Article 47
(art. L. 353-15-2 nouveau, L. 353-19, L. 442-6-5 nouveau et
L. 472-1-2 du code de la construction et de l'habitation)
Protocole d'accord entre le bailleur social
et le locataire en situation de défaut de paiement du loyer

Objet : Cet article institue un protocole d'accord sur l'apurement de la dette, signé entre l'organisme bailleur et le locataire ayant fait l'objet d'une résiliation de son bail par une décision judiciaire, permettant de surseoir à l'expulsion.

I - Le dispositif proposé

A. Les lacunes du dispositif de lutte contre les expulsions

La loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a développé les mesures de prévention contre les expulsions.

Ainsi, le nombre des contentieux locatifs, des décisions prononçant l'expulsion, des commandements de quitter les lieux, des demandes et décisions d'octroi du concours de la force publique a connu une diminution sensible de 1998 à 1999. On constate toutefois une reprise de ces procédures à partir de 2000. De même, le nombre d'interventions effectives de la force publique, après une petite baisse en 1998, remonte régulièrement depuis 1999.

Ces données sont difficiles à interpréter car il n'existe pas encore de véritable dispositif de connaissance des expulsions qui permettrait de développer des analyses plus précises et de mieux appréhender le poids relatif des différents facteurs.

Bilan des procédures d'expulsion

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Contentieux locatifs avec demande de délivrance de titre exécutoire (1)

113.432

100.554

97.575

104.433

107.639

111.395

nd

Décisions de justice prononçant l'expulsion (1)

87.717

75.125

71.323

79.614

81.080

84.138

nd

Nombre de commandements de quitter les lieux (2)

47.821*

47.623*

43.017

50.858

45.828*

52.345

47.473*

52.351

47.605*

nd

Nombre de demandes de concours de la force publique (2)

32.294

33.285

29.823

33.872

36.400

38.151

39.924

Nombre de décisions accordant le concours de la force publique (2)

14.473

13.256

13.915

16.275

16.844

20.087

23.089

Nombre d'interventions effectives de la force publique (2)

4.753

4.359

4.866

5.936

6.337

7.534

9.717

(1) Source : ministère de la justice - Chiffres 2003 non disponibles.
(2) Source : ministère de l'intérieur
* hors Paris

Cependant quelques hypothèses peuvent être élaborées sur les raisons de cette évolution. L'augmentation des contentieux locatifs à partir de 2000 est l'indice d'une augmentation de la précarité des ménages dans un contexte de hausse continue des loyers, particulièrement dans le parc locatif privé. L'augmentation des loyers depuis cette date a été de 7 % dans le parc locatif privé et de 12 % à Paris, où le loyer moyen était déjà deux fois plus élevé qu'en province. Dans le secteur locatif social, les loyers, stables en 2000 et 2001, ont augmenté de 2,9 % en 2002 et de 3 % en 2003.

Il convient en outre de constater que le dispositif de prévention des expulsions n'a pas atteint ses objectifs. Les bilans d'application et une évaluation menée en 2000 sur le dispositif de la loi du 29 juillet 1998 ont permis d'établir quelques constats :

certains volets du dispositif de prévention se sont mis en place relativement lentement et de façon assez inégale selon les départements (enquête sociale, mobilisation et articulation des dispositifs, chartes pour la prévention des expulsions...) dans la mesure où les partenariats réellement efficaces ont été souvent difficiles à instaurer. Tel est le cas notamment des chartes pour la prévention des expulsions qui, non seulement, ont pris du retard (au 31 décembre 2003, sur 100 départements, seuls 66 sont dotés d'une charte), mais apparaissent aussi parfois comme de simples accords formels dépourvus d'un véritable dispositif de suivi pour pouvoir en évaluer concrètement leur efficacité ;

la difficulté pour les sections départementales des aides personnalisées au logement (APL) à faire face à l'augmentation du nombre de dossiers fait qu'une partie de ces commissions fonctionne comme de simples chambres d'enregistrement au détriment de leur rôle de prévention ;

