le principe de séparation des branches de la sécurité sociale, de même que celui prévu à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale relatif à la compensation, par l'État, des allégements et exonérations de charges.

M. André Lardeux a insisté sur la nécessaire séparation entre les différentes branches et s'est inquiété du coût que pourrait avoir, pour la caisse nationale d'allocations familiales, la décision prise récemment d'attribuer des allocations au titre des enfants entrés illégalement en France.

M. Philippe Georges a jugé impossible de mesurer avec précision l'incidence d'une telle décision, qui pose des difficultés de chiffrage comparable au travail clandestin. La dépense supplémentaire pourrait relever d'un ordre de grandeur compris entre 100 et 200 millions d'euros, et non 3 milliards d'euros comme cela a été avancé dans la presse.

Mme Bernadette Dupont s'est interrogée sur les moyens qui permettraient de s'assurer que les allocations versées aux adultes bénéficiaires de cette mesure se rapporteront à des enfants qui sont véritablement les leurs.

M. Alain Vasselle, rapporteur , s'est interrogé sur la charge de travail attendue de la réforme de la loi organique pour les services de la CNAF.

M. Philippe Georges a déclaré que les services n'ont pas manifesté d'inquiétudes sur une éventuelle augmentation de la charge de travail qui résulterait de la réforme de la loi organique relative aux lois de financement.

Audition de M. Guillaume Sarkozy,
vice-président du conseil de la Caisse nationale
d'assurance maladie (CNAM)
(mercredi 2 mars 2005)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Guillaume Sarkozy, vice-président du conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

En préambule, M. Guillaume Sarkozy a fait part des inquiétudes que lui inspire, à titre personnel, l'évolution financière de l'assurance maladie. Les informations rendues publiques par l'ACOSS laissent entendre que la CNAMTS pourrait enregistrer un déficit approchant 1,5 milliard d'euros au titre du premier semestre 2005. Il a douté de la capacité de l'assurance maladie à réduire rapidement ce déficit et a déclaré attendre avec impatience la création d'un tableau de bord des recettes et des dépenses de la CNAM afin d'améliorer le pilotage des comptes.

Il a ensuite annoncé que le conseil d'orientation de la caisse avait accueilli positivement le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Quatorze voix, émanant essentiellement des organisations patronales, ont formulé un avis positif ; neuf voix, dont celle de la mutualité, s'y sont opposées ; cinq voix ont choisi de s'abstenir ou de ne pas prendre part au vote. L'insertion de la loi de financement dans un cadre pluriannuel a été jugée positive, la réussite du processus de maîtrise médicalisée des dépenses de santé devant s'apprécier dans la durée. De même, la mise en concordance du champ des recettes et des dépenses des régimes sociaux, proposée par le projet de loi, permettra d'établir un solde de la sécurité sociale qui fait aujourd'hui défaut.

Puis il a insisté sur l'importance que revêt, pour l'équilibre de la sécurité sociale, le fait que la compensation des mesures d'allégement et d'exonérations de cotisations doit être effective, plus de 1,5 milliard d'euros de créances restant en attente de paiement. Si l'absence de remboursement par l'État des dettes qu'il contracte vis-à-vis des régimes n'a pas d'incidence sur le déficit apprécié au regard des critères de Maastricht, elle ne témoigne toutefois pas d'une gestion saine des comptes publics.

M. Guillaume Sarkozy a ensuite estimé qu'historiquement, la loi de financement n'avait pas permis de contenir la dérive de l'ONDAM, devenu idéaliste au fil du temps du fait de ses rebasages successifs. Il a craint, à titre personnel, que la correction des comportements en matière de dépenses de santé, que l'on constate traditionnellement dans les quelques mois qui suivent chaque réforme de l'assurance maladie, ne soit pas, cette fois encore, pérenne. Les décisions prises depuis la réforme, qu'il s'agisse de l'hôpital, des professionnels de santé ou de la gestion du risque, ne témoignent pas à son sens d'une volonté farouche d'aller dans le sens des économies. Il a estimé à ce titre que les objectifs de la CNAM sont davantage tournés vers la liquidation rapide des prestations que vers le contrôle de la légalité de ses versements.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé quels mécanismes de concertation permettraient de crédibiliser en amont la procédure de fixation de l'ONDAM.

