III. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : APPROUVER LE PRINCIPE DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE EN APPORTANT DES PRECISIONS REDACTIONNELLES
A. UNE RÉFORME AMBITIEUSE QUI RENOUVELLE LE RÉGIME ÉLECTORAL SÉNATORIAL
1. L'harmonisation bienvenue de la durée du mandat sénatorial avec celle des mandats locaux
a) L'alignement de la durée du mandat sénatorial sur celle des mandats locaux
L'abaissement à six ans de la durée du mandat sénatorial harmoniserait celle-ci avec la durée des mandats locaux. Ce faisant, le Sénat serait plus que jamais une « assemblée de proximité » 52 ( * ) émanant de la démocratie locale.
L'article 24 de la Constitution conférant au Sénat le rôle d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, trouverait ainsi une traduction nouvelle dans son régime électoral.
« Il semble, en ce sens naturel, que les sénateurs élus par un collège électoral composé de membres ayant eux-mêmes obtenu dans leur grande majorité, des mandats de six ans, soient élus pour une durée équivalente... » 53 ( * ) .
b) La préservation et le renouveau du bicamérisme différencié
La réduction de la durée du mandat à six ans garantirait le maintien du principe du renouvellement partiel, ancré dans la tradition républicaine depuis 1875 exigé par la Constitution de 1958 et facteur de stabilité incontestable du bicamérisme différencié français.
L'abaissement de la durée du mandat sénatorial maintiendrait un écart d'une année avec la durée du mandat de député.
En complément, l'âge d'éligibilité des sénateurs, désormais fixé à trente ans, serait toujours supérieur à l'âge d'éligibilité des députés.
Conforté, le bicamérisme équilibré se trouverait également renouvelé.
L'abaissement de la durée du mandat sénatorial à six ans, conjuguée au respect du principe du renouvellement partiel de la Haute Assemblée et l'abaissement de l'âge d'éligibilité des sénateurs à trente ans, tendent en effet à faire émerger un Sénat réformé, en harmonie avec les évaluations territoriales, démographique et sociales de notre pays.
c) L'entrée en vigueur progressive de l'abaissement de la durée du mandat sénatorial et la mise en place du renouvellement par moitié
Le dispositif retenu serait progressif, des dispositions transitoires permettant à la fois d'abaisser sereinement la durée du mandat sénatorial de 9 à 6 ans dès 2004 et de n'entraîner aucune réduction de la durée des mandats en cours.
En effet, un dispositif prévoyant le renouvellement intégral du Sénat tous les six ans remettrait en cause le principe du renouvellement partiel se heurtant par là-même à un obstacle de nature constitutionnelle : le principe du renouvellement partiel est inscrit à l'article 25 de la Constitution relatif au remplacement des sénateurs et à l'article 32 de la Constitution concernant la périodicité de l'élection du président du Sénat.
Une loi organique entraînant dès 2004 l'élection des sénateurs pour six ans, faute de dispositions transitoires , sans pour autant remettre en cause le renouvellement partiel du Sénat, empêcherait l'application du renouvellement par tiers de la Haute Assemblée : deux séries (C et B) seraient renouvelées simultanément en 2010 alors que la série A seule aurait été élue en 2007, fragilisant le renouvellement équilibré de l'effectif sénatorial .
A cet égard, le maintien du renouvellement par tiers ne serait pas non plus satisfaisant car avec l'abaissement de la durée du mandat sénatorial à six ans, les renouvellements partiels du Sénat et de ces instances (Président, Bureau...) se répéteraient tous les deux ans.
Par souci d'équilibre et d'efficacité, le dispositif retenu instaurerait progressivement le renouvellement par moitié du Sénat.
A ce titre, il convient de rappeler qu'en 1946, le Conseil de la République avait adopté le renouvellement par moitié et le mandat de six ans.
Par ailleurs, les conseillers généraux sont aujourd'hui élus pour six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans (article L. 192du code électoral).
En vue d'une mise en oeuvre rapide de la réforme, la série C actuelle serait scindée en deux sections, une (par tirage au sort) étant élue pour six ans et l'autre, pour neuf ans, en 2004.
Ainsi, dès 2004, des sénateurs commenceraient à être élus pour 6 ans et dès 2013, les deux séries seraient en place et tous les sénateurs seraient élus pour six ans .
Dispositions transitoires
Première série |
Deuxième série |
|||
Série B |
Moitié C |
Moitié C |
Série A |
|
2004 |
Election (6 ans) |
Election (9 ans) |
||
2005 |
||||
2006 |
||||
2007 (Municipales) |
Election (6 ans) |
|||
2008 |
||||
2009 |
||||
2010 |
Renouvellement total (6 ans) |
|||
2011 |
||||
2012 |
||||
2013
|
Renouvellement total (6 ans) |
|||
2014 |
||||
2015 |
||||
2016 |
Renouvellement total (6 ans) |
|||
2017 |
||||
2018 |
||||
2019
|
Renouvellement total (6 ans) |
Harmonisée à six ans avec la durée des mandats locaux, la durée du mandat sénatorial conforterait la légitimité du Sénat en tant que représentant constitutionnel des collectivités territoriales et par là-même, l'efficacité du bicamérisme différencié.
