N° 1671
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE |
|
N° 344
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004 |
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
|
|
Annexe au procès-verbal de la séance
|
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à la bioéthique ,
PAR M. PIERRE-LOUIS FAGNIEZ, Rapporteur, Député. |
PAR M. FRANCIS GIRAUD, Rapporteur, Sénateur. |
( 1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, sénateur, président ; M. Jean-Michel Dubernard, député, vice-président ; M. Francis Giraud, sénateur, M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteurs.
Membres titulaires : MM. Jean Chérioux, Gérard Dériot, Jean-Louis Lorrain, Bernard Cazeau, Guy Fischer, sénateurs ; MM. Pascal Clément, Jean Léonetti, Mme Valérie Pécresse, MM. Alain Claeys, Jean-Marie Le Guen, députés.
Membres suppléants : MM. Paul Blanc, Claude Domeizel, Dominique Leclerc, Roland Muzeau, Mmes Anne-Marie Payet, Janine Rozier, M. Alain Vasselle, sénateurs ; Mme Christine Boutin, MM. Yves Bur, Jean-Claude Guibal, Dominique Richard, Olivier Jardé, Mme Catherine Génisson, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale : Première lecture ( 11 e législ.) : 3166 , 3525 , 3528 et T.A. 763
Deuxième lecture ( 12 e législ.) : 593 , 709 , 761 et T.A. 215
Troisième lecture ( 12 e législ.) : 1662
Sénat : Première lecture : 189 (2001-2002), 125 , 128 et T.A. 63 (2002-2003)
Deuxième lecture : 116 , 333 et T.A. 92 ( 2003-2004)
Vie, médecine et biologie. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique s'est réunie le mardi 15 juin 2004 au Sénat.
La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Nicolas About, sénateur, président ;
- M. Jean-Michel Dubernard, député, vice-président ;
- M. Francis Giraud, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
*
* *
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.
M. Nicolas About, président, a rappelé que les travaux de la commission mixte paritaire constituent la dernière étape d'un processus législatif long de trois ans, durée qu'explique, sans la justifier totalement, la difficulté des sujets abordés.
M. Jean-Michel Dubernard, vice-président, a déclaré que la première révision des lois de bioéthique serait achevée avec un retard de cinq ans sur le calendrier initial. Les deux assemblées ont inscrit une nouvelle fois le principe d'une révision au terme de cinq années. Ce délai doit impérativement être respecté car l'absence de texte précis, cadrant avec les progrès scientifiques récents, a perturbé le fonctionnement de certains laboratoires, dès lors contraints de contourner certaines dispositions légales.
En préambule, M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat , a rappelé que quarante articles demeuraient en navette en deuxième lecture au Sénat, la plupart du temps pour des motifs rédactionnels. A l'issue de cette lecture, le Sénat a adopté vingt-cinq articles conformes et en a supprimé un, la commission mixte paritaire devant en conséquence s'accorder sur une rédaction commune pour les quinze articles restant en discussion.
A ce stade du débat, les amendements adoptés par le Sénat en deuxième lecture n'ont apporté que deux innovations et mis à jour un désaccord de fond.
A l'initiative de sa commission des Affaires sociales, le Sénat a introduit deux nouvelles procédures dérogatoires :
- la première concerne le don d'organe entre vifs en cas d'urgence vitale pour lequel la procédure de droit commun aurait pu s'avérer trop lourde à mettre en oeuvre, notamment l'exigence d'un double passage devant le comité d'experts, d'abord pour recevoir une information sur le prélèvement puis, pour obtenir l'autorisation d'effectuer le don. Le Sénat a en conséquence prévu que, dans ce cas d'urgence vitale, l'information sur le prélèvement soit assurée par le praticien ayant posé l'indication, ou tout autre praticien du choix du donneur, et que l'autorisation soit formulée par le comité d'experts par tout moyen ;
- la seconde innovation concerne la délivrance des tests génétiques. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a permis de nombreuses avancées, et notamment que ces derniers ne puissent être privés des informations médicales les concernant. Toutefois, au regard de la technicité de cette spécialité, le Sénat a jugé nécessaire de prévoir que les résultats des examens soient toujours délivrés au patient par le médecin prescripteur, dans le cadre d'une consultation médicale.