M. Guillaume Sarkozy a estimé que, bien que favorable de manière générale à toute procédure de concertation, il doute qu'un tel rôle puisse ressortir des missions du conseil.

M. Paul Blanc a fait valoir qu'un débat d'orientation budgétaire pourrait satisfaire cet objectif.

M. Michel Esneu a insisté sur la nécessité de conduire les actions structurelles permettant la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. Guillaume Sarkozy a indiqué, à titre personnel et en sa qualité de représentant du mouvement des entreprises de France (MEDEF), qu'il craint que l'objectif d'équilibre fixé à la CNAMTS pour 2007 ne soit pas atteint et qu'il lui semble opportun de s'en ouvrir à la commission des affaires sociales du Sénat.

M. François Autain a déclaré partager les inquiétudes de M. Guillaume Sarkozy sur l'incidence financière, pour la CNAM, de l'augmentation des honoraires des médecins prévue par la nouvelle convention médicale. Il a estimé que les assurés seront contraints de financer d'une manière croissante le coût de leurs dépenses de santé.

M. Guillaume Sarkozy a rappelé que les membres du conseil de l'UNCAM ont accueilli favorablement cette convention, qui doit permettre d'inciter au parcours de soins. Il a pour sa part appelé de ses voeux la mise en place d'une liquidation médicalisée en ligne, l'expérimentation rapide du dossier médical personnalisé et l'élimination des abus et des fraudes sur les différents postes de dépenses les plus importants, dont les affections de longue durée (ALD).

M. Guy Fischer a dénoncé la stigmatisation de la fraude à la carte Vitale et a rappelé que les chiffres initialement avancés sur ce sujet par le ministre de la santé s'étaient finalement révélés dénués de fondement. Il s'est demandé si l'objet du projet de loi est de permettre de mieux maîtriser ou, en réalité, de mieux contraindre la dépense sociale.

M. Guillaume Sarkozy a considéré que les dépenses médicales doivent être encadrées dans le respect des règles de bonnes pratiques et d'usage de soins. Il a jugé nécessaire de mieux contrôler les abus pour préserver à long terme les ressources nécessaires au financement du système de santé.

Mme Isabelle Debré a tout d'abord estimé que l'intégration d'une photographie sur la carte Vitale entraînera un surcoût important, sans résoudre pour autant le problème de son utilisation frauduleuse. Il serait plus opportun, selon elle, d'exiger du patient, ou du client dans les officines, la présentation d'une carte d'identité. Elle s'est inquiétée enfin de la charge de travail que fait peser sur les médecins la gestion de la couverture maladie universelle.

M. Gérard Dériot a observé que le risque de fraude à la carte Vitale repose essentiellement sur le pharmacien qui ne peut obtenir le remboursement des médicaments délivrés au moyen d'une carte Vitale dérobée.

M. Dominique Leclerc a insisté sur la nécessité d'une réforme du service médical des caisses d'assurance maladie afin de renforcer et d'améliorer la place et les missions des médecins conseils. Il a en outre insisté sur les gisements d'économies potentielles existant notamment sur les affections de longue durée, sur les dépenses hospitalières ou dans la gestion du risque.

M. Alain Vasselle , rapporteur, a demandé quelles mesures concrètes, si elles étaient inscrites dans le projet de loi organique, permettraient de renforcer la réforme de l'assurance maladie.

M. Guillaume Sarkozy a considéré que tout dépassement des objectifs votés en loi de financement devrait donner lieu à un débat et que les reports à nouveau des régimes devraient être clairement identifiés d'un exercice sur l'autre. Il a enfin insisté sur la nécessité d'une meilleure évaluation des remboursements et d'une meilleure répartition de l'offre de soins.

