TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le
mercredi 15 janvier 2003
, sous la
présidence de
M. Nicolas About, président
, la
commission a procédé à
l'examen du rapport de
M. Francis Giraud,
sur le
projet de loi n° 189
(2001-2002)
relatif à la bioéthique.
M. Nicolas About, président,
a rappelé que M. Francis
Giraud, rapporteur, avait conduit depuis février 2002 un large programme
d'auditions auquel il avait souhaité convier les commissaires
intéressés. Ces travaux ont été
complétés par une journée d'auditions publiques de la
commission, le 4 décembre 2002, dont le compte rendu
intégral, déjà adressé aux membres de la
commission, sera annexé au rapport sur le projet de loi.
M. Nicolas About, président,
a rappelé également
que la commission avait accepté de saisir la délégation
sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité
des chances entre les hommes et les femmes. Il a demandé en
conséquence à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour la
délégation, de présenter les recommandations
formulées par cette dernière sur le projet de loi.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la délégation
, a
précisé que la délégation s'était
intéressée plus particulièrement aux dispositions du
projet de loi relatives à l'assistance médicale à la
procréation (AMP).
Rappelant l'esprit dans lequel elle avait souhaité aborder ces
dispositions,
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la
délégation
, a souligné que l'AMP n'était pas
seulement une « médecine du désir » :
elle soumettait les femmes à des traitements contraignants, et les
engageait dans un parcours long et souvent douloureux.
Aussi, sans freiner le progrès scientifique, il apparaissait
indispensable de protéger les femmes contre d'éventuels risques
pour leur santé, ou pour celle de l'enfant à naître. A cet
égard, la mise en oeuvre des nouvelles techniques d'AMP soulevait
aujourd'hui des questions.
Mme
Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la délégation,
a tenu à souligner qu'au-delà des risques médicaux,
les implications humaines et psychologiques des décisions et
l'accompagnement personnalisé des couples devaient être pris en
considération et que la réflexion sur l'AMP devait être
guidée par le souci de l'intérêt de l'enfant à
naître et la responsabilité des couples au regard de leur projet
commun.
Puis
Mme
Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la
délégation,
a communiqué la teneur des sept
recommandations adoptées par la délégation le
14 janvier 2003 [voir rapport d'information de la délégation
aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les
hommes et les femmes n° 125 (2002-2003)].
La commission a alors entendu l'exposé de M. Francis Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur,
a rappelé qu'en 1994, après
plusieurs années de réflexions, encouragé par les
avancées considérables réalisées dans les domaines
de la génétique et de la médecine de la reproduction, le
Parlement s'était résolu à doter la France d'un cadre
législatif : loi du 1
er
juillet 1994 relative au
traitement des données nominatives ayant pour fin la recherche dans le
domaine de la santé, et deux lois du 29 juillet 1994, l'une relative au
respect du corps humain et l'autre relative au don et à l'utilisation
des éléments et produits du corps humain, à l'assistance
médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
Confronté à des questions éminemment complexes, pour
lesquelles aucune solution évidente ne s'imposait, le législateur
avait alors fait preuve de sagesse et de modestie, fixant des principes
acceptés par tous dans les domaines qui s'y prêtaient, laissant
dans l'ombre les aspects encore rebelles à son intervention et, surtout,
prévoyant de lui-même qu'il lui faudrait remettre l'ouvrage sur le
métier dans le délai, somme toute bref, de cinq années.
Aussi,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a tenu à rendre hommage
à M. Jean Chérioux qui était alors le rapporteur de
la commission.
Il a souligné la qualité des travaux qui ont été
conduits dans la perspective de la révision des lois bioéthiques,
ceux notamment réalisés par l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, par le Conseil
d'Etat et par la mission d'information de l'Assemblée nationale.
Il a observé que rarement un projet de loi aura été
précédé d'une réflexion préalable aussi
complète, ce qui ne justifie pas pour autant le retard pris par le
précédent Gouvernement qui n'a déposé le projet de
loi sur le bureau de l'Assemblée nationale que le 21 juin 2001.
Il s'est félicité que le nouveau Gouvernement ait pris la sage
décision de ne pas interrompre la procédure législative
pour présenter son propre projet de loi. En effet, le présent
projet comporte beaucoup de mesures consensuelles, ou d'autres qui traversent
les clivages partisans. Ainsi, pour la deuxième fois, le projet de loi
relatif à la bioéthique sera examiné à cheval sur
deux législatures séparées par une alternance politique.
