N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Rattaché au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 janvier 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres),

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 364 (2001-2002).

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 22 avril 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Cette convention fiscale a été négociée dès 1995 afin de remplacer la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985, dont le maintien ne paraissait ni possible ni souhaitable.

I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE L'OUZBÉKISTAN ET LES RELATIONS BILATÉRALES AVEC LA FRANCE

L'Ouzbékistan est un Etat d'Asie centrale dont la superficie est d'environ 450.000 km², et dont les pays voisins sont le Turkménistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Afghanistan. Ses 23,7 millions d'habitants, sont à 71 % des Ouzbeks, et à 88 %, de religion musulmane.

A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

1. La situation politique

L'Ouzbékistan est un Etat indépendant depuis le 31 août 1991. Il est dirigé depuis cette date par le président Islam Karimov, qui a été réélu lors du scrutin présidentiel du 9 janvier 2000 avec 91,9 % des voix (après 99,6 % des voix en 1995 et 86 % en 1991), en l'absence de toute opposition, et après que les partis de la mouvance présidentielle eurent largement remporté les élections législatives du mois de décembre 1999. Les ouzbeks ont ensuite approuvé par référendum, le 27 janvier 2000, la prolongation de 5 à 7 ans du mandat présidentiel, ainsi que la création d'une chambre haute, d'ici à l'année 2004.

L'instauration d'un multipartisme de façade a été de pair avec l'élimination des mouvements d'opposition, en particulier des partis nationalistes, interdits dès 1992. Le président de la République s'appuie sur une nomenklatura héritée de l'ancien régime (parti communiste, devenu le parti populaire démocratique), le service de sécurité (SNB) et les allégeances régionales, qui continuent à jouer un rôle important. Par ailleurs, la presse et la société civile en général sont soumises à un contrôle important.

Dans ce contexte, le fondamentalisme islamique constitue la principale menace pour un régime qui se réclame officiellement de valeurs laïques. L'Ouzbékistan, dont la population est majoritairement sunnite, de rite hanéfite, est, avec le Tadjikistan, le pays d'Asie centrale où la religiosité est la plus forte. Depuis l'indépendance du pays, de nombreuses formations politiques se réclamant de l'islam ont fait leur apparition, et sont bien implantées dans certaines régions, comme la vallée de la Ferghana.

Initialement cristallisée dans les mouvements Adolat (« Justice » ou « Soldats de l'islam »), Taouba (« repentir »), tous interdits, la mouvance islamiste s'est radicalisée. Contraints à la clandestinité, de nombreux islamistes ouzbeks se sont réfugiés au Tadjikistan, combattant aux côtés des islamistes tadjiks pendant la guerre civile, de 1992 à 1997. Le soutien du régime afghan des talibans a encouragé l'émergence en 1998 du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (MIO). Celui-ci est tenu pour responsable de l'attentat commis à Tachkent contre le président Karimov, le 16 février 1999. A la suite de cet attentat, 130 membres du MIO avaient été arrêtés.

Par ailleurs, le MIO procède régulièrement, sous la conduite de son principal chef de guerre, Djourna Namangani, à des incursions armées dans les zones frontalières du Tadjikistan et sur le pourtour de la vallée du Ferghana. L'écrasement du régime taliban a cependant amoindri les capacités opérationnelles de ce mouvement.

Pourtant, compte tenu du contexte politique (impopularité du régime, répression, absence d'opposition politique modérée, montée de la pauvreté et du mécontentement social, environnement régional instable, phénomènes mafieux liés en particulier au trafic de drogue), les mouvements islamistes bénéficient toujours d'un terrain propice à leur expansion. Ainsi, le parti Hizb-ut-Tahrir, qui partage les mêmes objectifs que le MIO (soit le remplacement des Etats laïques existants par un Califat, ainsi que l'instauration de la Charia), mais récuse la lutte armée, est durement réprimé par le gouvernement ouzbek.

La situation des droits de l'homme est préoccupante. Reconnaissant ces difficultés, le président de la République d'Ouzbékistan, Islam Karimov, a indiqué, lors d'une visite aux Etats-Unis, sa détermination à oeuvrer en faveur des réformes. Les tensions sociales sont cependant de plus en plus sensibles.

2. La situation économique

L'Ouzbékistan est un pays essentiellement agricole, qui dispose également d'importantes ressources minières (gaz, métaux non ferreux). Les exportations sont constituées, pour les deux tiers, par des matières premières. La situation économique du pays est stable mais fragile. Après l'indépendance, le président Karimov a fait le choix d'une stratégie de réforme graduelle visant notamment à atteindre l'autosuffisance énergétique et alimentaire. La croissance de l'économie s'est élevée à 4 % environ en 2000 et en 2001, mais le développement de l'économie a été freiné par la diminution de la production de coton liée à la sécheresse.

L'Ouzbékistan a moins souffert du choc de la transition que les pays voisins, et a retrouvé à peu près le niveau de son PIB de 1991. L'indépendance énergétique a été obtenue en 1997, grâce notamment à la mise en service de la raffinerie de Boukhara, construite par le groupe français Technip. L'Ouzbékistan est le premier producteur de gaz en Asie centrale, avec 59 milliards de m annuels, mais n'a pas accès à des marchés concurrentiels.