S'agissant du désaccord qui persiste entre les deux assemblées sur les dispositions de l'article 18, relatif à l'assistance médicale à la procréation, il a rappelé qu'en première lecture, le Sénat avait préféré limiter la conduite de recherches sur les seuls embryons surnuméraires à la date d'entrée en vigueur de la loi. Il a estimé que le nombre d'embryons surnuméraires existant suffit à mettre en oeuvre la dérogation temporaire qu'autorise le texte, mais donne un signal fort sur le caractère réel de l'interdiction de principe qu'il pose.
Enfin, M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat , a rappelé que le Sénat a tenté de répondre, comme l'a fait l'Assemblée nationale, au douloureux dilemme que pose la détection d'anomalies génétiques graves chez certains patients et n'a pas voulu laisser au juge la charge de décider, au cas par cas, si un patient pouvait, ou non, se prévaloir du secret de son intimité médicale pour ne pas alerter ses proches de l'existence de cette anomalie.
A la suite d'un débat avec le Gouvernement, le Sénat a retenu la position suivante :
- le patient doit être incité à prévenir ses proches mais ne saurait voir sa responsabilité juridique engagée s'il ne le faisait pas ;
- conscient que dans certains cas, les patients hésiteront à prévenir eux-mêmes leur famille, il a jugé nécessaire de leur offrir une alternative à travers la procédure de l'information médicale à caractère familial, permettant le transfert des informations de médecin à médecin, dans le respect de l'anonymat du malade.
Il a toutefois déclaré que les deux rapporteurs proposeraient quelques aménagements à ce système afin d'en parfaire l'équilibre et de ne pas consacrer le principe d'une irresponsabilité absolue du patient.
M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour l'Assemblée nationale , a indiqué qu'il approuve globalement les innovations introduites par le Sénat en deuxième lecture.
Concernant le statut de l'embryon sur lequel peuvent être pratiquées des recherches, il a toutefois considéré qu'aucune distinction éthique légitime ne peut être faite entre ceux ne faisant plus l'objet d'un projet parental à l'entrée en vigueur de la présente loi, et les autres embryons surnuméraires. Il a donc annoncé qu'il proposerait le rétablissement de la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale pour l'article 18.
M. Jean Chérioux, sénateur, a estimé que la rédaction proposée par le Sénat pour l'article 18, qui limite la possibilité de conduire des recherches sur les seuls embryons surnuméraires à l'entrée en vigueur de la loi, présente un double avantage. Elle préserve le caractère sacré de l'embryon humain tel que le propose le projet de loi : tous les embryons humains conçus in vitro sous l'empire de la nouvelle loi ne pourront faire l'objet de recherche. Elle permet en outre d'afficher, en limitant le nombre d'embryons disponibles pour la recherche, que l'interdiction par principe de la recherche n'est pas que de façade et que la dérogation prévue pour cinq ans ne constitue qu'une transgression temporaire.
Il a enfin indiqué que dans l'hypothèse où la commission mixte paritaire ne retiendrait pas cette rédaction, il se désolidariserait des conclusions qu'elle pourrait adopter.
M. Alain Claeys, député, s'est déclaré favorable à ce que des recherches puissent être menées sur l'ensemble des embryons surnuméraires. Il a estimé que la condition d'autorisation de ces recherches, à savoir qu'elles permettent des progrès thérapeutiques majeurs, est impossible à satisfaire a priori . Il a enfin rappelé que le législateur avait autorisé, dès 1994, la destruction des embryons surnuméraires.