M. Francis Giraud, rapporteur,
a considéré que le
présent projet de loi apportait sans aucun doute des réponses aux
difficultés sur lesquelles les lois de 1994 étaient
restées silencieuses, où qui se sont trouvées
posées du fait de l'application de cette dernière. Ainsi, en
est-il du régime juridique applicable aux tests génétiques
ou celui relatif à l'utilisation des éléments du corps
humain.
M. Francis Giraud, rapporteur,
a constaté, à cet
égard, la situation de déficit en greffons que notre pays
connaît et souligné que le prélèvement post mortem
fonctionnait en France moins bien que dans d'autres pays qui partagent pourtant
les mêmes règles de consentement tel l'Espagne. Il a estimé
que le « recours à la générosité des
vivants » ne pouvait constituer la réponse à cette
situation car les conséquences du don entre vifs peuvent être,
pour le donneur, gravissimes.
Aussi, a-t-il considéré que l'extension, par l'Assemblée
nationale, du cercle des donneurs vivants à toute personne
« ayant des liens étroits et stables » avec le
receveur n'était pas souhaitable et qu'il convenait de mieux encadrer un
élargissement raisonnable du cercle des donneurs vivants.
Abordant l'évolution des pratiques d'AMP,
M. Francis Giraud,
rapporteur,
a tout d'abord remercié Mme Sylvie Desmarescaux,
rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour les
recommandations dont elle a bien voulu faire part à la commission, au
nom de la délégation.
Il a ensuite considéré que le projet de loi proposait des
ouvertures utiles, s'agissant notamment de l'élargissement de
l'indication d'AMP aux couples pouvant potentiellement se transmettre une
maladie grave ainsi que du recueil et de la conservation de gamètes pour
des personnes bénéficiant d'un traitement médical
potentiellement attentatoire à leur fertilité.
Il a observé que le texte initial du précédent
gouvernement avait écarté deux dispositions sur lesquelles
s'était pourtant interrogé le Conseil d'Etat : le transfert
post mortem d'embryon et l'évaluation des techniques d'AMP lorsque
celles-ci supposent la création d'embryon à cette fin. Il a
regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas retenu une telle
prudence.
L'évaluation préalable de toute nouvelle technique d'assistance
médicale à la procréation avant sa mise en oeuvre lui a
semblé partir d'un bon principe : éviter que ne se
reproduise ce qui s'est passé dans le cas de l'injection cytoplasmique
de sperme (ICSI). Mais le rapporteur a constaté également qu'elle
conduisait à l'autorisation de concevoir des embryons pour cette
évaluation, ce qui constituait une exception forte au principe selon
lequel la conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche
est interdite, principe qu'il proposait à la commission de confirmer.
Il a précisé que c'était contre l'avis du Gouvernement que
l'Assemblée nationale avait introduit la possibilité d'un
transfert post mortem d'embryon et a souligné la gravité des
interrogations éthiques et psychologiques que suscitait la mise au monde
consciente d'un orphelin et le très petit nombre de cas concrets qui
seraient concernés par cette disposition.
Abordant la création d'une nouvelle agence de la procréation, de
l'embryologie et de la génétique humaine (APEGH),
M. Francis
Giraud, rapporteur,
a rappelé les propos du ministre de la
santé, de la famille et des personnes handicapées devant la
commission lors de son audition et a déclaré approuver la
proposition faite d'un regroupement éventuel de cette agence avec
l'Etablissement français des greffes (EFG) au sein d'une agence de
biomédecine.
Mais il a formulé un certain nombre d'observations pouvant s'appliquer
aussi bien à l'APEGH qu'à une agence de biomédecine. Il a
ainsi évoqué la question de la place, au sein de l'Agence, de la
société civile en général, et du politique en
particulier.
Il a observé que l'Assemblée nationale avait renforcé les
pouvoirs de l'Agence en confiant à son directeur général
le soin d'autoriser les protocoles de recherche, les ministres conservant
toutefois un droit de veto. Mais la création d'un Haut Conseil dont les
pouvoirs restent au demeurant incertains lui a semblé relever davantage
d'une sorte de magistrature morale que d'une mission de véritable
vigilance.
