D. AUDITION DE M. JEAN-PIERRE DUPONT, VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE (ADF), PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA CORRÈZE (MERCREDI 14 MAI 2003)
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Dupont, vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général de la Corrèze .
A titre liminaire, M. Jean-Pierre Dupont a rappelé les principales données chiffrées sur le RMI. Il a observé que le nombre d'allocataires s'élevait à 1.084.000 personnes à la date du 20 juin 2002. Il a noté que les sorties du dispositif concernaient essentiellement les jeunes de moins de 30 ans et a souligné que la classe d'âge des 50/59 ans était caractérisée par une forte augmentation de ses effectifs. Il a constaté que les différents départements connaissaient des situations très différentes et que certains, notamment ceux comprenant de grandes métropoles, affichaient un nombre d'allocataires très élevé.
M. Jean-Pierre Dupont a ensuite développé les enjeux du projet de loi. Il a observé que l'architecture de base du RMI n'était pas affectée, car l'allocation demeurait une prestation de solidarité nationale. Il a noté, a contrario, la suppression du copilotage entre l'État et les départements sur le volet insertion de la prestation.
Il a fait référence à plusieurs avancées que ce projet de loi comporte pour les conseils généraux : la présidence effective de la commission départementale d'insertion, ainsi que la définition du programme départemental d'insertion. Il a également évoqué la possibilité de fixer plus librement les limites géographiques des commissions locales d'insertion, dont le caractère consultatif a été affirmé.
Il a souligné que l'un des enjeux principaux résidait dans la question de l'obligation, au titre de l'insertion, d'inscrire au budget des départements un montant égal à 17 % des allocations versées l'année précédente. Il a déclaré que le Premier ministre avait, en définitive, choisi de maintenir cette disposition afin de rassurer les personnes craignant que la décentralisation ne puisse se traduire par une baisse des dépenses consacrées à l'insertion. Il a estimé que cette question sera examinée attentivement à l'occasion des débats parlementaires.
M. Jean-Pierre Dupont a mis en avant les aspects du projet de loi qui restent à clarifier. Pour qualifier le rôle nouveau du département, il a préféré les termes de « chef de file » à ceux de « pilote unique » du RMI/RMA. Il a mentionné, à ce titre, la possibilité de s'appuyer sur les caisses d'allocations familiales (CAF) et sur les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) suivant des modalités qui restent à déterminer. S'agissant de l'instruction des dossiers de RMI, il s'est prononcé en faveur de la compétence des départements.
Il a relevé le caractère imprécis du transfert de ressources qui doit accompagner ce transfert de charges et de compétences. Il a insisté sur la nécessité de savoir quel serait le mode de compensation et quel impôt serait transféré.
Il a considéré que la prise en compte éventuelle des frais de gestion par les caisses d'allocations familiales devrait faire l'objet d'une discussion avec les conseils généraux et serait réglée par la voie du conventionnement.
S'agissant du RMA, il s'est prononcé en faveur d'une dynamique visant à renforcer l'accès à l'emploi, tout en reconnaissant que la probabilité de voir des bénéficiaires du RMA revenir au RMI à l'issue de la période de 18 mois était élevée. Il a ajouté qu'il semblait souhaitable d'étendre l'accès du RMA aux allocataires depuis plus d'un an au RMI, et non de deux ans, comme le prévoit le projet de loi. Il a estimé que les conseils généraux devaient se voir confier pleinement la tâche de contrôler le RMI/RMA et devaient assurer le suivi individualisé des bénéficiaires.
Rappelant la demande de l'ADF d'une compensation des charges liées au RMI par le transfert d'une part de CSG, M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les conditions financières de la décentralisation de l'allocation et notamment sur l'évolution de la part de l'impôt qui serait transférée aux départements.
M. Jean-Pierre Dupont a observé que la compensation financière des charges créées pour le département par la décentralisation du RMI demandait d'abord une première étape d'évaluation de son coût total. Il a estimé qu'une réflexion devait également être engagée sur les termes d'une alternative entre un financement par la dotation budgétaire et un financement par l'impôt, ainsi que sur les critères de répartition de cette nouvelle ressource et son éventuelle péréquation. Il a indiqué que la part d'impôt transférée pourrait être fixée en fonction du coût moyen du RMI sur les cinq dernières années. Il a, par ailleurs, fait part de son inquiétude quant à une remise en cause, à chaque loi de finances, du périmètre de la compensation. Il a donc estimé que le transfert du RMI pourrait être financé, s'agissant de l'allocation, par une dotation budgétaire et, concernant le volet insertion, par une part de CSG.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé des précisions sur la manière dont l'ADF concevait les relations des départements avec les services instructeurs et payeurs de l'allocation. Il s'est inquiété des risques de dérapage des dépenses d'allocation qui pourraient être occasionnés par le conventionnement des caisses d'allocations familiales et des caisses de la mutualité sociale agricole en l'absence d'un contrôle adéquat.