Audition de MM. Bertrand Cieutat, président de la 6ème chambre
et Christian Babusiaux, Michel Braunstein, André Gauron,
conseillers maîtres, de la Cour des comptes
(mardi 8 mars 2005)

Puis la commission a procédé à l' audition de MM. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre, et Christian Babusiaux, Michel Braunstein, André Gauron, conseillers maîtres, de la Cour des comptes sur le projet de loi organique n° 208 (2004-2005) relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre de la Cour des Comptes, a jugé positive l'appréciation d'ensemble portée par la Cour sur le projet de réforme des lois de financement de la sécurité sociale. En effet, ce projet répond aux critiques précédemment présentées par la Cour dans ses rapports annuels au Parlement sur les lois de financement : il améliore incontestablement le dispositif d'encadrement financier de la sécurité sociale mis en place en 1996, il renforce de ce fait l'information et le pouvoir de la représentation nationale sur la situation et la maîtrise financières de ce secteur et il tire les conséquences de la réforme des comptes sociaux entreprise il y a plus de dix ans.

Il est ensuite revenu sur les critiques réitérées de la Cour des comptes à l'égard des défauts du dispositif actuel, citant en premier lieu le fait que les objectifs de dépenses ne sont pas reliés à des objectifs de recettes. Ce défaut d'articulation entre les recettes et les dépenses prive la loi de financement de la sécurité sociale de toute portée réelle en matière de régulation des dépenses et cette situation interdit au Parlement de mesurer les soldes financiers réels, par régime et par branche de la sécurité sociale, et l'effort d'ajustement nécessaire pour assainir la situation.

M. Bernard Cieutat a rappelé que la Cour préconisait, dès son rapport de 1999, que soient établis de véritables comptes de branche, y compris des comptes de branche interrégimes, impliquant une définition homogène de la branche dans les différents régimes et l'affectation des recettes à la branche, et qu'elle recommandait également de compléter l'information fournie par les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin que le Parlement soit mieux éclairé sur la situation financière exacte de la sécurité sociale et les implications du projet soumis à son approbation.

S'agissant plus particulièrement de l'ONDAM, il a indiqué que la Cour avait souvent relevé les incohérences entre cet objectif et celui des dépenses de la branche maladie et qu'elle recommandait de le situer dans un cadre pluriannuel par rapport à un équilibre de moyen terme. Il a également rappelé que la Cour avait présenté des suggestions sur la décomposition de l'objectif global en sous-objectifs.

M. Bernard Cieutat s'est donc félicité de ce que le projet de loi organique tienne compte de ces critiques et améliore substantiellement le dispositif d'encadrement financier de la sécurité sociale.

Parmi les innovations les plus importantes, il a mentionné tout d'abord le renforcement des exigences de présentation et de vote en matière d'équilibre financier des branches de la sécurité sociale. Ainsi, la loi organique prévoira désormais que les lois de financement de la sécurité sociale détermineront les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et retraceront cet équilibre dans deux tableaux d'équilibre par branche, le premier pour les régimes obligatoires de base, le second pour le régime général, ceux-ci étant complétés par un tableau consacré aux organismes concourant au financement de la sécurité sociale. Il a considéré que ces dispositions devraient permettre enfin d'associer, pour chaque branche de la sécurité sociale, recettes et dépenses, autorisant ainsi le Parlement à se prononcer sur le solde par branche des régimes obligatoires et sur celui du régime général, ce qu'il ne pouvait faire jusqu'ici.

Il a ensuite relevé que les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses feront l'objet d'un cadrage pluriannuel, prenant en compte les effets du cycle économique, et que le champ couvert par la loi sera plus exhaustif, la notion de régimes obligatoires de base n'étant plus limitée aux régimes comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités.

Il s'est également déclaré satisfait de l'inscription dans la loi du principe du vote des sous-objectifs de l'ONDAM.

M. Bernard Cieutat a plus généralement souligné que le projet de réforme s'efforce de définir avec précision le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, énumérant à la fois les dispositions qu'elles doivent comporter obligatoirement et celles qui peuvent y figurer.

Il a observé que certaines de ces dispositions, notamment celles qui portent sur l'équilibre financier, s'inspirent des dispositions en vigueur pour les lois de finances, la présentation de la loi de financement de la sécurité sociale en deux parties étant très caractéristique à cet égard. En particulier, il a mentionné le fait que désormais, comme pour les lois de finances, la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale, qui précise les conditions de l'équilibre, devra être examinée et votée avant que la deuxième partie, qui fixe les objectifs de dépenses, soit mise en discussion. Il a estimé que, ce faisant, le projet donnera au Parlement des pouvoirs de contrôle accrus.