M. Bernard Cazeau, sénateur, a estimé que la rédaction proposée par le rapport de l'Assemblée nationale pour l'article 18 est préférable à celle adoptée par le Sénat en deuxième lecture.
Mme Valérie Pécresse, députée, a fait part de ses vives réserves juridiques sur la rédaction adoptée par le Sénat pour l'article 3 relatif à l'obligation d'information familiale du porteur d'anomalie génétique. Elle a estimé, en premier lieu, que la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit au législateur de prévoir une exonération absolue de responsabilité. Elle a ensuite exprimé ses doutes sur l'introduction d'une procédure subsidiaire pour permettre aux patients atteints d'une anomalie génétique de prévenir leurs proches par l'intermédiaire d'un tiers. L'Agence de la biomédecine est mal préparée à des missions la conduisant à intervenir dans l'intimité des situations médicales individuelles ; en raison de la faible importance de ses effectifs futurs, elle est exposée à des risques d'atteinte à la confidentialité des informations médicales : le décret pris en Conseil d'État devra être très précis sur ce point. Enfin, la réception par les intéressés d'un avertissement en provenance d'une structure administrative peut se révéler humainement délicate à mettre en oeuvre. Il serait donc souhaitable que le rapporteur du Sénat apporte quelques précisions sur les modifications qu'il propose sur cet aspect du projet de loi.
M. Nicolas About, président, a exposé la nouvelle rédaction présentée par les rapporteurs proposant que la responsabilité des patients ne puisse être recherchée dans le seul cas où ils n'auraient pas prévenu eux-mêmes leurs proches et non pas s'ils refusaient d'avertir anonymement leur famille à travers l'Agence de la biomédecine. Il a considéré que cette formule présente le double mérite de concilier des droits a priori antinomiques et d'apporter une solution humaine à ceux qui sont confrontés à la douloureuse épreuve que constitue l'annonce d'une anomalie génétique grave.
En effet, cette nouvelle rédaction exclut qu'une action en responsabilité puisse être engagée contre une personne qui ne voudrait pas prévenir elle-même ses proches. Le respect du secret de l'intimité médicale permet au patient d'affirmer qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence en tenant ces informations secrètes.
En revanche, le même patient ne peut pas se prévaloir de ce secret pour refuser de donner les noms de ses proches pouvant être prévenus par l'Agence de la biomédecine dans des conditions qui préservent son anonymat. Dans cette hypothèse où le secret de l'intimité médicale du patient n'est pas violé, le régime commun du droit de la responsabilité pourrait trouver à s'appliquer.
Il a insisté sur le caractère humain de la procédure d'information par tiers. La découverte d'une anomalie génétique grave constitue un drame pour un patient et le législateur ne peut lui imposer de lourdes obligations. L'Agence de la biomédecine aura la charge d'avertir les membres de la famille dans les seuls cas où les patients trouveraient trop difficile de contacter eux-mêmes leurs proches.
Le décret en Conseil d'État, qui précisera les modalités de recueil, de transmission, de conservation et d'accession à ces données, garantira que cette procédure est mise en oeuvre par des médecins.
Mme Christine Boutin, députée, a rappelé que, lors du débat à l'Assemblée nationale, elle s'est opposée à l'adoption d'une rédaction qui, en faisant peser une responsabilité lourde sur les patients dans des domaines touchant à l'intimité des personnes, pourrait s'avérer déstabilisante pour les familles, le cas des enfants adultérins méritant d'être pris en compte. Elle s'est donc déclarée en accord avec la proposition des rapporteurs sur ce sujet.
M. Nicolas About, président, a proposé que la commission procède à l'examen des articles en commençant par l'article 3 afin de décider d'une rédaction définitive et, le cas échéant, de coordonner à l'article premier A, relatif à l'Agence de la biomédecine, l'extension de ses compétences prévues par l'article 3.
*
* *
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.