TITRE
II -
DISPOSITIONS RELATIVES AU RENFORCEMENT
DES LICENCES
OBLIGATOIRES
ET DES LICENCES D'OFFICE
Ce titre se compose de trois articles, les articles 10 à 12, dont deux contiennent des dispositions déjà adoptées en termes identiques par la loi bioéthique.
Article 10 -
Licences obligatoires en cas de dépendance entre
brevets
Cet article et le suivant proposent une nouvelle rédaction de l'article L. 613-15 et de l'article L. 613-16. Or l'article 18 de la loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique a déjà permis l'adoption d'une nouvelle rédaction de ces mêmes articles du code, en des termes identiques à ceux prévus dans le présent texte, complétés par quelques enrichissements.
Il s'agit de renforcer les dispositions relatives aux licences obligatoires « classiques » -en cas de dépendance entre brevets- et aux licences d'office. Ce renforcement n'est pas rendu nécessaire par la transposition de la directive 98/44/CE qu'achèvent les neuf premiers articles du texte. Il résulte de la volonté du gouvernement actuel comme de celle du gouvernement qui a déposé le texte en novembre 2001 : comme le rappelle l'exposé des motifs du présent texte, il a en effet été jugé « nécessaire de renforcer les dispositions relatives aux licences obligatoires et d'office, qui permettent d'écarter les conséquences néfastes des situations de dépendance technologique, de faire prévaloir l'intérêt public, notamment celui de la santé publique, et de corriger un éventuel abus des droits que confère le brevet à son titulaire. Ce renforcement n'est pas nécessaire pour assurer la transposition de la directive mais, d'une part, il n'est nullement incompatible avec la directive et, d'autre part, il assure l'équilibre du dispositif, notamment dans le domaine particulièrement sensible des biotechnologies. »
Les licences obligatoires étaient déjà rendues possibles en droit national par l'article L. 613-15. Elles visent à régler un conflit d'ordre privé entre le titulaire d'un brevet antérieur et celui d'un brevet postérieur dépendant du premier et qui nécessite donc, pour son exploitation, l'accord du titulaire du premier brevet. Elles sont octroyées sur décision judiciaire à la demande du titulaire du brevet postérieur si celui-ci présente « un progrès technique et un intérêt économiques importants ».
L'ancien article L. 613-15 ajoutait une condition supplémentaire, l'existence d'un « intérêt public », dont le contenu était flou et correspondait mal au contexte d'un litige privé. Cette condition, qui ne figure pas dans l'accord ADPIC, a donc été supprimée à l'occasion de l'adoption de la loi bioéthique.
Parallèlement, la condition exigeant que l'invention présente « un progrès technique et un intérêt économiques importants » a fait l'objet d'une nouvelle rédaction, qui est la même que celle retenue par le présent texte pour les licences obligatoires en cas de dépendance entre brevet et COV : l'invention devra désormais constituer « un progrès technique important » et présenter « un intérêt économique certain », ce qui est moins contraignant. C'est pourquoi votre rapporteur, là aussi, propose un amendement visant à rétablir le mot « considérable » en lieu et place du mot « certain » dans le texte de l'article L. 613-15 issu de la loi bioéthique.
De même, l'octroi d'une licence obligatoire était jusqu'alors subordonnée à l'écoulement d'un certain délai ; cette condition, qui ne se justifiait pas, a également été supprimée.
Enfin, la nouvelle version de l'article L. 613-15 substitue la notion de brevet dépendant, plus large, à celle de brevet de perfectionnement, ce qui est conforme à l'article 31 de l'accord ADPIC.
A l'issue de la navette parlementaire intervenue lors de l'examen de la loi bioéthique, la nouvelle rédaction de l'article L. 613-15 se trouve donc exactement celle que proposait le présent article 10, à une nuance près : elle a été enrichie d'un paragraphe, devenu le premier, qui confirme la nécessité d'une autorisation réciproque des titulaires des brevets postérieur et antérieur pour permettre à l'un comme à l'autre d'exploiter le brevet dépendant. Cette disposition n'est pas nouvelle puisqu'elle figurait au début de l'ancien article L. 613-15 mais sa reprise avait été omise dans le projet gouvernemental. Cette lacune est désormais comblée.
Votre rapporteur propose donc de remplacer le présent article 10 par un article modifiant l'article L. 613-15 issu de la loi bioéthique et rétablissant là aussi le caractère « considérable » de l'intérêt économique exigé pour l'octroi d'une licence obligatoire en cas de dépendance d'un brevet postérieur à l'égard d'un brevet antérieur.