Il a également souligné que, comme la loi organique pour les lois de finances, le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale tend à améliorer de manière substantielle l'information du Parlement en prescrivant l'établissement de plusieurs annexes, mettant l'accent sur l'efficacité des mesures prises au regard des objectifs des politiques de sécurité sociale ou de santé et comportant obligatoirement des informations sur les comptes des exercices antérieurs.

M. Bernard Cieutat a observé que le projet de loi organique crée des exigences importantes, sur le fond comme dans la forme, et que sa mise en oeuvre demandera beaucoup d'efforts, ce qui justifie qu'on évite de l'alourdir et de la compliquer. Il a toutefois souhaité émettre trois suggestions, s'agissant des annexes.

Il a d'abord proposé de préciser les modalités de la rectification de l'ONDAM, afin de mettre fin aux conditions peu claires et discutables dans lesquelles ses rebasages ont été effectués ces dernières années. Il a notamment souhaité que le Parlement soit informé des rectifications apportées aux prévisions de l'exercice en cours qui auront un effet sur celles de l'exercice à venir.

Il a ensuite suggéré que les modifications apportées au périmètre de l'ONDAM et de ses différentes enveloppes par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale de l'année précédente figurent également en annexe et que cette annexe précise le mode de passage entre l'objectif de dépenses de la branche maladie et l'ONDAM.

Il a enfin jugé souhaitable de mieux articuler l'intervention du comité d'alerte institué par la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance maladie et les lois de financement afin qu'elles tiennent compte des observations éventuelles de ce comité.

Dans un dernier temps, il a souligné que la réforme proposée confie à la Cour des comptes deux nouvelles missions : d'abord une mission de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des caisses nationales et des comptes combinés du régime général, dont elle s'acquittera à travers la publication d'un rapport spécial, ensuite un rôle d'avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre par branche de l'ensemble des régimes obligatoires de base pour le dernier exercice clos.

S'agissant de la mission de certification confiée à la Cour, M. Bernard Cieutat a observé qu'il s'agit d'une transposition, dans le domaine des comptes sociaux, de la disposition correspondante de la loi organique pour les lois de finances pour les comptes de l'État. Il a estimé que cette nouvelle mission couronne la réforme comptable engagée depuis dix ans par les organismes de sécurité sociale sur les conseils de la Cour, à travers les travaux du Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale. Il a rappelé à cet égard que l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 avait réalisé un progrès décisif dans ce domaine, en prévoyant l'élaboration de comptes combinés de branche et de régimes par les agents comptables nationaux.

Il a également précisé que le périmètre, circonscrit au régime général, de la certification confiée à la Cour des comptes avait été déterminé en concertation étroite entre celle-ci et les services du ministère chargé de la sécurité sociale, les deux parties ayant convenu que la certification des comptes combinés des régimes autres que le régime général serait prévue par une loi ordinaire et confiée à des réviseurs extérieurs à l'État, comme c'est déjà le cas pour le régime agricole. Il a ajouté que la Cour mène actuellement des réflexions sur la certification des comptes sociaux et que ses conclusions seront exposées dans le prochain rapport qu'elle consacrera à la sécurité sociale.

En conclusion, M. Bernard Cieutat a déclaré que le projet de loi organique correspond très largement aux analyses et positions que la Cour a présentées dans ses derniers rapports annuels au Parlement. Ses dispositions sont de nature à renforcer la portée et la crédibilité des lois de financement de la sécurité sociale, à enrichir l'information donnée au Parlement, et laissent espérer de réels progrès dans la maîtrise technique du financement de la sécurité sociale et dans le débat politique qu'il appelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a observé que le projet de loi ne prévoit pas la possibilité, pour le Parlement, de se prononcer sur les soldes cumulés et les comptes de report à nouveau des régimes de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement. Il a voulu savoir si des obstacles techniques s'opposent à une telle approbation et si le Parlement ne pourrait pas retirer une information pertinente d'un tel examen.

