ARTICLE 3
Amélioration de la prime pour
l'emploi
Commentaire : le présent article vise à
rehausser le montant de la prime pour l'emploi, et à en permettre, sous
certaines conditions, la perception d'un acompte par les personnes reprenant
une activité professionnelle.
I. LE DROIT EXISTANT
La prime pour l'emploi (PPE) est un crédit d'impôt visant à
inciter au retour à l'emploi ou au maintien en activité pour les
niveaux de rémunération les plus faibles. Ce dispositif a
été instauré par la loi n° 2001-458 du 30 mai
2001 portant création d'une prime pour l'emploi.
A. LE BÉNÉFICE DE LA PRIME
Peuvent bénéficier de la prime pour l'emploi les personnes
physiques ayant leur domicile fiscal en France
au sens de l'article 4 B du
code général des impôts, c'est à dire :
-
• les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur
séjour principal ;
• celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité n'est qu'accessoire ;
• celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ;
• les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.
La prime est accordée au foyer fiscal, mais dépend des revenus d'activité professionnelle de chacun de ses membres.
Une double condition de revenu doit être satisfaite pour bénéficier de la PPE.
D'une part, les revenus du foyer fiscal ne peuvent être supérieurs à un plafond ainsi calculé pour 2002 :
• 11.972 euros pour la première part de quotient familial des célibataires, veufs ou divorcés ;
• 23.944 euros pour les deux premières parts en cas d'imposition commune ;
• plafonds auxquels s'ajoutent, le cas échéant, 3.308 euros pour chacune des demi-parts suivantes.
A titre d'illustration, un couple marié ayant deux enfants ne doit pas avoir un revenu fiscal dépassant 30.660 euros pour 2002.
En cas de mariage, décès, ou de passage en cours d'année à une imposition distincte, ces plafonds sont convertis sur une base annuelle, la référence étant 360 jours, soit 30 jours par mois par souci de simplification.
D'autre part, la prime est soumise à des conditions portant sur les revenus d'activité professionnelle . Cette condition est appréciée de manière individuelle pour chaque membre du foyer fiscal. Pour bénéficier de la PPE, chacun ne peut déclarer en 2002 ni plus que 15.325 euros, ni moins que 3.265 euros.
Afin de tenir compte de la mono ou de la bi-activité au sein d'un foyer fiscal, cette limite est portée à 23.207 euros pour un foyer dont un seul membre travaille ou dont l'autre membre gagne moins de 3.265 euros. Ainsi, un couple « bi-actif » peut avoir droit à la PPE jusqu'à 30.470 euros de revenus d'activité, si toutefois chacun ne dépasse pas le plafond de 15.235 euros, tandis que dans un foyer où seul un membre travaille, ce plafond n'est que de 23.207 euros, soit une différence de plus de 30 %.
Le plafond de 15.235 euros s'applique précisément :
• aux personnes célibataires, veuves, divorcées, sans enfant ou avec des enfants qu'elles n'élèvent pas seules ;
• aux personnes mariées lorsque le couple est soumis à imposition commune et que chacun des deux conjoints occupe un emploi lui procurant plus de 3.265 euros ;
• aux personnes à charge d'un foyer fiscal exerçant une activité professionnelle lui procurant plus de 3.265 euros.
Le plafond de 23.207 euros s'applique quant à lui :
• si la personne est mariée, lorsque le couple est soumis à imposition commune et que seul l'un des deux conjoints occupe un emploi lui procurant plus de 3.265 euros ;
• si la personne est célibataire, veuve ou divorcée et élève seule un ou plusieurs enfants.
La durée du travail est intégrée pour le calcul de ces plafonds de revenus d'activité : ils s'appliquent à des « équivalents temps plein ».
Il s'agit de prendre en compte le cas des personnes n'exerçant pas, sur l'année, une activité à plein temps.