2. L'ajustement pertinent du nombre de sénateurs aux réalités démographiques des collectivités territoriales
L'augmentation du nombre de sénateurs doit permettre au Sénat de représenter plus fidèlement encore les collectivités territoriales et, en conséquence, d'assumer son rôle de veilleur et de gardien vigilant de la décentralisation.
Les décisions du Conseil constitutionnel des 6 juillet 2000 et 20 septembre 2001 ont exigé que le législateur modifie le nombre de sénateurs et la répartition par département des sièges pour prendre en considération les évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat assure la représentation.
En conséquence, la représentation sénatoriale pouvait être actualisée soit en procédant à une nouvelle répartition des sièges de sénateurs à effectif constant soit en appliquant la clé de répartition démographique de 1948 aux résultats du recensement général de la population de 1999.
Cette dernière solution a été retenue par la réforme proposée, qui prévoit la création de 22 nouveaux sièges dans 21 départements.
Afin de tenir compte de la densité démographique de Mayotte, de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française, 1 siège supplémentaire serait attribué à chacune de ces collectivités.
Entre 2004 et 2010, à chaque renouvellement partiel, les sièges supplémentaires seraient donc attribués aux départements et collectivités concernés.
Le nombre de sénateurs élus dans les départements passerait de 304 aujourd'hui à 313 en 2004 (331 au total), à 322 en 2007 (341 au total) pour être fixé à 326 à compter de 2010.
L'effectif total du Sénat serait alors fixé à 346 sénateurs contre 322 à l'heure actuelle.
Cette actualisation de la représentation sénatoriale par une augmentation du nombre de sénateurs est conforme à la tradition parlementaire française.
Ainsi, la création des départements de la région parisienne 54 ( * ) et la prise en compte des résultats du recensement général de la population de 1975 55 ( * ) ont amené une hausse des effectifs du Sénat et une nouvelle répartition des sièges : en 1976, 33 nouveaux sièges étaient créés dans vingt-neuf départements. En revanche, le Parlement n'avait pas cru alors possible de tenir compte des évolutions démographiques en supprimant 3 sièges (1 siège dans la Creuse, 2 sièges à Paris).
De même, les 79 sièges supplémentaires de députés créés par la loi organique n° 85-688 du 10 juillet 1985 pour tirer les conséquences de l'instauration de la représentation proportionnelle, n'ont pas été supprimés lors du rétablissement du scrutin majoritaire par la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986.
Le dispositif retenu supprimerait 1 siège, celui du sénateur représentant l'ancien territoire des Afars et des Issas devenu indépendant en 1977 (Djibouti), inoccupé depuis 1980.
3. L'amélioration de l'intelligibilité des dispositions organiques relatives à Mayotte, à la Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna par la codification
La codification dans le cadre électoral de dispositions organiques dispersées relatives aux collectivités précitées tend à simplifier le droit en vigueur.
Pratique ancienne dans notre pays 56 ( * ) , la codification est un outil nécessaire pour clarifier et ordonner les règles applicables aux citoyens en supprimant les dispositions non appliquées ou devenues inapplicables .
Ce rôle de simplification du droit en vigueur a connu un regain d'intérêt en 1989, avec la création de l'actuelle commission supérieure de codification, pour faire face à l'inflation législative.
Elle constitue un moyen de réforme de l'Etat .
Ainsi, entre 1989 et 2000, les parties législatives de quatorze codes et cinq parties réglementaires desdits codes ont été adoptées. En 2000, ce sont les parties législatives de neuf codes et plusieurs parties réglementaires qui ont été adoptées par ordonnance, permettant de poursuivre une « oeuvre sans précédent de codification » 57 ( * ) .
La codification a de plus été consacrée constitutionnellement par la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1999 58 ( * ) . Selon le juge constitutionnel, elle est un objectif à valeur constitutionnel qui tend à satisfaire le respect de l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi et, ce faisant , l'intérêt général.
La réforme proposée complète la codification partielle des dispositions relatives aux élections sénatoriales outre-mer.
Les dispositions relatives aux élections sénatoriales dans les diverses collectivités d'outre-mer et autres collectivités à statut particulier qui étaient dispersées dans de nombreux textes ont été en partie rassemblées et clarifiées par les ordonnances du 20 août 1998 59 ( * ) et du 19 avril 2000 60 ( * ) .
Toutefois, cette codification n'est que partielle. Le dispositif retenu permettrait d'insérer en complément les dispositions organiques relatives à l'élection du sénateur de Mayotte ainsi qu'à l'élection des sénateurs de Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna. Il renforcerait donc l'état du droit en vigueur en le rendant plus cohérent et plus accessible.
* 52 Exposé des motifs de la proposition de loi organique n° 465 du 29 juin 2000 de M. Patrice Gélard.
* 53 Discours d'orientation de M. Christian Poncelet du 16 octobre 2001.
* 54 Loi organique n° 66-504 du 12 juillet 1966
* 55 Loi organique n° 76-643 du 16 juillet 1976.
* 56 Elaboré par Barnabé Brisson le code « Henri III » tendait déjà à regrouper en un seul volume l'ensemble des édits et des ordonnances du Royaume de France.
* 57 Onzième rapport annuel de la commission supérieure de codification.
* 58 Décision n°99-421 DC du 16 décembre 2001-loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.
* 59 Ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
* 60 Ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et modernisation du droit électoral outre-mer.