Aussi, afin de garantir un examen attentif et faire en sorte que la
société civile soit à même de veiller au contenu
scientifique et éthique des protocoles de recherche, a-t-il
proposé de substituer au Haut Conseil un Conseil d'orientation
médical et scientifique composé de dix-sept membres, dix
scientifiques d'une part, et deux membres de hautes juridictions (Conseil
d'Etat et Cour de cassation), un membre du comité consultatif
d'éthique, un membre de la Commission consultative des droits de l'homme
et deux parlementaires, d'autre part.
Il a estimé que les parlementaires devaient avoir notamment pour
rôle de veiller à ce que l'application de la loi, à travers
l'analyse des protocoles, soit conforme à l'esprit des
délibérations des assemblées.
Puis
M. Francis Giraud, rapporteur,
a abordé les trois points qui
lui ont semblé les plus sensibles de ce projet de loi : le clonage,
la recherche sur l'embryon humain et la brevetabilité du vivant.
S'agissant en premier lieu des risques du clonage reproductif, il a
constaté que l'actualité récente avait
démontré qu'il incarnait à lui seul les dérives que
peuvent engendrer les sciences du vivant.
Il a rappelé que, lors de son audition par la commission,
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille
et des personnes handicapées avait fait part de sa volonté ferme
que soit adopté, au niveau mondial, un corpus juridique
contraignant ; il a estimé que les événements
récents ne pouvaient qu'encourager une telle démarche.
Il a précisé que, dans son avant-projet de loi, le
précédent gouvernement avait envisagé d'autoriser la
pratique du clonage à des fins thérapeutiques, arguant des
perspectives médicales que celui-ci pourrait ouvrir : de nombreux
avis négatifs, en particulier celui du Conseil d'Etat, l'avait
incité à n'en rien faire. Il reste que le projet de loi, s'il
n'autorise pas le clonage thérapeutique, ne le proscrit pas.
L'interdiction du clonage reproductif pourrait même a contrario le
légitimer.
Pour deux raisons,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a fait part de son
opposition de principe au clonage thérapeutique.
Fondé sur une technique identique à celle du clonage reproductif
qu'elle banaliserait, le clonage thérapeutique conduirait tôt ou
tard quelques scientifiques ayant appris à la maîtriser, à
la tentation de devenir des « apprentis sorciers ».
En second lieu, une telle technique supposerait, pour être mise en
oeuvre, un approvisionnement suffisant en ovocytes. Or, le don d'ovule ne va
pas de soi et il semble difficile d'assurer à la fois aux chercheurs une
quantité d'ovocytes suffisants pour leurs recherches et la garantie que
ceux-ci seront recueillis dans le strict respect d'un principe essentiel :
la non-commercialisation d'une partie du corps humain.
Aussi,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a-t-il estimé que le
clonage thérapeutique, s'il n'est peut-être pas en soi
condamnable, devait être interdit parce qu'il risque de
« coûter éthiquement très cher » par
les dérives vers lesquelles il porte inéluctablement.
Puis
M. Francis Giraud, rapporteur,
a estimé que la question de
l'embryon était sans nul doute, comme elle l'avait été en
1994, le point le plus délicat abordé par le projet de loi.
Il a rappelé que lors de l'examen des premières lois de
bioéthique, le législateur avait renoncé à
définir son statut juridique, se tenant ainsi prudemment à
l'écart d'un débat philosophique et biologique que nul ne saurait
prétendre trancher d'autorité.
Il a considéré qu'en revanche, à défaut de
définir le statut juridique de l'embryon, il était possible, et
même nécessaire, de décider de son sort. En 1994, le
législateur avait strictement interdit que des recherches soient
menées sur l'embryon, mais avait admis qu'à titre
dérogatoire, des études qui ne porteraient pas atteinte à
son intégrité soient réalisées.
M. Francis Giraud, rapporteur,
a constaté que le sort des
embryons, dont le nombre se chiffrait à plusieurs dizaines de milliers,
créés dans le cadre d'un projet parental et qui, pour des raisons
diverses, n'ont finalement pu être implantés, soulevait un grave
dilemme.