Par exemple, un salarié gagnant l'équivalent du SMIC annuel dans une année fiscale mais n'ayant travaillé que six mois dans l'année, ou travaillant à mi-temps, ne bénéficie pas de la PPE. Le mode de conversion se base sur une durée annuelle de travail de 1.820 heures (correspondant à une durée du temps de travail de 35 heures hebdomadaires) : le rapport entre 1.820 et le nombre d'heures travaillées dans l'année permet d'obtenir un coefficient de conversion , qui ne peut être inférieur à 1. Ce coefficient est ensuite appliqué aux revenus d'activités professionnelles déclarés pour l'examen de l'éligibilité à la PPE au regard des limites maximales de revenu (15.235 euros ou 23.207 euros).
Les heures prises en compte intègrent les congés payés (soit une majoration de 10 % des heures travaillées) ainsi que les heures supplémentaires. Les périodes de maladie, de maternité ou d'arrêt suite à accident du travail sont prises en compte au même titre que les périodes travaillées. Un mécanisme particulier est prévu pour les agents publics (conversion selon leur quotité de temps de travail) et les non salariés (conversion selon le nombre de jours d'activité).
B. LES MODALITÉS DE CALCUL DE LA PRIME
La prime comprend deux parties, la prime de base (partie variable) et les majorations (partie forfaitaire).
1. La prime de base
La prime de base est établie par personne. Pour un revenu d'activité compris entre 3.265 euros et 10.882 euros, la prime est de 4,4 % de ce revenu. Pour un revenu compris entre 10.882 euros et 15.235 euros, elle est de 11 % de la différence entre ce revenu et 15.235 euros.
Pour les bénéficiaires qui n'auraient pas travaillé à temps plein sur l'année, et dont le revenu d'activité a donc fait l'objet d'une reconstitution en équivalent temps plein, le montant la prime ainsi calculée est ensuite proratisé selon le coefficient inverse de celui établi pour obtenir le revenu annuel.
Toutefois, un dispositif introduit par l'article 3 la loi de finances pour 2003 a apporté un correctif destiné à favoriser la reprise de l'activité, même à temps partiel.
Ce dispositif a pour effet, toutes choses étant égales par ailleurs, d'augmenter le montant de la prime de 45 % pour une personne travaillant à temps partiel sur une base inférieure ou égale à 50 % d'un temps complet.
Pour les personnes travaillant à temps partiel sur une base comprise entre 50 % (mi-temps) et 100 % (plein temps), l'augmentation, qui ressort ainsi à 45 % pour un mi-temps, diminue ensuite linéairement avec l'augmentation du temps de travail, jusqu'à disparaître pour un temps complet.
2. Les majorations
A cette prime de base s'ajoutent des majorations, l'une en faveur des couples « mono-actifs », l'autre pour personnes à charge.
a) Majoration en faveur des couples « mono-actifs »
Dans le cas de couples dont l'un des membres a gagné moins que 3.265 euros, la prime est :
• majorée de 79 euros pour un revenu d'activité inférieur 15.235 euros ;
• égale à 79 euro pour un revenu compris entre 15.235 euros et 21.764 euros ;
• égale à 5,5 % de la différence entre 23.207 euros et le revenu si celui-ci dépasse 21.764 euros.
