b) La loi du 19 mars 1919

Remède aux errements jurisprudentiels antérieurs, la loi du 19 mars 1919 apporte un premier cadre institutionnel aux conventions collectives et constitue alors une étape décisive dans la construction du droit de la négociation collective.

S'inscrivant toujours dans une logique contractuelle fondée sur la libre conclusion, le libre contenu et l'effet relatif des contrats, cette loi pose néanmoins les premières règles de limitation de ce principe contractuel et commence à reconnaître la nature sui generis de la convention collective parmi les différents actes juridiques. Ainsi, les clauses des conventions s'appliquent comme usage de la profession dès lors qu'une des parties du contrat de travail est soumise à la convention. De même, pour ces parties, les clauses du contrat de travail contraires à celles de la convention sont réputées non écrites et remplacées de plein droit par les dispositions correspondantes de la convention collective. Enfin, la loi reconnaît aux syndicats le droit d'agir en justice sans mandat pour faire prévaloir les stipulations de la convention.

Cependant, la loi comportait une lacune importante : l'absence de caractère obligatoire de la convention. Elle ne lie en effet que les groupements qui l'ont signée et leurs membres. Dès lors, les non-syndiqués n'y sont pas soumis et les membres d'un groupement signataire peuvent se dégager de leurs obligations conventionnelles en démissionnant. Les conditions d'une diffusion des conventions collectives n'étaient alors pas encore réunies.

Aussi, après que 557 conventions eurent été signées en 1919, ce nombre fléchit rapidement pour tomber à vingt en 1933.

c) La loi du 24 juin 1936

Tirant les conséquences de l'échec de la loi de 1919, la loi du 24 juin 1936, tout en maintenant le principe contractuel de la convention collective, la transforme en véritable « loi professionnelle » de portée plus contraignante.

Elle introduit notamment quatre types de dispositions nouvelles qui restent aujourd'hui encore au centre du droit à la négociation collective :

- la procédure d'extension permet de rendre applicables à l'ensemble d'une profession les conventions conclues par les organisations syndicales les plus représentatives ;

- les parties signataires se limitent aux seules organisations syndicales les plus représentatives ;

- la procédure de négociation est encadrée, la loi prévoyant en particulier la possibilité de constitution de commissions mixtes se substituant aux parties et créées à l'initiative des parties intéressées ou du ministre du travail ;

- le contenu, tout en étant librement négocié par les parties, devient réglementé, la convention devant comporter un certain nombre de clauses obligatoires relatives à l'essentiel des rapports de travail. Pour autant, les conventions peuvent librement traiter de questions non prévues à titre obligatoire, mais ne peuvent alors que comporter des dispositions plus favorables que celles des lois et règlements en vigueur. C'est l'origine du principe dit « de faveur ».

Ces innovations demeuraient toutefois inachevées. La loi du 24 juin 1936 ne remettait en effet pas totalement en cause la nature contractuelle de la convention, la convention collective telle que régie par la loi de 1919 restant la convention de droit commun, et interdisait encore la convention d'entreprise.

La loi du 24 juin 1936 a néanmoins constitué le point de départ d'une nouvelle expansion des conventions collectives : près de 6.000 conventions furent ainsi conclues jusqu'en janvier 1940.