Répondant à ces inquiétudes, M. Jean-Pierre Dupont a souligné la nécessité d'adapter les conventions aux spécificités de la population locale. Il a indiqué qu'il reviendrait à chaque département de fixer les conditions d'instruction et de service de l'allocation en fonction de ces spécificités.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite fait observer la faible incitation au partenariat qui résultait de la réduction des compétences des CDI et des CLI. Il a souligné que les associations regrettaient notamment la logique descendante qui prévalait pour l'élaboration des programmes départementaux d'insertion.
M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que la collaboration avec les associations était indispensable et il a assuré que celles-ci resteraient des interlocuteurs privilégiés, notamment pour la conception de ces programmes d'insertion.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que le projet de loi confiait aux départements une compétence nouvelle dans le domaine de la politique de l'emploi en les chargeant de piloter et d'assurer l'accompagnement du contrat d'insertion-RMA. Il s'est alors interrogé sur l'articulation entre cette politique en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et les autres volets de la politique de l'emploi qui restent de la compétence de l'État.
M. Jean-Pierre Dupont a précisé que la responsabilité de l'accompagnement des allocataires du RMI vers l'emploi se répartirait entre l'État et le département en fonction du type de contrat, et que s'agissant du RMA, sa mise en oeuvre passerait par une contractualisation avec les employeurs.
M. Gilbert Chabroux a regretté la précipitation et le manque de concertation dans lesquels la réforme s'était engagée. S'agissant tant de l'instruction des demandes que des actions d'insertion, il s'est interrogé sur la place qui serait réservée aux centres communaux d'action sociale (CCAS) et sur l'éventualité d'une rémunération de leurs services.
M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que le rôle des CCAS serait un rôle de veille et de collaboration, mais il a insisté sur la nécessité d'un véritable pilotage par le département et donc d'une instruction, à titre principal, par les services sociaux départementaux, sous réserve de conventionnements passés avec d'autres organismes. Il a estimé, par ailleurs, que la réforme avait fait l'objet d'une concertation satisfaisante au niveau de l'ADF, car celle-ci avait pu être consultée et avait pu faire valoir son point de vue auprès du ministre.
M. Nicolas About, président, s'est demandé si les départements seraient intéressés au résultat de l'insertion ou si les économies, résultant d'une politique efficace d'insertion des bénéficiaires du RMI, seraient neutralisées.
M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que les départements devraient rendre des comptes sur les résultats de la politique d'insertion. Il a toutefois considéré que le maintien de l'inscription d'un crédit obligatoire d'insertion aurait pour conséquence de les déresponsabiliser. Il a indiqué qu'il demanderait au Gouvernement leur suppression, estimant que la crainte des associations de voir baisser les crédits consacrés à l'insertion était injustifiée.
M. Roland Muzeau a fait part de ses interrogations quant aux critères d'évolution de la ressource accordée aux départements.
M. André Lardeux s'est, lui aussi, inquiété de l'imprécision du projet de loi en matière de financement. Il a rappelé qu'on avait déjà transféré un impôt, la vignette, pour financer l'aide sociale départementale, mais qu'on l'avait ensuite abolie. Il a, par ailleurs, souligné que la suppression des crédits obligatoires d'insertion, loin de réduire les crédits consacrés à l'insertion, responsabiliserait davantage les départements. Il a enfin demandé des précisions sur le maintien, ou non, des reports de crédits obligatoires d'insertion dans le cadre de la décentralisation.
M. Bernard Cazeau a constaté la présence d'un noyau dur d'allocataires du RMI pour lesquels aucune action d'insertion ne paraissait efficace. Il a fait part de son sentiment d'un désengagement de l'État, tant de l'insertion de ces publics difficiles que du financement de l'allocation.
M. Alain Gournac a insisté sur la nécessité de poursuivre à titre de transition les actions de tutorat auprès des bénéficiaires qui retrouvent un emploi et il a plaidé pour un recrutement de qualité de ces tuteurs.
En réponse, M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que la répartition de la ressource fiscale devrait prendre en compte à la fois le nombre d'allocataires résidant dans le département et les impératifs de péréquation en fonction du potentiel fiscal. Il a précisé que la règle des reports de crédits d'insertion restait en l'état, dans le cadre du projet de loi déposé. S'agissant enfin du tutorat, il a souligné que chaque contrat passé entre le département et l'employeur ferait l'objet d'un suivi afin d'apprécier l'effectivité des actions de tutorat et de formation prévues dans la convention.