Le tableau suivant donne la formule de calcul de la prime de base pour un temps plein, majorée, le cas échéant, pour les couples « mono-actifs ».Calcul de la prime pour un temps plein (y compris la majoration en faveur des couples « mono-actifs » mais hors majoration pour personnes à charge)
(en euros)
Situation de famille
Revenu d'activité R compris entre :
Formule de calcul
(temps plein)Célibataires, veufs, divorcés, mariés bi-actifs ou personne à charge du foyer exerçant une activité professionnelle au moins rémunérée à 3.187 €
3.265 < R < 10.882
R x 4,4 %
10.882 < R < 15.235
(15.235 - R ) x 11%
Mariés mono-actifs
3.265 < R < 10.882
(R x 4,4 %) + 79 €
10.882 < R < 15.235
[(15.235 - R ) x 11%] + 79 €
15.235 < R < 21.764
79 €
21.764 < R < 23.207
(23.207 - R) x 11 %
Célibataires, veufs divorcés élevant seul des enfants à charge
3.265 < R < 10.882
R x 4,4 %10.882 < R < 15.235
(15.235 - R ) x 11%
15.235 < R < 23.207
0 € (susceptible de majoration pour personnes à charge)
b) Majorations pour personnes à charge
Les majorations pour personnes à charge sont forfaitaires quel que soit le revenu :
• 32 euros par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B du code général des impôts (enfants mineurs ou infirmes, titulaires de la carte d'invalidité, enfants majeurs rattachés) ;
• 64 euros pour le premier enfant des personnes isolées ;
• 32 euros quel que soit le nombre d'enfants pour les foyers mono-actifs dont le revenu est compris entre 15.235 euros et 23.207 euros (64 euros pour le premier enfant en cas de personne isolée).
Majorations pour personnes à charge
(en euros)
Situation de famille |
Revenu d'activités professionnelles |
Une personne à charge |
Deux personnes à charge |
Trois personnes à charge |
Célibataires, veufs, divorcés, mariés bi-actifs |
3.265 € < R < 15.235 € |
32 € |
32 € x 2 = 64 € |
32 € x 3 = 96€ |
Mariés mono-actifs |
3.265 € < R < 15.235 € |
32 € |
32 € x 2 = 64 € |
32 € x 3 = 96 € |
15.235 € < R < 23.207 € |
32 € |
32 € |
32 € |
|
Célibataires, veufs, divorcé élevant seul des enfants à charges |
3.265 € < R < 15.235 € |
64 € |
64 € + 32 € = 96 € |
64 € + 32 € + 32 € = 128 € |
15.235 € < R < 23.207 € |
64 € |
64 € |
64 € |
Enfin,
un montant minimum de prime de 25 euros est accordé aux foyers lorsque
la somme des primes individuelles et des majorations est inférieure
à ce montant.
II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT
1. Revalorisation de la prime pour l'emploi
a) Indexation des limites de revenu régissant le dispositif
Le
B du I
du présent article a d'abord pour objet d'indexer les
limites de revenu régissant le dispositif sur l'évolution de
l'indice des prix hors tabac de 2003 par rapport à 2002, qui ressort
à 1,7 %.
Le coût de cette indexation est évalué à
150
millions d'euros.
Indexation des limites de revenu
(en euros)
|
Montant en 2001
|
Montant indexé
|
Revenu de référence pour les personnes seules |
11.772 |
11.972 |
Revenu de référence pour les personnes mariées soumises à imposition commune |
23.544 |
23.944 |
Majoration de revenu de référence pour chaque demi-part supplémentaire |
3.253 |
3.308 |
b)
Réhaussement des seuils de revenu servant au calcul de la prime, ainsi
que des majorations
Le
B du I
du présent article a également pour objet de
rehausser les limites de revenu servant au calcul de la prime, ainsi que les
majorations existantes, afin de renforcer le caractère incitatif de la
PPE. La hausse pratiquée avant arrondi s'élève à
3,28 %, ce qui représente un gain hors inflation de 1,56 %.
Cette augmentation se situe en cohérence avec celle du SMIC (cf.
infra
). Le coût de cette mesure est évalué à
130 millions d'euros.