M. Bernard Cieutat a rappelé que les caisses nationales présenteront désormais des états financiers complets et que les soldes cumulés et reports à nouveau apparaîtront naturellement dans ce bilan. En revanche, ces données n'apparaîtront pas dans les tableaux d'équilibre par branche, qui seront présentés uniquement en compte de résultat.

M. André Gauron a souhaité insister sur un point peut-être encore mal perçu comme l'une des conséquences de la certification des comptes. Jusqu'à présent, les comptes sont essentiellement construits en tant que comptes de résultat, confrontant dépenses et recettes, et dont est déduit un solde ; les caisses nationales établissent néanmoins déjà un bilan par ailleurs. A l'avenir, leurs comptes combinés comprendront un compte de résultat, un bilan et les différentes annexes prévues par le texte. Sauf si le Parlement décide un transfert de déficit, du régime général vers la CADES par exemple, le report à nouveau d'une année figurera donc bien à sa place dans le bilan. Au niveau supérieur, si l'on agrège les comptes établis par le régime général, la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) ou la mutuelle sociale agricole (MSA) par exemple, on ne disposera que d'un compte de résultat, mais pas d'un bilan. Pour ce faire, il faudrait qu'existe une structure juridique dotée de la personnalité morale, capable de construire un compte et responsable de son périmètre, y compris d'assumer son déficit éventuel. Or, ce n'est pas cette configuration qui est envisageable en l'absence d'agent comptable central, contrairement à ce qui existe pour l'État. Il a toutefois précisé que, même si les reports ne figurent pas dans le compte de résultat, rien n'interdit, sur le plan technique, de communiquer cette information.

M. Bernard Cieutat a évoqué l'idée que cette information puisse être délivrée dans une annexe.

M. Alain Vasselle, rapporteur , s'est inquiété des risques de changement d'affectation des déficits éventuels qui pourraient résulter de la distinction opérée entre les comptes qui seront certifiés et les tableaux d'équilibre dont la Cour n'appréciera que la cohérence d'ensemble.

M. André Gauron a répondu que cette observation soulève deux problèmes. Le premier, qui tient à la construction même du système, est que l'essentiel du report à nouveau est porté par le régime général. Dans la mesure où l'on admet la possibilité d'agréger les comptes des quatre branches du régime, dont les comptes seront certifiés, il sera aisé de disposer, globalement, d'une appréciation de l'ensemble du report à nouveau, même approximative.

En revanche, la situation n'est pas encore satisfaisante pour un certain nombre de fonds, FSV, FIPSA, CNSA, qui contribuent au financement de branches et qui devraient normalement être intégrés dans un compte d'équilibre de branche, ce que ni la rédaction actuelle, ni la rédaction future de la loi organique, en l'état, ne prévoit : le déficit de ces fonds n'apparaîtra pas dans les comptes de l'État ou de la sécurité sociale. Il serait souhaitable, à son sens, que le tableau d'équilibre des branches inclue les fonds qui concourent à leur financement afin de laisser apparaître les déficits éventuels.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a ensuite rappelé que, depuis la loi du 2 1 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, le Parlement a adopté neuf lois introduisant de nouvelles mesures d'exonérations de cotisations sociales et qu'il examine actuellement quatre projets susceptibles d'avoir des conséquences similaires. Or, ces dispositifs ne sont jamais regroupés dans un seul texte financier. Il a préconisé de réserver l'instauration de ce type de mesure soit à la loi de financement de la sécurité sociale, soit à la loi de finances, selon un raisonnement analogue à celui retenu pour les mesures d'ordre fiscal.

M. Bernard Cieutat a rappelé que le Conseil des impôts avait recommandé de réserver aux lois de finances l'exclusivité de la création des dépenses fiscales. En revanche, la fiscalité elle-même n'est pas le monopole des lois de finances, puisque des mesures fiscales peuvent être instituées par des lois ordinaires.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a ensuite évoqué le principe retenu par le projet de loi organique d'un vote global par branche des objectifs de dépenses des régimes sociaux. Il s'est donc interrogé sur l'opportunité de prévoir néanmoins des subdivisions sur lesquelles le Parlement pourrait être amené à se prononcer.

