III. LE CHÈQUE-EMPLOI ASSOCIATIF : UNE PROPOSITION DE LOI OPPORTUNE ET BIENVENUE

1. Le dispositif proposé

a) Un dispositif directement inspiré du chèque-emploi services, déjà utilisé avec succès par les particuliers employant une aide domestique

Le chèque-emploi associatif s'inspire directement des divers « chèques-emploi » ou « titres-emploi » créés au cours de ces dernières années afin de simplifier les formalités administratives et sociales liées à l'embauche ( cf : encadré ci-après ) et, plus particulièrement, du premier et du plus répandu d'entre eux, le chèque-emploi services . Le succès de ce dernier, diffusé à plus d'un million d'exemplaires, confirme, si besoin était, l'utilité et la pertinence de ce mode de simplification des formalités sociales.

« Chèque-emploi » et « titre-emploi »

Sont actuellement en vigueur :

Le chèque-emploi services , permettant à un particulier employeur de rémunérer un salarié employé à son domicile, pour une aide occasionnelle à caractère familial ou domestique, et de s'acquitter de la déclaration et du paiement des charges sociales correspondantes.

Le titre emploi simplifié agricole (TESA ), pouvant être utilisé par les employeurs de la production agricole (exploitants agricoles, entreprises de travaux agricoles, forestiers, coopératives employant moins de onze salariés permanents, CUMA) afin d'effectuer, au moyen d'un document unique remis par leur caisse de mutualité sociale agricole, dix formalités liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés saisonniers (sous contrats à durée déterminée).

Dans les départements d'outre-mer uniquement : le titre de travail simplifié ( TTS ) qui s'adresse aux entreprises de moins de 11 salariés, et pour les emplois dont la durée n'excède pas cent jours par an.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté, à l'occasion de la première lecture du projet de loi pour l'initiative économique , un article visant à créer un « chèque-emploi entreprises » qui servira à la fois de bulletin de salaire, de formulaire de déclaration d'embauche et de déclaration des charges sociales. Le « chèque-emploi entreprises » est destiné aux entreprises employant au plus trois équivalent temps plein. Il est limité aux salariés dont l'activité n'excède pas cent jours (consécutifs ou non) par année civile.

Le chèque-emploi associatif  pourra ainsi être utilisé par les associations afin de rémunérer leurs salariés et d'accomplir, sous une forme simplifiée, les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance. Il se composera, d'une part, d'un véritable chèque, que l'association utilisera pour régler son salarié et, d'autre part, d'un « volet social » qui sera utilisé pour la détermination de ses droits sociaux et le calcul de ses cotisations.

A l'issue de la première lecture de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, le chèque-emploi associatif s'applique à tous les types d'emplois associatifs (aide à la gestion, par exemple), et non plus aux seuls emplois d'animation, comme le prévoyait sa rédaction initiale.

Par référence au chèque-emploi services, l'association employeur sera dispensée d'établir un contrat de travail écrit en cas de travail à durée déterminée ( article L. 122-3-1 du code du travail ) ou de travail à temps partiel ( art. L. 212-4-3 ), pour les emplois dont la durée de travail n'excède pas huit heures par semaine, ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l'année.

Le chèque-emploi associatif ne pourra être utilisé qu' avec l'accord du salarié , comme cela est déjà le cas pour le chèque-emploi services. De même que pour le chèque-emploi services, sa remise se substitue à celle du bulletin de salaire 7 ( * ) .

A ce sujet, il convient de souligner que le but du chèque-emploi associatif n'est pas de simplifier les formalités sociales à la charge des associations employeurs au détriment de la garantie des droits sociaux de leurs salariés . Une telle solution ne serait pas, tout d'abord, équitable pour les salariés concernés. Elle pénaliserait, en outre, les petites associations, qui auraient alors les plus grandes difficultés à recruter les compétences nécessaires .

La rémunération portée sur le chèque inclura une indemnité de congés payés correspondant au 1/10 ème de la rémunération totale brute.

Les chèques seront émis et délivrés, soit par les établissements de crédits, soit par la Banque de France, La Poste, le Trésor public, les caisses d'épargne et les instituts d'émission des DOM-TOM.

Par ailleurs, les cotisations à la charge de l'association employeur utilisant le chèque-emploi services, au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, font l'objet d'un abattement dont le taux sera fixé par décret. Les pertes de recettes correspondantes seront compensées à la sécurité sociale, et à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts (article 2 de la proposition de loi).

b) Une simplification légitimement réservée aux petites associations à but non lucratif

La proposition de loi réserve le bénéfice du chèque-emploi associatif aux associations à but non lucratif 8 ( * ) employant, au plus, un équivalent temps plein .