Réhaussement des seuils de revenu et des majorations
(en euros)
|
Montant 2002
|
Montant 2003 |
Limite inférieure de revenu professionnel déclaré |
3.265 |
3.372 |
Revenu professionnel déclaré permettant de bénéficier de la prime au taux maximum |
10.882 |
11.239 |
Revenu professionnel déclaré au-delà duquel, dans la généralité des cas, le bénéfice de la prime n'est plus accordé |
15.235 |
15.735 |
Plafond du revenu professionnel déclaré spécifique aux foyers mono-actifs permettant de bénéficier d'une prime égale à 78 € actuellement |
21.764 |
22.478 |
Plafond de revenu professionnel déclaré au-delà duquel, pour les foyers mono-actifs, le bénéfice de la prime n'est plus accordé |
23.207 |
23.968 |
Majoration de la prime pour les foyers mono-actifs |
79 |
80 |
Majoration de la prime pour personnes à charge dans la généralité des cas |
32 |
33 |
Majoration de la prime pour la première personne à charge des contribuables qui vivent effectivement seuls |
64 |
66 |
Montant minimum de la prime par foyer |
25 |
25 |
c)
Réhaussement des taux de la prime pour l'emploi
Enfin, le
A du I
du présent article porte respectivement les taux
de 4,4 % et de 11 % servant au calcul de la PPE (cf. tableau supra)
à 4,6 % et 11,5 %. La hausse des taux ressort donc à
4,55 %. Le coût de cette mesure est évalué à
80 millions d'euros
.
*
Le tableau suivant permet de rendre compte, pour un salarié rémunéré au SMIC, de l'évolution du montant de la prime pour l'emploi qui résulte du cumul des mesures ci-dessus exposées.
Evolution du montant de la prime pour l'emploi pour un salarié rémunéré au SMIC en 2002 et 2003
(en euros) |
||||||
Situation actuelle
|
Situation nouvelle
|
Revalorisation
|
||||
Revenus
|
PPE
|
Revenus
|
PPE
|
En montant |
En % |
|
SMIC 35 heures déclarées |
10.065 |
443 |
10.408 |
479 |
+ 36 euros |
+ 8 % |
SMIC 39
heures déclarées
|
11.212 |
443 |
11.712 |
463 |
+ 20 euros |
+ 4,5 % |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
2.
Création d'un acompte de prime pour l'emploi pour certains demandeurs
d'emploi et titulaires de minima sociaux qui reprennent une activité
professionnelle
a) Economie du dispositif
Afin de diminuer le délai séparant la reprise d'une
activité professionnelle du paiement de la prime, et d'améliorer
ainsi l'incitation au retour à l'emploi, il est envisagé
d'
instituer un acompte forfaitaire de prime pour l'emploi s'élevant
à 250 euros
.
Le salarié percevrait ainsi, plus d'un an avant la date de perception
actuelle, une somme représentant, en moyenne, la moitié de sa
prime pour l'emploi.
Le tableau suivant illustre ce nouveau mécanisme en retenant le cas d'un
célibataire inscrit comme demandeur d'emploi depuis le 1
er
juin 2003, et retrouvant une activité salariée
rémunérée au SMIC le 1
er
décembre
2003 :
Nouvelles modalités d'encaissement de la prime pour l'emploi
Année |
2003 |
2004 |
2005 |
Situation actuelle |
- |
- |
463 euros
versés
|
Situation nouvelle |
- |
250
euros
|
213 euros
versés
|
Cet
acompte serait versé au profit des personnes justifiant d'une
activité professionnelle d'une durée au moins égale
à six mois à compter du 1
er
octobre de
l'année 2003, et ayant été, pendant les six mois
précédents, sans activité professionnelle et inscrites
comme demandeurs d'emploi ou bénéficiaires du minimum
invalidité, de l'« allocation adultes
handicapés », de l'allocation de parent isolé, du
revenu minimum d'insertion, de l'allocation parentale d'éducation
à taux plein ou du « complément cessation
d'activité » à taux plein de la prestation d'accueil du
jeune enfant.
La régularisation de l'acompte interviendrait lors de la liquidation de
l'impôt afférent aux revenus de l'année du paiement de
l'acompte, après imputation éventuelle des différents
crédits d'impôt.
Le coût de cette mesure est évalué à
120 millions
d'euros en 2004
.