M. Christian Babusiaux a exposé les diverses critiques déjà formulées sur les sous-enveloppes actuelles de l'ONDAM et indiqué que d'autres figureront dans le prochain rapport de la Cour. Les enveloppes actuelles ne rendent en effet guère compte de la réalité : si l'on prend l'exemple de la sous-enveloppe « personnes âgées », elle ne retrace qu'une faible partie des dépenses effectives, qui figurent aussi dans les enveloppes « soins de ville » et « hôpitaux ». De la même manière, dans la sous-enveloppe « cliniques » se trouve une partie des dépenses qui relèvent en réalité de l'enveloppe « soins de ville ». Cette dernière enveloppe, emblématique, est d'ailleurs celle qui est utilisée pour réaliser tous les transferts.

Il en a conclu qu'il convient donc d'opérer une redéfinition de toutes ces enveloppes, avec l'objectif essentiel d'obtenir que, dans l'une des annexes à la loi de financement, on trouve une définition claire du contenu de chacune des sous-enveloppes et que, notamment, la loi organique affirme que toute modification de périmètre doit être explicitée dans cette annexe. Dans le cas contraire, il deviendrait extrêmement difficile de repérer quels ont été les changements de frontière effectués entre les différentes enveloppes.

M. Alain Vasselle a considéré qu'il ne serait pas illégitime que le Parlement se prononce dans le cadre de sous-objectifs de dépenses, pour permettre un meilleur suivi de celles-ci et une plus juste appréciation de la situation.

M. Bernard Cieutat a déclaré ne pas voir d'inconvénient à cette démarche, la difficulté étant de définir des ensembles pertinents. L'exemple d'un bloc de dépenses « action sociale » serait parfaitement cohérent et constituerait, en outre, un élément d'information intéressant pour les collectivités territoriales. A l'inverse, il est indispensable de constituer des masses significatives et individualisables et de ne pas trop morceler la discussion.

M. Christian Babusiaux a souligné le paradoxe que présente l'assurance maladie en la matière, à laquelle s'applique l'ONDAM, qui constitue la majeure partie de l'objectif de la branche et qui est lui-même décomposé en enveloppes. Or, la différence qui existe entre l'objectif de branche et l'ONDAM - c'est-à-dire les dépenses d'assurance maladie qui ne sont pas dans l'ONDAM - ne fait pas l'objet d'individualisation : il n'existe pas de tableau récapitulatif de l'affectation de cette masse de dépenses d'assurance maladie autre que l'ONDAM et il s'agit certainement d'une faiblesse du système.

M. André Gauron a souligné la différence socio-politique qui existe entre le fait de voter des dépenses de prestations, qui sont appréciées tous régimes confondus, et des dépenses soit de gestion administrative, soit d'action sociale, qui ne peuvent être votées que régime par régime. On peut le faire assez simplement pour le régime général, mais moins aisément sans doute pour d'autres, comme le régime agricole par exemple.

M. Jean-Jacques Jegou , rapporteur pour avis de la commission des finances, a évoqué la proposition d'instaurer, par la loi organique, une démarche indicateurs-résultats inspirée de celle qui s'applique désormais pour les lois de finances. Il a voulu savoir si la Cour serait également associée ici à la définition de ces données et comment s'articulera cette nouvelle démarche avec celle déjà contenue dans les conventions d'objectifs et de gestion (COG) signées entre l'État et les différentes caisses.

M. Bernard Cieutat a rappelé que le problème des indicateurs s'est posé au sein de l'ensemble de la sécurité sociale avant même le vote de la LOLF : les COG, instituées en 1996, en sont à leur troisième génération et cette culture de performance progresse peu à peu. Le dernier rapport de la Cour sur la sécurité sociale s'est penché sur les dépenses de l'organisation territoriale de la gestion du régime général, ce qui lui a donné l'occasion d'analyser les résultats des deux premières séries de COG et de porter quelques critiques destinées à aider à l'élaboration de la troisième vague de ces conventions au sein des branches du régime général. De cette manière, la Cour s'y est trouvée associée, certes ex post, mais avec la perspective d'éclairer les choix futurs et les performances des COG suivantes.

Pour ce qui concerne les indicateurs, il a reconnu qu'il existe une difficulté réelle pour obtenir une cohérence entre ceux qui figurent dans les COG et ceux qui seront fixés par la loi de financement : à défaut d'être identiques, il est indispensable qu'ils soient au moins compatibles entre eux.