Votre rapporteur vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 11 -
Licences d'office
Les licences d'office sont des actes de la puissance publique : elles permettent de mettre sous licence accordée par l'Etat l'exploitation de brevets lorsque l'intérêt de la défense nationale, l'intérêt de l'économie nationale ou l'intérêt de la santé publique le justifient. Aux termes de l'ancien article L. 613-16, les licences d'office dans l'intérêt public ne pouvaient porter que sur les médicaments. Le rôle des dispositifs médicaux à visée thérapeutique ou diagnostique et des méthodes de diagnostic ex vivo peut pourtant être tout aussi considérable dans l'intérêt de la santé publique.
C'est pourquoi le présent texte prévoyait d'étendre le champ des licences d'office dans l'intérêt de la santé publique, tout en précisant les conditions dans lesquelles elles pouvaient être décidées, afin de respecter le droit de propriété du titulaire du brevet ainsi que les limites posées par l'accord ADPIC aux licences de ce type.
L'article 18 de la loi bioéthique a procédé à une nouvelle rédaction de l'article L. 613-16 en des termes identiques à ceux proposés par le présent article 11. Désormais, le champ des licences d'office dans l'intérêt de la santé publique inclut donc les dispositifs médicaux à visée thérapeutique ou diagnostique et des méthodes de diagnostic ex vivo , ainsi que les procédés et produits nécessaires à l'obtention de ces dispositifs. Les cas dans lesquels une licence d'office peut être octroyée -quantité ou qualité insuffisantes ou prix anormalement élevés- ont également été élargis au cas de l'exploitation dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constituant des pratiques déclarées anti-concurrentielles 68 ( * ) par une décision administrative ou juridictionnelle, dont le caractère définitif a été fort opportunément exigé par le Parlement lors de l'examen de la loi bioéthique. En effet, l'article 31 de l'accord ADPIC exige que les pratiques anticoncurrentielles -par exemple, abus de position dominante- aient été préalablement reconnues comme telles « à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative ».
Comme le même article 31 exige également, sauf pour les cas de pratiques anti-concurrentielles ou d'urgence, la recherche d'un accord préalable avec le breveté, ceci est précisé au premier alinéa du nouvel article L. 613-16 (qui pose le principe du nécessaire défaut d'accord amiable) et à son dernier alinéa (qui pose l'exception au principe pour les deux cas visés à l'article 31 de l'accord ADPIC).
En raison de cette nouvelle rédaction de l'article L. 613-16 par la loi bioéthique, le présent article 11 n'a plus lieu d'être en l'état.
Toutefois, la nouvelle rédaction de l'article L. 613-16 issue de la loi bioéthique a malencontreusement rendu cumulatives deux conditions qui étaient alternatives dans le code, et qui sont également alternatives dans le présent projet de loi et dans les accords ADPIC de l'Organisation mondiale du commerce.
Ainsi, les licences d'office doivent pouvoir être prises dans l'intérêt de la santé publique, soit si la quantité des produits ou procédés visés est insuffisante, soit si leur qualité est insuffisante. C'est pourquoi votre rapporteur propose un amendement tendant à remplacer le « et » par un « ou ».
Votre rapporteur vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 12 -
Champ territorial d'application de la loi
Cet article final précise le champ d'application du texte de transposition : cette loi s'appliquera en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
Votre rapporteur rappelle que les lois s'appliquent directement dans les quatre départements d'outre-mer en vertu du principe de l'assimilation législative et qu'en revanche l'application d'une loi dans une collectivité d'outre-mer doit être prévue explicitement en vertu du principe de spécialité législative.
Ce n'est donc que sur le territoire de la collectivité d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon que le présent texte ne sera pas applicable, puisqu'il est explicitement prévu par cet article 12 son application dans les quatre autres collectivités d'outre-mer.
Votre rapporteur vous propose d'adopter cet article sans modification.
* * *
Sous le bénéfice des observations qui précèdent et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, la commission des Affaires économiques vous propose d'adopter ce projet de loi ainsi modifié.
* 68 Ainsi, la licence d'office est capable d'empêcher la formation d'un monopole sur un dispositif médical à visée thérapeutique ou diagnostique, sur une méthode de diagnostic ex vivo, ainsi que sur un procédé ou un produit nécessaire à l'obtention de tels dispositifs.