Toutefois, ce montant devrait logiquement connaître une augmentation de
l'ordre de 33 % en 2005, car les demandes d'acompte ne pourront être
formulées qu'à compter du 1
er
avril 2004.
b) Sanction des fausses déclarations
Le présent article prévoit en outre que «
les
demandes formulées sur la base de renseignements inexacts en vue
d'obtenir le paiement d'un acompte donnent lieu à l'application d'une
amende fiscale de 100 euros
».
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1. Une sanction conditionnelle des fausses déclarations
Il résulte d'un amendement adopté à l'Assemblée
nationale avec l'assentiment de sa commission des finances et l'avis favorable
du gouvernement, que l'amende fiscale de 100 euros attachée aux demandes
d'acompte comprenant des renseignements inexacts doit être
conditionnée par l'établissement de la mauvaise foi de
l'intéressé.
2. Les perspectives d'une amélioration de la perception de la prime
pour l'emploi
Le lien entre l'activité et la prime censée y inciter pouvant
paraître ténu pour ses bénéficiaires (
infra
),
la commission des finances de l'Assemblée nationale a
présenté un amendement ayant reçu l'avis favorable du
gouvernement, dont l'adoption oblige ce dernier à présenter au
Parlement avant le 1
er
juin 2004 «
un rapport
présentant les moyens de rapprocher le versement de la prime pour
l'emploi de la période d'activité et notamment d'inscrire son
montant sur la fiche de paie
».
III. LA POSITION VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. L'AMÉLIORATION D'UNE MESURE S'INSCRIVANT DANS UN CADRE
ÉLABORÉ PAR LE SÉNAT
La prime pour l'emploi résulte d'un processus législatif complexe
s'étendant du plan de baisse des prélèvements obligatoires
du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en août
2000 à l'adoption de la loi portant création de la prime pour
l'emploi en mai 2001. Il s'agit d'une mesure proposée par le
Sénat en novembre 2000 et à laquelle le gouvernement avait
dû se rallier suite à l'annulation, par le Conseil
constitutionnel, du mécanisme de ristourne dégressive de
contribution sociale généralisée (CSG).
Ce dispositif avait alors deux objectifs aux yeux du Sénat :
favoriser le retour à l'emploi des personnes bénéficiant
de minima sociaux afin d'éviter des situations de « trappe
à inactivité », et diminuer les
prélèvements obligatoires dont le montant se situe à un
niveau particulièrement élevé en France.
Dès 2001, plus de 8 millions de foyers ont
bénéficié de la prime. Bien que le doublement de la prime
fût annoncé à l'origine du dispositif pour l'exercice
budgétaire 2002, il est intervenu dès l'exercice
budgétaire 2001 à la suite d'une modification apportée par
l'article premier de la loi de finances rectificative pour 2001, le
versement complémentaire étant effectué au mois de janvier
2002. En revanche, le triplement qui avait été annoncé
pour l'exercice budgétaire 2003 (soit une nouvelle hausse de 50 %
de la prime de base par rapport à celle versée en 2002) n'avait
pas été réalisé dans le projet de loi de finances
pour 2003.
B. LA POURSUITE NÉFASTE DE L'« ESCALADE DE LA
COMPLEXITÉ »
L'article 3 de la loi de finances pour 2003 avait apporté un correctif
à la PPE destiné à favoriser la reprise de
l'activité, même à temps partiel. Votre rapporteur
général avait alors noté : «
Quant à l'effet réel de cette mesure sur le taux
d'activité, il semble réduit par la
perception limitée
qu'en peuvent avoir a priori les bénéficiaires potentiels, ceux
dont on veut encourager le retour à l'emploi, compte tenu de la
complexité du calcul de la prime pour l'emploi, complexité encore
accrue par ce dernier aménagement.
Il conviendra à l'avenir
de s'interroger sur l'efficacité économique du dispositif par
rapport à son coût budgétaire
». Il a,
depuis, approfondi l'étude des effets de la PPE sur l'incitation au
travail, sans modifier ce diagnostic.