Pour les uns, aucune recherche ou prélèvement ne saurait
être admis par respect pour cette « personne humaine
potentielle », telle que définie par le comité national
consultatif d'éthique. Pour d'autres, avec l'assentiment explicite du
couple qui a accompli ou renoncé à son projet parental et qui n'a
plus de projet pour les embryons restants, il pourrait être
envisagé que ces derniers, ou des cellules prélevées sur
ceux-ci, fassent l'objet de recherche.
M. Francis Giraud, rapporteur,
a souligné que le principe de
l'interdiction de la recherche sur l'embryon devait être retenu et
affirmé conformément au principe de protection de la vie tel
qu'il figure dans le code civil.
Toutefois, il s'est interrogé sur la possibilité et
l'opportunité de fermer à jamais une porte à la recherche
sans rien connaître de sa potentialité et de son innocuité.
Il a estimé que le législateur devait, en 2003, conserver la
même modestie qu'en 1994, et reconnaître lui-même la
possibilité d'une dérogation transitoire et strictement
encadrée aux principes fondamentaux qu'il a consacrés.
Il a estimé que ces réflexions sur l'ouverture ou la fermeture de
la recherche sur l'embryon devaient nécessairement s'accompagner d'une
mise en garde solennelle quant à la présentation qui est faite
des espoirs que font naître les thérapies cellulaires, qu'elles
recourent aux cellules embryonnaires ou aux cellules souches adultes. Il a
estimé à cet égard qu'il devait être clairement
affirmé que des années de recherches seront nécessaires
avant qu'apparaissent les premiers espoirs thérapeutiques concrets.
Enfin,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a abordé la question de la
brevetabilité du vivant.
Il a rappelé que les quelques années qui séparaient le
présent projet de loi des lois de 1994 avaient été
marquées par la formidable course au séquençage du
génome humain et que l'Assemblée nationale avait adopté
une position de principe forte qui avait le mérite de réaffirmer
une opposition ferme à la brevetabilité du vivant mais qui
prenait l'exact contre-pied des dispositions prévues par
l'article 5 de la directive européenne relative à la
protection des inventions biotechnologiques.
Il s'est interrogé sur la vocation d'une telle disposition. Etait-elle
d'affirmer un soutien ferme au Gouvernement dans l'optique d'une
renégociation de la directive ou appelait-elle une rédaction de
compromis entre le principe qu'elle défend et les dispositions du droit
européen ?
Sur cette question,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a proposé
à la commission d'attendre, dans sa traduction juridique, la proposition
médiane évoquée par M. Jean-François Mattei
devant la commission, car c'est au Gouvernement qu'il appartiendra in fine de
défendre au niveau européen le contenu de cette rédaction
nouvelle.
Concluant son propos,
M. Francis Giraud, rapporteur,
a indiqué
que la soixantaine d'amendements qu'il proposerait à la commission,
constituait un dispositif que le Gouvernement compléterait par trois
dispositions importantes sur le clonage reproductif, l'agence de
biomédecine et la brevetabilité du vivant. Sur ces trois points,
il a fait part de son plein accord avec le ministre et indiqué qu'il
proposerait en conséquence, le moment venu, à la commission de
les approuver. Aussi avait-il tenu à les évoquer tout en
considérant qu'il appartenait au Gouvernement d'en prendre l'initiative
conformément à l'annonce qu'il en a faite devant la commission.
M. Louis Souvet
a souligné les perspectives qu'ouvraient les
nouvelles thérapies génique et cellulaire ; il s'est
interrogé sur les raisons qui expliquaient la mise en place difficile du
don d'organe post mortem.
M. Gilbert Chabroux
a salué l'intérêt des auditions
auxquelles ont procédé tant le rapporteur que la commission mais
il a constaté que les propositions du rapporteur se situaient en retrait
par rapport au texte équilibré adopté à une
très large majorité par l'Assemblée nationale en janvier
2002. Il a estimé que le droit des malades à
bénéficier de nouvelles thérapies devait rester au coeur
des préoccupations des pouvoirs publics et qu'il ne convenait pas en
conséquence de fermer la porte à un certain nombre de recherches.
Il a constaté que bon nombre de pays étrangers prenaient de
l'avance sur notre pays et que dans le domaine de la bioéthique,
l'édiction de règles internationales était
particulièrement nécessaire.
