III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

En préambule, il convient de rappeler les conditions dans lesquelles ce projet de texte est négocié.

Lorsque la Commission a adopté le 26 mai 2004 le projet de code ainsi que lorsque la délégation a adopté le 1 er décembre 2004 la proposition de résolution, la procédure d'adoption en vigueur était celle définie à l'article 67 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), c'est-à-dire à l'unanimité du Conseil sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen 25 ( * ) .

Le traité d'Amsterdam a, toutefois, prévu une clause passerelle (article 67, paragraphe 2, deuxième tiret du TCE) permettant au Conseil de décider à l'unanimité, après consultation du Parlement, de passer au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen.

Sous l'impulsion de la présidence néerlandaise ainsi que de la France, les chefs d'Etats et de gouvernement ont décidé, lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre derniers, de recourir à la clause passerelle pour passer, au plus tard au 1 er avril 2005, à la majorité qualifiée et à la codécision pour, entre autres, les mesures relatives aux contrôles des frontières .

Le Conseil a donc adopté le 22 décembre 2004 une décision 26 ( * ) rendant applicable la nouvelle procédure à compter du 1 er janvier 2005. Elle prévoit que cette procédure s'applique non seulement à l'égard des initiatives futures, mais également vis-à-vis des textes qui font actuellement l'objet de discussions. Le code communautaire relatif au franchissement des frontières par les personnes sera donc adopté à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen.

Dans ce contexte particulier, votre commission des Lois estime qu'il convient de soutenir la position du Gouvernement sur les deux points essentiels pour notre sécurité intérieure que sont la liberté d'appréciation dans la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde et le maintien de règles spécifiques de contrôles dans la zone frontalière. La proposition de résolution doit permettre au Gouvernement de mieux défendre les positions françaises dans des négociations délicates étant donnée la nouvelle procédure d'adoption.

Sur le volet « frontières extérieures » de la proposition de règlement, votre commission des Lois ne soulève pas d'objections.

A. LA CLAUSE DE SAUVEGARDE : DURCIR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Votre commission approuve pour l'essentiel la réserve de la proposition de résolution sur la réforme de la clause de sauvegarde.

1. Approuver dans ses grandes lignes la première réserve de la proposition de résolution

A la suite des auditions auxquelles a procédé votre rapporteur, il apparaît effectivement dangereux et difficile de trop formaliser le déclenchement de la clause de sauvegarde. La Commission n'a pas la capacité d'apprécier en temps quasi-réel l'opportunité de mesures opérationnelles contingentes d'une situation ponctuelle et localisée.

Votre commission soutient donc la première réserve de la proposition de résolution. Pour la renforcer, elle vous propose de supprimer le dernier membre de phrase de cette réserve lequel dispose que les Etats concernés « doivent toutefois être en mesure de s'en expliquer dès que possible auprès de la Commission européenne et du Conseil ».

Bien que comprenant le but visé, votre rapporteur estime qu'un tel système n'est pas opportun. Certes, il est moins lourd que le système proposé par la Commission européenne. Mais il placerait l'Etat concerné en position défensive en ayant à se justifier. Cela dépasserait la simple information des partenaires que prévoit le droit en vigueur 27 ( * ) .

Prenons l'exemple d'une manifestation pro- ETA. Celles-ci sont assez fréquentes et motivent souvent le rétablissement des contrôles à la frontière avec l'Espagne. Si à la suite de l'une d'elles la décision française se trouvait désapprouvée, le Gouvernement serait dans une position délicate pour rétablir des contrôles à l'occasion d'une manifestation similaire et ce quand bien même les conditions et les risques ne seraient pas exactement les mêmes.

Votre commission souhaite donc que soit conservée la procédure en vigueur qui prévoit déjà :

- une notification en amont;

- l'organisation d'une consultation des Etats membres;

- un rapport d'application en aval.

2. Renforcer la lutte contre la drogue pour permettre la levée des contrôles aux frontières belge et luxembourgeoise

La proposition de résolution souhaite lier la levée de ces contrôles permanents au renforcement de la lutte anti-drogue. Elle place ses espoirs dans la « stratégie anti-drogue 2004-2012 » de l'Union européenne adoptée par le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004.

L'examen de ce document démontre son intérêt. Il invite notamment les Etats membres à rapprocher leurs législations.

Toutefois, votre commission des Lois souhaite ne pas se limiter à ce seul document et faire référence à l'ensemble des politiques anti-drogues menées en Europe que ce soit dans le cadre du G5 (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) ou au niveau bilatéral.

B. APPROUVER SANS RÉSERVE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION POUR PRÉSERVER LA NOTION DE ZONE DE CONTRÔLE FRONTALIÈRE

Au cours de ses auditions, votre rapporteur s'est vu conforter dans l'idée que le maintien de contrôles renforcés à proximité des frontières était une haute nécessité.

Selon la Commission européenne, de tels contrôles constitueraient un obstacle à la libre circulation des personnes, le franchissement des frontières intérieures devant être assimilé au passage d'un département à un autre.

Ce raisonnement serait acceptable si la pression aux frontières extérieures était modérée et homogène et si les flux à l'intérieur de l'espace Schengen ne se concentraient pas sur quelques régions ou certains pays. Or, ce n'est pas le cas et il est donc indispensable de maintenir un minimum de contrôles à proximité des frontières intérieures.

Sans contrôles spécifiques dans ces zones frontalières, il serait ainsi impossible en pratique de faire réadmettre des étrangers en situation irrégulière provenant d'Italie ou d'Espagne par exemple 28 ( * ) . En effet, pour les faire réadmettre, il faut pouvoir prouver qu'ils sont bien entrés sur le territoire français en transitant par ces pays. S'ils sont interpellés loin de la frontière, dans le Calaisis par exemple, il est très rare que les pays de transit reconnaissent leur responsabilité.

Quant à la possible entrave à la liberté de circulation, votre rapporteur l'estime négligeable. L'intérêt de la notion de zones de contrôles mouvantes est justement de concilier sécurité et libre circulation .

La gêne qui peut éventuellement en résulter affecte essentiellement la criminalité et les trafics. Les citoyens n'ayant rien à se reprocher ne perçoivent pas le dispositif mis en place.

En outre, la France et les autres Etats membres ne cessent de développer la coopération policière bilatérale aux frontières. Bien que la France soit le seul pays doté d'une législation attribuant des pouvoirs de police judiciaire accrus aux agents intervenants dans la zone frontalière, l'ensemble de nos partenaires sont conscients que les frontières intérieures sont un lieu pertinent pour agir contre les trafics.

En conséquence, votre commission des Lois approuve sans réserve la proposition de résolution sur cette question .

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté la proposition de résolution dans la rédaction reproduite ci-après.

* 25 Pendant une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le pouvoir d'initiative des textes était partagé entre la Commission et les Etats membres.

* 26 Décision 2004/927/CE du Conseil du 22 décembre 2004 visant à rendre la procédure définie à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par la troisième partie, titre IV, dudit traité. Pour plus de détails, voir la communication de notre collègue M. Hubert Haenel devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat le mardi 15 décembre 2004.

* 27 La décision précitée du Comité exécutif du 20 décembre 1995 concernant la procédure d'application de la clause de sauvegarde prévoit que l'Etat concerné soumet à bref délai un rapport sur l'application de sa décision.

* 28 Une opération renforcée de contrôle ferroviaire effectuée à Modane du 6 au 20 décembre dernier a permis l'interpellation de plus de 400 étrangers en situation irrégulière provenant d'Italie.

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