l'enquête sociale à diligenter par le préfet dès réception de l'assignation est menée de façon variable selon les départements, aussi bien en ce qui concerne leur nombre, notamment pour le parc privé, leur contenu et leurs maîtres d'oeuvre (les acteurs sociaux sont insuffisamment formés au droit du logement et le recours à des associations compétentes financées par le Fonds de solidarité logement (FSL) est encore insuffisamment pratiqué), que pour respecter les délais prévus par la procédure. Dans ces conditions, le juge qui a, désormais, la possibilité d'accorder des délais de paiement à tout moment, ne dispose pas toujours à temps des éléments administratifs et sociaux lui permettant d'accorder ces délais ;

la mobilisation des dispositifs d'aide est insuffisante , en particulier celle du FSL dont le mode de fonctionnement n'est pas toujours adapté aux difficultés rencontrées, en ce qui concerne notamment les délais de constitution et d'instruction des dossiers, les conditions d'octroi des aides, le niveau et la nature de l'aide, même si, dans le cadre d'une procédure d'expulsion, le délai d'instruction pour une demande d'aide du FSL a été ramené de deux à un mois. En outre, le PDALPD dispose de capacités de relogement insuffisantes et l'articulation avec la commission de surendettement est souvent difficile ;

les mesures de prévention et de suivi des locataires, notamment après le jugement, sont encore trop rares . On constate en effet un fort taux d'échec des solutions mises en place et notamment des plans d'apurement prononcés par les juges, qui paraissent parfois peu réalistes au regard des capacités financières des ménages ;

l'information et l'implication des locataires laissent encore à désirer . Cet aspect de la prévention doit être traité à tous les stades de la procédure et requiert, dès le commandement de payer, une information claire et explicite et, dans bien des cas, un accompagnement social ainsi qu'une assistance juridique des ménages. La présence du locataire à l'audience, favorisée par ces actions, est l'un des facteurs essentiels de réussite de la prévention.

Ce bilan a cependant permis de constater qu'il existait, dans un certain nombre de départements, des mesures que l'on pouvait qualifier de « bonnes pratiques » et qui ont fait progresser la prévention des expulsions.

Afin de remédier à ces difficultés, le Gouvernement a engagé plusieurs actions de prévention des expulsions.

La circulaire du 13 mai 2004, signée conjointement par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et par le secrétaire d'État au logement, a ainsi institué, dans le parc HLM, un dispositif de rétablissement de l'aide personnelle au logement même après résiliation de bail, permettant d'éviter les expulsions pour impayé de loyer des locataires qui ne sont pas de mauvaise foi et s'engagent à reprendre le paiement de leur loyer.

A l'issue du Comité interministériel de lutte contre les exclusions du 6 juillet 2004 , le Gouvernement a en outre réaffirmé sa volonté de rendre opérationnel dans tous les départements le dispositif de prévention des expulsions instauré par la loi du 29 juillet 1998 tant dans le parc public que privé. Dans ce cadre, pour améliorer les conditions de la mise en oeuvre du dispositif, une circulaire interministérielle complétée par un document pédagogique à l'usage, plus particulièrement, des travailleurs sociaux est en cours de rédaction. Ce document rappelle et précise le rôle et le contenu de l'enquête sociale.

B. Les améliorations prévues

Le présent article a pour objet de compléter le dispositif de prévention des expulsions mis en place par la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions au profit des locataires du parc social bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (art. L. 353-15-1 du code de la construction et de l'habitation) et des allocations de logement (art. L. 442-6-1 du même code). Il s'agit de donner une base législative à la circulaire du 13 mai 2004.

Pour les locataires bénéficiaires de l'APL, le paragraphe I crée un article L. 353-15-2 nouveau dans le code de la construction et de l'habitation.

Cet article dispose que, lorsque le bail est résilié par décision judiciaire pour défaut de paiement de loyers et de charges, le locataire et le bailleur peuvent signer un protocole d'accord en vue, à terme, du rétablissement du bail . Ce protocole vaut titre d'occupation et donne droit à l'aide personnalisée au logement. Dans des conditions fixées par décret, le versement de l'APL peut être ouvert pendant la période comprise entre la résiliation du bail et la conclusion du protocole.

Dans le cadre de ce protocole, le locataire s'engage d'une part, à payer régulièrement l'indemnité d'occupation et les charges fixées dans la décision judiciaire de résiliation, d'autre part, à respecter un plan d'apurement de sa dette locative approuvé par la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) et joint au protocole.

La durée du protocole est fixée à deux ans. Elle peut être prolongée d'une année, par avenant, en cas de nouvelle négociation du plan d'apurement des dettes locatives.