M. Jean Chérioux
a souligné les éléments de
continuité et de consensus existants dans les débats
d'aujourd'hui et ceux de 1994. De même qu'une opposition unanime
était alors apparue à l'encontre de l'eugénisme, de
même aujourd'hui existe-elle à l'égard du clonage
reproductif et de la mercantilisation du corps humain.
Il a rappelé qu'en 1994, deux questions s'étaient
posées : comment éviter d'une part la réification de
l'embryon ? Quel sort d'autre part lui réserver en l'absence de
transfert ? Seule la première question avait trouvé une
réponse et il convenait aujourd'hui probablement d'accepter qu'il soit
mis fin à la conservation des embryons dès lors que le projet
parental aurait été réalisé ou aurait cessé.
Il a estimé souhaitable que la loi fixe un terme à cette
conservation de sorte que le sort de l'embryon ne dépende ni d'une
décision des parents ni, a fortiori, d'une intervention de
l'administration.
M. Alain Vasselle
a déclaré aborder le débat sur le
présent projet de loi sans certitude arrêtée, s'agissant
notamment des questions très délicates de la recherche sur les
cellules embryonnaires et a fortiori sur le clonage thérapeutique. Il a
estimé qu'une démarche prudente s'imposait au législateur
car il était toujours possible de faire évoluer la loi par
étape.
M. André Lardeux
a considéré que les questions de
bioéthique ne devaient pas être le monopole des scientifiques et
des experts et que la société civile avait bien évidemment
son mot à dire. S'agissant du don d'organe post mortem, il a
souhaité que soit développée l'information permettant de
faciliter le consentement.
Il a souligné les dérives possibles qu'entraînerait
l'ouverture d'une possibilité de transfert d'embryon post mortem et la
nécessité d'une position très ferme à
l'égard du clonage tant reproductif que thérapeutique. Il a
souhaité également que les perspectives de la médecine
régénératrice soient appréciées avec plus de
réalisme et rappelé à cet égard la formule de
M. Axel Kahn selon laquelle cette médecine risquait, en
l'état de la science, d'être pour longtemps réservée
à des « milliardaires cacochymes ». Il a alors
insisté sur la nécessité de mettre l'accent sur la
recherche portant sur les cellules souches adultes.
M. Gilbert Barbier
a estimé que la question au coeur du projet de
loi relatif à la bioéthique n'était pas les droits des
malades mais bien l'évolution des sciences du vivant. Il s'est
inquiété des amendements excessifs introduits par
l'Assemblée nationale alors que le texte initial du
précédent gouvernement faisait preuve de prudence.
Il a partagé les orientations du rapporteur sur la nécessaire
information sur le don d'organe post mortem ou sur le clonage
thérapeutique et manifesté une préférence pour une
autorisation, à titre transitoire, de la recherche sur les cellules
issues de l'embryon. Souhaitant que la France ne cherche pas à s'aligner
sur les pratiques étrangères, il s'est montré favorable en
revanche à la mise en place d'une législation européenne.
Tout en saluant les efforts de pédagogie réalisés par le
rapporteur,
M. Guy Fischer
a témoigné de la
difficulté que rencontraient les
« non-spécialistes » à mesurer pleinement les
enjeux du projet de loi. Il a estimé que l'actualité,
marquée, en fin d'année, par la médiatisation
spectaculaire d'une supercherie, risquait de discréditer la science. Il
s'est toutefois inquiété du grand nombre d'amendements
présentés par le rapporteur et il a craint qu'ils traduisent un
recul ou la recherche d'un équilibre « plus
frileux » que celui réalisé par l'Assemblée
nationale.
M. Jean-Louis Lorrain
a souligné le caractère
indispensable d'un vrai débat sur l'évolution des sciences du
vivant, loin du débat médiatique qu'a suscité
l'actualité de la fin d'année. Il a appelé à une
grande vigilance à l'égard des tentatives de clonage, rappelant
le débat sur l'eugénisme et le diagnostic préimplantatoire
qui avait eu lieu en 1994. Il a considéré qu'une fuite en avant
n'était pas inéluctable et qu'il appartenait
précisément au législateur de prévenir les
dérives de la recherche ; il a estimé en outre que notre
pays devait veiller à ne pas se laisser imposer au plan européen
des normes éthiques qui ne seraient pas les siennes. Enfin, il a
souhaité la mise en place d'un observatoire pluridisciplinaire de suivi
de la loi.