L'évaluation de l'effet de la PPE sur l'incitation au travail
Une
analyse a priori de la structure de la PPE montre qu'elle pourrait avoir (...)
des effets incitatifs ou désincitatifs sur l'offre de travail, selon la
position du bénéficiaire.
La PPE devrait accroître
la participation au marché du travail des individus sans emploi,
puisqu'elle augmente le gain financier associé à la reprise d'un
emploi.
L'effet incitatif de la PPE est cependant
indéterminé pour les personnes qui perçoivent un revenu
d'activité compris entre 0,3 et 1 SMIC. Effet revenu et effet de
substitution jouent en sens contraire, ce qui rend délicate toute
appréciation de l'effet net de la mesure.
Pour les personnes
dont le revenu est compris entre 1 et 1,4 SMIC (ou 2,1 SMIC pour les couples
mono-actifs), la PPE exerce un effet désincitatif sur l'offre de travail
(effet revenu et de substitution jouent dans le même sens).
La
PPE devrait exercer un effet désincitatif sur le travail du second
conjoint dans les couples bi-actifs. L'activité du second conjoint peut
entraîner la perte d'une partie de la prime (fin de la majoration
forfaitaire pour conjoint inactif), voire de la totalité de la prime si
les revenus du conjoint sont assez importants.
Il est encore trop
tôt pour que des évaluations ex post complètes des effets
de la prime pour l'emploi sur les taux d'activité puissent être
produites. Cependant, un certain nombre d'évaluations externes sont
disponibles.
Ainsi, Laroque et Salanié (2001) ont proposé une simulation des
effets de la PPE sur l'emploi des femmes (avec le barème initialement
prévu pour 2003 rétropolé pour l'année 1999). Ils
étudient un effectif de référence qui comprend
5 290 000 personnes, parmi lesquelles 2 732 000 occupent un
emploi. Les résultats restent modestes. Ils estiment que, pour cette
population, la PPE devrait entraîner l'entrée sur le marché
du travail de 9 000 personnes supplémentaires, dont 4 000 pour
des emplois à temps partiel (le nombre de personnes employées
augmente ainsi de + 0,33 %). De manière plus précise,
la PPE ferait passer 16 000 femmes du non-emploi à l'emploi,
dont 6 000 à temps partiel, et 10 000 à temps
plein ; dans le même temps, 2 000 femmes travaillant
à temps plein choisissent le temps partiel, et 5 000 autres
arrêtent de travailler ; enfin, 2 000 femmes travaillant
à mi-temps passent à temps plein, et autant quittent la
population active.
En appliquant le barème de 2003, le
coût budgétaire de la PPE, pour cette population, est environ de
1,2 milliard d'euros. Chaque nouvelle entrée sur le marché
du travail serait donc acquise au prix d'une dépense de
140 000 euros, ce qui représente une dépense pour le
moins importante.
Une étude de Bassanini et al. (1999)
suggère que l'efficacité des mécanismes de crédit
d'impôt pourrait être moindre dans les pays, comme la France, qui
se caractérisent par un éventail des salaires resserré,
des salaires de réserve élevés, et des
prélèvements importants sur les revenus du travail. Dans ces
pays, en effet, le crédit d'impôt est plus coûteux à
financer pour atteindre un effet incitatif donné. Le financement du
crédit d'impôt suppose d'augmenter les prélèvements
pesant sur une partie de la population déjà fortement
taxée ; dès lors, l'effet global pourrait être une
diminution du nombre d'heures travaillées, et une réduction du
produit global.
Cahuc (2002) rappelle également qu'une mesure
visant à augmenter l'offre de travail, alors que la demande de travail
reste inchangée, risque d'avoir pour effet d'aggraver le
déséquilibre du marché du travail. On peut toutefois
supposer que l'introduction de la PPE, qui vient soutenir le pouvoir d'achat
des ménages, aura pour effet de modérer les revendications
salariales, à court et moyen terme. Une modération salariale
prolongée est susceptible d'augmenter la demande de travail
émanant des entreprises. Il n'existe cependant aucune
modélisation permettant d'estimer la portée d'un tel effet.