Aux termes de l'article L. 351-14 du code de la construction et de l'habitation, la SDAPL, présidée par le préfet, est compétente pour :

- décider du maintien du versement de l'aide personnalisée au logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de dépense de logement restant à sa charge quand l'APL est directement versée au bailleur ;

- statuer sur les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires de l'APL en cas de réclamation d'un trop perçu effectuée par l'organisme payeur (la CAF le plus souvent) ;

- statuer sur les contestations des décisions des organismes payeurs de l'APL ou de l'aide au déménagement.

L'organisme HLM s'engage, pour sa part, sous réserve du respect des engagements de l'occupant du logement, à renoncer à la poursuite de la procédure d'expulsion et à consentir un nouveau bail au terme du protocole.

Si, au contraire, les conditions du protocole ne sont pas respectées par le locataire, l'organisme retrouve le droit de faire exécuter la décision judiciaire de résiliation du bail, qui a pour conséquence automatique la cessation du versement de l'APL, et de demander l'expulsion.

Le paragraphe II prévoit que les dispositions de l'article L. 353-15-2 nouveau s'appliquent également aux logements conventionnés appartenant à des SEM.

Le paragraphe III introduit un article L. 442-6-5 nouveau dans le code de la construction et de l'habitation, prévoyant un protocole identique à celui qui s'applique aux logements sociaux conventionnés aux termes de l'article L. 353-15-2 nouveau susmentionné pour les logements non conventionnés dont les locataires bénéficient des allocations de logement.

Ce protocole vaut titre d'occupation et donne droit au versement des allocations de logement [allocation de logement familiale (ALF) et allocation de logement sociale (ALS)]. Le plan d'apurement doit être approuvé par l'organisme payeur de ces aides, soit généralement la CAF.

La durée du protocole et les engagements de chacune des parties sont semblables au dispositif applicable aux logements sociaux permettant le versement de l'APL.

Le paragraphe IV précise que les dispositions de l'article L. 442-6-5 nouveau sont applicables, dans les départements d'outre-mer, aux logements appartenant à une SEM.

Enfin, le paragraphe V dispose que l'occupant d'un logement appartenant à un organisme HLM, à une SEM ou gérés par eux, dont le bail a été résilié par décision judiciaire pour défaut de paiement et qui, à la date de publication de la présente loi, a apuré sa dette locative et paie l'indemnité d'occupation et les charges fixées par le juge, est réputé titulaire d'un bail ouvrant droit au versement de l'APL ou des allocations de logement.

Dans ce cas, la signature du bail doit intervenir dans les meilleurs délais.

II - La position de votre commission

Votre commission se réjouit de la mise en oeuvre d'un dispositif en faveur de la prévention de l'expulsion des locataires de bonne foi, fondé sur la contractualisation et le respect d'engagements mutuels, de façon à responsabiliser les parties.

Elle souhaite toutefois le préciser et en renforcer la portée au travers de l'adoption de huit amendements visant à :

- permettre le versement rétroactif de l'APL et des allocations de logement, y compris lorsque le bail a été résilié plus de deux ans avant la signature du protocole, sans que la règle de prescription de deux ans ne s'applique ;

- associer, quand cela est nécessaire, le FSL à la réalisation du plan d'apurement de la dette locative d'un locataire bénéficiant de l'APL ou des allocations de logement ;

- porter la durée du protocole à cinq ans lorsque le locataire connaît des difficultés pour rembourser sa dette et que le plan d'apurement doit faire l'objet d'une nouvelle négociation. Il s'agit de sécuriser le bailleur avant le rétablissement du bail, lorsque le locataire peine à tenir ses engagements, sans pour autant que ces difficultés ne se traduisent par une rupture du protocole. En outre, la durée maximale de cinq ans correspond à un alignement sur celle du plan de rétablissement personnel approuvé par la commission de surendettement ;

- enfin, prévoir que, dans les situations de sous-location, par une association, d'un logement à un ménage défavorisé en situation d'impayés de loyer, un protocole peut être signé entre l'association, le bailleur et le locataire. Il ouvre alors droit au versement des aides au logement et vaut titre d'occupation. Dans ce cas, l'association est signataire du protocole, aux côtés du bailleur et de l'occupant du logement.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

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