M. Jean-Jacques Jegou, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a demandé si la Cour sera associée, justement, à la définition de ces indicateurs.

M. Bernard Cieutat a répondu qu'aucune raison ne justifie son intervention en amont, contrairement à ce qui se produit pour la loi de finances, puisqu'une disposition de la LOLF prévoit expressément que la Cour doit se prononcer sur les rapports de performance, donc sur les indicateurs.

M. Jean-Jacques Jegou, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a abordé à nouveau la question de la certification des comptes en demandant si l'on peut estimer que les caisses sont préparées à cette nouvelle procédure. Il a, par ailleurs, voulu savoir s'il serait judicieux d'élever au niveau organique les dispositions de l'article L. 114-6 du code de la sécurité sociale, qui dispose que les comptes des régimes et organismes de sécurité sociale doivent être réguliers, sincères, et donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière.

M. Bernard Cieutat a considéré que les caisses se préparent activement à cette certification, notamment grâce à l'article 64 de la loi de financement pour 2005. Il a, par ailleurs, rappelé que l'exigence d'établissement des comptes en droits constatés avait déjà constitué un progrès réel. Il a donc estimé qu'au sein du régime général, à tout le moins, les comptes devraient être en état d'être établis, certifiés et, surtout, agrégés et combinés. Pour autant, il n'a pas sous-estimé le fait que la certification demande à être préparée, ce qui devrait prendre deux exercices, afin de respecter le délai raisonnable fixé à 2008, donc pour des comptes à certifier en 2009.

En ce qui concerne l'article L. 114-6 du code de la sécurité sociale, M. André Gauron a confirmé que, dans les comptes combinés, figurera bien un bilan et, par conséquent, un état du patrimoine consolidé des régimes. Les caisses du régime général l'établissent déjà, mais il reste encore à élaborer un mode homogène d'évaluation, notamment pour ce qui concerne le patrimoine immobilier.

M. Jean-Jacques Jegou, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances , a souhaité savoir comment la Cour conçoit l'étendue de sa mission nouvelle de certification des comptes, notamment pour ce qui concerne l'avis qu'elle doit produire sur les tableaux d'équilibre par branche.

M. Bernard Cieutat a précisé que, dans un premier temps, il avait été prévu que la Cour certifie également les tableaux d'équilibre. Ayant fait valoir que cette opération ne pouvait s'appliquer qu'à des comptes, la Cour considère donc que retenir le principe d'émettre un avis sur ces tableaux lui confère une grande liberté, même si cet avis ne porte que sur leur cohérence d'ensemble, notion qui demandera à être explicitée.

M. Guy Fischer a pris note de la volonté exprimée par le Gouvernement, à travers ce projet de loi organique, de mieux mesurer l'efficacité de la dépense sociale. Il a considéré que le débat porte essentiellement sur la nécessité de renforcer la portée du vote de l'ONDAM en permettant la fixation de sous-objectifs dans la loi de financement.

Toutefois, il a demandé si l'objectif de transparence ne serait pas contrarié, de fait, par l'existence de différents fonds qui perturbent la présentation des comptes, dont la CNSA, et si, plus globalement, l'idée n'est pas en définitive de mieux contraindre la dépense sociale sous couvert de mieux la contrôler.

M. Bernard Cieutat a rappelé que la Cour n'est pas favorable, par principe, aux démembrements budgétaires ou comptables lorsqu'ils font obstacle à la transparence. Le contrôle qu'elle mène actuellement sur le FSV la renforce d'ailleurs dans ce sentiment. L'un des mérites du projet de loi est justement, à son sens, de bien intégrer, dans la présentation des comptes au Parlement, ces organismes qui concourent au financement de la sécurité sociale, ce qui devrait contribuer à améliorer grandement la transparence recherchée.

Pour ce qui concerne la contrainte éventuelle de la dépense, il a considéré qu'il s'agit d'une appréciation politique qui ne relève pas de la Cour, mais qu'en tout état de cause, contribuer à une meilleure maîtrise des dépenses passe incontestablement par un meilleur contrôle des comptes.

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