Extrait du rapport de MM. Joël Bourdin et Philippe Marini,
« Une décennie de réforme fiscale en Europe : la
France à la traîne » n° 343, Sénat
(2002-2003)
L'instauration d'un système d'acompte ne permet pas d'amender
sensiblement cette analyse.
En effet, le lien
« physique » entre la prime et l'activité reste
ténu, le bénéfice de l'acompte n'apparaissant pas au
travers de la rémunération, mais de l'impôt sur le revenu.
En revanche, les difficultés de gestion inhérentes aux
systèmes d'acomptes sont nombreuses, et peuvent venir s'ajouter à
celles qu'un calcul fort complexe est susceptible d'engendrer.
Au total, il persiste clairement une disproportion entre le coût
fiscal et les moyens administratifs mis en oeuvre d'une part, et
l'efficacité de l'incitation à la reprise d'activité
d'autre part.
Dans cette perspective, votre commission des finances ne peut qu'approuver
l'amendement adopté à l'Assemblée nationale tendant
à la production d'un rapport gouvernemental
«
présentant les moyens de rapprocher le versement de la
prime pour l'emploi de la période d'activité et notamment
d'inscrire son montant sur la fiche de paie
».
C. UNE REVALORISATION COHÉRENTE DES SEUILS DE REVENUS SERVANT AU
CALCUL DE LA PRIME POUR L'EMPLOI
Votre commission des finances avait déploré, à l'occasion
de l'examen de la loi de finances initiale pour 2002, qu'il ne soit pas
prévu de faire évoluer les seuils de revenu permettant de
calculer la prime pour l'emploi par une indexation sur le SMIC. En effet, le
dispositif initial a été étudié pour avoir une
efficacité maximale au niveau du SMIC : il s'agissait
d'accroître l'écart entre les revenus d'activité et les
revenus d'inactivité. Les seuils retenus avaient donc été
calculés en fonction du SMIC : accès au dispositif à
partir de 0,3 SMIC, effet maximal à 1 SMIC,
dégressivité jusqu'à 1,4 SMIC, majorations entre 1,4
et 2,1 SMIC, etc. Pourtant, la loi de finances initiale pour 2002 avait
prévu une augmentation des seuils de 1,6 %, bien inférieure
à la revalorisation du SMIC en 2001, si bien que la prime entamait
désormais sa dégressivité à partir d'un revenu
légèrement inférieur au SMIC.
En revalorisant les seuils de revenu permettant de calculer la prime pour
l'emploi de 2,44 % pour les revenu de 2002, puis, par le présent
article, de 3,28 % pour les revenus de 2003, le gouvernement met fort
opportunément un terme à une dérive qui se fût
trouvée défavorable, en particulier, aux personnes payées
au SMIC, dont les revalorisations deviennent substantielles (+ 1,4 % de 2003
à 2005) en application de la loi « Fillon ».
Les limites de revenu ayant trait au foyer fiscal connaissent en revanche une
indexation limitée à 1,7 %, représentant
l'évolution de l'indice des prix hors tabac de 2003. Il en
résulte un resserrement relatif des seuils supérieurs
d'éligibilité au dispositif par foyer fiscal, par rapport aux
conditions portant sur les revenus d'activité professionnelle de ses
membres, sans qu'il puisse être encore question du franchissement d'un
quelconque seuil critique.
Enfin, la revalorisation de 4,55 % des taux vise à accroître le
caractère incitatif de la PPE, ce qui,
a priori
, n'est pas
inutile compte tenu du manque de lisibilité de la mesure.
Elle
instille également le doute quant à sa nature véritable,
qui pourrait simplement consister en un instrument de distribution de pouvoir
d'achat plutôt qu'en un mécanisme d'incitation au travail
.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.