M. Bernard Cazeau
a souhaité aborder quatre questions. Il a
regretté que le rapporteur souhaite revenir sur la possibilité
d'un transfert d'embryon post mortem, estimant que cette position faisait peu
de cas du droit des femmes et de l'évolution de notre
société qui tolère un cadre monoparental. Il a
regretté également que les questions du transfert d'embryon, non
congelé, et des mères porteuses n'aient pas été
abordées.
S'agissant de la recherche sur l'embryon, il s'est inquiété du
risque de retard que pourrait prendre la recherche dans notre pays, mais
également d'une distinction pas assez claire entre l'embryon et la
cellule embryonnaire.
M. Bernard Seillier
a fait part de ses réserves quant à
l'autorisation de la recherche sur l'embryon. Il lui a semblé que le
principe éthique de l'indisponibilité de l'être humain
devait y faire obstacle et que le fait de cantonner cette recherche aux
embryons surnuméraires ne constituait pas à cet égard une
barrière assez solide.
Après avoir entendu les réponses de M. Francis Giraud,
rapporteur, la commission est passée à l'examen des articles et
des amendements présentés par le rapporteur.
A
l'article 2
(examen génétique des
caractéristiques d'une personne), la commission a adopté un
amendement rectifiant une erreur matérielle et, après
intervention de
MM. Gilbert Barbier et André Vantomme
, un
amendement de précision prévoyant la révocabilité
du consentement à un examen des caractéristiques
génétiques.
A
l'article 3
(identification d'une personne par ses empreintes
génétiques), elle a également adopté un amendement
de rectification d'une erreur matérielle et un amendement de
précision. A l'issue d'un débat au cours duquel sont notamment
intervenus
MM. Gilbert Barbier et Alain Vasselle
, elle a
adopté à cet article un amendement faisant obligation au
médecin, en cas de diagnostic d'une anomalie génétique
grave posée lors d'un examen des caractéristiques
génétiques, d'informer la personne de la nécessité
de prévenir les membres de sa famille si des mesures de
prévention ou de soins peuvent leur être proposées.
A
l'article 5
(principes généraux du don et de
l'utilisation des éléments et produits du corps humain), la
commission a adopté un amendement demandant au médecin d'assurer
une information de leurs patients âgés de seize à
vingt-cinq ans sur les modalités de consentement au don d'organe, un
amendement supprimant l'institution introduite par l'Assemblée nationale
d'une « reconnaissance de la Nation » qui serait
conférée aux personnes qui feraient don d'éléments
ou de produits de leur corps ainsi qu'un amendement de coordination.
A
l'article 6
(collecte, préparation et conservation du sang, de
ses composants et des produits sanguins labiles), elle a adopté un
amendement rétablissant la seule compétence du ministre
chargé de la recherche pour l'autorisation d'importation ou
d'exploration de sang à des fins de recherches scientifiques.
A
l'article 7
(prélèvements d'organes), à l'issue
d'un large débat au cours duquel sont intervenus
MM. Bernard Cazeau,
André Lardeux, Guy Fischer, Gilbert Barbier, Francis Giraud, rapporteur,
et Nicolas About, président
, la commission a adopté cinq
amendements : le premier substitue à la notion de « lien
étroit et stable » entre le donneur et le receveur introduit
par l'Assemblée nationale une ouverture encadrée de la liste des
donneurs potentiels d'organes visant le cercle de famille élargi
(grands-parents, oncles et tantes, cousines et cousins germains, conjoint du
père ou de la mère) ainsi que les personnes apportant la preuve
d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur ; les quatre autres
amendements sont rédactionnels et de précision.