Votre commission approuve le principe de cette disposition . En effet, les associations les plus importantes, ou les associations à but lucratif, disposent des ressources humaines et matérielles nécessaires pour faire face à leurs démarches administratives. Pour être efficace, il convient donc de « cibler » le chèque-emploi associatif sur les petites associations à but non lucratif, afin de répondre à un véritable besoin et de soulager efficacement leurs bénévoles.

De même, il ne paraît pas opportun à votre commission d'élargir le champ du chèque-emploi associatif à d'autres secteurs d'activités , dans la mesure où, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique, l'Assemblée nationale a adopté un article visant à créer un « chèque-emploi entreprises » pour les petites entreprises du secteur concurrentiel et artisanal.

En outre, il convient de rappeler que plus de la moitié des associations employeurs ne comptent qu'un ou deux salariés . Loin d'être réducteur, le champ d'application ainsi défini pour le chèque-emploi associatif permettra, tout au contraire, de valoriser au mieux les « gisements d'emplois » que recèle le secteur associatif.

Enfin, il est nécessaire de préciser, afin d'éviter toute confusion, que l'utilisation du chèque-emploi associatif ne sera pas limitée aux seules associations qui, n'employant actuellement aucun salarié, profiteraient des nouvelles facilités offertes par le chèque-emploi associatif pour « franchir le pas ». Bien entendu, les associations à but non lucratif employant déjà des salariés dans la limite d'un équivalent temps plein pourront également, si elles le souhaitent, choisir ce nouveau mode de gestion.

2. Des adaptations nécessaires pour garantir l'effectivité et le succès du chèque-emploi associatif

Votre commission souscrit totalement aux objectifs poursuivis par l'auteur de la présente proposition de loi.

Afin d'en garantir l'effectivité, et de fournir aux petites associations un outil véritablement opérationnel , il lui paraît toutefois indispensable d'en modifier la rédaction sur quatre points essentiels :

a) Élargir le champ d'application du chèque-emploi associatif à l'ensemble des formalités sociales à la charge des associations

A la différence du particulier employeur d'une aide domestique payée avec le chèque-emploi services, dont les formalités sociales sont relativement limitées, une association est soumise, comme tout employeur de droit commun, à une plus grande diversité de procédures, de déclarations et d'obligations (cf. II ci-dessus) .

Or, la rédaction de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, directement démarquée de la disposition législative relative au chèque-emploi services , ne couvre pas l'ensemble de ces formalités et de ces déclarations. Son maintien en l'état conduirait donc l'association employeur :

- d'une part, à utiliser le chèque-emploi associatif pour les formalités et déclarations exclusivement liées au paiement des cotisations sociales ;

- et, d'autre part, à devoir se soumettre aux formalités de droit commun pour l'ensemble des autres obligations qui lui incombent au titre du droit du travail.

Pour rendre effective la simplification recherchée, il est donc indispensable d' inclure, dans le champ du chèque-emploi associatif, l'ensemble des formalités sociales auxquelles sont astreintes, au même titre que tout employeur de droit privé, les associations.

Par ailleurs, et s'agissant de l'exonération de l'obligation d'établir un contrat de travail écrit, uniquement en cas de travail à durée déterminée ou à temps partiel d'une durée inférieure à huit heures par semaine (ou quatre semaines consécutives dans l'année), votre commission relève que cette précision est superflue en ce qui concerne le chèque-emploi associatif . Elle est, en effet, directement « recopiée » de la disposition législative spécifique au chèque-emploi services, pour lequel elle correspond, notamment, à une réalité fiscale . En revanche, ces seuils ne présentent guère d'intérêt pour la gestion du salarié d'une association.

b) Désigner les URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif

Il est également nécessaire de désigner l'organisme qui sera compétent pour réceptionner et traiter le « volet social » du chèque-emploi associatif. A défaut de cette désignation, en effet, l'association employeur serait contrainte d'envoyer autant de volets sociaux qu'il y a d'organismes compétents, que ce soit en matière de sécurité sociale, de chômage, de retraite complémentaire, de prévoyance ou de médecine du travail.

Votre commission vous propose donc de désigner la branche recouvrement du régime général de sécurité sociale, c'est-à-dire les URSSAF, comme destinataire du « volet social » du chèque-emploi associatif.

En effet, elle estime qu'il serait dommageable aux intérêts bien compris des associations d'opposer l'outil informatique « Impact emploi associations », développé par les URSSAF, au « chèque-emploi associatif » . Bien contraire, il lui paraît préférable d'utiliser ce dernier pour pallier certaines limites de la solution mise en place par les URSSAF.

En effet, et comme cela a déjà été précédemment indiqué, cette solution oblige actuellement l'association à recourir aux services d'un tiers de confiance moyennant une rémunération pouvant, parfois, atteindre 25 euros par document édité. De tels frais sont, à l'évidence, hors de portée des petites associations.