Un des objectifs prioritaire du gouvernement est d'assurer durablement l'autosuffisance alimentaire du pays. Les surfaces consacrées à la culture de céréales représentent 45 % des terres arables, ce qui a permis à l'Ouzbékistan de produire 3,8 millions de tonnes de céréales en 1998, niveau de production qu'il n'a cependant pas réussi à atteindre depuis.

a) Le processus de privatisation

Le processus de privatisation a été organisé en trois phases par une loi du 19 novembre 1991, mais il se révèle assez lent, et n'a pas obtenu les résultats escomptés en matière d'accueil des investissements étrangers.

La première phase concernait les habitations et les petites entreprises ayant essentiellement une activité de service. La deuxième phase, engagée en 1996, a reposé sur les fonds d'investissements qui acquièrent des participations dans le capital des moyennes entreprises pour les revendre ensuite. D'après les informations recueillies auprès de la mission économique française en Ouzbékistan, ces fonds d'investissement représenteraient encore près de 30 % du capital dans 80 % des entreprises privatisées. Selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), seulement un tiers du PIB de l'Ouzbékistan provenait du secteur privé en 1997.

La troisième phase du processus de privatisation, visant les grandes entreprises, a été engagée en 1998 avec le soutien de la Banque mondiale. La privatisation de 258 entreprises était prévue, avec des parts d'investissements étrangers souvent minoritaires. Le nombre d'entreprises à privatiser a été réduit à 162, avec des possibilités de prises de participation majoritaires étrangères plus nombreuses, mais les résultats obtenus sont restés largement en-deçà des attentes du gouvernement.

Un nouveau programme de privatisation sur deux années a été décidé au mois de mars 2001.

b) Un intérêt nouveau de la communauté internationale

Le regain d'intérêt des pays occidentaux et l'augmentation de l'assistance internationale depuis les attentats du 11 septembre 2001 devraient permettre de soutenir l'économie ouzbèke au cours des prochaines années. Les Etats-Unis auraient accordé à l'Ouzbékistan une aide de 160 millions de dollars, dont un tiers de crédits bonifiés ; la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) a accordé un crédit de 116,5 millions d'euros ; la Banque mondiale, un prêt de 36 millions de dollars, la Banque asiatique de développement s'engageant pour un montant identique, susceptible de tripler en 2003. Ces apports semblent avoir convaincu les dirigeants ouzbeks d'accélérer les réformes structurelles.

c) Des finances publiques équilibrées

Le déficit public primaire de l'Ouzékistan est limité (environ 3 % du PIB en 2001), grâce notamment à un montant de recettes fiscales relativement élevé (environ 30 % du PIB). Du fait d'une régulation stricte des importations, la balance commerciale est traditionnellement excédentaire, tandis que les exportations de services devraient s'accroître à terme, le gouvernement souhaitant valoriser le potentiel touristique de la « route de la soie ». La dette extérieure garantie par le gouvernement s'élève à 4,6 milliards de dollars, et le service de la dette, qui a atteint en 2001 environ le tiers des recettes d'exportation, devrait diminuer à terme. Il convient de souligner que l'Ouzbékistan a toujours honoré ses engagements vis-à-vis des institutions financières internationales, des créanciers bilatéraux et des banques.

d) Le commerce extérieur et les investissements directs étrangers

Les résultats du commerce extérieur ouzbek sont tributaires de la production de coton (qui représente 27,5 % des recettes d'exportation), et dont l'Ouzbékistan est le cinquième producteur et le deuxième exportateur mondial. L'or constitue la deuxième source de rentrée de devises, avec une production annuelle de 80 tonnes.

Les principaux partenaires commerciaux de l'Ouzbékistan sont la Communauté des Etats Indépendants (CEI) et l'Union européenne. La première absorbe environ 35 % des échanges, et la seconde, 18 %. La Russie est le premier fournisseur et le premier client de l'Ouzbékistan (avec une part de marché de, respectivement, 16 % et 17 %). S'agissant des fournisseurs, la Corée du sud arrive au second rang avec 9,8 %, suivie par les Etats-Unis et l'Allemagne, avec 8,7 %.

L'Ouzbékistan détient l'un des stocks d'investissements directs étrangers les plus faibles parmi les pays de la CEI, avec 956 millions de dollars en 2001. Cette faible performance s'explique par l'enclavement géographique du pays, mais aussi par un cadre légal peu favorable aux investisseurs étrangers. Ainsi, l'Ouzbékistan a durci sa politique en matière de contrôle des changes depuis 1997, en attribuant des quotas trimestriels de devises étrangères aux sociétés ouzbèkes titulaires d'une licence de convertibilité de la Banque centrale. En 1999, le président s'est engagé à libéraliser rapidement le marché des changes. Par la suite, il a reporté cet engagement, et plusieurs taux de change continuent d'exister. L'accès aux devises demeure donc très restreint, ce qui constitue de facto une barrière à l'accès au marché.

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