A
l'article 8
(principes généraux applicables aux
prélèvements de tissus ou de cellules ou à la collecte de
produits issus du corps humain), la commission a adopté treize
amendements après l'intervention de
MM. Jean-Louis Lorrain, Alain
Vasselle, Gilbert Barbier, Mme Gisèle Printz, MM. Francis Giraud,
rapporteur, et Nicolas About, président
:
- un amendement visant à simplifier le régime des
prélèvements de tissus ou de cellules sur une personne vivante
dans le cadre d'une recherche biomédicale ;
- quatre amendements qui harmonisent les modalités du recueil du
consentement à un prélèvement de moelle
hématopoïétique sur un mineur ou un majeur
protégé avec celles prévues pour les dons d'organe ;
- deux amendements qui élargissent et harmonisent le cercle
familial des bénéficiaires d'un prélèvement de
moelle hématopoïétique sur les mineurs et majeurs
protégés en l'absence d'autres solutions thérapeutiques ;
- deux amendements qui prévoient que les prélèvements
sur les mineurs et majeurs protégés ne peuvent être
autorisés que si, au préalable, tous les moyens ont
été mis en oeuvre pour trouver un donneur majeur compatible ;
- un amendement précisant le régime des déclarations
relatives aux collections d'échantillons biologiques ;
- un amendement prévoyant, pour certaines recherches
biomédicales, que l'autorisation de la recherche vaut également
autorisation du lieu dans lequel s'effectuent le prélèvement, la
conservation, la préparation et l'administration des cellules
concernées par la recherche ;
- un amendement rétablissant la seule compétence du ministre
chargé de la recherche pour l'autorisation d'importation ou
d'exportation de tissus et cellules à des fins de recherches
scientifiques ;
- un amendement enfin de précision.
A
l'article 13
(produits de thérapie génique et produits
cellulaires d'origine animale à finalité thérapeutique),
la commission a adopté un amendement d'harmonisation des
rédactions des articles L. 5152-1 et L. 5152-2 du code de la
santé publique.
Après
l'article 15
(interdiction du clonage reproductif),
après un débat au cours duquel sont intervenus
MM. Alain
Vasselle, Guy Fischer, Gilbert Barbier, André Lardeux, Jean-Louis
Lorrain, Francis Giraud, rapporteur, et Nicolas About, président
, la
commission a adopté un amendement portant
article additionnel
reprenant la teneur de l'article 21 bis (rapport sur les initiatives
françaises en faveur d'une législation internationale
réprimant le clonage reproductif) du projet de loi dont elle a
adopté en conséquence la suppression.
A
l'article 16
(agence de la procréation, de l'embryologie et de
la génétique humaines), la commission a adopté dix
amendements :
- un amendement de coordination avec la suppression qu'elle propose
à l'article 18 des protocoles d'évaluation des nouvelles
techniques d'AMP ;
un amendement prévoyant que l'APEGH peut être saisie par
les associations agréées de malades et d'usagers du
système de santé ;
- un amendement précisant la composition du conseil
d'administration de l'APEGH ;
- un amendement substituant au Haut Conseil introduit par
l'Assemblée nationale, un conseil d'orientation médical et
scientifique et fixant sa composition ;
- un amendement précisant la teneur du rapport annuel de
l'APEGH ;
- un amendement précisant, dans le cas de conflit
d'intérêts, les conditions dans lesquelles il peut être mis
fin aux fonctions des différentes personnes siégeant au conseil
d'orientation et dans les différentes commissions et groupes
d'experts ;
- quatre amendements rédactionnels ou de coordination.
A
l'article 17
(diagnostics prénatal et préimplantatoire),
après intervention de
MM. Jean-Louis Lorrain et Nicolas About,
président
, la commission a étendu les possibilités de
diagnostic préimplantatoire aux ascendants immédiats dans le cas
général de pathologie gravement invalidante, à
révélation tardive et mettant prématurément en jeu
le pronostic vital, là où l'Assemblée nationale avait
spécifiquement visé la maladie dite « de la
chorée d'Huntington ».
A
l'article 18
(assistance médicale à la
procréation), la commission a adopté huit amendements à
l'issue d'un large débat au cours duquel sont intervenus
MM. Bernard
Cazeau, Gilbert Barbier, Jean Chérioux, André Lardeux, Francis
Giraud, rapporteur, et Nicolas About, président
:
- un amendement renvoyant l'encadrement des pratiques de stimulation
ovarienne à des recommandations de bonnes pratiques homologuées
par le ministre chargé de la santé ;
- un amendement supprimant la possibilité introduite par
l'Assemblée nationale d'une évaluation, préalable à
leur mise en oeuvre, des nouvelles techniques d'AMP ;
- un amendement rétablissant l'exigence d'une durée de vie
commune d'au moins deux ans pour les couples souhaitant recourir à
l'AMP ;
- un amendement rédactionnel renvoyant au code civil les cas
où le consentement à l'insémination ou au transfert des
embryons est privé d'effet ;
- un amendement supprimant la possibilité ouverte par
l'Assemblée nationale de transfert d'embryon post mortem,
M. Nicolas
About, président,
ayant souligné qu'il était
préférable de faire prévaloir le droit des enfants d'avoir
des parents, sur le droit des parents d'avoir des enfants ;
- un amendement rétablissant le caractère pluridisciplinaire
de l'équipe chargée de l'information du couple sur l'AMP ;
- un amendement interdisant explicitement la constitution d'un embryon par
la technique du clonage à des fins commerciales et industrielles ;
- un amendement de coordination avec l'amendement de suppression du
transfert d'embryon post mortem.