Votre commission vous propose donc de modifier la rédaction de la proposition de loi afin que les URSSAF puissent traiter directement et gratuitement, à l'aide du logiciel « Impact emploi associations », les volets sociaux qui leur seront envoyés par les associations choisissant d'utiliser le chèque-emploi associatif .

Par ailleurs, cette solution ne « dépossède » nullement chacun des organismes sociaux concernés du contrôle de ses données et de ses cotisations. L'URSSAF ne jouera, à leur égard, que le rôle d'une « boite aux lettres électronique », chargée de retransmettre les informations à chacun de leurs destinataires. La mise en oeuvre du chèque-emploi associatif permettra ainsi d'éviter la désignation, sous une forme physique, d'un nouveau « guichet unique », ce qui est toujours une source inutile de conflits entre les partenaires sociaux.

c) Ne pas retenir le principe d'un allégement de charges dont la portée s'avère symbolique, au regard des allégements de droit commun dont bénéficient déjà les associations

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, la proposition de loi prévoit l'octroi, au bénéfice des associations utilisatrices du chèque-emploi associatif, d'un abattement spécifique sur leurs cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, dont le taux sera fixé par décret.

Votre commission vous propose de ne pas retenir le principe de cet abattement . Non pas qu'elle ignore les contraintes budgétaires des petites associations, ou qu'elle conteste l'utilité des allégements de charges sociales, bien au contraire !

Votre commission s'interroge, tout d'abord, sur la conformité de cette mesure au principe, à valeur constitutionnelle, d'égalité devant les charges publiques . En effet, l'octroi de l'abattement est uniquement subordonné à l'utilisation d'une procédure administrative, à savoir le recours au chèque-emploi associatif, dont le bénéfice est, en outre limité à une catégorie restreinte d'utilisateurs. Il est donc à craindre que cette mesure ne puisse être, éventuellement, censurée au motif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.

Surtout, votre commission constate que l'avantage financier résultant, pour les associations concernées, de cet abattement restera symbolique, dans la mesure où les associations peuvent déjà bénéficier, et au même titre que les autres employeurs privés, de réductions substantielles de leurs charges patronales .

Les associations bénéficieront ainsi de l'allégement « Fillon » applicable, à compter du 1 er juillet 2003, aux salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC. Pour une rémunération équivalente au SMIC, cet allégement représente, dès 2003, 66 % du montant des charges patronales. Au 1 er juillet 2005, date de la fin de l'harmonisation progressive des différents SMIC, et « en régime de croisière », cet allégement représentera, au niveau du SMIC, environ 85 % des charges patronales.

Par ailleurs, les associations peuvent également, toujours au même titre que les autres employeurs, cumuler l'allégement « Fillon » avec, d'une part, l'allégement de charges patronales propres au contrat de travail à temps partiel et, d'autre part, le soutien accordé, au titre des charges patronales, dans le cadre des « emplois jeunes en entreprise ». Ce cumul aboutit, dans la plupart des cas, à exonérer totalement l'association de ses charges patronales.

Enfin, les associations peuvent également bénéficier des allégements de charge liés à certaines catégories d'emplois particuliers. Il s'agit, notamment, des contrats emploi-solidarité (CES) et contrats emplois consolidés ( CEC), dont les associations sont parmi les plus importants utilisateurs, et qui s'accompagnent, dans la plupart des cas, d'une exonération totale des charges patronales.

Pour ces raisons, et sauf à vouloir réduire le rôle du législateur à de simples « effets de manche », votre commission vous propose donc de ne pas retenir les dispositions concernant cet abattement dans la présente proposition de loi.

d) Fixer au 1er janvier 2004 la date d'entrée en vigueur du chèque-emploi associatif

Enfin, votre commission estime utile de prévoir une date d'entrée en vigueur pour cette proposition de loi, date qu'elle vous propose de fixer au 1 er janvier 2004. Les autorités administratives compétentes auront ainsi le temps, d'une part, de définir les conditions d'application du chèque-emploi associatif et, d'autre part, d'assurer à cette nouvelle simplification administrative toute la publicité qu'elle mérite.

*

* *

Au bénéfice des observations exposées ci-dessus, votre commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi ainsi amendée qui, en simplifiant les tâches des gestionnaires des petites associations, permettra au Sénat de manifester, une fois de plus, tout l'intérêt qu'il accorde au mouvement associatif et la haute considération dans laquelle il tient l'engagement de ses bénévoles.

* 7 Dans les faits, et comme pour le chèque-emploi services, le salarié disposera bien d'un document écrit attestant de la réalité de son travail, de sa rémunération et de l'acquittement des cotisations correspondantes.

* 8 Le caractère lucratif ou non lucratif d'une association est déterminé à partir de critères définis par l'administration fiscale , qui a publié diverses instructions destinées à en préciser la définition et la portée au cours des dernières années.

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