A
l'article 18 bis
(dispositions permettant d'assurer la filiation et
les droits successoraux de l'enfant né d'un transfert d'embryon
réalisé après le décès du père), la
commission a adopté un amendement de suppression, par coordination avec
la suppression à l'article 18 de la possibilité d'un transfert
d'embryon post mortem.
Avant l'article 19
, la commission a adopté sur proposition de
M. Nicolas About, président
, un amendement modifiant
l'intitulé du chapitre IV pour introduire la
référence plus générale aux cellules souches
humaines.
A
l'article 19
(recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires),
à l'issue d'un large débat au cours duquel sont intervenus
MM.
Guy Fischer, Bernard Cazeau, Gilbert Barbier, Bernard Seillier, Mme Sylvie
Desmarescaux, MM. Gilbert Chabroux et Jean Chérioux, Mme Michelle
Demessine, MM. Jean-Louis Lorrain, Alain Vasselle, Mme Gisèle
Printz, MM. André Lardeux, Francis Giraud, rapporteur, et Nicolas
About, président
, la commission a adopté trois
amendements :
- un amendement proscrivant la constitution par clonage d'embryon humain
à des fins thérapeutiques ou de recherche, cet amendement
complétant le dispositif d'interdiction du clonage, qu'il soit
reproductif, à des fins thérapeutiques ou, a fortiori, à
des fins commerciales et industrielles (cf. amendement à l'article
18 ci-dessus) ;
- un amendement modifiant le premier alinéa de l'article
L. 2151-3 du code de la santé publique, affirmant le principe d'une
interdiction de la recherche sur l'embryon humain, permettant, dans un cadre
strictement défini par les quatrième à sixième
alinéas de cet article, les études qui ne portent pas atteinte
à l'embryon, autorisant enfin, à titre dérogatoire, dans
les mêmes conditions mais pour une période limitée à
cinq ans, la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires dès
lors que ces recherches sont susceptibles de permettre des progrès
thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être
poursuivies par des méthodes alternatives d'efficacité
comparable,
M. Nicolas About, président,
ayant estimé
que le texte proposé par le rapporteur était à la fois
prudent et équilibré ;
- un amendement précisant que les décisions de l'APEGH
autorisant des protocoles de recherche sur l'embryon sont communiquées
aux ministres chargés de la santé et de la recherche, assorties
de l'avis du conseil d'orientation médical et scientifique, et que le
droit de veto qui peut être opposé aux décisions de
l'Agence peut être exercé par chacun des ministres et non pas
conjointement.
A
l'article 20
(cellules embryonnaires ou foetales issues
d'interruptions de grossesse), la commission a adopté un amendement
précisant que le ministre chargé de la recherche peut s'opposer
à un protocole de recherche sur des cellules foetales lorsque le respect
des principes éthiques, tels qu'ils ont été notamment
exprimés par le Comité consultatif national d'éthique,
n'est pas assuré.
A
l'article 21
(dispositions pénales), la commission a
adopté quatre amendements de coordination et de correction d'erreurs
matérielles.
A
l'article 22
(coordination), la commission a adopté deux
amendements de coordination avec les amendements précédemment
adoptés à l'article 21.
A
l'article 27
(entrée en vigueur des dispositions relatives
à la recherche sur l'embryon), elle a adopté un amendement de
coordination.
Enfin, à
l'article 29
(révision de la loi et
évaluation de son application), elle n'a pas retenu le principe d'une
révision, prévue par la loi elle-même, du présent
texte dans un délai de cinq ans mais a maintenu une évaluation de
son application par l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
La commission
a adopté sans modification les autres articles du
projet de loi et l'ensemble du projet de loi ainsi amendé
.